"Les enfants souhaitent apprendre le français avec leurs parents. Ils leur obĂ©issent." Voici un point difficile de la langue française faut-il Ă©crire "leur" au singulier ou "leurs" au pluriel. Il n'est pas toujours facile de distinguer les trois cas d'usage selon que "leur" est un pronom ou un adjectif possessif. On vous explique tout dans cet article. On Ă©crit leur » ou leurs » ? Quand "leur" est un pronom personnel "leur" est un pronom personnel lorsqu'il est placĂ© devant un verbe dont il devient le complĂ©ment d'objet indirect. Dans ce cas, "leur" est invariable. Lorsqu'il est un pronom personnel, "leur" Ă eux, Ă elles » est tout simplement le pluriel de "lui" Ă lui, Ă elle ». Exemples Elle leur a servi le cafĂ© comme les autres jours. Bernanos, M. Ouine, 1943 Avant de les faire cuire, elle leur ĂŽte le gĂ©sier. Giono, Regain, 1930 Et avec ses outils ses fils hĂ©riteront, ses enfants hĂ©riteront. Ce qu'il leur a donnĂ©, ce que nul ne pourrait leur ĂŽter. PĂ©guy, Porche Myst., 1911 Quand "leur" est un pronom possessif dans ce cas, "leur" est prĂ©cĂ©dĂ© et dĂ©terminĂ© par un article la, le, les ». Il s'accorde alors en nombre avec l'article qui le prĂ©cĂšde, mais jamais en genre. Il sera donc toujours au masculin. Cette forme se rĂ©sume Ă trois variantes le leur, la leur, les leurs et aux contractions avec les prĂ©positions "Ă " et "de" au leur, aux leurs, du leur, des leurs. Recevez nos nouveaux articles par courriel Inscrivez-vous Ă notre lettre d'information hebdomadaire pour recevoir tous nos nouveaux articles, gratuitement. Vous pouvez vous dĂ©sabonner Ă tout moment. Exemples Maintenant, moi, j'ai fait mon devoir; voyons si les autres feront le leur. Meilhac, HalĂ©vy, Froufrou,1 869 Nos gĂ©nĂ©raux et nos Ă©tats-majors ne le cĂšdent en rien aux leurs. De Gaulle, MĂ©moires de guerre, 1954 Mon frĂšre, mon frĂšre, la malĂ©diction de nos enfants est Ă©pouvantable; ils peuvent appeler de la nĂŽtre , mais la leur est irrĂ©vocable. Balzac, E. Grandet, 1834 Quand "leur" est un adjectif possessif lorsque "leur" est placĂ© devant un nom, il indique Ă qui appartient l'Ă©lĂ©ment reprĂ©sentĂ© par le nom. Dans ce cas, on accorde en nombre avec le nom et jamais en genre, Ă l'instar d'autres dĂ©terminants comme son/sa/ses qui ont la mĂȘme fonction lorsqu'il n'y a qu'un possesseur. Une astuce consiste Ă se dire qu'on est en prĂ©sence d'un adjectif possessif si on peut le remplacer par "ce", "cette" ou "ces". Exemples Ils partageraient leur temps entre la rĂ©daction de leur livre, le jardinage et la peinture murale. Simone de Beauvoir, Mandarins,1954 Ils oublient tout, tout au monde, leur maison, leur famille, leurs enfants, leurs affaires, leurs soucis pour regarder dans les remous ce petit flotteur qui bouge. Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, Jour de fĂȘte, 1886 Exiger qu'on pousse Ă leurs derniĂšres consĂ©quences les hĂ©rĂ©sies qui les avaient dĂ©trĂŽnĂ©s. Renan, Avenir sc., 1890 Vous savez dĂ©sormais quand mettre "leur" au singulier ou au pluriel, selon qu'il est un pronom ou un adjectif. Rappelez-vous que pour ce genre de rĂšgles grammaticales, la lecture rĂ©guliĂšre de la littĂ©rature francophone vous permettra de ne plus faire de faute d'orthographe. Amusez-vous Ă y dĂ©nicher les diffĂ©rents usages des pronoms et adjectifs ! Pour soutenir notre travail, vous pouvez aussi partager cet article et laisser un commentaire.
1 Remonte-toi le moral chaque jour. Cela n'a pas besoin d'ĂȘtre une sĂ©ance de torture si tu adoptes la bonne attitude, mĂȘme si tu dois te rendre au cours le plus dĂ©testĂ© de tous. Monte un petit rituel pour toi-mĂȘme quand tu sais que tu dois te rendre Ă un cours horrible pour te donner la force d'aller jusqu'au bout.Marivaux ThĂ©ĂÂątre complet. Tome second L'Ecole des mĂšres Acteurs ComĂ©die en un acte reprĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois par les comĂ©diens Italiens le 25 juillet 1732 Acteurs Madame Argante. AngĂ©lique, fille de Madame Argante. Lisette, suivante d'AngĂ©lique. Eraste, amant d'AngĂ©lique, sous le nom de La RamĂ©e. Damis, pĂšre d'Eraste, autre amant d'AngĂ©lique. Frontin, valet de Madame Argante. Champagne, valet de Monsieur Damis. La scĂšne est dans l'appartement de Madame Argante. ScĂšne PremiĂšre Eraste, sous le nom de La RamĂ©e et avec une livrĂ©e, Lisette Lisette. - Oui, vous voilĂ fort bien dĂ©guisĂ©, et avec cet habit-lĂ , vous disant mon cousin, je crois que vous pouvez paraĂtre ici en toute sĂ»retĂ©; il n'y a que votre air qui n'est pas trop d'accord avec la livrĂ©e. Eraste. - Il n'y a rien Ă craindre; je n'ai pas mĂÂȘme, en entrant, fait mention de notre parentĂ©. J'ai dit que je voulais te parler, et l'on m'a rĂ©pondu que je te trouverais ici, sans m'en demander davantage. Lisette. - Je crois que vous devez ĂÂȘtre content du zĂšle avec lequel je vous sers je m'expose Ă tout, et ce que je fais pour vous n'est pas trop dans l'ordre; mais vous ĂÂȘtes un honnĂÂȘte homme; vous aimez ma jeune maĂtresse, elle vous aime; je crois qu'elle sera plus heureuse avec vous qu'avec celui que sa mĂšre lui destine, et cela calme un peu mes scrupules. Eraste. - Elle m'aime, dis-tu? Lisette, puis-je me flatter d'un si grand bonheur? Moi qui ne l'ai vue qu'en passant dans nos promenades, qui ne lui ai prouvĂ© mon amour que par mes regards, et qui n'ai pu lui parler que deux fois pendant que sa mĂšre s'Ă©cartait avec d'autres dames! elle m'aime? Lisette. - TrĂšs tendrement, mais voici un domestique de la maison qui vient; c'est Frontin, qui ne me hait pas, faites bonne contenance. ScĂšne II Frontin, Lisette, Eraste Frontin. - Ah! te voilĂ , Lisette. Avec qui es-tu donc lĂ ? Lisette. - Avec un de mes parents qui s'appelle La RamĂ©e, et dont le maĂtre, qui est ordinairement en province, est venu ici pour affaire; et il profite du sĂ©jour qu'il y fait pour me voir. Frontin. - Un de tes parents, dis-tu? Lisette. - Oui. Frontin. - C'est-Ă -dire un cousin? Lisette. - Sans doute. Frontin. - Hum! il a l'air d'un cousin de bien loin il n'a point la tournure d'un parent, ce garçon-lĂ . Lisette. - Qu'est-ce que tu veux dire avec ta tournure? Frontin. - Je veux dire que ce n'est, par ma foi, que de la fausse monnaie que tu me donnes, et que si le diable emportait ton cousin il ne t'en resterait pas un parent de moins. Eraste. - Et pourquoi pensez-vous qu'elle vous trompe? Frontin. - Hum! quelle physionomie de fripon! Mons de La RamĂ©e, je vous avertis que j'aime Lisette, et que je veux l'Ă©pouser tout seul. Lisette. - Il est pourtant nĂ©cessaire que je lui parle pour une affaire de famille qui ne te regarde pas. Frontin. - Oh! parbleu! que les secrets de ta famille s'accommodent, moi, je reste. Lisette. - Il faut prendre son parti. Frontin... Frontin. - AprĂšs? Lisette. - Serais-tu capable de rendre service Ă un honnĂÂȘte homme, qui t'en rĂ©compenserait bien? Frontin. - HonnĂÂȘte homme ou non, son honneur est de trop, dĂšs qu'il rĂ©compense. Lisette. - Tu sais Ă qui Madame marie AngĂ©lique, ma maĂtresse? Frontin. - Oui, je pense que c'est Ă peu prĂšs soixante ans qui en Ă©pousent dix-sept. Lisette. - Tu vois bien que ce mariage-lĂ ne convient point. Frontin. - Oui il menace la stĂ©rilitĂ©, les hĂ©ritiers en seront nuls, ou auxiliaires. Lisette. - Ce n'est qu'Ă regret qu'AngĂ©lique obĂ©it, d'autant plus que le hasard lui a fait connaĂtre un aimable homme qui a touchĂ© son coeur. Frontin. - Le cousin La RamĂ©e pourrait bien nous venir de lĂ . Lisette. - Tu l'as dit; c'est cela mĂÂȘme. Eraste. - Oui, mon enfant, c'est moi. Frontin. - Eh! que ne le disiez-vous? En ce cas-lĂ , je vous pardonne votre figure, et je suis tout Ă vous. Voyons, que faut-il faire? Eraste. - Rien que favoriser une entrevue que Lisette va me procurer ce soir, et tu seras content de moi. Frontin. - Je le crois, mais qu'espĂ©rez-vous de cette entrevue? car on signe le contrat ce soir. Lisette. - Eh bien, pendant que la compagnie, avant le souper, sera dans l'appartement de Madame, Monsieur nous attendra dans cette salle-ci, sans lumiĂšre pour n'ĂÂȘtre point vu, et nous y viendrons, AngĂ©lique et moi, pour examiner le parti qu'il y aura Ă prendre. Frontin. - Ce n'est pas de l'entretien dont je doute mais Ă quoi aboutira-t-il? AngĂ©lique est une AgnĂšs Ă©levĂ©e dans la plus sĂ©vĂšre contrainte, et qui, malgrĂ© son penchant pour vous, n'aura que des regrets, des larmes et de la frayeur Ă vous donner est-ce que vous avez dessein de l'enlever? Eraste. - Ce serait un parti bien extrĂÂȘme. Frontin. - Et dont l'extrĂ©mitĂ© ne vous ferait pas grand-peur, n'est-il pas vrai? Lisette. - Pour nous, Frontin, nous ne nous chargeons que de faciliter l'entretien, auquel je serai prĂ©sente; mais de ce qu'on y rĂ©soudra, nous n'y trempons point, cela ne nous regarde pas. Frontin. - Oh! si fait, cela nous regarderait un peu, si cette petite conversation nocturne que nous leur mĂ©nageons dans la salle Ă©tait dĂ©couverte; d'autant plus qu'une des portes de la salle aboutit au jardin, que du jardin on va Ă une petite porte qui rend dans la rue, et qu'Ă cause de la salle oĂÂč nous les mettrons, nous rĂ©pondrons de toutes ces petites portes-lĂ , qui sont de notre connaissance. Mais tout coup vaille; pour se mettre Ă son aise, il faut quelquefois risquer son honneur, il s'agit d'ailleurs d'une jeune victime qu'on veut sacrifier, et je crois qu'il est gĂ©nĂ©reux d'avoir part Ă sa dĂ©livrance, sans s'embarrasser de quelle façon elle s'opĂ©rera Monsieur payera bien, cela grossira ta dot, et nous ferons une action qui joindra l'utile au louable. Eraste. - Ne vous inquiĂ©tez de rien, je n'ai point envie d'enlever AngĂ©lique, et je ne veux que l'exciter Ă refuser l'Ă©poux qu'on lui destine mais la nuit s'approche, oĂÂč me retirerai-je en attendant le moment oĂÂč je verrai AngĂ©lique? Lisette. - Comme on ne sait encore qui vous ĂÂȘtes, en cas qu'on vous fĂt quelques questions, au lieu d'ĂÂȘtre mon parent, soyez celui de Frontin, et retirez-vous dans sa chambre, qui est Ă cĂÂŽtĂ© de cette salle, et d'oĂÂč Frontin pourra vous amener, quand il faudra. Frontin. - Oui-da, Monsieur, disposez de mon appartement. Lisette. - Allez tout Ă l'heure; car il faut que je prĂ©vienne AngĂ©lique, qui assurĂ©ment sera charmĂ©e de vous voir, mais qui ne sait pas que vous ĂÂȘtes ici, et Ă qui je dirai d'abord qu'il y a un domestique dans la chambre de Frontin qui demande Ă lui parler de votre part mais sortez, j'entends quelqu'un qui vient. Frontin. - Allons, cousin, sauvons-nous. Lisette. - Non, restez c'est la mĂšre d'AngĂ©lique, elle vous verrait fuir, il vaut mieux que vous demeuriez. ScĂšne III Lisette, Frontin, Eraste, Madame Argante Madame Argante. - OĂÂč est ma fille, Lisette? Lisette. - Apparemment qu'elle est dans sa chambre, Madame. Madame Argante. - Qui est ce garçon-lĂ ? Frontin. - Madame, c'est un garçon de condition, comme vous voyez, qui m'est venu voir, et Ă qui je m'intĂ©resse parce que nous sommes fils des deux frĂšres; il n'est pas content de son maĂtre, ils se sont brouillĂ©s ensemble, et il vient me demander si je ne sais pas quelque maison dont il pĂ»t s'accommoder... Madame Argante. - Sa physionomie est assez bonne; chez qui avez-vous servi, mon enfant? Eraste. - Chez un officier du rĂ©giment du Roi, Madame. Madame Argante. - Eh bien, je parlerai de vous Ă Monsieur Damis, qui pourra vous donner Ă ma fille; demeurez ici jusqu'Ă ce soir, et laissez-nous. Restez, Lisette. ScĂšne IV Madame Argante, Lisette Madame Argante. - Ma fille vous dit assez volontiers ses sentiments, Lisette; dans quelle disposition d'esprit est-elle pour le mariage que nous allons conclure? Elle ne m'a marquĂ©, du moins, aucune rĂ©pugnance. Lisette. - Ah! Madame, elle n'oserait vous en marquer, quand elle en aurait; c'est une jeune et timide personne, Ă qui jusqu'ici son Ă©ducation n'a rien appris qu'Ă obĂ©ir. Madame Argante. - C'est, je pense, ce qu'elle pouvait apprendre de mieux Ă son ĂÂąge. Lisette. - Je ne dis pas le contraire. Madame Argante. - Mais enfin, vous paraĂt-elle contente? Lisette. - Y peut-on rien connaĂtre? vous savez qu'Ă peine ose-t-elle lever les yeux, tant elle a peur de sortir de cette modestie sĂ©vĂšre que vous voulez qu'elle ait; tout ce que j'en sais, c'est qu'elle est triste. Madame Argante. - Oh! je le crois, c'est une marque qu'elle a le coeur bon elle va se marier, elle me quitte, elle m'aime, et notre sĂ©paration est douloureuse. Lisette. - Eh! eh! ordinairement, pourtant, une fille qui va se marier est assez gaie. Madame Argante. - Oui, une fille dissipĂ©e, Ă©levĂ©e dans un monde coquet, qui a plus entendu parler d'amour que de vertu, et que mille jeunes Ă©tourdis ont eu l'impertinente libertĂ© d'entretenir de cajoleries; mais une fille retirĂ©e, qui vit sous les yeux de sa mĂšre, et dont rien n'a gĂÂątĂ© ni le coeur ni l'esprit, ne laisse pas que d'ĂÂȘtre alarmĂ©e quand elle change d'Ă©tat. Je connais AngĂ©lique et la simplicitĂ© de ses moeurs; elle n'aime pas le monde, et je suis sĂ»re qu'elle ne me quitterait jamais, si je l'en laissais la maĂtresse. Lisette. - Cela est singulier. Madame Argante. - Oh! j'en suis sĂ»re. A l'Ă©gard du mari que je lui donne, je ne doute pas qu'elle n'approuve mon choix; c'est un homme trĂšs riche, trĂšs raisonnable. Lisette. - Pour raisonnable, il a eu le temps de le devenir. Madame Argante. - Oui, un peu vieux, Ă la vĂ©ritĂ©, mais doux, mais complaisant, attentif, aimable. Lisette. - Aimable! Prenez donc garde, Madame, il a soixante ans, cet homme. Madame Argante. - Il est bien question de l'ĂÂąge d'un mari avec une fille Ă©levĂ©e comme la mienne! Lisette. - Oh! s'il n'en est pas question avec Mademoiselle votre fille, il n'y aura guĂšre eu de prodige de cette force-lĂ ! Madame Argante. - Qu'entendez-vous avec votre prodige? Lisette. - J'entends qu'il faut, le plus qu'on peut, mettre la vertu des gens Ă son aise, et que celle d'AngĂ©lique ne sera pas sans fatigue. Madame Argante. - Vous avez de sottes idĂ©es, Lisette; les inspirez-vous Ă ma fille? Lisette. - Oh! que non, Madame, elle les trouvera bien sans que je m'en mĂÂȘle. Madame Argante. - Et pourquoi, de l'humeur dont elle est, ne serait-elle pas heureuse? Lisette. C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont vous dites, cette humeur-lĂ n'existe nulle part. Madame Argante. - Il faudrait qu'elle l'eĂ»t bien difficile, si elle ne s'accommodait pas d'un homme qui l'adorera. Lisette. - On adore mal Ă son ĂÂąge. Madame Argante. - Qui ira au-devant de tous ses dĂ©sirs. Lisette. - Ils seront donc bien modestes. Madame Argante. - Taisez-vous; je ne sais de quoi je m'avise de vous Ă©couter. Lisette. - Vous m'interrogez, et je vous rĂ©ponds sincĂšrement. Madame Argante. - Allez dire Ă ma fille qu'elle vienne. Lisette. - Il n'est pas besoin de l'aller chercher, Madame, la voilĂ qui passe, et je vous laisse. ScĂšne V AngĂ©lique, Madame Argante Madame Argante. - Venez, AngĂ©lique, j'ai Ă vous parler. AngĂ©lique, modestement. - Que souhaitez-vous, ma mĂšre? Madame Argante. - Vous voyez, ma fille, ce que je fais aujourd'hui pour vous; ne tenez-vous pas compte Ă ma tendresse du mariage avantageux que je vous procure? AngĂ©lique, faisant la rĂ©vĂ©rence. - Je ferai tout ce qu'il vous plaira, ma mĂšre. Madame Argante. - Je vous demande si vous me savez grĂ© du parti que je vous donne? Ne trouvez-vous pas qu'il est heureux pour vous d'Ă©pouser un homme comme Monsieur Damis, dont la fortune, dont le caractĂšre sĂ»r et plein de raison, vous assurent une vie douce et paisible, telle qu'il convient Ă vos moeurs et aux sentiments que je vous ai toujours inspirĂ©s? Allons, rĂ©pondez, ma fille! AngĂ©lique. - Vous me l'ordonnez donc? Madame Argante. - Oui, sans doute. Voyez, n'ĂÂȘtes-vous pas satisfaite de votre sort? AngĂ©lique. - Mais... Madame Argante. - Quoi! mais! je veux qu'on me rĂ©ponde raisonnablement; je m'attends Ă votre reconnaissance, et non pas Ă des mais. AngĂ©lique, saluant. - Je n'en dirai plus, ma mĂšre. Madame Argante. - Je vous dispense des rĂ©vĂ©rences; dites-moi ce que vous pensez. AngĂ©lique. - Ce que je pense? Madame Argante. - Oui comment regardez-vous le mariage en question? AngĂ©lique. - Mais... Madame Argante. - Toujours des mais! AngĂ©lique. - Je vous demande pardon; je n'y songeais pas, ma mĂšre. Madame Argante. - Eh bien, songez-y donc, et souvenez-vous qu'ils me dĂ©plaisent. Je vous demande quelles sont les dispositions de votre coeur dans cette conjoncture-ci. Ce n'est pas que je doute que vous soyez contente, mais je voudrais vous l'entendre dire vous-mĂÂȘme. AngĂ©lique. - Les dispositions de mon coeur! Je tremble de ne pas rĂ©pondre Ă votre fantaisie. Madame Argante. - Et pourquoi ne rĂ©pondriez-vous pas Ă ma fantaisie? AngĂ©lique. - C'est que ce que je dirais vous fĂÂącherait peut-ĂÂȘtre. Madame Argante. - Parlez bien, et je ne me fĂÂącherai point. Est-ce que vous n'ĂÂȘtes point de mon sentiment? Etes-vous plus sage que moi? AngĂ©lique. - C'est que je n'ai point de dispositions dans le coeur. Madame Argante. - Et qu'y avez-vous donc, Mademoiselle? AngĂ©lique. - Rien du tout. Madame Argante. - Rien! qu'est-ce que rien? Ce mariage ne vous plaĂt donc pas? AngĂ©lique. - Non. Madame Argante, en colĂšre. - Comment! il vous dĂ©plaĂt? AngĂ©lique. - Non, ma mĂšre. Madame Argante. - Eh! parlez donc! car je commence Ă vous entendre c'est-Ă -dire, ma fille, que vous n'avez point de volontĂ©? AngĂ©lique. - J'en aurai pourtant une, si vous le voulez. Madame Argante. - Il n'est pas nĂ©cessaire; vous faites encore mieux d'ĂÂȘtre comme vous ĂÂȘtes; de vous laisser conduire, et de vous en fier entiĂšrement Ă moi. Oui, vous avez raison, ma fille; et ces dispositions d'indiffĂ©rence sont les meilleures. Aussi voyez-vous que vous en ĂÂȘtes rĂ©compensĂ©e; je ne vous donne pas un jeune extravagant qui vous nĂ©gligerait peut-ĂÂȘtre au bout de quinze jours, qui dissiperait son bien et le vĂÂŽtre, pour courir aprĂšs mille passions libertines; je vous marie Ă un homme sage, Ă un homme dont le coeur est sĂ»r, et qui saura tout le prix de la vertueuse innocence du vĂÂŽtre. AngĂ©lique. - Pour innocente, je le suis. Madame Argante. - Oui, grĂÂąces Ă mes soins, je vous vois telle que j'ai toujours souhaitĂ© que vous fussiez; comme il vous est familier de remplir vos devoirs, les vertus dont vous allez avoir besoin ne vous coĂ»teront rien; et voici les plus essentielles; c'est, d'abord, de n'aimer que votre mari. AngĂ©lique. - Et si j'ai des amis, qu'en ferai-je? Madame Argante. - Vous n'en devez point avoir d'autres que ceux de Monsieur Damis, aux volontĂ©s de qui vous vous conformerez toujours, ma fille; nous sommes sur ce pied-lĂ dans le mariage. AngĂ©lique. - Ses volontĂ©s? Et que deviendront les miennes? Madame Argante. - Je sais que cet article a quelque chose d'un peu mortifiant; mais il faut s'y rendre, ma fille. C'est une espĂšce de loi qu'on nous a imposĂ©e; et qui dans le fond nous fait honneur, car entre deux personnes qui vivent ensemble, c'est toujours la plus raisonnable qu'on charge d'ĂÂȘtre la plus docile, et cette docilitĂ©-lĂ vous sera facile; car vous n'avez jamais eu de volontĂ© avec moi, vous ne connaissez que l'obĂ©issance. AngĂ©lique. - Oui, mais mon mari ne sera pas ma mĂšre. Madame Argante. - Vous lui devez encore plus qu'Ă moi, AngĂ©lique, et je suis sĂ»re qu'on n'aura rien Ă vous reprocher lĂ -dessus. Je vous laisse, songez Ă tout ce que je vous ai dit; et surtout gardez ce goĂ»t de retraite, de solitude, de modestie, de pudeur qui me charme en vous; ne plaisez qu'Ă votre mari, et restez dans cette simplicitĂ© qui ne vous laisse ignorer que le mal. Adieu, ma fille. ScĂšne VI AngĂ©lique, Lisette AngĂ©lique, un moment seule. - Qui ne me laisse ignorer que le mal! Et qu'en sait-elle? Elle l'a donc appris? Eh bien, je veux l'apprendre aussi. Lisette survient. - Eh bien, Mademoiselle, Ă quoi en ĂÂȘtes-vous? AngĂ©lique. - J'en suis Ă m'affliger, comme tu vois. Lisette. - Qu'avez-vous dit Ă votre mĂšre? AngĂ©lique. - Eh! tout ce qu'elle a voulu. Lisette. - Vous Ă©pouserez donc Monsieur Damis? AngĂ©lique. - Moi, l'Ă©pouser! Je t'assure que non; c'est bien assez qu'il m'Ă©pouse. Lisette. - Oui, mais vous n'en serez pas moins sa femme. AngĂ©lique. - Eh bien, ma mĂšre n'a qu'Ă l'aimer pour nous deux; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste. Lisette. - Il le mĂ©rite bien. AngĂ©lique. - Oh! pour cela, oui. C'est lui qui est aimable, qui est complaisant, et non pas ce Monsieur Damis que ma mĂšre a Ă©tĂ© prendre je ne sais oĂÂč, qui ferait bien mieux d'ĂÂȘtre mon grand-pĂšre que mon mari, qui me glace quand il me parle, et qui m'appelle toujours ma belle personne; comme si on s'embarrassait beaucoup d'ĂÂȘtre belle ou laide avec lui au lieu que tout ce que me dit Eraste est si touchant! on voit que c'est du fond du coeur qu'il parle; et j'aimerais mieux ĂÂȘtre sa femme seulement huit jours, que de l'ĂÂȘtre toute ma vie de l'autre. Lisette. - On dit qu'il est au dĂ©sespoir, Eraste. AngĂ©lique. - Eh! comment veut-il que je fasse? HĂ©las! je sais bien qu'il sera inconsolable N'est-on pas bien Ă plaindre, quand on s'aime tant, de n'ĂÂȘtre pas ensemble? Ma mĂšre dit qu'on est obligĂ© d'aimer son mari; eh bien! qu'on me donne Eraste; je l'aimerai tant qu'on voudra, puisque je l'aime avant que d'y ĂÂȘtre obligĂ©e, je n'aurai garde d'y manquer quand il le faudra, cela me sera bien commode. Lisette. - Mais avec ces sentiments-lĂ , que ne refusez-vous courageusement Damis? il est encore temps; vous ĂÂȘtes d'une vivacitĂ© Ă©tonnante avec moi, et vous tremblez devant votre mĂšre. Il faudrait lui dire ce soir Cet homme-lĂ est trop vieux pour moi; je ne l'aime point, je le hais, je le haĂÂŻrai, et je ne saurais l'Ă©pouser. AngĂ©lique. - Tu as raison mais quand ma mĂšre me parle, je n'ai plus d'esprit; cependant je sens que j'en ai assurĂ©ment; et j'en aurais bien davantage, si elle avait voulu; mais n'ĂÂȘtre jamais qu'avec elle, n'entendre que des prĂ©ceptes qui me lassent, ne faire que des lectures qui m'ennuient, est-ce lĂ le moyen d'avoir de l'esprit? qu'est-ce que cela apprend? Il y a des petites filles de sept ans qui sont plus avancĂ©es que moi. Cela n'est-il pas ridicule? je n'ose pas seulement ouvrir ma fenĂÂȘtre. Voyez, je vous prie, de quel air on m'habille? suis-je vĂÂȘtue comme une autre? regardez comme me voilĂ faite Ma mĂšre appelle cela un habit modeste il n'y a donc de la modestie nulle part qu'ici? car je ne vois que moi d'enveloppĂ©e comme cela; aussi suis-je d'une enfance, d'une curiositĂ©! Je ne porte point de ruban, mais qu'est-ce que ma mĂšre y gagne? que j'ai des Ă©motions quand j'en aperçois. Elle ne m'a laissĂ© voir personne, et avant que je connusse Eraste, le coeur me battait quand j'Ă©tais regardĂ©e par un jeune homme. VoilĂ pourtant ce qui m'est arrivĂ©. Lisette. - Votre naĂÂŻvetĂ© me fait rire. AngĂ©lique. - Mais est-ce que je n'ai pas raison? Serais-je de mĂÂȘme si j'avais joui d'une libertĂ© honnĂÂȘte? En vĂ©ritĂ©, si je n'avais pas le coeur bon, tiens, je crois que je haĂÂŻrais ma mĂšre, d'ĂÂȘtre cause que j'ai des Ă©motions pour des choses dont je suis sĂ»re que je ne me soucierais pas si je les avais. Aussi, quand je serai ma maĂtresse! laisse-moi faire, va... je veux savoir tout ce que les autres savent. Lisette. - Je m'en fie bien Ă vous. AngĂ©lique. - Moi qui suis naturellement vertueuse, sais-tu bien que je m'endors quand j'entends parler de sagesse? Sais-tu bien que je serai fort heureuse de n'ĂÂȘtre pas coquette? Je ne la serai pourtant pas; mais ma mĂšre mĂ©riterait bien que je la devinsse. Lisette. - Ah! si elle pouvait vous entendre et jouir du fruit de sa sĂ©vĂ©ritĂ©! Mais parlons d'autre chose. Vous aimez Eraste? AngĂ©lique. - Vraiment oui, je l'aime, pourvu qu'il n'y ait point de mal Ă avouer cela; car je suis si ignorante! Je ne sais point ce qui est permis ou non, au moins. Lisette. - C'est un aveu sans consĂ©quence avec moi. AngĂ©lique. - Oh! sur ce pied-lĂ je l'aime beaucoup, et je ne puis me rĂ©soudre Ă le perdre. Lisette. - Prenez donc une bonne rĂ©solution de n'ĂÂȘtre pas Ă un autre. Il y a ici un domestique Ă lui qui a une lettre Ă vous rendre de sa part. AngĂ©lique, charmĂ©e. - Une lettre de sa part, et tu ne m'en disais rien! OĂÂč est-elle? Oh! que j'aurai de plaisir Ă la lire! donne-moi-la donc! OĂÂč est ce domestique? Lisette. - Doucement! modĂ©rez cet empressement-lĂ ; cachez-en du moins une partie Ă Eraste si par hasard vous lui parliez, il y aurait du trop. AngĂ©lique. - Oh! dame, c'est encore ma mĂšre qui en est cause. Mais est-ce que je pourrai le voir? Tu me parles de lui et de sa lettre, et je ne vois ni l'un ni l'autre. ScĂšne VII Lisette, AngĂ©lique, Frontin, Eraste Lisette, Ă AngĂ©lique. - Tenez, voici ce domestique que Frontin nous amĂšne. AngĂ©lique. - Frontin ne dira-t-il rien Ă ma mĂšre? Lisette. - Ne craignez rien, il est dans vos intĂ©rĂÂȘts, et ce domestique passe pour son parent. Frontin, tenant une lettre. - Le valet de Monsieur Eraste vous apporte une lettre que voici, Madame. AngĂ©lique, gravement. - Donnez. A Lisette. Suis-je assez sĂ©rieuse? Lisette. - Fort bien. AngĂ©lique lit. - Que viens-je d'apprendre! on dit que vous vous mariez ce soir. Si vous concluez sans me permettre de vous voir, je ne me soucie plus de la vie. Et en s'interrompant. Il ne se soucie plus de la vie, Lisette! Elle achĂšve de lire. Adieu; j'attends votre rĂ©ponse, et je me meurs. AprĂšs qu'elle a lu. Cette lettre-lĂ me pĂ©nĂštre; il n'y a point de modĂ©ration qui tienne, Lisette; il faut que je lui parle, et je ne veux pas qu'il meure. Allez lui dire qu'il vienne; on le fera entrer comme on pourra. Eraste, se jetant Ă ses genoux. - Vous ne voulez point que je meure, et vous vous mariez, AngĂ©lique! AngĂ©lique. - Ah! c'est vous, Eraste? Eraste. - A quoi vous dĂ©terminez-vous donc? AngĂ©lique. - Je ne sais; je suis trop Ă©mue pour vous rĂ©pondre. Levez-vous. Eraste, se levant. - Mon dĂ©sespoir vous touchera-t-il? AngĂ©lique. - Est-ce que vous n'avez pas entendu ce que j'ai dit? Eraste. - Il m'a paru que vous m'aimiez un peu. AngĂ©lique. - Non, non, il vous a paru mieux que cela; car j'ai dit bien franchement que je vous aime mais il faut m'excuser, Eraste, car je ne savais pas que vous Ă©tiez lĂ . Eraste. - Est-ce que vous seriez fĂÂąchĂ©e de ce qui vous est Ă©chappĂ©? AngĂ©lique. - Moi, fĂÂąchĂ©e? au contraire, je suis bien aise que vous l'ayez appris sans qu'il y ait de ma faute; je n'aurai plus la peine de vous le cacher. Frontin. - Prenez garde qu'on ne vous surprenne. Lisette. - Il a raison; je crois que quelqu'un vient; retirez-vous, Madame. AngĂ©lique. - Mais je crois que vous n'avez pas eu le temps de me dire tout. Eraste. - HĂ©las! Madame, je n'ai encore fait que vous voir et j'ai besoin d'un entretien pour vous rĂ©soudre Ă me sauver la vie. AngĂ©lique, en s'en allant. - Ne lui donneras-tu pas le temps de me rĂ©soudre, Lisette? Lisette. - Oui, Frontin et moi nous aurons soin de tout vous allez vous revoir bientĂÂŽt; mais retirez-vous. ScĂšne VIII Lisette, Frontin, Eraste, Champagne Lisette. - Qui est-ce qui entre lĂ ? c'est le valet de Monsieur Damis. Eraste, vite. - Eh! d'oĂÂč le connaissez-vous? c'est le valet de mon pĂšre, et non pas de Monsieur Damis qui m'est inconnu. Lisette. - Vous vous trompez; ne vous dĂ©concertez pas. Champagne. - Bonsoir, la jolie fille, bonsoir, Messieurs; je viens attendre ici mon maĂtre qui m'envoie dire qu'il va venir; et je suis charmĂ© d'une rencontre... En regardant Eraste. Mais comment appelez-vous Monsieur? Eraste. - Vous importe-t-il de savoir que je m'appelle La RamĂ©e? Champagne. - La RamĂ©e? Et pourquoi est-ce que vous portez ce visage-lĂ ? Eraste. - Pourquoi? la belle question! parce que je n'en ai pas reçu d'autre. Adieu, Lisette; le dĂ©but de ce butor-lĂ m'ennuie. ScĂšne IX Champagne, Frontin, Lisette Frontin. - Je voudrais bien savoir Ă qui tu en as! Est-ce qu'il n'est pas permis Ă mon cousin La RamĂ©e d'avoir son visage? Champagne. - Je veux bien que Monsieur La RamĂ©e en ait un; mais il ne lui est pas permis de se servir de celui d'un autre. Lisette. - Comment, celui d'un autre! qu'est-ce que cette folie-lĂ ? Champagne. - Oui, celui d'un autre en un mot, cette mine-lĂ ne lui appartient point; elle n'est point Ă sa place ordinaire, ou bien j'ai vu la pareille Ă quelqu'un que je connais. Frontin, riant. - C'est peut-ĂÂȘtre une physionomie Ă la mode, et La RamĂ©e en aura pris une. Lisette, riant. - VoilĂ bien, en effet, des discours d'un butor comme toi, Champagne est-ce qu'il n'y a pas mille gens qui se ressemblent? Champagne. - Cela est vrai; mais qu'il appartienne Ă ce qu'il voudra, je ne m'en soucie guĂšre; chacun a le sien; il n'y a que vous, Mademoiselle Lisette, qui n'avez celui de personne, car vous ĂÂȘtes plus jolie que tout le monde il n'y a rien de si aimable que vous. Frontin. - Halte-lĂ ! laisse ce minois-lĂ en repos; ton Ă©loge le dĂ©shonore. Champagne. - Ah! Monsieur Frontin, ce que j'en dis, c'est en cas que vous n'aimiez pas Lisette, comme cela peut arriver; car chacun n'est pas du mĂÂȘme goĂ»t. Frontin. - Paix! vous dis-je; car je l'aime. Champagne. - Et vous, Mademoiselle Lisette? Lisette. - Tu joues de malheur, car je l'aime. Champagne. - Je l'aime, partout je l'aime! Il n'y aura donc rien pour moi? Lisette, en s'en allant. - Une rĂ©vĂ©rence de ma part. Frontin, en s'en allant. - Des injures de la mienne, et quelques coups de poing, si tu veux. Champagne. - Ah! n'ai-je pas fait lĂ une belle fortune? ScĂšne X Monsieur Damis, Champagne Monsieur Damis. - Ah! te voilĂ ! Champagne. - Oui, Monsieur; on vient de m'apprendre qu'il n'y a rien pour moi, et ma part ne me donne pas une bonne opinion de la vĂÂŽtre. Monsieur Damis. - Qu'entends-tu par lĂ ? Champagne. - C'est que Lisette ne veut point de moi, et outre cela j'ai vu la physionomie de Monsieur votre fils sur le visage d'un valet. Monsieur Damis. - Je n'y comprends rien. Laisse-nous; voici Madame Argante et AngĂ©lique. ScĂšne XI Madame Argante, AngĂ©lique, Monsieur Damis Madame Argante. - Vous venez sans doute d'arriver, Monsieur? Monsieur Damis. - Oui, Madame, en ce moment. Madame Argante. - Il y a dĂ©jĂ bonne compagnie assemblĂ©e chez moi, c'est-Ă -dire, une partie de ma famille, avec quelques-uns de nos amis, car pour les vĂÂŽtres, vous n'avez pas voulu leur confier votre mariage. Monsieur Damis. - Non, Madame, j'ai craint qu'on n'enviĂÂąt mon bonheur et j'ai voulu me l'assurer en secret. Mon fils mĂÂȘme ne sait rien de mon dessein et c'est Ă cause de cela que je vous ai priĂ© de vouloir bien me donner le nom de Damis, au lieu de celui d'Orgon, qu'on mettra dans le contrat. Madame Argante. - Vous ĂÂȘtes le maĂtre, Monsieur; au reste, il n'appartient point Ă une mĂšre de vanter sa fille; mais je crois vous faire un prĂ©sent digne d'un honnĂÂȘte homme comme vous. Il est vrai que les avantages que vous lui faites... Monsieur Damis. - Oh! Madame, n'en parlons point, je vous prie; c'est Ă moi Ă vous remercier toutes deux, et je n'ai pas dĂ» espĂ©rer que cette belle personne fĂt grĂÂące au peu que je vaux. AngĂ©lique, Ă part. - Belle personne! Monsieur Damis. - Tous les trĂ©sors du monde ne sont rien au prix de la beautĂ© et de la vertu qu'elle m'apporte en mariage. Madame Argante. - Pour de la vertu, vous lui rendez justice. Mais, Monsieur, on vous attend; vous savez que j'ai permis que nos amis se dĂ©guisassent, et fissent une espĂšce de petit bal tantĂÂŽt; le voulez-vous bien? C'est le premier que ma fille aura vu. Monsieur Damis. - Comme il vous plaira, Madame. Madame Argante. - Allons donc joindre la compagnie. Monsieur Damis. - Oserais-je auparavant vous prier d'une chose, Madame? Daignez, Ă la faveur de notre union prochaine, m'accorder un petit moment d'entretien avec AngĂ©lique; c'est une satisfaction que je n'ai pas eu jusqu'ici. Madame Argante. - J'y consens, Monsieur, on ne peut vous le refuser dans la conjoncture prĂ©sente; et ce n'est pas apparemment pour Ă©prouver le coeur de ma fille? il n'est pas encore temps qu'il se dĂ©clare tout Ă fait; il doit vous suffire qu'elle obĂ©it sans rĂ©pugnance; et c'est ce que vous pouvez dire Ă Monsieur, AngĂ©lique; je vous le permets, entendez-vous? AngĂ©lique. - J'entends, ma mĂšre. ScĂšne XII AngĂ©lique, Monsieur Damis Monsieur Damis. - Enfin, charmante AngĂ©lique, je puis donc sans tĂ©moins vous jurer une tendresse Ă©ternelle il est vrai que mon ĂÂąge ne rĂ©pond pas au vĂÂŽtre. AngĂ©lique. - Oui, il y a bien de la diffĂ©rence. Monsieur Damis. - Cependant on me flatte que vous acceptez ma main sans rĂ©pugnance. AngĂ©lique. - Ma mĂšre le dit. Monsieur Damis. - Et elle vous a permis de me le confirmer vous-mĂÂȘme. AngĂ©lique. - Oui, mais on n'est pas obligĂ© d'user des permissions qu'on a. Monsieur Damis. - Est-ce par modestie, est-ce par dĂ©goĂ»t que vous me refusez l'aveu que je demande? AngĂ©lique. - Non, ce n'est pas par modestie. Monsieur Damis. - Que me dites-vous lĂ ! C'est donc par dĂ©goĂ»t?... Vous ne me rĂ©pondez rien? AngĂ©lique. - C'est que je suis polie. Monsieur Damis. - Vous n'auriez donc rien de favorable Ă me rĂ©pondre? AngĂ©lique. - Il faut que je me taise encore. Monsieur Damis. - Toujours par politesse? AngĂ©lique. - Oh! toujours. Monsieur Damis. - Parlez-moi franchement est-ce que vous me haĂÂŻssez? AngĂ©lique. - Vous embarrassez encore mon savoir-vivre. Seriez-vous bien aise, si je vous disais oui? Monsieur Damis. - Vous pourriez dire non. AngĂ©lique. - Encore moins, car je mentirais. Monsieur Damis. - Quoi! vos sentiments vont jusqu'Ă la haine, AngĂ©lique! J'aurais cru que vous vous contentiez de ne pas m'aimer. AngĂ©lique. - Si vous vous en contentez, et moi aussi, et s'il n'est pas malhonnĂÂȘte d'avouer aux gens qu'on ne les aime point, je ne serai plus embarrassĂ©e. Monsieur Damis. - Et vous me l'avoueriez! AngĂ©lique. - Tant qu'il vous plaira. Monsieur Damis. - C'est une rĂ©pĂ©tition dont je ne suis point curieux; et ce n'Ă©tait pas lĂ ce que votre mĂšre m'avait fait entendre. AngĂ©lique. - Oh! vous pouvez vous en fier Ă moi; je sais mieux cela que ma mĂšre, elle a pu se tromper; mais, pour moi, je vous dis la vĂ©ritĂ©. Monsieur Damis. - Qui est que vous ne m'aimez point? AngĂ©lique. - Oh! du tout; je ne saurais; et ce n'est pas par malice, c'est naturellement et vous, qui ĂÂȘtes, Ă ce qu'on dit, un si honnĂÂȘte homme, si, en faveur de ma sincĂ©ritĂ©, vous vouliez ne me plus aimer et me laisser lĂ , car aussi bien je ne suis pas si belle que vous le croyez, tenez, vous en trouverez cent qui vaudront mieux que moi. Monsieur Damis, les premiers mots Ă part. - Voyons si elle aime ailleurs. Mon intention, assurĂ©ment, n'est pas qu'on vous contraigne. AngĂ©lique. - Ce que vous dites lĂ est bien raisonnable, et je ferai grand cas de vous si vous continuez. Monsieur Damis. - Je suis mĂÂȘme fĂÂąchĂ© de ne l'avoir pas su plus tĂÂŽt. AngĂ©lique. - HĂ©las! si vous me l'aviez demandĂ©, je vous l'aurais dit. Monsieur Damis. - Et il faut y mettre ordre. AngĂ©lique. - Que vous ĂÂȘtes bon et obligeant! N'allez pourtant pas dire Ă ma mĂšre que je vous ai confiĂ© que je ne vous aime point, parce qu'elle se mettrait en colĂšre contre moi; mais faites mieux; dites-lui seulement que vous ne me trouvez pas assez d'esprit pour vous, que je n'ai pas tant de mĂ©rite que vous l'aviez cru, comme c'est la vĂ©ritĂ©; enfin, que vous avez encore besoin de vous consulter ma mĂšre, qui est fort fiĂšre, ne manquera pas de se choquer, elle rompra tout, notre mariage ne se fera point, et je vous aurai, je vous jure, une obligation infinie. Monsieur Damis. - Non, AngĂ©lique, non, vous ĂÂȘtes trop aimable; elle se douterait que c'est vous qui ne voulez pas, et tous ces prĂ©textes-lĂ ne valent rien; il n'y en a qu'un bon; aimez-vous ailleurs? AngĂ©lique. - Moi! non; n'allez pas le croire. Monsieur Damis. - Sur ce pied-lĂ , je n'ai point d'excuse; j'ai promis de vous Ă©pouser, et il faut que je tienne parole; au lieu que, si vous aimiez quelqu'un, je ne lui dirais pas que vous me l'avez avouĂ©; mais seulement que je m'en doute. AngĂ©lique. - Eh bien! doutez-vous-en donc. Monsieur Damis. - Mais il n'est pas possible que je m'en doute si cela n'est pas vrai; autrement ce serait ĂÂȘtre de mauvaise foi; et, malgrĂ© toute l'envie que j'ai de vous obliger, je ne saurais dire une imposture. AngĂ©lique. - Allez, allez, n'ayez point de scrupule, vous parlerez en homme d'honneur. Monsieur Damis. - Vous aimez donc? AngĂ©lique. - Mais ne me trahissez-vous point, Monsieur Damis? Monsieur Damis. - Je n'ai que vos vĂ©ritables intĂ©rĂÂȘts en vue. AngĂ©lique. - Quel bon caractĂšre! Oh! que je vous aimerais, si vous n'aviez que vingt ans! Monsieur Damis. - Eh bien? AngĂ©lique. - Vraiment, oui, il y a quelqu'un qui me plaĂt... Frontin arrive. - Monsieur, je viens de la part de Madame vous dire qu'on vous attend avec Mademoiselle. Monsieur Damis. - Nous y allons. Et Ă AngĂ©lique oĂÂč avez-vous connu celui qui vous plaĂt? AngĂ©lique. - Ah! ne m'en demandez pas davantage; puisque vous ne voulez que vous douter que j'aime, en voilĂ plus qu'il n'en faut pour votre probitĂ©, et je vais vous annoncer lĂ -haut. ScĂšne XIII Monsieur Damis, Frontin Monsieur Damis, les premiers mots Ă part. - Ceci me chagrine, mais je l'aime trop pour la cĂ©der Ă personne. Frontin! Frontin! approche, je voudrais te dire un mot. Frontin. - Volontiers, Monsieur; mais on est impatient de vous voir. Monsieur Damis. - Je ne tarderai qu'un moment viens, j'ai remarquĂ© que tu es un garçon d'esprit. Frontin. - Eh! j'ai des jours oĂÂč je n'en manque pas, Monsieur Damis. - Veux-tu me rendre un service dont je te promets que personne ne sera jamais instruit? Frontin. - Vous marchandez ma fidĂ©litĂ©; mais je suis dans mon jour d'esprit, il n'y a rien Ă faire, je sens combien il faut ĂÂȘtre discret. Monsieur Damis. - Je te payerai bien. Frontin. - ArrĂÂȘtez donc, Monsieur, ces dĂ©buts-lĂ m'attendrissent toujours. Monsieur Damis. - VoilĂ ma bourse. Frontin. - Quel embonpoint sĂ©duisant! Qu'il a l'air vainqueur! Monsieur Damis. - Elle est Ă toi, si tu veux me confier ce que tu sais sur le chapitre d'AngĂ©lique. Je viens adroitement de lui faire avouer qu'elle a un amant; et observĂ©e comme elle est par sa mĂšre, elle ne peut ni l'avoir vu ni avoir de ses nouvelles que par le moyen des domestiques tu t'en es peut-ĂÂȘtre mĂÂȘlĂ© toi-mĂÂȘme, ou tu sais qui s'en mĂÂȘle, et je voudrais Ă©carter cet homme-lĂ ; quel est-il? oĂÂč se sont-ils vus? Je te garderai le secret. Frontin, prenant la bourse. - Je rĂ©sisterais Ă ce que vous dites, mais ce que vous tenez m'entraĂne, et je me rends. Monsieur Damis. - Parle. Frontin. - Vous me demandez un dĂ©tail que j'ignore; il n'y a que Lisette qui soit parfaitement instruite dans cette intrigue-lĂ . Monsieur Damis. - La fourbe! Frontin. - Prenez garde, vous ne sauriez la condamner sans me faire mon procĂšs. Je viens de cĂ©der Ă un trait d'Ă©loquence qu'on aura peut-ĂÂȘtre employĂ© contre elle; au reste je ne connais le jeune homme en question que depuis une heure; il est actuellement dans ma chambre; Lisette en a fait mon parent, et dans quelques moments, elle doit l'introduire ici mĂÂȘme oĂÂč je suis chargĂ© d'Ă©teindre les bougies, et oĂÂč elle doit arriver avec AngĂ©lique pour y traiter ensemble des moyens de rompre votre mariage. Monsieur Damis. - Il ne tiendra donc qu'Ă toi que je sois pleinement instruit de tout. Frontin. - Comment? Monsieur Damis. - Tu n'as qu'Ă souffrir que je me cache ici; on ne m'y verra pas, puisque tu vas en ĂÂŽter les lumiĂšres, et j'Ă©couterai tout ce qu'ils diront. Frontin. - Vous avez raison; attendez, quelques amis de la maison qui sont lĂ -haut, et qui veulent se dĂ©guiser aprĂšs souper pour se divertir, ont fait apporter des dominos qu'on a mis dans le petit cabinet Ă cĂÂŽtĂ© de la salle, voulez-vous que je vous en donne un? Monsieur Damis. - Tu me feras plaisir. Frontin. - Je cours vous le chercher, car l'heure approche. Monsieur Damis. - Va. ScĂšne XIV Monsieur Damis, Frontin Monsieur Damis, un moment seul. - Je ne saurais mieux m'y prendre pour savoir de quoi il est question. Si je vois que l'amour d'AngĂ©lique aille Ă un certain point, il ne s'agit plus de mariage; cependant je tremble. Qu'on est malheureux d'aimer Ă mon ĂÂąge! Frontin revient. - Tenez, Monsieur, voilĂ tout votre attirail, jusqu'Ă un masque c'est un visage qui ne vous donnera que dix-huit ans, vous ne perdrez rien au change; ajustez-vous vite; bon! mettez-vous lĂ et ne remuez pas; voilĂ les lumiĂšres Ă©teintes, bonsoir. Monsieur Damis. - Ecoute; le jeune homme va venir, et je rĂÂȘve Ă une chose; quand Lisette et AngĂ©lique seront entrĂ©es, dis Ă la mĂšre, de ma part, que je la prie de se rendre ici sans bruit, cela ne te compromet point, et tu y gagneras. Frontin. - Mais vous prenez donc cette commission-lĂ Ă crĂ©dit? Monsieur Damis. - Va, ne t'embarrasse point. Frontin, il tĂÂątonne. - Soit. Je sors... J'ai de la peine Ă trouver mon chemin; mais j'entends quelqu'un... ScĂšne XV Lisette, Eraste, Frontin, Monsieur Damis Lisette est Ă la porte avec Eraste pour entrer. Frontin. - Est-ce toi, Lisette? Lisette. - Oui, Ă qui parles-tu donc lĂ ? Frontin. - A la nuit, qui m'empĂÂȘchait de retrouver la porte. Avec qui es-tu, toi? Lisette. - Parle bas; avec Eraste que je fais entrer dans la salle. Monsieur Damis, Ă part. - Eraste! Frontin. - Bon! oĂÂč est-il? Il appelle. La RamĂ©e! Eraste. - Me voilĂ . Frontin, le prenant par le bras. - Tenez, Monsieur, marchez et promenez-vous du mieux que vous pourrez en attendant. Lisette. - Adieu; dans un moment je reviens avec ma maĂtresse. ScĂšne XVI Eraste, Monsieur Damis, cachĂ©. Eraste. - Je ne saurais douter qu'AngĂ©lique ne m'aime; mais sa timiditĂ© m'inquiĂšte, et je crains de ne pouvoir l'enhardir Ă dĂ©dire sa mĂšre. Monsieur Damis, Ă part. - Est-ce que je me trompe? c'est la voix de mon fils, Ă©coutons. Eraste. - TĂÂąchons de ne pas faire de bruit. Il marche en tĂÂątonnant. Monsieur Damis. - Je crois qu'il vient Ă moi; changeons de place. Eraste. - J'entends remuer du taffetas; est-ce vous, AngĂ©lique, est-ce vous? En disant cela, il attrape Monsieur Damis par le domino. Monsieur Damis, retenu. - Doucement!... Eraste. - Ah! c'est vous-mĂÂȘme. Monsieur Damis, Ă part. - C'est mon fils. Eraste. - Eh bien! AngĂ©lique, me condamnerez-vous Ă mourir de douleur? Vous m'avez dit tantĂÂŽt que vous m'aimiez; vos beaux yeux me l'ont confirmĂ© par les regards les plus aimables et les plus tendres; mais de quoi me servira d'ĂÂȘtre aimĂ©, si je vous perds? Au nom de notre amour, AngĂ©lique, puisque vous m'avez permis de me flatter du vĂÂŽtre, gardez-vous Ă ma tendresse, je vous en conjure par ces charmes que le ciel semble n'avoir destinĂ©s que pour moi; par cette main adorable sur qui je vous jure un amour Ă©ternel. Monsieur Damis veut retirer sa main. Ne la retirez pas, AngĂ©lique, et dĂ©dommagez Eraste du plaisir qu'il n'a point de voir vos beaux yeux, par l'assurance de n'ĂÂȘtre jamais qu'Ă lui; parlez, AngĂ©lique. Monsieur Damis, Ă part, les premiers mots. - J'entends du bruit. Taisez-vous, petit sot. Et il se retire d'Eraste. Eraste. - Juste ciel! qu'entends-je? Vous me fuyez! Ah! Lisette, n'es-tu pas lĂ ? ScĂšne XVII AngĂ©lique et Lisette qui entrent, Monsieur Damis, Eraste Lisette. - Nous voici, Monsieur. Eraste. - Je suis au dĂ©sespoir, ta maĂtresse me fuit. AngĂ©lique. - Moi, Eraste? Je ne vous fuis point, me voilĂ . Eraste. - Eh quoi! ne venez-vous pas de me dire tout ce qu'il y a de plus cruel? AngĂ©lique. - Eh! je n'ai encore dit qu'un mot. Eraste. - Il est vrai, mais il m'a marquĂ© le dernier mĂ©pris. AngĂ©lique. - Il faut que vous ayez mal entendu, Eraste est-ce qu'on mĂ©prise les gens qu'on aime? Lisette. - En effet, rĂÂȘvez-vous, Monsieur? Eraste. - Je n'y comprends donc rien; mais vous me rassurez, puisque vous me dites que vous m'aimez; daignez me le rĂ©pĂ©ter encore. ScĂšne XVIII Madame Argante, introduite par Frontin, Lisette, Eraste, AngĂ©lique, Monsieur Damis AngĂ©lique. - Vraiment, ce n'est pas lĂ l'embarras, et je vous le rĂ©pĂ©terais avec plaisir, mais vous le savez bien assez. Madame Argante, Ă part. - Qu'entends-je? AngĂ©lique. - Et d'ailleurs on m'a dit qu'il fallait ĂÂȘtre plus retenue dans les discours qu'on tient Ă son amant. Eraste. - Quelle aimable franchise! AngĂ©lique. - Mais je vais comme le coeur me mĂšne, sans y entendre plus de finesse; j'ai du plaisir Ă vous voir, et je vous vois, et s'il y a de ma faute Ă vous avouer si souvent que je vous aime, je la mets sur votre compte, et je ne veux point y avoir part. Eraste. - Que vous me charmez! AngĂ©lique. - Si ma mĂšre m'avait donnĂ© plus d'expĂ©rience; si j'avais Ă©tĂ© un peu dans le monde, je vous aimerais peut-ĂÂȘtre sans vous le dire; je vous ferais languir pour le savoir; je retiendrais mon coeur, cela n'irait pas si vite, et vous m'auriez dĂ©jĂ dit que je suis une ingrate; mais je ne saurais la contrefaire. Mettez-vous Ă ma place; j'ai tant souffert de contrainte, ma mĂšre m'a rendu la vie si triste! j'ai eu si peu de satisfaction, elle a tant mortifiĂ© mes sentiments! Je suis si lasse de les cacher, que, lorsque je suis contente, et que je le puis dire, je l'ai dĂ©jĂ dit avant que de savoir que j'ai parlĂ©; c'est comme quelqu'un qui respire, et imaginez-vous Ă prĂ©sent ce que c'est qu'une fille qui a toujours Ă©tĂ© gĂÂȘnĂ©e, qui est avec vous, que vous aimez, qui ne vous hait pas, qui vous aime, qui est franche, qui n'a jamais eu le plaisir de dire ce qu'elle pense, qui ne pensera jamais rien de si touchant, et voyez si je puis rĂ©sister Ă tout cela. Eraste. - Oui, ma joie, Ă ce que j'entends lĂ , va jusqu'au transport! Mais il s'agit de nos affaires j'ai le bonheur d'avoir un pĂšre raisonnable, Ă qui je suis aussi cher qu'il me l'est Ă moi-mĂÂȘme, et qui, j'espĂšre, entrera volontiers dans nos vues. AngĂ©lique. - Pour moi, je n'ai pas le bonheur d'avoir une mĂšre qui lui ressemble; je ne l'en aime pourtant pas moins... Madame Argante, Ă©clatant. - Ah! c'en est trop, fille indigne de ma tendresse! AngĂ©lique. - Ah! je suis perdue! Ils s'Ă©cartent tous trois. Madame Argante. - Vite, Frontin, qu'on Ă©claire, qu'on vienne! En disant cela, elle avance et rencontre Monsieur Damis, qu'elle saisit par le domino, et continue. Ingrate! est-ce lĂ le fruit des soins que je me suis donnĂ© pour vous former Ă la vertu? MĂ©nager des intrigues Ă mon insu! Vous plaindre d'une Ă©ducation qui m'occupait tout entiĂšre! Eh bien, jeune extravagante, un couvent, plus austĂšre que moi, me rĂ©pondra des Ă©garements de votre coeur. ScĂšne XIX et derniĂšre La lumiĂšre arrive avec Frontin et autres domestiques avec des bougies. Monsieur Damis, dĂ©masquĂ©, Ă Madame Argante, et en riant. - Vous voyez bien qu'on ne me recevrait pas au couvent. Madame Argante. - Quoi! c'est vous, Monsieur? Et puis voyant Eraste avec sa livrĂ©e. Et ce fripon-lĂ , que fait-il ici? Monsieur Damis. - Ce fripon-lĂ , c'est mon fils, Ă qui, tout bien examinĂ©, je vous conseille de donner votre fille. Madame Argante. - Votre fils? Monsieur Damis. - Lui-mĂÂȘme. Approchez, Eraste; tout ce que j'ai entendu vient de m'ouvrir les yeux sur l'imprudence de mes desseins; conjurez Madame de vous ĂÂȘtre favorable, il ne tiendra pas Ă moi qu'AngĂ©lique ne soit votre Ă©pouse. Eraste, se jetant aux genoux de son pĂšre. - Que je vous ai d'obligation, mon pĂšre! Nous pardonnerez-vous, Madame, tout ce qui vient de se passer? AngĂ©lique, embrassant les genoux de Madame Argante. - Puis-je espĂ©rer d'obtenir grĂÂące? Monsieur Damis. - Votre fille a tort, mais elle est vertueuse, et Ă votre place je croirais devoir oublier tout, et me rendre. Madame Argante. - Allons, Monsieur, je suivrai vos conseils, et me conduirai comme il vous plaira. Monsieur Damis. - Sur ce pied-lĂ , le divertissement dont je prĂ©tendais vous amuser, servira pour mon fils. AngĂ©lique embrasse Madame Argante de joie. Divertissement Air Vous qui sans cesse Ă vos fillettes Tenez de sĂ©vĂšres discours bis, Mamans, de l'erreur oĂÂč vous ĂÂȘtes Le dieu d'amour se rit et se rira toujours bis. Vos avis sont prudents, vos maximes sont sages; Mais malgrĂ© tant de soins, malgrĂ© tant de rigueur, Vous ne pouvez d'un jeune coeur Si bien fermer tous les passages, Qu'il n'en reste toujours quelqu'un pour le vainqueur. Vous qui sans cesse, etc. Vaudeville MĂšre qui tient un jeune objet Dans une ignorance profonde, Loin du monde, Souvent se trompe en son projet. Elle croit que l'amour s'envole DĂšs qu'il aperçoit un argus. Quel abus! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. Couplet La beautĂ© qui charme Damon Se rit des tourments qu'il endure, Il murmure; Moi, je trouve qu'elle a raison, C'est un conteur de fariboles, Qui n'ouvre point son coffre-fort. Le butor! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. Si mes soins pouvaient t'engager, Me dit un jour le beau Sylvandre, D'un air tendre. Que ferais-tu? dis-je au berger. Il demeura comme une idole, Et ne rĂ©pondit pas un mot. Le grand sot! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. Claudine un jour dit Ă Lucas J'irai ce soir Ă la prairie, Je vous prie De ne point y suivre mes pas. Il le promit, et tint parole. Ah! qu'il entend peu ce que c'est! Le benĂÂȘt! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. L'autre jour Ă Nicole il prit Une vapeur auprĂšs de Blaise; Sur sa chaise La pauvre enfant s'Ă©vanouit. Blaise, pour secourir Nicole, Fut chercher du monde aussitĂÂŽt, Le nigaud! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. L'amant de la jeune Philis Etant prĂšs de s'Ă©loigner d'elle, Chez la belle Il envoie un de ses amis. Vas-y, dit-il, et la console. Il se fie Ă son confident. L'imprudent! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. Aminte, aux yeux de son barbon, A son grand neveu cherche noise; La matoise Veut le chasser de la maison. L'Ă©poux la flatte et la cajole, Pour faire rester son parent L'ignorant! Il faut l'envoyer Ă l'Ă©cole. L'Heureux stratagĂšme Acteurs ComĂ©die en trois actes reprĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois par les comĂ©diens Italiens le 6 juin 1733 Acteurs La Comtesse. La Marquise. Lisette, fille de Blaise. Dorante, amant de la Comtesse. Le Chevalier, amant de la Marquise. Blaise, paysan. Frontin, valet du Chevalier. Arlequin, valet de Dorante. Un laquais. La scĂšne se passe chez la Comtesse. Acte premier ScĂšne premiĂšre Dorante, Blaise Dorante. - Eh bien! MaĂtre Blaise, que me veux-tu? Parle, puis-je te rendre quelque service? Oh dame! comme ce dit l'autre, ou en ĂÂȘtes bian capable. Dorante. - De quoi s'agit-il? Blaise. - MorguĂ©! velĂ bian Monsieur Dorante, quand faut sarvir le monde, jarnicoton! ça ne barguine point. Que ça est agriable! le biau naturel d'homme! Dorante. - Voyons; je serai charmĂ© de t'ĂÂȘtre utile. Blaise. - Oh! point du tout, Monsieur, c'est vous qui charmez les autres. Dorante. - Explique-toi. Blaise. - Boutez d'abord dessus. Dorante. - Non, je ne me couvre jamais. Blaise. - C'est bian fait Ă vous; moi, je me couvre toujours; ce n'est pas mal fait non pus. Dorante. - Parle... Blaise, riant. - Eh! eh bian! qu'est-ce? Comment vous va, Monsieur Dorante? Toujours gros et gras. J'ons vu le temps que vous Ă©tiez mince; mais, morguĂ©! ça s'est bian amendĂ©. Vous velĂ bian en char. Dorante. - Tu avais, ce me semble, quelque chose Ă me dire; entre en matiĂšre sans compliment. Blaise. - Oh! c'est un petit bout de civilitĂ© en passant, comme ça se doit. Dorante. - C'est que j'ai affaire. Blaise. - MorguĂ©! tant pis; les affaires baillont du souci. Dorante. - Dans un moment, il faut que je te quitte achĂšve. Blaise. - Je commence. C'est que je venons par rapport Ă noute fille, pour l'amour de ce qu'alle va ĂÂȘtre la femme d'Arlequin voute valet. Dorante. - Je le sais. Blaise. - Dont je savons qu'ou ĂÂȘtes consentant, Ă cause qu'alle est femme de chambre de Madame la Comtesse qui va vous prendre itou pour son homme. Dorante. - AprĂšs? Blaise. - C'est ce qui fait, ne vous dĂ©plaise, que je venons vous prier d'une grĂÂące. Dorante. - Quelle est-elle? Blaise. - C'est que faura le troussiau de Lisette, Monsieur Dorante; faura faire une noce, et pis du dĂ©gĂÂąt pour cette noce, et pis de la marchandise pour ce dĂ©gĂÂąt, et du comptant pour cette marchandise. Partout du comptant, hors cheux nous qu'il n'y en a point. Par ainsi, si par voute moyen auprĂšs de Madame la Comtesse, qui m'avancerait queuque six-vingts francs sur mon office de jardinier... Dorante. - Je t'entends, MaĂtre Blaise; mais j'aime mieux te les donner, que de les demander pour toi Ă la Comtesse, qui ne ferait pas aujourd'hui grand cas de ma priĂšre. Tu crois que je vais l'Ă©pouser, et tu te trompes. Je pense que le chevalier Damis m'a supplantĂ©. Adresse-toi Ă lui si tu n'obtiens rien, je te ferai l'argent dont tu as besoin. Blaise. - Par la morguĂ©, ce que j'entends lĂ me dĂ©range de vous remarcier, tant je sis surprins et stupĂ©fait. Un brave homme comme vous, qui a une mine de prince, qui a le coeur de m'offrir de l'argent, se voir dĂ©laissĂ© de la propre parsonne de sa maĂtresse!... ça ne se peut pas, Monsieur, ça ne se peut pas. C'est noute enfant que la Comtesse; c'est dĂ©funte noute femme qui l'a norrie noute femme avait de la conscience; faut que sa norriture tianne d'elle. Ne craignez rin, reboutez voute esprit; n'y a ni Chevalier ni cheval à ça. Dorante. - Ce que je te dis n'est que trop vrai, MaĂtre Blaise. Blaise. - Jarniguienne! si je le croyais, je sis homme Ă li reprĂ©senter sa faute. Une Comtesse que j'ons vue marmotte! Vous plaĂt-il que je l'exhortise? Dorante. - Eh! que lui dirais-tu, mon enfant? Blaise. - Ce que je li dirais, morguĂ©! ce que je li dirais? Et qu'est-ce que c'est que ça, Madame, et qu'est-ce que c'est que ça! VelĂ ce que je li dirais, voyez-vous! car, par la sanguĂ©! j'ons barcĂ© cette enfant-lĂ , entendez-vous? ça me baille un grand parvilĂ©ge. Dorante. - Voici Arlequin bien triste; qu'a-t-il Ă m'apprendre? ScĂšne II Dorante, Arlequin, Blaise Arlequin. - Ouf! Dorante. - Qu'as-tu? Arlequin. - Beaucoup de chagrin pour vous, et Ă cause de cela, quantitĂ© de chagrin pour moi; car un bon domestique va comme son maĂtre. Dorante. - Eh bien? Blaise. - Qui est-ce qui vous fĂÂąche? Arlequin. - Il faut se prĂ©parer Ă l'affliction, Monsieur; selon toute apparence, elle sera considĂ©rable. Dorante. - Dis donc. Arlequin. - J'en pleure d'avance, afin de m'en consoler aprĂšs. Blaise. - MorguĂ©! ça m'attriste itou. Dorante. - Parleras-tu? Arlequin. - HĂ©las! je n'ai rien Ă dire; c'est que je devine que vous serez affligĂ©, et je vous pronostique votre douleur. Dorante. - On a bien affaire de ton pronostic! Blaise. - A quoi sart d'ĂÂȘtre oisiau de mauvais augure? Arlequin. - C'est que j'Ă©tais tout Ă l'heure dans la salle, oĂÂč j'achevais... mais passons cet article. Dorante. - Je veux tout savoir. Arlequin. - Ce n'est rien... qu'une bouteille de vin qu'on avait oubliĂ©e, et que j'achevais d'y boire, quand j'ai entendu la Comtesse qui allait y entrer avec le Chevalier. Dorante, soupirant. - AprĂšs? Arlequin. - Comme elle aurait pu trouver mauvais que je buvais en fraude, je me suis sauvĂ© dans l'office avec ma bouteille d'abord, j'ai commencĂ© par la vider pour la mettre en sĂ»retĂ©. Blaise. - ĂâĄa est naturel. Dorante. - Eh! laisse lĂ ta bouteille, et me dis ce qui me regarde. Arlequin. - Je parle de cette bouteille parce qu'elle y Ă©tait; je ne voulais pas l'y mettre. Blaise. - Faut la laisser lĂ , pisqu'alle est bue. Arlequin. - La voilĂ donc vide; je l'ai mise Ă terre. Dorante. - Encore? Arlequin. - Ensuite, sans mot dire, j'ai regardĂ© Ă travers la serrure... Dorante. - Et tu as vu la Comtesse avec le Chevalier dans la salle? Arlequin. - Bon! ce maudit serrurier n'a-t-il pas fait le trou de la serrure si petit, qu'on ne peut rien voir Ă travers? Blaise. - MorguĂ©! tant pis. Dorante. - Tu ne peux donc pas ĂÂȘtre sĂ»r que ce fĂ»t la Comtesse? Arlequin. - Si fait; car mes oreilles ont reconnu sa parole, et sa parole n'Ă©tait pas lĂ sans sa personne. Blaise. - Ils ne pouviont pas se dispenser d'ĂÂȘtre ensemble. Dorante. - Eh bien! que se disaient-ils? Arlequin. - HĂ©las! je n'ai retenu que les pensĂ©es, j'ai oubliĂ© les paroles. Dorante. - Dis-moi donc les pensĂ©es! Arlequin. - Il faudrait en savoir les mots. Mais, Monsieur, ils Ă©taient ensemble, ils riaient de toute leur force; ce vilain Chevalier ouvrait une bouche plus large... Ah! quand on rit tant, c'est qu'on est bien gaillard! Blaise. - Eh bian! c'est signe de joie; velĂ tout. Arlequin. - Oui; mais cette joie-lĂ a l'air de nous porter malheur. Quand un homme est si joyeux, c'est tant mieux pour lui, mais c'est toujours tant pis pour un autre montrant son maĂtre, et voilĂ justement l'autre! Dorante. - Eh! laisse-nous en repos. As-tu dit Ă la Marquise que j'avais besoin d'un entretien avec elle? Arlequin. - Je ne me souviens pas si je lui ai dit; mais je sais bien que je devais lui dire. ScĂšne III Arlequin, Blaise, Dorante, Lisette Lisette. - Monsieur, je ne sais pas comment vous l'entendez, mais votre tranquillitĂ© m'Ă©tonne; et si vous n'y prenez garde, ma maĂtresse vous Ă©chappera. Je puis me tromper; mais j'en ai peur. Dorante. - Je le soupçonne aussi, Lisette; mais que puis-je faire pour empĂÂȘcher ce que tu me dis lĂ ? Blaise. - Mais, morguĂ©! ça se confirme donc, Lisette? Lisette. - Sans doute le Chevalier ne la quitte point; il l'amuse, il la cajole, il lui parle tout bas; elle sourit Ă la fin le coeur peut s'y mettre, s'il n'y est dĂ©jĂ ; et cela m'inquiĂšte, Monsieur; car je vous estime; d'ailleurs, voilĂ un garçon qui doit m'Ă©pouser, et si vous ne devenez pas le maĂtre de la maison, cela nous dĂ©range. Arlequin. - Il serait dĂ©sagrĂ©able de faire deux mĂ©nages. Dorante. - Ce qui me dĂ©sespĂšre, c'est que je n'y vois point de remĂšde; car la Comtesse m'Ă©vite. Blaise. - Mordi! c'est pourtant mauvais signe. Arlequin. - Et ce misĂ©rable Frontin, que te dit-il, Lisette? Lisette. - Des douceurs tant qu'il peut, que je paie de brusqueries. Blaise. - Fort bian, noute fille toujours malhonnĂÂȘte envars li, toujours rudĂÂąniĂšre hoche la tĂÂȘte quand il te parle; dis-li Passe ton chemin. De la fidĂ©litĂ©, morguienne; baille cette confusion-lĂ Ă la Comtesse, n'est-ce pas, Monsieur? Dorante. - Je me meurs de douleur! Blaise. - Faut point mourir, ça gĂÂąte tout; avisons plutĂÂŽt Ă queuque manigance. Lisette. - Je l'aperçois qui vient, elle est seule; retirez-vous, Monsieur, laissez-moi lui parler. Je veux savoir ce qu'elle a dans l'esprit; je vous redirai notre conversation; vous reviendrez aprĂšs. Dorante. - Je te laisse. Arlequin. - Ma mie, toujours rudĂÂąniĂšre, hoche la tĂÂȘte quand il te parle. Lisette. - Va, sois tranquille. ScĂšne IV Lisette, La Comtesse La Comtesse. - Je te cherchais, Lisette. Avec qui Ă©tais-tu lĂ ? il me semble avoir vu sortir quelqu'un d'avec toi. Lisette. - C'est Dorante qui me quitte, Madame. La Comtesse. - C'est lui dont je voulais te parler que dit-il, Lisette? Lisette. - Mais il dit qu'il n'a pas lieu d'ĂÂȘtre content, et je crois qu'il dit assez juste qu'en pensez-vous, Madame? La Comtesse. - Il m'aime donc toujours? Lisette. - Comment? s'il vous aime! Vous savez bien qu'il n'a point changĂ©. Est-ce que vous ne l'aimez plus? La Comtesse. - Qu'appelez-vous plus? Est-ce que je l'aimais? Dans le fond, je le distinguais, voilĂ tout; et distinguer un homme, ce n'est pas encore l'aimer, Lisette; cela peut y conduire, mais cela n'y est pas. Lisette. - Je vous ai pourtant entendu dire que c'Ă©tait le plus aimable homme du monde. La Comtesse. - Cela se peut bien. Lisette. - Je vous ai vue l'attendre avec empressement. La Comtesse. - C'est que je suis impatiente. Lisette. - Etre fĂÂąchĂ©e quand il ne venait pas. La Comtesse. - Tout cela est vrai; nous y voilĂ je le distinguais, vous dis-je, et je le distingue encore; mais rien ne m'engage avec lui; et comme il te parle quelquefois, et que tu crois qu'il m'aime, je venais te dire qu'il faut que tu le disposes adroitement Ă se tranquilliser sur mon chapitre. Lisette. - Et le tout en faveur de Monsieur le chevalier Damis, qui n'a vaillant qu'un accent gascon qui vous amuse? Que vous avez le coeur inconstant! Avec autant de raison que vous en avez, comment pouvez-vous ĂÂȘtre infidĂšle? car on dira que vous l'ĂÂȘtes. La Comtesse. - Eh bien! infidĂšle soit, puisque tu veux que je le sois; crois-tu me faire peur avec ce grand mot-lĂ ? InfidĂšle! ne dirait-on pas que ce soit une grande injure? Il y a comme cela des mots dont on Ă©pouvante les esprits faibles, qu'on a mis en crĂ©dit, faute de rĂ©flexion, et qui ne sont pourtant rien. Lisette. - Ah! Madame, que dites-vous lĂ ? Comme vous ĂÂȘtes aguerrie lĂ -dessus! Je ne vous croyais pas si dĂ©sespĂ©rĂ©e un coeur qui trahit sa foi, qui manque Ă sa parole! La Comtesse. - Eh bien! ce coeur qui manque Ă sa parole, quand il en donne mille, il fait sa charge; quand il en trahit mille, il la fait encore il va comme ses mouvements le mĂšnent, et ne saurait aller autrement. Qu'est-ce que c'est que l'Ă©talage que tu me fais lĂ ? Bien loin que l'infidĂ©litĂ© soit un crime, c'est que je soutiens qu'il ne faut pas un moment hĂ©siter d'en faire une, quand on en est tentĂ©e, Ă moins que de vouloir tromper les gens, ce qu'il faut Ă©viter, Ă quelque prix que ce soit. Lisette. - Mais, mais... de la maniĂšre dont vous tournez cette affaire-lĂ , je crois, de bonne foi, que vous avez raison. Oui, je comprends que l'infidĂ©litĂ© est quelquefois de devoir, je ne m'en serais jamais doutĂ©e! La Comtesse. - Tu vois pourtant que cela est clair. Lisette. - Si clair, que je m'examine Ă prĂ©sent, pour savoir si je ne serai pas moi-mĂÂȘme obligĂ©e d'en faire une. La Comtesse. - Dorante est en vĂ©ritĂ© plaisant; n'oserais-je, Ă cause qu'il m'aime, distraire un regard de mes yeux? N'appartiendra-t-il qu'Ă lui de me trouver jeune et aimable? Faut-il que j'aie cent ans pour tous les autres, que j'enterre tout ce que je vaux? que je me dĂ©voue Ă la plus triste stĂ©rilitĂ© de plaisir qu'il soit possible? Lisette. - C'est apparemment ce qu'il prĂ©tend. La Comtesse. - Sans doute; avec ces Messieurs-lĂ , voilĂ comment il faudrait vivre; si vous les en croyez, il n'y a plus pour vous qu'un seul homme, qui compose tout votre univers; tous les autres sont rayĂ©s, c'est autant de mort pour vous, quoique votre amour-propre n'y trouve point son compte, et qu'il les regrette quelquefois mais qu'il pĂÂątisse; la sotte fidĂ©litĂ© lui a fait sa part, elle lui laisse un captif pour sa gloire; qu'il s'en amuse comme il pourra, et qu'il prenne patience. Quel abus, Lisette, quel abus! Va, va, parle Ă Dorante, et laisse lĂ tes scrupules. Les hommes, quand ils ont envie de nous quitter, y font-ils tant de façons? N'avons-nous pas tous les jours de belles preuves de leur constance? Ont-ils lĂ -dessus des privilĂšges que nous n'ayons pas? Tu te moques de moi; le Chevalier m'aime, il ne me dĂ©plaĂt pas je ne ferai pas la moindre violence Ă mon penchant. Lisette. - Allons, allons, Madame, Ă prĂ©sent que je suis instruite, les amants dĂ©laissĂ©s n'ont qu'Ă chercher qui les plaigne; me voilĂ bien guĂ©rie de la compassion que j'avais pour eux. La Comtesse. - Ce n'est pas que je n'estime Dorante; mais souvent, ce qu'on estime ennuie. Le voici qui revient. Je me sauve de ses plaintes qui m'attendent; saisis ce moment pour m'en dĂ©barrasser. ScĂšne V Dorante, La Comtesse, Lisette, Arlequin Dorante, arrĂÂȘtant la Comtesse. - Quoi! Madame, j'arrive, et vous me fuyez? La Comtesse. - Ah! c'est vous, Dorante! je ne vous fuis point, je m'en retourne. Dorante. - De grĂÂące, donnez-moi un instant d'audience. La Comtesse. - Un instant Ă la lettre, au moins; car j'ai peur qu'il ne me vienne compagnie. Dorante. - On vous avertira, s'il vous en vient. Souffrez que je vous parle de mon amour. La Comtesse. - N'est-ce que cela? Je sais votre amour par coeur. Que me veut-il donc, cet amour? Dorante. - HĂ©las! Madame, de l'air dont vous m'Ă©coutez, je vois bien que je vous ennuie. La Comtesse. - A vous dire vrai, votre prĂ©lude n'est pas amusant. Dorante. - Que je suis malheureux! Qu'ĂÂȘtes-vous devenue pour moi? Vous me dĂ©sespĂ©rez. La Comtesse. - Dorante, quand quitterez-vous ce ton lugubre et cet air noir? Dorante. - Faut-il que je vous aime encore, aprĂšs d'aussi cruelles rĂ©ponses que celles que vous me faites! La Comtesse. - Cruelles rĂ©ponses! Avec quel goĂ»t prononcez-vous cela! Que vous auriez Ă©tĂ© un excellent hĂ©ros de roman! Votre coeur a manquĂ© sa vocation, Dorante. Dorante. - Ingrate que vous ĂÂȘtes! La Comtesse rit. - Ce style-lĂ ne me corrigera guĂšre. Arlequin, derriĂšre, gĂ©missant. - Hi! hi! hi! La Comtesse. - Tenez, Monsieur, vos tristesses sont si contagieuses qu'elles ont gagnĂ© jusqu'Ă votre valet on l'entend qui soupire. Arlequin. - Je suis touchĂ© du malheur de mon maĂtre. Dorante. - J'ai besoin de tout mon respect pour ne pas Ă©clater de colĂšre. La Comtesse. - Eh! d'oĂÂč vous vient de la colĂšre, Monsieur? De quoi vous plaignez-vous, s'il vous plaĂt? Est-ce de l'amour que vous avez pour moi? Je n'y saurais que faire. Ce n'est pas un crime de vous paraĂtre aimable. Est-ce de l'amour que vous voudriez que j'eusse, et que je n'ai point? Ce n'est pas ma faute, s'il ne m'est pas venu; il vous est fort permis de souhaiter que j'en aie; mais de venir me reprocher que je n'en ai point, cela n'est pas raisonnable. Les sentiments de votre coeur ne font pas la loi du mien; prenez-y garde vous traitez cela comme une dette, et ce n'en est pas une. Soupirez, Monsieur, vous ĂÂȘtes le maĂtre, je n'ai pas droit de vous en empĂÂȘcher; mais n'exigez pas que je soupire. Accoutumez-vous Ă penser que vos soupirs ne m'obligent point Ă les accompagner des miens, pas mĂÂȘme Ă m'en amuser je les trouvais autrefois plus supportables; mais je vous annonce que le ton qu'ils prennent aujourd'hui m'ennuie; rĂ©glez-vous lĂ -dessus. Adieu, Monsieur. Dorante. - Encore un mot, Madame. Vous ne m'aimez donc plus? La Comtesse. - Eh! eh! plus est singulier! je ne me ressouviens pas trop de vous avoir aimĂ©. Dorante. - Non! je vous jure, ma foi, que je ne m'en ressouviendrai de ma vie non plus. La Comtesse. - En tout cas, vous n'oublierez qu'un rĂÂȘve. Elle sort. ScĂšne VI Dorante, Arlequin, Lisette Dorante arrĂÂȘte Lisette. - La perfide!... ArrĂÂȘte, Lisette. Arlequin. - En vĂ©ritĂ©, voilĂ un petit coeur de Comtesse bien Ă©difiant! Dorante, Ă Lisette. - Tu lui as parlĂ© de moi; je ne sais que trop ce qu'elle pense; mais, n'importe que t'a-t-elle dit en particulier? Lisette. - Je n'aurai pas le temps Madame attend compagnie, Monsieur, elle aura peut-ĂÂȘtre besoin de moi. Arlequin. - Oh! oh! comme elle rĂ©pond, Monsieur! Dorante. - Lisette, m'abandonnez-vous? Arlequin. - Serais-tu, par hasard, une masque aussi? Dorante. - Parle, quelle raison allĂšgue-t-elle? Lisette. - Oh! de trĂšs fortes, Monsieur; il faut en convenir. La fidĂ©litĂ© n'est bonne Ă rien; c'est mal fait que d'en avoir; de beaux yeux ne servent de rien, un seul homme en profite, tous les autres sont morts; il ne faut tromper personne avec cela on est enterrĂ©e, l'amour-propre n'a point sa part; c'est comme si on avait cent ans. Ce n'est pas qu'on ne vous estime; mais l'ennui s'y met il vaudrait autant ĂÂȘtre vieille, et cela vous fait tort. Dorante. - Quel Ă©trange discours me tiens-tu lĂ ? Arlequin. - Je n'ai jamais vu de paroles de si mauvaise mine. Dorante. - Explique-toi donc. Lisette. - Quoi! vous ne m'entendez pas? Eh bien! Monsieur, on vous distingue. Dorante. - Veux-tu dire qu'on m'aime? Lisette. - Eh! non. Cela peut y conduire, mais cela n'y est pas. Dorante. - Je n'y conçois rien. Aime-t-on le Chevalier? Lisette. - C'est un fort aimable homme. Dorante. - Et moi, Lisette? Lisette. - Vous Ă©tiez fort aimable aussi m'entendez-vous Ă cette heure? Dorante. - Ah! je suis outrĂ©! Arlequin. - Et de moi, suivante de mon ĂÂąme, qu'en fais-tu? Lisette. - Toi? je te distingue... Arlequin. - Et moi, je te maudis, chambriĂšre du diable! ScĂšne VII Arlequin, Dorante la Marquise, survenant. Arlequin. - Nous avons affaire Ă de jolies personnes, Monsieur, n'est-ce pas? Dorante. - J'ai le coeur saisi! Arlequin. - J'en perds la respiration! La Marquise. - Vous me paraissez bien affligĂ©, Dorante. Dorante. - On me trahit, Madame, on m'assassine, on me plonge le poignard dans le sein! Arlequin. - On m'Ă©touffe, Madame, on m'Ă©gorge, on me distingue! La Marquise. - C'est sans doute de la Comtesse dont il est question, Dorante? Dorante. - D'elle-mĂÂȘme, Madame. La Marquise. - Pourrais-je vous demander un moment d'entretien? Dorante. - Comme il vous plaira; j'avais mĂÂȘme envie de vous parler sur ce qui nous vient d'arriver. La Marquise. - Dites Ă votre valet de se tenir Ă l'Ă©cart, afin de nous avertir si quelqu'un vient. Dorante. - Retire-toi, et prends garde Ă tout ce qui approchera d'ici. Arlequin. - Que le ciel nous console! Nous voilĂ tous trois sur le pavĂ© car vous y ĂÂȘtes aussi, vous, Madame. Votre Chevalier ne vaut pas mieux que notre Comtesse et notre Lisette, et nous sommes trois coeurs hors de condition. La Marquise. - Va-t'en; laisse-nous. Arlequin s'en va. ScĂšne VIII La Marquise, Dorante La Marquise. - Dorante, on nous quitte donc tous deux? Dorante. - Vous le voyez, Madame. La Marquise. - N'imaginez-vous rien Ă faire dans cette occasion-ci? Dorante. - Non, je ne vois plus rien Ă tenter on nous quitte sans retour. Que nous Ă©tions mal assortis, Marquise! Eh! pourquoi n'est-ce pas vous que j'aime? La Marquise. - Eh bien! Dorante, tĂÂąchez de m'aimer. Dorante. - HĂ©las! je voudrais pouvoir y rĂ©ussir. La Marquise. - La rĂ©ponse n'est pas flatteuse, mais vous me la devez dans l'Ă©tat oĂÂč vous ĂÂȘtes. Dorante. - Ah! Madame, je vous demande pardon; je ne sais ce que je dis je m'Ă©gare. La Marquise. - Ne vous fatiguez pas Ă l'excuser, je m'y attendais. Dorante. - Vous ĂÂȘtes aimable, sans doute, il n'est pas difficile de le voir, et j'ai regrettĂ© cent fois de n'y avoir pas fait assez d'attention; cent fois je me suis dit... La Marquise. - Plus vous continuerez vos compliments, plus vous me direz d'injures car ce ne sont pas lĂ des douceurs, au moins. Laissons cela, vous dis-je. Dorante. - Je n'ai pourtant recours qu'Ă vous, Marquise. Vous avez raison, il faut que je vous aime il n'y a que ce moyen-lĂ de punir la perfide que j'adore. La Marquise. - Non, Dorante, je sais une maniĂšre de nous venger qui nous sera plus commode Ă tous deux. Je veux bien punir la Comtesse, mais, en la punissant, je veux vous la rendre, et je vous la rendrai. Dorante. - Quoi! la Comtesse reviendrait Ă moi? La Marquise. - Oui, plus tendre que jamais. Dorante. - Serait-il possible? La Marquise. - Et sans qu'il vous en coĂ»te la peine de m'aimer. Dorante. - Comme il vous plaira. La Marquise. - Attendez pourtant; je vous dispense d'amour pour moi, mais c'est Ă condition d'en feindre. Dorante. - Oh! de tout mon coeur, je tiendrai toutes les conditions que vous voudrez. La Marquise. - Vous aimait-elle beaucoup? Dorante. - Il me le paraissait. La Marquise. - Etait-elle persuadĂ©e que vous l'aimiez de mĂÂȘme? Dorante. - Je vous dis que je l'adore, et qu'elle le sait. La Marquise. - Tant mieux qu'elle en soit sĂ»re. Dorante. - Mais du Chevalier, qui vous a quittĂ©e et qui l'aime, qu'en ferons-nous? Lui laisserons-nous le temps d'ĂÂȘtre aimĂ© de la Comtesse? La Marquise. - Si la Comtesse croit l'aimer, elle se trompe elle n'a voulu que me l'enlever. Si elle croit ne vous plus aimer, elle se trompe encore; il n'y a que sa coquetterie qui vous nĂ©glige. Dorante. - Cela se pourrait bien. La Marquise. - Je connais mon sexe; laissez-moi faire. Voici comment il faut s'y prendre... Mais on vient; remettons Ă concerter ce que j'imagine. ScĂšne IX Arlequin, Dorante, La Marquise Arlequin, en arrivant. - Ah! que je souffre! Dorante. - Quoi! ne viens-tu nous interrompre que pour soupirer? Tu n'as guĂšre de coeur. Arlequin. - VoilĂ tout ce que j'en ai mais il y a lĂ -bas un coquin qui demande Ă parler Ă Madame; voulez-vous qu'il entre, ou que je le batte? La Marquise. - Qui est-il donc? Arlequin. - Un maraud qui m'a soufflĂ© ma maĂtresse, et qui s'appelle Frontin. La Marquise. - Le valet du Chevalier? Qu'il vienne; j'ai Ă lui parler. Arlequin. - La vilaine connaissance que vous avez lĂ , Madame! Il s'en va. ScĂšne X La Marquise, Dorante La Marquise, Ă Dorante. - C'est un garçon adroit et fin, tout valet qu'il est, et dont j'ai fait mon espion auprĂšs de son maĂtre et de la Comtesse voyons ce qu'il nous dira; car il est bon d'ĂÂȘtre extrĂÂȘmement sĂ»r qu'ils s'aiment. Mais si vous ne vous sentez pas le courage d'Ă©couter d'un air diffĂ©rent ce qu'il pourra nous dire, allez-vous-en. Dorante. - Oh! je suis outrĂ© mais ne craignez rien. ScĂšne XI La Marquise, Dorante, Arlequin, Frontin Arlequin, faisant entrer Frontin. - Viens, maĂtre fripon; entre. Frontin. - Je te ferai ma rĂ©ponse en sortant. Arlequin, en s'en allant. - Je t'en prĂ©pare une qui ne me coĂ»tera pas une syllabe. La Marquise. - Approche, Frontin, approche. ScĂšne XII La Marquise, Frontin, Dorante La Marquise. - Eh bien! qu'as-tu Ă me dire? Frontin. - Mais, Madame, puis-je parler devant Monsieur? La Marquise. - En toute sĂ»retĂ©. Dorante. - De quoi donc est-il question? La Marquise. - De la Comtesse et du Chevalier. Restez, cela vous amusera. Dorante. - Volontiers. Frontin. - Cela pourra mĂÂȘme occuper Monsieur. Dorante. - Voyons. Frontin. - DĂšs que je vous eus promis, Madame, d'observer ce qui se passerait entre mon maĂtre et la Comtesse, je me mis en embuscade... La Marquise. - AbrĂšge le plus que tu pourras. Frontin. - Excusez, Madame, je ne finis point quand j'abrĂšge. La Marquise. - Le Chevalier m'aime-t-il encore? Frontin. - Il n'en reste pas vestige, il ne sait pas qui vous ĂÂȘtes. La Marquise. - Et sans doute il aime la Comtesse? Frontin. - Bon, l'aimer! belle Ă©gratignure! C'est traiter un incendie d'Ă©tincelle. Son coeur est brĂ»lant, Madame; il est perdu d'amour. Dorante, d'un air riant. - Et la Comtesse ne le hait pas apparemment? Frontin. - Non, non, la vĂ©ritĂ© est Ă plus de mille lieues de ce que vous dites. Dorante. - J'entends qu'elle rĂ©pond Ă son amour. Frontin. - Bagatelle! Elle n'y rĂ©pond plus toutes ses rĂ©ponses sont faites, ou plutĂÂŽt dans cette affaire-ci, il n'y a eu ni demande ni rĂ©ponse, on ne s'en est pas donnĂ© le temps. Figurez-vous deux coeurs qui partent ensemble; il n'y eut jamais de vitesse Ă©gale on ne sait Ă qui appartient le premier soupir, il y a apparence que ce fut un duo. Dorante, riant. - Ah! ah! ah... A part. Je me meurs! La Marquise, Ă part. - Prenez garde... Mais as-tu quelque preuve de ce que tu dis lĂ ? Frontin. - J'ai de sĂ»rs tĂ©moins de ce que j'avance, mes yeux et mes oreilles... Hier, la Comtesse... Dorante. - Mais cela suffit; ils s'aiment, voilĂ son histoire finie. Que peut-il dire de plus? La Marquise. - AchĂšve. Frontin. - Hier, la Comtesse et mon maĂtre s'en allaient au jardin. Je les suis de loin; ils entrĂšrent dans le bois, j'y entre aussi; ils tournent dans une allĂ©e, moi dans le taillis; ils se parlent, je n'entends que des voix confuses; je me coule, je me glisse, et de bosquet en bosquet, j'arrive Ă les entendre et mĂÂȘme Ă les voir Ă travers le feuillage... La bellĂ© chose! la bellĂ© chose! s'Ă©criait le Chevalier, qui d'une main tenait un portrait et de l'autre la main de la Comtesse. La bellĂ© chose! Car, comme il est Gascon, je le deviens en ce moment, tout Manceau que je suis; parce qu'on peut tout, quand on est exact, et qu'on sert avec zĂšle. La Marquise. - Fort bien. Dorante, Ă part. - Fort mal. Frontin. - Or, ce portrait, Madame, dont je ne voyais que le menton avec un bout d'oreille, Ă©tait celui de la Comtesse. Oui, disait-elle, on dit qu'il me ressemble assez. Autant qu'il sĂ© peut, disait mon maĂtre, autant qu'il sĂ© peut, Ă millĂ© charmĂ©s prĂšs quĂ© j'adore en vous, quĂ© lĂ© peintre nĂ© peut quĂ© remarquer, qui font lĂ© dĂ©sespoir dĂ© son art, et qui nĂ© rĂ©lĂšvent quĂ© du pinceau dĂ© la nature. Allons, allons, vous me flattez, disait la Comtesse, en le regardant d'un oeil Ă©tincelant d'amour-propre; vous me flattez. Eh! non, Madame, ou quĂ© la pestĂ© m'Ă©touffe! JĂ© vous dĂ©grade moi-mĂÂȘme, en parlant dĂ© vos charmĂ©s sandis! aucune expression n'y peut atteindre; vous n'ĂÂȘtes fidĂ©lĂ©ment rendue quĂ© dans mon coeur. N'y sommes-nous pas toutes deux, la Marquise et moi? rĂ©pliquait la Comtesse. La Marquise et vous! s'Ă©criait-il; eh! cadĂ©dis, oĂÂč sĂ© rangerait-elle? Vous m'en occuperiez mille dĂ© coeurs, si jĂ© les avais; mon amour ne sait oĂÂč sĂ© mettre, tant il surabonde dans mes paroles, dans mes sentiments, dans ma pensĂ©e; il sĂ© rĂ©pand partout, mon ĂÂąme en rĂ©gorge. Et tout en parlant ainsi, tantĂÂŽt il baisait la main qu'il tenait, et tantĂÂŽt le portrait. Quand la Comtesse retirait la main, il se jetait sur la peinture; quand elle redemandait la peinture, il reprenait la main lequel mouvement, comme vous voyez, faisait cela et cela, ce qui Ă©tait tout Ă fait plaisant Ă voir. Dorante. - Quel rĂ©cit, Marquise! La Marquise fait signe Ă Dorante de se taire. Frontin. - Eh! ne parlez-vous pas, Monsieur? Dorante. - Non, je dis Ă Madame que je trouve cela comique. Frontin. - Je le souhaite. LĂ -dessus Rendez-moi mon portrait, rendez donc... Mais, Comtesse... Mais, Chevalier... Mais, MadamĂ©, si jĂ© rends la copie, quĂ© l'original mĂ© dĂ©dommagĂ©... Oh! pour cela, non... Oh! pour cĂ©la, si. - Le Chevalier tombe Ă genoux Madame, au nom dĂ© vos grĂÂącĂ©s innombrables, nantissez-moi dĂ© la ressemblance, en attendant la personne; accordez cĂ© rafraĂchissement Ă mon ardeur... Mais, Chevalier, donner son portrait, c'est donner son coeur... Eh! donc, MadamĂ©, j'endurĂ©rai bien dĂ© les avoir tous deux... Mais... Il n'y a point dĂ© mais; ma vie est Ă vous, lĂ© portrait Ă moi; quĂ© chacun gardĂ© sa part... Eh bien! c'est donc vous qui le gardez; ce n'est pas moi qui le donne, au moins... Tope! sandis! jĂ© m'en fais responsable, c'est moi qui lĂ© prends; vous nĂ© faites quĂ© m'accorder dĂ© lĂ© prendre... Quel abus de ma bontĂ©! Ah! c'est la Comtesse qui fait un soupir... Ah! fĂ©licitĂ© dĂ© mon ĂÂąme! c'est le Chevalier qui repart un second. Dorante. - Ah!... Frontin. - Et c'est Monsieur qui fournit le troisiĂšme. Dorante. - Oui. C'est que ces deux soupirs-lĂ sont plaisants, et je les contrefais; contrefaites aussi, Marquise. La Marquise. - Oh! je n'y entends rien, moi; mais je me les imagine. Elle rit. Ah! ah! ah! Frontin. - Ce matin dans la galerie... Dorante, Ă la Marquise. - Faites-le finir; je n'y tiendrais pas. La Marquise. - En voilĂ assez, Frontin. Frontin. - Les fragments qui me restent sont d'un goĂ»t choisi. La Marquise. - N'importe, je suis assez instruite. Frontin. - Les gages de la commission courent-ils toujours, Madame? La Marquise. - Ce n'est pas la peine. Frontin. - Et Monsieur voudrait-il m'Ă©tablir son pensionnaire? Dorante. - Non. Frontin. - Ce non-lĂ , si je m'y connais, me casse sans rĂ©plique, et je n'ai plus qu'une rĂ©vĂ©rence Ă faire. Il sort. ScĂšne XIII La Marquise, Dorante La Marquise. - Nous ne pouvons plus douter de leur secrĂšte intelligence; mais si vous jouez toujours votre personnage aussi mal, nous ne tenons rien. Dorante. - J'avoue que ses rĂ©cits m'ont fait souffrir; mais je me soutiendrai mieux dans la suite. Ah! l'ingrate! jamais elle ne me donna son portrait. ScĂšne XIV Arlequin, La Marquise, Dorante Arlequin. - Monsieur, voilĂ votre fripon qui arrive. Dorante. - Qui? Arlequin. - Un de nos deux larrons, le maĂtre du mien. Dorante. - Retire-toi. Il sort. ScĂšne XV La Marquise, Dorante La Marquise. - Et moi, je vous laisse. Nous n'avons pas eu le temps de digĂ©rer notre idĂ©e; mais en attendant, souvenez-vous que vous m'aimez, qu'il faut qu'on le croie, que voici votre rival, et qu'il s'agit de lui paraĂtre indiffĂ©rent. Je n'ai pas le temps de vous en dire davantage. Dorante. - Fiez-vous Ă moi, je jouerai bien mon rĂÂŽle. ScĂšne XVI Dorante, Le Chevalier Le Chevalier. - JĂ© tĂ© rencontre Ă propos; jĂ© voulais tĂ© parler, Dorante. Dorante. - Volontiers, Chevalier; mais fais vite; voici l'heure de la poste, et j'ai un paquet Ă faire partir. Le Chevalier. - JĂ© finis dans un clin d'oeil. JĂ© suis ton ami, et jĂ© viens tĂ© prier dĂ© mĂ© rĂ©lĂ©ver d'un scrupule. Dorante. - Toi? Le Chevalier. - Oui; dĂ©livre-moi d'unĂ© chicanĂ© quĂ© mĂ© fait mon honneur a-t-il tort ou raison? Voici lĂ© cas. On dit quĂ© tu aimes la ComtessĂ©; moi, jĂ© n'en crois rien, et c'est entrĂ© lĂ© oui et lĂ© non quĂ© gĂt lĂ© petit cas dĂ© conscience quĂ© jĂ© t'apporte. Dorante. - Je t'entends, Chevalier tu aurais grande envie que je ne l'aimasse plus. Le Chevalier. - Tu l'as dit; ma dĂ©licatessĂ© sĂ© fait bĂ©soin dĂ© ton indiffĂ©rence pour elle j'aime cettĂ© dame. Dorante. - Est-elle prĂ©venue en ta faveur? Le Chevalier. - DĂ© faveur, jĂ© m'en passe; ellĂ© mĂ© rend justicĂ©. Dorante. - C'est-Ă -dire que tu lui plais. Le Chevalier. - DĂšs quĂ© jĂ© l'aime, tout est dit; Ă©pargne ma modestie. Dorante. - Ce n'est pas ta modestie que j'interroge, car elle est gasconne. Parlons simplement t'aime-t-elle? Le Chevalier. - Eh! oui, tĂ© dis-je, ses yeux ont dĂ©jĂ lĂ -dessus entamĂ© la matiĂšre; ils mĂ© sollicitent lĂ© coeur, ils dĂ©mandent rĂ©ponsĂ© mettrai-je bon au bas dĂ© la rĂ©quĂÂȘte? C'est ton agrĂ©ment quĂ© j'attends. Dorante. - Je te le donne Ă charge de revanche. Le Chevalier. - Avec qui la rĂ©vanche? Dorante. - Avec de beaux yeux de ta connaissance qui sollicitent aussi. Le Chevalier. - Les beaux yeux quĂ© la MarquisĂ© porte? Dorante. - Elle-mĂÂȘme. Le Chevalier. - Et l'intĂ©rĂÂȘt quĂ© tu mĂ© soupçonnes d'y prendre tĂ© gĂÂȘne, tĂ© rĂ©tient? Dorante. - Sans doute. Le Chevalier. - Va, jĂ© t'Ă©mancipĂ©. Dorante. - Je t'avertis que je l'Ă©pouserai, au moins. Le Chevalier. - JĂ© t'informe quĂ© nous fĂ©rons assaut dĂ© noces. Dorante. - Tu Ă©pouseras la Comtesse? Le Chevalier. - L'espĂ©rance dĂ© ma postĂ©ritĂ© s'y fonde. Dorante. - Et bientĂÂŽt? Le Chevalier. - DĂ©main, peut-ĂÂȘtre, notre cĂ©libat expire. Dorante, embarrassĂ©. - Adieu; j'en suis fort ravi. Le Chevalier, lui tendant la main. - Touche lĂ ; tĂ© suis-je cher? Dorante. - Ah! oui... Le Chevalier. - Tu mĂ© l'es sans mĂ©sure, jĂ© mĂ© donne Ă toi pour un siĂšcle; cĂ©la passĂ©, nous rĂ©nouvellĂ©rons dĂ© bail. Serviteur. Dorante. - Oui, oui; demain. Le Chevalier. - Qu'appelles-tu dĂ©main? Moi, jĂ© suis ton serviteur du temps passĂ©, du prĂ©sent et dĂ© l'avĂ©nir; toi dĂ© mĂÂȘme apparemment? Dorante. - Apparemment. Adieu. Il s'en va. ScĂšne XVII Le Chevalier, Frontin Frontin. - J'attendais qu'il fĂ»t sorti pour venir, Monsieur. Le Chevalier. - QuĂ© dĂ©mandes-tu? j'ai hĂÂąte dĂ© rĂ©joindre ma Comtesse. Frontin. - Attendez malepeste! ceci est sĂ©rieux; j'ai parlĂ© Ă la Marquise, je lui a fait mon rapport. Le Chevalier. - Eh bien! tu lui as confiĂ© quĂ© j'aimĂ© la Comtesse, et qu'ellĂ© m'aime; qu'en dit-ellĂ©? achĂšve vite. Frontin. - Ce qu'elle en dit? que c'est fort bien fait Ă vous. Le Chevalier. - JĂ© continuerai dĂ© bien faire. Adieu. Frontin. - Morbleu! Monsieur, vous n'y songez pas; il faut revoir la Marquise, entretenir son amour, sans quoi vous ĂÂȘtes un homme mort, enterrĂ©, anĂ©anti dans sa mĂ©moire. Le Chevalier, riant. - Eh! eh! eh! Frontin. - Vous en riez! Je ne trouve pas cela plaisant, moi. Le Chevalier. - QuĂ© mĂ© fait cĂ© nĂ©ant? JĂ© meurs dans une mĂ©moire, jĂ© ressuscite dans une autre; n'ai-je pas la mĂ©moire dĂ© la Comtesse oĂÂč jĂ© rĂ©vis? Frontin. - Oui, mais j'ai peur que dans cette derniĂšre, vous n'y mouriez un beau matin de mort subite. Dorante y est mort de mĂÂȘme, d'un coup de caprice. Le Chevalier. - Non; lĂ© caprice qui lĂ© tue, lĂ© voilĂ ; c'est moi qui l'expĂ©die, j'en ai bien expĂ©diĂ© d'autres, Frontin nĂ© t'inquiĂšte pas; la Comtesse m'a reçu dans son coeur, il faudra qu'ellĂ© m'y garde. Frontin. - Ce coeur-lĂ , je crois que l'amour y campe quelquefois, mais qu'il n'y loge jamais. Le Chevalier. - C'est un amour dĂ© ma façon, sandis! il nĂ© finira qu'avec elle; espĂšre mieux dĂ© la fortune dĂ© ton maĂtre; connais-moi bien, tu n'auras plus dĂ© dĂ©fiance. Frontin. - J'ai dĂ©jĂ usĂ© de cette recette-lĂ ; elle ne m'a rien fait. Mais voici Lisette; vous devriez me procurer la faveur de sa maĂtresse auprĂšs d'elle. ScĂšne XVIII Lisette; Frontin, Le Chevalier Lisette. - Monsieur, Madame vous demande. Le Chevalier. - J'y cours, Lisette mais remets cĂ© faquin dans son bon sens, jĂ© tĂ© prie; tu mĂ© l'as privĂ© dĂ© cervelle; il m'entretient qu'il t'aime. Lisette. - Que ne me prend-il pour sa confidente? Frontin. - Eh bien! ma charmante, je vous aime vous voilĂ aussi savante que moi. Lisette. - Eh bien! mon garçon, courage, vous n'y perdez rien; vous voilĂ plus savant que vous n'Ă©tiez. Je vais dire Ă ma maĂtresse que vous venez, Monsieur. Adieu, Frontin. Frontin. - Adieu, ma charmante. ScĂšne XIX Le Chevalier, Frontin Frontin. - Allons, Monsieur, ma foi! vous avez raison, votre aventure a bonne mine la Comtesse vous aime; vous ĂÂȘtes Gascon, moi Manceau, voilĂ de grands titres de fortune. Le Chevalier. - JĂ© tĂ© garantis la tienne. Frontin. - Si j'avais le choix des cautions, je vous dispenserais d'ĂÂȘtre la mienne. Acte II ScĂšne premiĂšre Dorante, Arlequin Dorante. - Viens, j'ai Ă te dire un mot. Arlequin. - Une douzaine, si vous voulez. Dorante. - Arlequin, je te vois Ă tout moment chercher Lisette, et courir aprĂšs elle. Arlequin. - Eh pardi! si je veux l'attraper, il faut bien que je coure aprĂšs, car elle me fuit. Dorante. - Dis-moi prĂ©fĂšres-tu mon service Ă celui d'un autre? Arlequin. - AssurĂ©ment; il n'y a que le mien qui ait la prĂ©fĂ©rence, comme de raison d'abord moi, ensuite vous; voilĂ comme cela est arrangĂ© dans mon esprit; et puis le reste du monde va comme il peut. Dorante. - Si tu me prĂ©fĂšres Ă un autre, il s'agit de prendre ton parti sur le chapitre de Lisette. Arlequin. - Mais, Monsieur, ce chapitre-lĂ ne vous regarde pas c'est de l'amour que j'ai pour elle, et vous n'avez que faire d'amour, vous n'en voulez point. Dorante. - Non, mais je te dĂ©fends d'en parler jamais Ă Lisette, je veux mĂÂȘme que tu l'Ă©vites; je veux que tu la quittes, que tu rompes avec elle. Arlequin. - Pardi! Monsieur, vous avez lĂ des volontĂ©s qui ne ressemblent guĂšre aux miennes pourquoi ne nous accordons-nous pas aujourd'hui comme hier? Dorante. - C'est que les choses ont changĂ©; c'est que la Comtesse pourrait me soupçonner d'ĂÂȘtre curieux de ses dĂ©marches, et de me servir de toi auprĂšs de Lisette pour les savoir ainsi, laisse-la en repos; je te rĂ©compenserai du sacrifice que tu me feras. Arlequin. - Monsieur, le sacrifice me tuera, avant que les rĂ©compenses viennent. Dorante. - Oh! point de rĂ©plique Marton, qui est Ă la Marquise, vaut bien ta Lisette; on te la donnera. Arlequin. - Quand on me donnerait la Marquise par-dessus le marchĂ©, on me volerait encore. Dorante. - Il faut opter pourtant. Lequel aimes-tu mieux, de ton congĂ©, ou de Marton? Arlequin. - Je ne saurais le dire; je ne les connais ni l'un ni l'autre. Dorante. - Ton congĂ©, tu le connaĂtras dĂšs aujourd'hui, si tu ne suis pas mes ordres; ce n'est mĂÂȘme qu'en les suivant que tu serais regrettĂ© de Lisette. Arlequin. - Elle me regrettera! Eh! Monsieur, que ne parlez-vous? Dorante. - Retire-toi; j'aperçois la Marquise. Arlequin. - J'obĂ©is, Ă condition qu'on me regrettera, au moins. Dorante. - A propos, garde le secret sur la dĂ©fense que je te fais de voir Lisette comme c'Ă©tait de mon consentement que tu l'Ă©pousais, ce serait avoir un procĂ©dĂ© trop choquant pour la Comtesse, que de paraĂtre m'y opposer; je te permets seulement de dire que tu aimes mieux Marton, que la Marquise te destine. Arlequin. - Ne craignez rien, il n'y aura lĂ -dedans que la Marquise et moi de malhonnĂÂȘtes c'est elle qui me fait prĂ©sent de Marton, c'est moi qui la prends; c'est vous qui nous laissez faire. Dorante. - Fort bien; va-t-en. Arlequin, revient. - Mais on me regrettera. Il sort. ScĂšne II La Marquise, Dorante La Marquise. - Avez-vous instruit votre valet, Dorante? Dorante. - Oui, Madame. La Marquise. - Cela pourra n'ĂÂȘtre pas inutile; ce petit article-lĂ touchera la Comtesse, si elle l'apprend. Dorante. - Ma foi, Madame, je commence Ă croire que nous rĂ©ussirons; je la vois dĂ©jĂ trĂšs Ă©tonnĂ©e de ma façon d'agir avec elle elle qui s'attend Ă des reproches, je l'ai vue prĂÂȘte Ă me demander pourquoi je ne lui en faisais pas. La Marquise. - Je vous dis que, si vous tenez bon, vous la verrez pleurer de douleur. Dorante. - Je l'attends aux larmes ĂÂȘtes-vous contente? La Marquise. - Je ne rĂ©ponds de rien, si vous n'allez jusque-lĂ . Dorante. - Et votre Chevalier, comment en agit-il? La Marquise. - Ne m'en parlez point; tĂÂąchons de le perdre, et qu'il devienne ce qu'il voudra mais j'ai chargĂ© un des gens de la Comtesse de savoir si je pouvais la voir, et je crois qu'on vient me rendre rĂ©ponse. A un laquais qui paraĂt. Eh bien! parlerai-je Ă ta maĂtresse? Le Laquais. - Oui, Madame, la voilĂ qui arrive. La Marquise, Ă Dorante. - Quittez-moi il ne faut pas dans ce moment-ci qu'elle nous voie ensemble, cela paraĂtrait affectĂ©. Dorante. - Et moi, j'ai un petit dessein, quand vous l'aurez quittĂ©e. La Marquise. - N'allez rien gĂÂąter. Dorante. - Fiez-vous Ă moi. Il s'en va. ScĂšne III La Marquise, La Comtesse La Comtesse. - Je viens vous trouver moi-mĂÂȘme, Marquise comme vous me demandez un entretien particulier, il s'agit apparemment de quelque chose de consĂ©quence. La Marquise. - Je n'ai pourtant qu'une question Ă vous faire, et comme vous ĂÂȘtes naturellement vraie, que vous ĂÂȘtes la franchise, la sincĂ©ritĂ© mĂÂȘme, nous aurons bientĂÂŽt terminĂ©. La Comtesse. - Je vous entends vous ne me croyez pas trop sincĂšre; mais votre Ă©loge m'exhorte Ă l'ĂÂȘtre, n'est-ce pas? La Marquise. - A cela prĂšs, le serez-vous? La Comtesse. - Pour commencer Ă l'ĂÂȘtre, je vous dirai que je n'en sais rien. La Marquise. - Si je vous demandais Le Chevalier vous aime-t-il? me diriez-vous ce qui en est? La Comtesse. - Non, Marquise, je ne veux pas me brouiller avec vous, et vous me haĂÂŻriez si je vous disais la vĂ©ritĂ©. La Marquise. - Je vous donne ma parole que non. La Comtesse. - Vous ne pourriez pas me la tenir, je vous en dispenserais moi-mĂÂȘme il y a des mouvements qui sont plus forts que nous. La Marquise. - Mais pourquoi vous haĂÂŻrais-je? La Comtesse. - N'a-t-on pas prĂ©tendu que le Chevalier vous aimait? La Marquise. - On a eu raison de le prĂ©tendre. La Comtesse. - Nous y voilĂ ; et peut-ĂÂȘtre l'avez-vous pensĂ© vous-mĂÂȘme? La Marquise. - Je l'avoue. La Comtesse. - Et aprĂšs cela, j'irais vous dire qu'il m'aime! Vous ne me le conseilleriez pas. La Marquise. - N'est-ce que cela? Eh! je voudrais l'avoir perdu je souhaite de tout mon coeur qu'il vous aime. La Comtesse. - Oh! sur ce pied-lĂ , vous n'avez donc qu'Ă rendre grĂÂące au ciel; vos souhaits ne sauraient ĂÂȘtre plus exaucĂ©s qu'ils le sont. La Marquise. - Je vous certifie que j'en suis charmĂ©e. La Comtesse. - Vous me rassurez; ce n'est pas qu'il n'ait tort; vous ĂÂȘtes si aimable qu'il ne devait plus avoir des yeux pour personne mais peut-ĂÂȘtre vous Ă©tait-il moins attachĂ© qu'on ne l'a cru. La Marquise. - Non, il me l'Ă©tait beaucoup; mais je l'excuse quand je serais aimable, vous l'ĂÂȘtes encore plus que moi, et vous savez l'ĂÂȘtre plus qu'une autre. La Comtesse. - Plus qu'une autre! Ah! vous n'ĂÂȘtes point si charmĂ©e, Marquise; je vous disais bien que vous me manqueriez de parole vos Ă©loges baissent. Je m'accommode pourtant de celui-ci, j'y sens une petite pointe de dĂ©pit qui a son mĂ©rite c'est la jalousie qui me loue. La Marquise. - Moi, de la jalousie? La Comtesse. - A votre avis, un compliment qui finit par m'appeler coquette ne viendrait pas d'elle? Oh! que si, Marquise; on l'y reconnaĂt. La Marquise. - Je ne songeais pas Ă vous appeler coquette. La Comtesse. - Ce sont de ces choses qui se trouvent dites avant qu'on y rĂÂȘve. La Marquise. - Mais, de bonne foi, ne l'ĂÂȘtes-vous pas un peu? La Comtesse. - Oui-da; mais ce n'est pas assez qu'un peu ne vous refusez pas le plaisir de me dire que je la suis beaucoup, cela n'empĂÂȘchera pas que vous ne la soyez autant que moi. La Marquise. - Je n'en donne pas tout Ă fait les mĂÂȘmes preuves. La Comtesse. - C'est qu'on ne prouve que quand on rĂ©ussit; le manque de succĂšs met bien des coquetteries Ă couvert on se retire sans bruit, un peu humiliĂ©e, mais inconnue, c'est l'avantage qu'on a. La Marquise. - Je rĂ©ussirai quand je voudrai, Comtesse; vous le verrez, cela n'est pas difficile; et le Chevalier ne vous serait peut-ĂÂȘtre pas restĂ©, sans le peu de cas que j'ai fait de son coeur. La Comtesse. - Je ne chicanerai pas ce dĂ©dain-lĂ mais quand l'amour-propre se sauve, voilĂ comme il parle. La Marquise. - Voulez-vous gager que cette aventure-ci n'humiliera point le mien, si je veux? La Comtesse. - EspĂ©rez-vous regagner le Chevalier? Si vous le pouvez, je vous le donne. La Marquise. - Vous l'aimez, sans doute? La Comtesse. - Pas mal; mais je vais l'aimer davantage, afin qu'il vous rĂ©siste mieux. On a besoin de toutes ses forces avec vous. La Marquise. - Oh! ne craignez rien, je vous le laisse. Adieu. La Comtesse. - Eh! pourquoi? Disputons-nous sa conquĂÂȘte, mais pardonnons Ă celle qui l'emportera. Je ne combats qu'Ă cette condition-lĂ , afin que vous n'ayez rien Ă me dire. La Marquise. - Rien Ă vous dire! Vous comptez donc l'emporter? La Comtesse. - Ecoutez, je jouerais Ă plus beau jeu que vous. La Marquise. - J'avais aussi beau jeu que vous, quand vous me l'avez ĂÂŽtĂ©; je pourrais donc vous l'enlever de mĂÂȘme. La Comtesse. - Tenez donc d'avoir votre revanche. La Marquise. - Non; j'ai quelque chose de mieux Ă faire. La Comtesse. - Oui! et peut-on vous demander ce que c'est? La Marquise. - Dorante vaut son prix, Comtesse. Adieu. Elle sort. ScĂšne IV La Comtesse, seule. La Comtesse. - Dorante! Vouloir m'enlever Dorante! Cette femme-lĂ perd la tĂÂȘte; sa jalousie l'Ă©gare; elle est Ă plaindre! ScĂšne V Dorante, La Comtesse Dorante, arrivant vite, feignant de prendre la Comtesse pour la Marquise. - Eh bien! Marquise, m'opposerez-vous encore des scrupules?... Apercevant la Comtesse. Ah! Madame, je vous demande pardon, je me trompe; j'ai cru de loin voir tout Ă l'heure la Marquise ici, et dans ma prĂ©occupation je vous ai prise pour elle. La Comtesse. - Il n'y a pas grand mal, Dorante mais quel est donc ce scrupule qu'on vous oppose? Qu'est-ce que cela signifie? Dorante. - Madame, c'est une suite de conversation que nous avons eu ensemble, et que je lui rappelais. La Comtesse. - Mais dans cette suite de conversation, sur quoi tombait ce scrupule dont vous vous plaigniez? Je veux que vous me le disiez. Dorante. - Je vous dis, Madame, que ce n'est qu'une bagatelle dont j'ai peine Ă me ressouvenir moi-mĂÂȘme. C'est, je pense, qu'elle avait la curiositĂ© de savoir comment j'Ă©tais dans votre coeur. La Comtesse. - Je m'attends que vous avez eu la discrĂ©tion de ne le lui avoir pas dit, peut-ĂÂȘtre? Dorante. - Je n'ai pas le dĂ©faut d'ĂÂȘtre vain. La Comtesse. - Non, mais on a quelquefois celui d'ĂÂȘtre vrai. Et que voulait-elle faire de ce qu'elle vous demandait? Dorante. - CuriositĂ© pure, vous dis-je... La Comtesse. - Et cette curiositĂ© parlait de scrupule! Je n'y entends rien. Dorante. - C'est moi, qui par hasard, en croyant l'aborder, me suis servi de ce terme-lĂ , sans savoir pourquoi. La Comtesse. - Par hasard! Pour un homme d'esprit, vous vous tirez mal d'affaire, Dorante; car il y a quelque mystĂšre lĂ -dessous. Dorante. - Je vois bien que je ne rĂ©ussirais pas Ă vous persuader le contraire, Madame; parlons d'autre chose. A propos de curiositĂ©, y a-t-il longtemps que vous n'avez reçu de lettres de Paris? La Marquise en attend; elle aime les nouvelles, et je suis sĂ»r que ses amis ne les lui Ă©pargneront pas, s'il y en a. La Comtesse. - Votre embarras me fait pitiĂ©. Dorante. - Quoi! Madame, vous revenez encore Ă cette bagatelle-lĂ ? La Comtesse. - Je m'imaginais pourtant avoir plus de pouvoir sur vous. Dorante. - Vous en aurez toujours beaucoup, Madame; et si celui que vous y aviez est un peu diminuĂ©, ce n'est pas ma faute. Je me sauve pourtant, dans la crainte de cĂ©der Ă celui qui vous reste. Il sort. La Comtesse. - Je ne reconnais point Dorante Ă cette sortie-lĂ . ScĂšne VI La Comtesse, rĂÂȘvant; Le Chevalier Le Chevalier. - Il mĂ© paraĂt quĂ© ma Comtesse rĂÂȘve, qu'ellĂ© tombĂ© dans lĂ© rĂ©cueillĂ©ment. La Comtesse. - Oui, je vois la Marquise et Dorante dans une affliction qui me chagrine; nous parlions tantĂÂŽt de mariage, il faut absolument diffĂ©rer le nĂÂŽtre. Le Chevalier. - DiffĂ©rer lĂ© nĂÂŽtre! La Comtesse. - Oui, d'une quinzaine de jours. Le Chevalier. - CadĂ©dis, vous mĂ© parlez dĂ© la fin du siĂšcle! En vertu dĂ© quoi la rĂ©mise? La Comtesse. - Vous n'avez pas remarquĂ© leurs mouvements comme moi? Le Chevalier. - Qu'ai-jĂ© bĂ©soin dĂ© rĂ©marque? La Comtesse. - Je vous dis que ces gens-lĂ sont outrĂ©s; voulez-vous les pousser Ă bout? Nous ne sommes pas si pressĂ©s. Le Chevalier. - Si pressĂ© quĂ© j'en meurs, sandis! Si lĂ© cas rĂ©quiert unĂ© victime, pourquoi mĂ© donner la prĂ©fĂ©rence? La Comtesse. - Je ne saurais me rĂ©soudre Ă les dĂ©sespĂ©rer, Chevalier. Faisons-nous justice; notre commerce a un peu l'air d'une infidĂ©litĂ©, au moins. Ces gens-lĂ ont pu se flatter que nous les aimions, il faut les mĂ©nager; je n'aime Ă faire de mal Ă personne ni vous non plus, apparemment? Vous n'avez pas le coeur dur, je pense? Ce sont vos amis comme les miens accoutumons-les du moins Ă se douter de notre mariage. Le Chevalier. - Mais, pour les accoutumer, il faut quĂ© jĂ© vive; et jĂ© vous dĂ©fie dĂ© mĂ© garder vivant, vous nĂ© mĂ© conduirez pas au terme. TĂÂąchons dĂ© les accoutumer Ă moins dĂ© frais la modĂ© dĂ© mourir pour la consolation dĂ© ses amis n'est pas venue, et dĂ© plus, quĂ© nous importe quĂ© ces deux affligĂ©s nous disent Partez? Savez-vous qu'on dit qu'ils s'arrangent? La Comtesse. - S'arranger! De quel arrangement parlez-vous? Le Chevalier. - J'entends que leurs coeurs s'accommodent. La Comtesse. - Vous avez quelquefois des tournures si gasconnes, que je n'y comprends rien. Voulez-vous dire qu'ils s'aiment? Exprimez-vous comme un autre. Le Chevalier, baissant de ton. - On nĂ© parle pas tout Ă fait d'amour, mais d'unĂ© pĂ©tite douceur Ă sĂ© voir. La Comtesse. - D'une douceur Ă se voir! Quelle chimĂšre! OĂÂč a-t-on pris cette idĂ©e-lĂ ? Eh bien! Monsieur, si vous me prouvez que ces gens-lĂ s'aiment, qu'ils sentent de la douceur Ă se voir; si vous me le prouvez, je vous Ă©pouse demain, je vous Ă©pouse ce soir. Voyez l'intĂ©rĂÂȘt que je vous donne Ă la preuve. Le Chevalier. - DĂ© leur amour jĂ© nĂ© m'en rends pas caution. La Comtesse. - Je le crois. Prouvez-moi seulement qu'ils se consolent; je ne demande que cela. Le Chevalier. - En cĂ© cas, irez-vous en avant? La Comtesse. - Oui, si j'Ă©tais sĂ»re qu'ils sont tranquilles mais qui nous le dira? Le Chevalier. - JĂ© vous tiens, et jĂ© vous informe quĂ© la Marquise a donnĂ© charge Ă Frontin dĂ© nous examiner, dĂ© lui apporter un Ă©tat dĂ© nos coeurs; et j'avais oubliĂ© dĂ© vous lĂ© dire. La Comtesse. - VoilĂ d'abord une commission qui ne vous donne pas gain de cause s'ils nous oubliaient, ils ne s'embarrasseraient guĂšre de nous. Le Chevalier. - Frontin aura peut-ĂÂȘtre dĂ©jĂ parlĂ©; jĂ© nĂ© l'ai pas vu dĂ©puis. QuĂ© son rapport nous rĂšgle. La Comtesse. - Je le veux bien. ScĂšne VII Le Chevalier, Frontin, la Comtesse Le Chevalier. - Arrive, Frontin, as-tu vu la Marquise? Frontin. - Oui, Monsieur, et mĂÂȘme avec Dorante; il n'y a pas longtemps que je les quitte. Le Chevalier. - Raconte-nous comment ils sĂ© comportent. Par bontĂ© d'ĂÂąme, Madame a peur dĂ© les dĂ©sespĂ©rer moi jĂ© dis qu'ils sĂ© consolent. Qu'en est-il des deux? Rien quĂ© cette bontĂ© nĂ© l'arrĂÂȘte, tĂ© dis-je; tu m'entends bien? Frontin. - A merveille. Madame peut vous Ă©pouser en toute sĂ»retĂ© de dĂ©sespoir, je n'en vois pas l'ombre. Le Chevalier. - JĂ© vous gagne dĂ© marchĂ© fait cĂ© soir vous ĂÂȘtes mienne. La Comtesse. - Hum! votre gain est peu sĂ»r Frontin n'a pas l'air d'avoir bien observĂ©. Frontin. - Vous m'excuserez, Madame, le dĂ©sespoir est connaissable. Si c'Ă©taient de ces petits mouvements minces et fluets, qui se dĂ©robent, on peut s'y tromper; mais le dĂ©sespoir est un objet, c'est un mouvement qui tient de la place. Les dĂ©sespĂ©rĂ©s s'agitent, se trĂ©moussent, ils font du bruit, ils gesticulent; et il n'y a rien de tout cela. Le Il vous dit vrai. J'ai tantĂÂŽt rencontrĂ© Dorante, jĂ© lui ai dit J'aime la ComtessĂ©, j'ai passion pour elle. Eh bien! garde-la, m'a-t-il dit tranquillement. La Comtesse. - Eh! vous ĂÂȘtes son rival, Monsieur; voulez-vous qu'il aille vous faire confidence de sa douleur? Le Chevalier. - JĂ© vous assure qu'il Ă©tait riant, et quĂ© la paix rĂ©gnait dans son coeur. La La paix dans le coeur d'un homme qui m'aimait de la passion la plus vive qui fut jamais! Le Chevalier. - Otez la mienne. La Comtesse. - A la bonne heure. Je lui crois pourtant l'ĂÂąme plus tendre que vous, soit dit en passant. Ce n'est pas votre faute chacun aime autant qu'il peut, et personne n'aime autant que lui. VoilĂ pourquoi je le plains. Mais sur quoi Frontin dĂ©cide-t-il qu'il est tranquille? Voyons; n'est-il pas vrai que tu es aux gages de la Marquise, et peut-ĂÂȘtre Ă ceux de Dorante, pour nous observer tous deux? Paie-t-on des espions pour ĂÂȘtre instruit de choses dont on ne se soucie point? Frontin. - Oui; mais je suis mal payĂ© de la Marquise, elle est en arriĂšre. La Comtesse. - Et parce qu'elle n'est pas libĂ©rale, elle est indiffĂ©rente? Quel raisonnement! Frontin. - Et Dorante m'a rĂ©voquĂ©, il me doit mes appointements. La Comtesse. - Laisse lĂ tes appointements. Qu'as-tu vu? Que sais-tu? Le Chevalier, bas Ă Frontin. - MitigĂ© ton rĂ©cit. Frontin. - Eh bien! Frontin, m'ont-ils dit tantĂÂŽt en parlant de vous deux, s'aiment-ils un peu? Oh! beaucoup, Monsieur; extrĂÂȘmement, Madame, extrĂÂȘmement, ai-je dit en tranchant. La Comtesse. - Eh bien?... Frontin. - Rien ne remue; la Marquise bĂÂąille en m'Ă©coutant, Dorante ouvre nonchalamment sa tabatiĂšre, c'est tout ce que j'en tire. La Comtesse. - Va, va, mon enfant, laisse-nous, tu es un maladroit. Votre valet n'est qu'un sot, ses observations sont pitoyables, il n'a vu que la superficie des choses cela ne se peut pas. Frontin. - Morbleu! Madame, je m'y ferais hacher. En voulez-vous davantage? Sachez qu'ils s'aiment, et qu'ils m'ont dit eux-mĂÂȘmes de vous l'apprendre. La Comtesse, riant. - Eux-mĂÂȘmes! Eh! que n'as-tu commencĂ© par nous dire cela, ignorant que tu es? Vous voyez bien ce qui en est, Chevalier; ils se consolent tant, qu'ils veulent nous rendre jaloux; et ils s'y prennent avec une maladresse bien digne du dĂ©pit qui les gouverne. Ne vous l'avais-je pas dit? Le Chevalier. - La passion sĂ© montre, j'en conviens. La Comtesse. - GrossiĂšrement mĂÂȘme. Frontin. - Ah! par ma foi, j'y suis c'est qu'ils ont envie de vous mettre en peine. Je ne m'Ă©tonne pas si Dorante, en regardant sa montre, ne la regardait pas fixement, et faisait une demi-grimace. La Comtesse. - C'est que la paix ne rĂ©gnait pas dans son coeur. Le Chevalier. - Cette grimace est importante. Frontin. - Item, c'est qu'en ouvrant sa tabatiĂšre, il n'a pris son tabac qu'avec deux doigts tremblants. Il est vrai aussi que sa bouche a ri, mais de mauvaise grĂÂące; le reste du visage n'en Ă©tait pas, il allait Ă part. La Comtesse. - C'est que le coeur ne riait pas. Le Chevalier. - JĂ© mĂ© rends. Il soupire, il rĂ©gardĂ© dĂ© travers, et ma noce rĂ©cule. PestĂ© du faquin, qui rĂ©jettĂ© MadamĂ© dans unĂ© compassion qui sera funeste Ă mon bonheur! La Comtesse. - Point du tout ne vous alarmez point; Dorante s'est trop mal conduit pour mĂ©riter des Ă©gards... Mais ne vois-je pas la Marquise qui vient ici? Frontin. - Elle-mĂÂȘme. La Comtesse. - Je la connais; je gagerais qu'elle vient finement, Ă son ordinaire, m'insinuer qu'ils s'aiment, Dorante et elle. Ecoutons. ScĂšne VIII La Comtesse, la Marquise, Frontin, le Chevalier La Marquise. - Pardon, Comtesse, si j'interromps un entretien sans doute intĂ©ressant; mais je ne fais que passer. Il m'est revenu que vous retardiez votre mariage avec le Chevalier, par mĂ©nagement pour moi. Je vous suis obligĂ©e de l'attention, mais je n'en ai pas besoin. Concluez, Comtesse, plutĂÂŽt aujourd'hui que demain; c'est moi qui vous en sollicite. Adieu. La Comtesse. - Attendez donc, Marquise; dites-moi s'il est vrai que vous vous aimiez, Dorante et vous, afin que je m'en rĂ©jouisse. La Marquise. - RĂ©jouissez-vous hardiment; la nouvelle est bonne. La Comtesse, riant. - En vĂ©ritĂ©? La Marquise. - Oui, Comtesse; hĂÂątez-vous de finir. Adieu. Elle sort. ScĂšne IX Le Chevalier, la Comtesse, Frontin La Comtesse, riant. - Ah! ah! Elle se sauve la raillerie est un peu trop forte pour elle. Que la vanitĂ© fait jouer de plaisants rĂÂŽles Ă de certaines femmes! car celle-ci meurt de dĂ©pit. Le Chevalier. - Elle en a lĂ© coeur palpitant, sandis! Frontin. - La grimace que Dorante faisait tantĂÂŽt, je viens de la retrouver sur sa physionomie. Au Chevalier. Mais, Monsieur, parlez un peu de Lisette pour moi. La Comtesse. - Que dit-il de Lisette? Frontin. - C'est une petite requĂÂȘte que je vous prĂ©sente, et qui tend Ă vous prier qu'il vous plaise d'ĂÂŽter Lisette Ă Arlequin, et d'en faire un transport Ă mon profit. Le Chevalier. - VoilĂ cĂ© quĂ© c'est. La Comtesse. - Et Lisette y consent-elle? Frontin. - Oh! le transport est tout Ă fait de son goĂ»t. La Comtesse. - Ce qu'il me dit lĂ me fait venir une idĂ©e les petites finesses de la Marquise mĂ©ritent d'ĂÂȘtre punies. Voyons si Dorante, qui l'aime tant, sera insensible Ă ce que je vais faire. Il doit l'ĂÂȘtre, si elle dit vrai, et je le souhaite mais voici un moyen infaillible de savoir ce qui en est. Je n'ai qu'Ă dire Ă Lisette d'Ă©pouser Frontin; elle Ă©tait destinĂ©e au valet de Dorante, nous en Ă©tions convenus. Si Dorante ne se plaint point, la Marquise a raison, il m'oublie, et je n'en serai que plus Ă mon aise. A Frontin. Toi, va-t'en chercher Lisette et son pĂšre, que je leur parle Ă tous deux. Frontin. - Il ne sera pas difficile de les trouver, car ils entrent. ScĂšne X Blaise, Lisette, le Chevalier, la Comtesse, Frontin La Comtesse. - Approchez, Lisette; et vous aussi, maĂtre Blaise. Votre fille devait Ă©pouser Arlequin; mais si vous la mariez, et que vous soyez bien aise d'en disposer Ă mon grĂ©, vous la donnerez Ă Frontin; entendez-vous, maĂtre Blaise? Blaise. - J'entends bian, Madame. Mais il y a, morguĂ©! bian une autre histoire qui trotte par le monde, et qui nous chagraine. Il s'agit que je venons vous crier marci. La Comtesse. - Qu'est-ce que c'est? D'oĂÂč vient que Lisette pleure? Lisette. - Mon pĂšre vous le dira, Madame. Blaise. - C'est, ne vous dĂ©plaise, Madame, qu'Arlequin est un mal-appris; mais que les pus mal-appris de tout ça, c'est Monsieur Dorante et Madame la Marquise, qui ont eu la finesse de manigancer la volontĂ© d'Arlequin, Ă celle fin qu'il ne voulĂt pus d'elle; maugrĂ© qu'alle en veuille bian, comme je me doute qu'il en voudrait peut-ĂÂȘtre bian itou, si an le laissait vouloir ce qu'il veut, et qu'an n'y boutĂt pas empĂÂȘchement. La Comtesse. - Et quel empĂÂȘchement? Blaise. - Oui, Madame; par le mouyen d'une fille qu'ils appelont Marton, que Madame la Marquise a eu l'avisement d'inventer par malice, pour la promettre Ă Arlequin. La Comtesse. - Ceci est curieux! Blaise. - En disant, comme ça, que faut qu'ils s'Ă©pousient Ă Paris, a mijaurĂ©e et li, dans l'intention de porter dommage Ă noute enfant, qui va choir en confusion de cette malice, qui n'est rien qu'un micmac pour affronter noute bonne renommĂ©e et la vĂÂŽtre, Madame, se gobarger de nous trois; et c'est touchant ça que je venons vous demander justice. La Comtesse. - Il faudra bien tĂÂącher de vous la faire. Chevalier, ceci change les choses il ne faut plus que Frontin y songe. Allez, Lisette, ne vous affligez pas laissez la Marquise proposer tant qu'elle voudra ses Martons; je vous en rendrai bon compte, car c'est cette femme-lĂ , que je mĂ©nageais tant, qui m'attaque lĂ -dedans. Dorante n'y a d'autre part que sa complaisance mais peut-ĂÂȘtre me reste-t-il encore plus de crĂ©dit sur lui qu'elle ne se l'imagine. Ne vous embarrassez pas. Lisette. - Arlequin vient de me traiter avec une indiffĂ©rence insupportable; il semble qu'il ne m'ait jamais vue voyez de quoi la Marquise se mĂÂȘle! Blaise. - EmpĂÂȘcher qu'une fille ne soit la femme du monde! La Comtesse. - On y remĂ©diera, vous dis-je. Frontin. - Oui; mais le remĂšde ne me vaudra rien. Le Chevalier. - Comtesse, je vous Ă©coute, l'oreille vous entend, l'esprit nĂ© vous saisit point; jĂ© nĂ© vous conçois pas. Venez çà , Lisette; tirez-nous cettĂ© bizarre aventure au clair. N'ĂÂȘtes-vous pas Ă©prise dĂ© Frontin? Lisette. - Non, Monsieur; je le croyais, tandis qu'Arlequin m'aimait mais je vois que je me suis trompĂ©e, depuis qu'il me refuse. Le Chevalier. - QuĂ© rĂ©pondre Ă cĂ© coeur dĂ© femme? La Comtesse. - Et moi, je trouve que ce coeur de femme a raison, et ne mĂ©rite pas votre rĂ©flexion satirique; c'est un homme qui l'aimait, et qui lui dit qu'il ne l'aime plus; cela n'est pas agrĂ©able, elle en est touchĂ©e je reconnais notre coeur au sien; ce serait le vĂÂŽtre, ce serait le mien en pareil cas. Allez, vous autres, retirez-vous, et laissez-moi faire. Blaise. - J'en avons charchĂ© querelle Ă Monsieur Dorante et Ă sa Marquise de cette affaire. La Comtesse. - Reposez-vous sur moi. Voici Dorante; je vais lui en parler tout Ă l'heure. ScĂšne XI Dorante, la Comtesse, le Chevalier La Comtesse. - Venez, Dorante, et avant toute autre chose, parlons un peu de la Marquise. Dorante. - De tout mon coeur, Madame. La Comtesse. - Dites-moi donc de tout votre coeur de quoi elle s'avise aujourd'hui? Dorante. - Qu'a-t-elle fait? J'ai de la peine Ă croire qu'il y ait quelque chose Ă redire Ă ses procĂ©dĂ©s. La Comtesse. - Oh! je vais vous faciliter le moyen de croire, moi. Dorante. - Vous connaissez sa prudence... La Comtesse. - Vous ĂÂȘtes un opiniĂÂątre louangeur! Eh bien! Monsieur, cette femme que vous louez tant, jalouse de moi parce que le Chevalier la quitte, comme si c'Ă©tait ma faute, va, pour m'attaquer pourtant, chercher de petits dĂ©tails qui ne sont pas en vĂ©ritĂ© dignes d'une incomparable telle que vous la faites, et ne croit pas au-dessous d'elle de dĂ©tourner un valet d'aimer une suivante. Parce qu'elle sait que nous voulons les marier, et que je m'intĂ©resse Ă leur mariage, elle imagine, dans sa colĂšre, une Marton qu'elle jette Ă la traverse; et ce que j'admire le plus dans tout ceci, c'est de vous voir vous-mĂÂȘme prĂÂȘter les mains Ă un projet de cette espĂšce! Vous-mĂÂȘme, Monsieur! Dorante. - Eh! pensez-vous que la Marquise ait cru vous offenser? qu'il me soit venu dans l'esprit, Ă moi, que vous vous y intĂ©ressez encore? Non, Comtesse. Arlequin se plaignait d'une infidĂ©litĂ© que lui faisait Lisette; il perdait, disait-il, sa fortune on prend quelquefois part aux chagrins de ces gens-lĂ ; et la Marquise, pour le dĂ©dommager, lui a, par bontĂ©, proposĂ© le mariage de Marton qui est Ă elle; il l'a acceptĂ©e, l'en a remerciĂ©e voilĂ tout ce que c'est. Le Chevalier. - La rĂ©ponse mĂ© persuade, jĂ© les crois sans malice. QuĂ© sur cĂ© point la paix sĂ© fasse entre les puissances, et quĂ© les subalternes sĂ© dĂ©battent. La Comtesse. - Laissez-nous, Monsieur le Chevalier, vous direz votre sentiment quand on vous le demandera. Dorante, qu'il ne soit plus question de cette petite intrigue-lĂ , je vous prie; car elle me dĂ©plaĂt. Je me flatte que c'est assez vous dire. Dorante. - Attendez, Madame, appelons quelqu'un; mon valet est peut-ĂÂȘtre lĂ ... Arlequin!... La Comtesse. - Quel est votre dessein? Dorante. - La Marquise n'est pas loin, il n'y a qu'Ă la prier de votre part de venir ici, vous lui en parlerez. La Comtesse. - La Marquise! Eh! qu'ai-je besoin d'elle? Est-il nĂ©cessaire que vous la consultiez lĂ -dessus? Qu'elle approuve ou non, c'est Ă vous Ă qui je parle, Ă vous Ă qui je dis que je veux qu'il n'en soit rien, que je le veux, Dorante, sans m'embarrasser de ce qu'elle en pense. Dorante. - Oui, mais, Madame, observez qu'il faut que je m'en embarrasse, moi; je ne saurais en dĂ©cider sans elle. Y aurait-il rien de plus malhonnĂÂȘte que d'obliger mon valet Ă refuser une grĂÂące qu'elle lui fait et qu'il a acceptĂ©e? Je suis bien Ă©loignĂ© de ce procĂ©dĂ©-lĂ avec elle. La Comtesse. - Quoi! Monsieur, vous hĂ©sitez entre elle et moi! Songez-vous Ă ce que vous faites? Dorante. - C'est en y songeant que je m'arrĂÂȘte. Le Chevalier. - Eh! cadĂ©dis, laissons cĂ© trio dĂ© valets et dĂ© soubrettes. La Comtesse, outrĂ©e. - C'est Ă moi, sur ce pied-lĂ , Ă vous prier d'excuser le ton dont je l'ai pris, il ne me convenait point. Dorante. - Il m'honorera toujours, et j'y obĂ©irais avec plaisir, si je pouvais. La Comtesse rit. - Nous n'avons plus rien Ă nous dire, je pense donnez-moi la main, Chevalier. Le Chevalier, lui donnant la main. - PrĂ©nez et nĂ© rendez pas, Comtesse. Dorante. - J'Ă©tais pourtant venu pour savoir une chose; voudriez-vous bien m'en instruire, Madame? La Comtesse, se retournant. - Ah! Monsieur, je ne sais rien. Dorante. - Vous savez celle-ci, Madame. Vous destinez-vous bientĂÂŽt au Chevalier? Quand aurons-nous la joie de vous voir unis ensemble? La Comtesse. - Cette joie-lĂ , vous l'aurez peut-ĂÂȘtre ce soir, Monsieur. Le Chevalier. - DoucĂ©ment, divinĂ© Comtesse, jĂ© tombe en dĂ©lire! jĂ© perds haleine dĂ© ravissĂ©ment! Dorante. - Parbleu! Chevalier, j'en suis charmĂ©, et je t'en fĂ©licite. La Comtesse, Ă part. - Ah! l'indigne homme! Dorante, Ă part. - Elle rougit! La Comtesse. - Est-ce lĂ tout, Monsieur? Dorante. - Oui, Madame. La Comtesse, au Chevalier. - Partons. ScĂšne XII la Comtesse, la Marquise, le Chevalier, Dorante, Arlequin La Marquise. - Comtesse, votre jardiner m'apprend que vous ĂÂȘtes fĂÂąchĂ©e contre moi je viens vous demander pardon de la faute que j'ai faite sans le savoir; et c'est pour la rĂ©parer que je vous amĂšne ce garçon-ci. Arlequin, quand je vous ai promis Marton, j'ignorais que Madame pourrait s'en choquer, et je vous annonce que vous ne devez plus y compter. Arlequin. - Eh bien! je vous donne quittance; mais on dit que Blaise est venu vous demander justice contre moi, Madame je ne refuse pas de la faire bonne et prompte; il n'y a qu'Ă appeler le notaire; et s'il n'y est pas, qu'on prenne son clerc, je m'en contenterai. La Comtesse, Ă Dorante. - Renvoyez votre valet, Monsieur; et vous, Madame, je vous invite Ă lui tenir parole je me charge mĂÂȘme des frais de leur noce; n'en parlons plus. Dorante, Ă Arlequin. - Va-t'en. Arlequin, en s'en allant. - Il n'y a donc pas moyen d'esquiver Marton! C'est vous, Monsieur le Chevalier, qui ĂÂȘtes cause de tout ce tapage-lĂ ; vous avez mis tous nos amours sens dessus dessous. Si vous n'Ă©tiez pas ici, moi et mon maĂtre, nous aurions bravement tous deux Ă©pousĂ© notre Comtesse et notre Lisette, et nous n'aurions pas votre Marquise et sa Marton sur les bras. Hi! hi! hi! La Marquise et le Chevalier rient. - Eh! eh! eh! La Comtesse, riant aussi. - Eh! eh! Si ses extravagances vous amusent, dites-lui qu'il approche; il parle de trop loin. La jolie scĂšne! Le Chevalier. - C'est dĂ©mencĂ© d'amour. Dorante. - Retire-toi, faquin. La Marquise. - Ah çà ! Comtesse, sommes-nous bonnes amies Ă prĂ©sent? La Comtesse. - Ah! les meilleures du monde, assurĂ©ment, et vous ĂÂȘtes trop bonne. Dorante. - Marquise, je vous apprends une chose, c'est que la Comtesse et le Chevalier se marient peut-ĂÂȘtre ce soir. La Marquise. - En vĂ©ritĂ©? Le Chevalier. - CĂ© soir est loin encore. Dorante. - L'impatience sied fort bien mais si prĂšs d'une si douce aventure, on a bien des choses Ă se dire. Laissons-leur ces moments-ci, et allons, de notre cĂÂŽtĂ©, songer Ă ce qui nous regarde. La Marquise. - Allons, Comtesse, que je vous embrasse avant de partir. Adieu, Chevalier, je vous fais mes compliments; Ă tantĂÂŽt. ScĂšne XIII Le Chevalier, la Comtesse La Comtesse. - Vous ĂÂȘtes fort regrettĂ©, Ă ce que je vois, on faisait grand cas de vous. Le Chevalier. - JĂ© l'en dispense, surtout cĂ© soir. La Comtesse. - Ah! c'en est trop. Le Chevalier. - Comment! Changez-vous d'avis? La Comtesse. - Un peu. Le Chevalier. - QuĂ© pensez-vous? La Comtesse. - J'ai un dessein... il faudra que vous m'y serviez... Je vous le dirai tantĂÂŽt. Ne vous inquiĂ©tez point, je vais y rĂÂȘver. Adieu; ne me suivez pas... Elle s'en va et revient. Il est mĂÂȘme nĂ©cessaire que vous ne me voyiez pas si tĂÂŽt. Quand j'aurai besoin de vous, je vous en informerai. Le Chevalier. - JĂ© dĂ©meure muet jĂ© sens quĂ© jĂ© pĂ©riclite. Cette femme est plus femme qu'une autre. Acte III ScĂšne premiĂšre Le Chevalier, Lisette, Frontin Le Chevalier. - Mais dĂ© grĂÂące, Lisette, priez-la dĂ© ma part que jĂ© la voie un moment. Lisette. - Je ne saurais lui parler, Monsieur, elle repose. Le Chevalier. - EllĂ© rĂ©pose! EllĂ© rĂ©pose donc dĂ©bout? Frontin. - Oui, car moi sors de la terrasse, je viens de l'apercevoir se promenant dans la galerie. Lisette. - Qu'importe? Chacun a sa façon de reposer. Quelle est votre mĂ©thode Ă vous, Monsieur? Le Chevalier. - Il mĂ© paraĂt quĂ© tu mĂ© railles, Lisette. Frontin. - C'est ce qui me semble. Lisette. - Non, Monsieur; c'est une question qui vient Ă propos, et que je vous fais tout en devisant. Le Chevalier. - J'ai mĂÂȘme un petit soupçon quĂ© tu nĂ© m'aimes pas. Frontin. - Je l'avais aussi, ce petit soupçon-lĂ , mais je l'ai changĂ© contre une grande certitude. Lisette. - Votre pĂ©nĂ©tration n'a point perdu au change. Le Chevalier. - NĂ© lĂ© disais-je pas? Eh! pourquoi, sandis! tĂ© veux-jĂ© du bien, pendant quĂ© tu mĂ© veux du mal? D'oĂÂč mĂ© vient ma disposition amicale, et quĂ© ton coeur mĂ© rĂ©fuse lĂ© rĂ©ciproque? D'oĂÂč vient quĂ© nous diffĂ©rons dĂ© sentiments? Lisette. - Je n'en sais rien; c'est qu'apparemment il faut de la variĂ©tĂ© dans la vie. Frontin. - Je crois que nous sommes aussi trĂšs variĂ©s tous deux. Lisette. - Oui, si vous m'aimez encore; sinon, nous sommes uniformes. Le Chevalier. - Dis-moi lĂ© vrai tu nĂ© mĂ© rĂ©commandes pas Ă ta maĂtresse? Lisette. - Jamais qu'Ă son indiffĂ©rence. Frontin. - Le service est touchant! Le Chevalier. - Tu mĂ© fais donc prĂ©judice auprĂšs d'elle? Lisette. - Oh! tant que je peux mais pas autrement qu'en lui parlant contre vous; car je voudrais qu'elle ne vous aimĂÂąt pas; je vous l'avoue, je ne trompe personne. Frontin. - C'est du moins parler cordialement. Le Chevalier. - Ah çà ! Lisette, dĂ©vĂ©nons amis. Lisette. - Non; faites plutĂÂŽt comme moi, Monsieur, ne m'aimez pas. Le Chevalier. - JĂ© veux quĂ© tu m'aimes, et tu m'aimeras, cadĂ©dis! tu m'aimeras; jĂ© l'entrĂ©prends, jĂ© mĂ© lĂ© promets. Lisette. - Vous ne vous tiendrez pas parole. Frontin. - Ne savez-vous pas, Monsieur, qu'il y a des haines qui ne s'en vont point qu'on ne les paie? Pour cela... Le Chevalier. - Combien mĂ© coĂ»tera lĂ© dĂ©part dĂ© la tienne? Lisette. - Rien; elle n'est pas Ă vendre. Le Chevalier lui prĂ©sente sa bourse. - Tiens, prends, et la garde, si tu veux. Lisette. - Non, Monsieur; je vous volerais votre argent. Le Chevalier. - Prends, tĂ© dis-je, et mĂ© dis seulement cĂ© quĂ© ta maĂtresse projette. Lisette. - Non; mais je vous dirai bien ce que je voudrais qu'elle projetĂÂąt, c'est tout ce que je sais. En ĂÂȘtes-vous curieux? Frontin. - Vous nous l'avez dĂ©jĂ dit en plus de dix façons, ma belle. Le Chevalier. - N'a-t-ellĂ© pas quelquĂ© dessein? Lisette. - Eh! qui est-ce qui n'en a pas? Personne n'est sans dessein; on a toujours quelque vue. Par exemple, j'ai le dessein de vous quitter, si vous n'avez pas celui de me quitter vous-mĂÂȘme. Le Chevalier. - RĂ©tirons-nous, Frontin; jĂ© sens quĂ© jĂ© m'indigne. Nous rĂ©viendrons tantĂÂŽt la recommander Ă sa maĂtresse. Frontin. - Adieu donc, soubrette ennemie; adieu, mon petit coeur fantasque; adieu, la plus aimable de toutes les girouettes. Lisette. - Adieu, le plus *disgraciĂ© de tous les hommes. Ils s'en vont. ScĂšne II Lisette, Arlequin Arlequin. - M'amie, j'ai beau faire signe Ă mon maĂtre; il se moque de cela, il ne veut pas venir savoir ce que je lui demande. Lisette. - Il faut donc lui parler devant la Marquise, Arlequin. Arlequin. - Marquise malencontreuse! HĂ©las! ma fille, la bontĂ© que j'ai eue de te rendre mon coeur ne nous profitera ni Ă l'un ni Ă l'autre. Il me sera inutile d'avoir oubliĂ© tes impertinences; le diable a entrepris de me faire Ă©pouser Marton; il n'en dĂ©mordra pas; il me la garde. Lisette. - Retourne Ă ton maĂtre, et dis-lui que je l'attends ici. Arlequin. - Il ne se souciera pas de ton attente. Lisette. - Il n'y a point de temps Ă perdre cependant va donc. Arlequin. - Je suis tout engourdi de tristesse. Lisette. - Allons, allons, dĂ©gourdis-toi, puisque tu m'aimes. Tiens, voilĂ ton maĂtre et la Marquise qui s'approchent tire-le Ă quartier, lui, pendant que je m'Ă©loigne. Elle sort. ScĂšne III Dorante, Arlequin, la Marquise Arlequin, Ă Dorante. - Monsieur, venez que je vous parle. Dorante. - Dis ce que tu me veux. Arlequin. - Il ne faut pas que Madame y soit. Dorante. - Je n'ai point de secret pour elle. Arlequin. - J'en ai un qui ne veut pas qu'elle le connaisse. La Marquise. - C'est donc un grand mystĂšre? Arlequin. - Oui c'est Lisette qui demande Monsieur, et il n'est pas Ă propos que vous le sachiez, Madame. La Marquise. - Ta discrĂ©tion est admirable! Voyez ce que c'est, Dorante; mais que je vous dise un mot auparavant. Et toi, va chercher Lisette. ScĂšne IV Dorante, la Marquise La Marquise. - C'est apparemment de la part de la Comtesse? Dorante. - Sans doute, et vous voyez combien elle est agitĂ©e. La Marquise. - Et vous brĂ»lez d'envie de vous rendre! Dorante. - Me siĂ©rait-il de faire le cruel? La Marquise. - Nous touchons au terme, et nous manquons notre coup, si vous allez si vite. Ne vous y trompez point, les mouvements qu'on se donne sont encore Ă©quivoques; il n'est pas sĂ»r que ce soit de l'amour; j'ai peur qu'on ne soit plus jalouse de moi que de votre coeur; qu'on ne mĂ©dite de triompher de vous et de moi, pour se moquer de nous deux. Toutes nos mesures sont prises; allons jusqu'au contrat, comme nous l'avons rĂ©solu; ce moment seul dĂ©cidera si on vous aime. L'amour a ses expressions, l'orgueil a les siennes; l'amour soupire de ce qu'il perd, l'orgueil mĂ©prise ce qu'on lui refuse attendons le soupir ou le mĂ©pris; tenez bon jusqu'Ă cette Ă©preuve, pour l'intĂ©rĂÂȘt de votre amour mĂÂȘme. AbrĂ©gez avec Lisette, et revenez me trouver. Dorante. - Ah! votre Ă©preuve me fait trembler! Elle est pourtant raisonnable et je m'y exposerai, je vous le promets. La Marquise. - Je soutiens moi-mĂÂȘme un personnage qui n'est pas fort agrĂ©able, et qui le sera encore moins sur ces fins-ci, car il faudra que je supplĂ©e au peu de courage que vous me montrez; mais que ne fait-on pas pour se venger? Adieu. Elle sort. ScĂšne V Dorante, Arlequin, Lisette Dorante. - Que me veux-tu, Lisette? Je n'ai qu'un moment Ă te donner. Tu vois bien que je quitte Madame la Marquise, et notre conversation pourrait ĂÂȘtre suspecte dans la conjoncture oĂÂč je me trouve. Lisette. - HĂ©las! Monsieur, quelle est donc cette conjoncture oĂÂč vous ĂÂȘtes avec elle? Dorante. - C'est que je vais l'Ă©pouser rien que cela. Arlequin. - Oh! Monsieur, point du tout. Lisette. - Vous, l'Ă©pouser! Arlequin. - Jamais. Dorante. - Tais-toi... Ne me retiens point, Lisette que me veux-tu? Lisette. - Eh, doucement! donnez-vous le temps de respirer. Ah! que vous ĂÂȘtes changĂ©! Arlequin. - C'est cette perfide qui le fĂÂąche; mais ce ne sera rien. Lisette. - Vous ressouvenez-vous que j'appartiens Ă Madame la Comtesse, Monsieur? L'avez-vous oubliĂ©e elle-mĂÂȘme? Dorante. - Non, je l'honore, je la respecte toujours mais je pars, si tu n'achĂšves. Lisette. - Eh bien! Monsieur, je finis. Qu'est-ce que c'est que les hommes! Dorante, s'en allant. - Adieu. Arlequin. - Cours aprĂšs. Lisette. - Attendez donc, Monsieur. Dorante. - C'est que tes exclamations sur les hommes sont si mal placĂ©es, que j'en rougis pour ta maĂtresse. Arlequin. - VĂ©ritablement l'exclamation est effrontĂ©e avec nous; supprime-la. Lisette. - C'est pourtant de sa part que je viens vous dire qu'elle souhaite vous parler. Dorante. - Quoi! tout Ă l'heure? Lisette. - Oui, Monsieur. Arlequin. - Le plus tĂÂŽt c'est le mieux. Dorante. - Te tairas-tu, toi? Est-ce que tu es raccommodĂ© avec Lisette? Arlequin. - HĂ©las! Monsieur, l'amour l'a voulu, et il est le maĂtre; car je ne le voulais pas, moi. Dorante. - Ce sont tes affaires. Quant Ă moi, Lisette, dites Ă Madame la Comtesse que je la conjure de vouloir bien remettre notre entretien; que j'ai, pour le diffĂ©rer, des raisons que je lui dirai; que je lui en demande mille pardons; mais qu'elle m'approuvera elle-mĂÂȘme. Lisette. - Monsieur, il faut qu'elle vous parle; elle le veut. Arlequin, se mettant Ă genoux. - Et voici moi qui vous en supplie Ă deux genoux. Allez, Monsieur, cette bonne dame est amendĂ©e; je suis persuadĂ© qu'elle vous dira d'excellentes choses pour le renouvellement de votre amour. Dorante. - Je crois que tu as perdu l'esprit. En un mot, Lisette, je ne saurais, tu le vois bien; c'est une entrevue qui inquiĂ©terait la Marquise; et Madame la Comtesse est trop raisonnable pour ne pas entrer dans ce que je dis lĂ d'ailleurs, je suis sĂ»r qu'elle n'a rien de fort pressĂ© Ă me dire. Lisette. - Rien, sinon que je crois qu'elle vous aime toujours. Arlequin. - Et bien tendrement malgrĂ© la petite parenthĂšse! Dorante. - Qu'elle m'aime toujours, Lisette! Ah! c'en serait trop, si vous parliez d'aprĂšs elle; et l'envie qu'elle aurait de me voir en ce cas-lĂ , serait en vĂ©ritĂ© trop maligne. Que Madame la Comtesse m'ait abandonnĂ©, qu'elle ait cessĂ© de m'aimer, comme vous me l'avez dit vous-mĂÂȘme, passe je n'Ă©tais pas digne d'elle; mais qu'elle cherche de gaietĂ© de coeur Ă m'engager dans une dĂ©marche qui me brouillerait peut-ĂÂȘtre avec la Marquise, ah! c'en est trop, vous dis-je; et je ne la verrai qu'avec la personne que je vais rejoindre. Il s'en va. Arlequin, le suivant. - Eh! non, Monsieur, mon cher maĂtre, tournez Ă droite, ne prenez pas Ă gauche. Venez donc je crierai toujours jusqu'Ă ce qu'il m'entende. ScĂšne VI Lisette, un moment seule; la Comtesse Lisette. - Allons, il faut l'avouer, ma maĂtresse le mĂ©rite bien. La Comtesse. - Eh bien! Lisette, viendra-t-il? Lisette. - Non, Madame. La Comtesse. - Non! Lisette. - Non; il vous prie de l'excuser, parce qu'il dit que cet entretien fĂÂącherait la Marquise, qu'il va Ă©pouser. La Comtesse. - Comment? Que dites-vous? Epouser la Marquise! lui? Lisette. - Oui, Madame, et il est persuadĂ© que vous entrerez dans cette bonne raison qu'il apporte. La Comtesse. - Mais ce que tu me dis lĂ est inouĂÂŻ, Lisette. Ce n'est point lĂ Dorante! Est-ce de lui dont tu me parles? Lisette. - De lui-mĂÂȘme; mais de Dorante qui ne vous aime plus. La Comtesse. - Cela n'est pas vrai; je ne saurais m'accoutumer Ă cette idĂ©e-lĂ , on ne me la persuadera pas; mon coeur et ma raison la rejettent, me disent qu'elle est fausse, absolument fausse. Lisette. - Votre coeur et votre raison se trompent. Imaginez-vous mĂÂȘme que Dorante soupçonne que vous ne voulez le voir que pour inquiĂ©ter la Marquise et le brouiller avec elle. La Comtesse. - Eh! laisse lĂ cette Marquise Ă©ternelle! Ne m'en parle non plus que si elle n'Ă©tait pas au monde! Il ne s'agit pas d'elle. En vĂ©ritĂ©, cette femme-lĂ n'est pas faite pour m'effacer de son coeur, et je ne m'y attends pas. Lisette. - Eh! Madame, elle n'est que trop aimable. La Comtesse. - Que trop! Etes-vous folle? Lisette. - Du moins peut-elle plaire ajoutez Ă cela votre infidĂ©litĂ©, c'en est assez pour guĂ©rir Dorante. La Comtesse. - Mais, mon infidĂ©litĂ©, oĂÂč est-elle? Je veux mourir, si je l'ai jamais sentie! Lisette. - Je la sais de vous-mĂÂȘme. D'abord vous avez niĂ© que c'en fĂ»t une, parce que vous n'aimiez pas Dorante, disiez-vous; ensuite vous m'avez prouvĂ© qu'elle Ă©tait innocente; enfin, vous m'en avez fait l'Ă©loge, et si bien l'Ă©loge, que je me suis mise Ă vous imiter, ce dont je me suis bien repentie depuis. La Comtesse. - Eh bien! mon enfant, je me trompais; je parlais d'infidĂ©litĂ© sans la connaĂtre. Lisette. - Pourquoi donc n'avez-vous rien Ă©pargnĂ© de cruel pour vous ĂÂŽter Dorante? La Comtesse. - Je n'en sais rien; mais je l'aime, et tu m'accables, tu me pĂ©nĂštres de douleur! Je l'ai maltraitĂ©, j'en conviens; j'ai tort, un tort affreux! Un tort que je ne me pardonnerai jamais, et qui ne mĂ©rite pas que l'on l'oublie! Que veux-tu que je te dise de plus? Je me condamne, je me suis mal conduite, il est vrai. Lisette. - Je vous le disais bien, avant que vous m'eussiez gagnĂ©e. La Comtesse. - MisĂ©rable amour-propre de femme! MisĂ©rable vanitĂ© d'ĂÂȘtre aimĂ©e! VoilĂ ce que vous me coĂ»tez! J'ai voulu plaire au Chevalier, comme s'il en eĂ»t valu la peine; j'ai voulu me donner cette preuve-lĂ de mon mĂ©rite; il manquait cet honneur Ă mes charmes; les voilĂ bien glorieux! J'ai fait la conquĂÂȘte du Chevalier, et j'ai perdu Dorante! Lisette. - Quelle diffĂ©rence! La Comtesse. - Bien plus; c'est que c'est un homme que je hais naturellement quand je m'Ă©coute un homme que j'ai toujours trouvĂ© ridicule, que j'ai cent fois raillĂ© moi-mĂÂȘme, et qui me reste Ă la place du plus aimable homme du monde. Ah! que je suis belle Ă prĂ©sent! Lisette. - Ne perdez point le temps Ă vous affliger, Madame. Dorante ne sait pas que vous l'aimez encore. Le laissez-vous Ă la Marquise? Voulez-vous tĂÂącher de le ravoir? Essayez, faites quelques dĂ©marches, puisqu'il a droit d'ĂÂȘtre fĂÂąchĂ©, et que vous ĂÂȘtes dans votre tort. La Comtesse. - Eh! que veux-tu que je fasse pour un ingrat qui refuse de me parler, Lisette? Il faut bien que j'y renonce! Est-ce lĂ un procĂ©dĂ©? Toi qui dis qu'il a droit d'ĂÂȘtre fĂÂąchĂ©, voyons, Lisette, est-ce que j'ai cru le perdre? Ai-je imaginĂ© qu'il m'abandonnerait? L'ai-je soupçonnĂ© de cette lĂÂąchetĂ©-lĂ ? A-t-on jamais comptĂ© sur un coeur autant que j'ai comptĂ© sur le sien? Estime infinie, confiance aveugle; et tu dis que j'ai tort? et tout homme qu'on honore de ces sentiments-lĂ n'est pas un perfide quand il les trompe? Car je les avais, Lisette. Lisette. - Je n'y comprends rien. La Comtesse. - Oui, je les avais; je ne m'embarrassais ni de ses plaintes ni de ses jalousies; je riais de ses reproches; je dĂ©fiais son coeur de me manquer jamais; je me plaisais Ă l'inquiĂ©ter impunĂ©ment; c'Ă©tait lĂ mon idĂ©e; je ne le mĂ©nageais point. Jamais on ne vĂ©cut dans une sĂ©curitĂ© plus obligeante; je m'en applaudissais, elle faisait son Ă©loge et cet homme, aprĂšs cela, me laisse! Est-il excusable? Lisette. - Calmez-vous donc, Madame; vous ĂÂȘtes dans une dĂ©solation qui m'afflige. Travaillons Ă le ramener, et ne crions point inutilement contre lui. Commencez par rompre avec le Chevalier; voilĂ dĂ©jĂ deux fois qu'il se prĂ©sente pour vous voir, et que je le renvoie. La Comtesse. - J'avais pourtant dit Ă cet importun-lĂ de ne point venir, que je ne le fisse avertir. Lisette - Qu'en voulez-vous faire? La Comtesse. - Oh! le haĂÂŻr autant qu'il est haĂÂŻssable; c'est Ă quoi je le destine, je t'assure mais il faut pourtant que je le voie, Lisette; j'ai besoin de lui dans tout ceci; laisse-le venir; va mĂÂȘme le chercher. Lisette. - Voici mon pĂšre; sachons auparavant ce qu'il veut. ScĂšne VII Blaise, La Comtesse, Lisette. Blaise. - MorguĂ©! Madame, savez-vous bian ce qui se passe ici? Vous avise-t-on d'un tabellion qui se promĂšne lĂ -bas dans le jardin avec Monsieur Dorante et cette Marquise, et qui dit comme ça qu'il leur apporte un chiffon de contrat qu'ils li ont commandĂ©, pour Ă celle fin qu'ils y boutent leur seing par-devant sa parsonne? Qu'est-ce que vous dites de ça, Madame? car noute fille dit que voute affection a repoussĂ© pour Dorante; et ce tabellion est un impartinent. La Comtesse. - Un notaire chez moi, Lisette! Ils veulent donc se marier ici? Blaise. - Eh! morguĂ©! sans doute. Ils disont itou qu'il fera le contrat pour quatre; ceti-lĂ de voute ancien amoureux avec la Marquise; ceti-lĂ de vous et du Chevalier, voute nouviau galant. VelĂ comme ils se gobargeont de ça; et jarnigoi! ça me fĂÂąche. Et vous, Madame? La Comtesse. - Je m'y perds! C'est comme une fable! Lisette. - Cette fable me rĂ©volte. Blaise. - JarniguĂ©! cette Marquise, maugrĂ© le marquisat qu'alle a, n'en agit pas en droiture; an ne friponne pas les amoureux d'une parsonne de voute sorte et dans tout ça il n'y a qu'un mot qui sarve; Madame n'a qu'Ă dire, mon rĂÂątiau est tout prĂÂȘt, et, jarniguĂ©! j'allons vous ratisser ce biau notaire et sa paperasse ni pus ni moins que mauvaise harbe. La Comtesse. - Lisette, parle donc! Tu ne me conseilles rien. Je suis accablĂ©e! Ils vont s'Ă©pouser ici, si je n'y mets ordre. Il n'est plus question de Dorante; tu sens bien que je le dĂ©teste mais on m'insulte. Lisette. - Ma foi, Madame, ce que j'entends lĂ m'indigne Ă mon tour; et Ă votre place, je me soucierais si peu de lui, que je le laisserais faire. La Comtesse. - Tu le laisserais faire! Mais si tu l'aimais, Lisette? Lisette. - Vous dites que vous le haĂÂŻssez! La Comtesse. - Cela n'empĂÂȘche pas que je ne l'aime. Et dans le fond, pourquoi le haĂÂŻr? Il croit que j'ai tort, tu me l'as dit toi-mĂÂȘme, et tu avais raison; je l'ai abandonnĂ© la premiĂšre il faut que je le cherche et que je le dĂ©sabuse. Blaise. - MorguĂ©! Madame, j'ons vu le temps qu'il me chĂ©rissait estimez-vous que je sois bon pour li parler? La Comtesse. - Je suis d'avis de lui Ă©crire un mot, Lisette, et que ton pĂšre aille lui rendre ma lettre Ă l'insu de la Marquise. Lisette. - Faites, Madame. La Comtesse. - A propos de lettre, je ne songeais pas que j'en ai une sur moi que je lui Ă©crivais tantĂÂŽt, et que tout ceci me faisait oublier. Tiens, Blaise, va, tĂÂąche de la lui rendre sans que la Marquise s'en aperçoive. Blaise. - N'y aura pas d'aparcevance stapendant qu'il lira voute lettre je la renforcerons de queuque remontration. Il s'en va. ScĂšne VIII Frontin, Le Chevalier, Lisette, La Comtesse Le Chevalier. - Eh! donc, ma ComtessĂ©, quĂ© devient l'amour? A quoi pensĂ© lĂ© coeur? Est-ce ainsi quĂ© vous m'avertissez dĂ© venir? Quel est lĂ© motif dĂ© l'absence quĂ© vous m'avez ordonnĂ©e? Vous nĂ© mĂ© mandez pas, vous mĂ© laissez en langueur; jĂ© mĂ© mande moi-mĂÂȘme. La Comtesse. - J'allais vous envoyer chercher, Monsieur. Le Chevalier. - LĂ© messager m'a paru tardif. QuĂ© dĂ©terminez-vous? Nos gens vont sĂ© marier, le contrat sĂ© passe actuellement. N'userons-nous pas de la commoditĂ© du notaire? Ils mĂ© dĂ©lĂšguent pour vous y inviter. Ratifiez mon impatience; songez quĂ© l'amour gĂ©mit d'attendre, quĂ© les besoins du coeur sont pressĂ©s, quĂ© les instants sont prĂ©cieux, quĂ© vous m'en dĂ©robez d'irrĂ©parables, et quĂ© jĂ© meurs. ExpĂ©dions. La Comtesse. - Non, Monsieur le Chevalier, ce n'est pas mon dessein. Le Chevalier. - Nous n'Ă©pouserons pas? La Comtesse. - Non. Le Chevalier. - Qu'est-ce Ă dire "non"? La Comtesse. - Non signifie non je veux vous raccommoder avec la Marquise. Le Chevalier. - Avec la Marquise! Mais c'est vous quĂ© j'aime, Madame! La Comtesse. - Mais c'est moi qui ne vous aime point, Monsieur; je suis fĂÂąchĂ©e de vous le dire si brusquement; mais il faut bien que vous le sachiez. Le Chevalier. - Vous mĂ© raillez, sandis! La Comtesse. - Je vous parle trĂšs sĂ©rieusement. Le Chevalier. - Ma ComtessĂ©, finissons; point dĂ© badinage avec un coeur qui va pĂ©rir d'Ă©pouvante. La Comtesse. - Vous devez vous ĂÂȘtre aperçu de mes sentiments. J'ai toujours diffĂ©rĂ© le mariage dont vous parlez, vous le savez bien. Comment n'avez-vous pas senti que je n'avais pas envie de conclure? Le Chevalier. - LĂ© comble dĂ© mon bonheur, vous l'avez rĂ©mis Ă cĂ© soir. La Comtesse. - Aussi le comble de votre bonheur peut-il ce soir arriver de la part de la Marquise. L'avez-vous vue, comme je vous l'ai recommandĂ© tantĂÂŽt? Le Chevalier. - RĂ©commandĂ©! Il n'en a pas Ă©tĂ© question, cadĂ©dis! La Comtesse. - Vous vous trompez; Monsieur, je crois vous l'avoir dit. Le Chevalier. - Mais, la Marquise et lĂ© Chevalier, qu'ont-ils Ă dĂ©mĂÂȘler ensemble? La Comtesse. - Ils ont Ă s'aimer tous deux, de mĂÂȘme qu'ils s'aimaient, Monsieur. Je n'ai point d'autre parti Ă vous offrir que de retourner Ă elle, et je me charge de vous rĂ©concilier. Le Chevalier. - C'est une vapeur qui passe. La Comtesse. - C'est un sentiment qui durera toujours. Lisette. - Je vous le garantis Ă©ternel. Le Chevalier. - Frontin, oĂÂč en sommes-nous? Frontin. - Mais, Ă vue de pays, nous en sommes Ă rien. Ce chemin-lĂ n'a pas l'air de nous mener au gĂte. Lisette. - Si fait, par ce chemin-lĂ vous pouvez vous en retournez chez vous. Le Chevalier. - Partirai-jĂ©, ComtessĂ©? SĂ©ra-ce lĂ© rĂ©sultat? La Comtesse. - J'attends rĂ©ponse d'une lettre; vous saurez le reste quand je l'aurai reçue diffĂ©rez votre dĂ©part jusque-lĂ . ScĂšne IX Arlequin, et les acteurs prĂ©cĂ©dents. Arlequin. - Madame, mon maĂtre et Madame la Marquise envoient savoir s'ils ne vous importuneront pas ils viennent vous prononcer votre arrĂÂȘt et le mien; car je n'Ă©pouserai point Lisette, puisque mon maĂtre ne veut pas de vous. La Comtesse. - Je les attends... A Lisette. Il faut qu'il n'ait pas reçu ma lettre, Lisette. Arlequin. - Ils vont entrer, car ils sont Ă la porte. La Comtesse. - Ce que je vais leur dire va vous mettre au fait, Chevalier; ce ne sera point ma faute, si vous n'ĂÂȘtes pas content. Le Chevalier. - Allons, jĂ© suis dupe; c'est ĂÂȘtre au fait. ScĂšne X La Marquise, Dorante, La Comtesse, Le Chevalier, Frontin, Arlequin, Lisette La Marquise. - Eh bien, Madame! je ne vois rien encore qui nous annonce un mariage avec le Chevalier quand vous proposez-vous donc d'achever son bonheur? La Comtesse. - Quand il vous plaira, Madame; c'est Ă vous Ă qui je le demande; son bonheur est entre vos mains; vous en ĂÂȘtes l'arbitre. La Marquise. - Moi, Comtesse? Si je le suis, vous l'Ă©pouserez dĂšs aujourd'hui, et vous nous permettrez de joindre notre mariage au vĂÂŽtre. La Comtesse. - Le vĂÂŽtre! avec qui donc, Madame? Arrive-t-il quelqu'un pour vous Ă©pouser? La Marquise, montrant Dorante. - Il n'arrive pas de bien loin, puisque le voilĂ . Dorante. - Oui, Comtesse, Madame me fait l'honneur de me donner sa main; et comme nous sommes chez vous, nous venons vous prier de permettre qu'on nous y unisse. La Comtesse. - Non, Monsieur, non l'honneur serait trĂšs grand, trĂšs flatteur; mais j'ai lieu de penser que le ciel vous rĂ©serve un autre sort. Le Chevalier. - Nous avons changĂ© votre Ă©conomie jĂ© tombĂ© dans lĂ© lot dĂ© Madame la Marquise, et Madame la ComtessĂ© tombĂ© dans lĂ© tien. La Marquise. - Oh! nous resterons comme nous sommes. La Comtesse. - Laissez-moi parler, Madame, je demande audience Ă©coutez-moi. Il est temps de vous dĂ©sabuser, Chevalier vous avez cru que je vous aimais; l'accueil que je vous ai fait a pu mĂÂȘme vous le persuader; mais cet accueil vous trompait, il n'en Ă©tait rien je n'ai jamais cessĂ© d'aimer Dorante, et ne vous ai souffert que pour Ă©prouver son coeur. Il vous en a coĂ»tĂ© des sentiments pour moi; vous m'aimez, et j'en suis fĂÂąchĂ©e mais votre amour servait Ă mes desseins. Vous avez Ă vous plaindre de lui, Marquise, j'en conviens son coeur s'est un peu distrait de la tendresse qu'il vous devait; mais il faut tout dire. La faute qu'il a faite est excusable, et je n'ai point Ă tirer vanitĂ© de vous l'avoir dĂ©robĂ© pour quelque temps; ce n'est point Ă mes charmes qu'il a cĂ©dĂ©, c'est Ă mon adresse il ne me trouvait pas plus aimable que vous; mais il m'a cru plus prĂ©venue, et c'est un grand appĂÂąt. Quant Ă vous, Dorante, vous m'avez assez mal payĂ©e d'une Ă©preuve aussi tendre la dĂ©licatesse de sentiments qui m'a persuadĂ©e de la faire, n'a pas lieu d'ĂÂȘtre trop satisfaite; mais peut-ĂÂȘtre le parti que vous avez pris vient-il plus de ressentiment que de mĂ©diocritĂ© d'amour j'ai poussĂ© les choses un peu loin; vous avez pu y ĂÂȘtre trompĂ©; je ne veux point vous juger Ă la rigueur; je ferme les yeux sur votre conduite, et je vous pardonne. La Marquise, riant. - Ah! ah! ah! Je pense qu'il n'est plus temps, Madame, du moins je m'en flatte; ou bien, si vous m'en croyez, vous serez encore plus gĂ©nĂ©reuse; vous irez jusqu'Ă lui pardonner les noeuds qui vont nous unir. La Comtesse. - Et moi, Dorante, vous me perdez pour jamais si vous hĂ©sitez un instant. Le Chevalier. - JĂ© dĂ©mande audience jĂ© perds Madame la Marquise, et j'aurais tort dĂ© m'en plaindre; jĂ© mĂ© suis trouvĂ© dĂ©faillant dĂ© fidĂ©litĂ©, jĂ© nĂ© sais comment, car lĂ© mĂ©rite dĂ© Madame m'en fournissait abondance, et c'est un malheur qui mĂ© passe! En un mot, jĂ© suis infidĂšle, jĂ© m'en accuse; mais jĂ© suis vrai, jĂ© m'en vante. Il nĂ© tient qu'Ă moi d'user dĂ© rĂ©prĂ©saille, et dĂ© dire Ă Madame la Comtesse Vous mĂ© trompiez, jĂ© vous trompais. Mais jĂ© nĂ© suis qu'un homme, et jĂ© n'aspire pas Ă cĂ© dĂ©grĂ© dĂ© finesse et d'industrie. Voici lĂ© compte juste; vous avez contrefait dĂ© l'amour, dites-vous, Madame; jĂ© n'en valais pas davantage; mais votre estime a surpassĂ© mon prix. NĂ© rĂ©tranchez rien du fatal honneur quĂ© vous m'avez fait jĂ© vous aimais, vous mĂ© lĂ© rendiez cordialement. La Comtesse. - Du moins l'avez-vous cru. Le Chevalier. - J'achĂšve jĂ© vous aimais, un peu moins quĂ© Madame. JĂ© m'explique elle avait dĂ© mon coeur une possession plus complĂšte, jĂ© l'adorais; mais jĂ© vous aimais, sandis! passablement, avec quelque rĂ©miniscence pour elle. Oui, Dorante, nous Ă©tions dans lĂ© tendre. Laisse lĂ l'histoire qu'on tĂ© fait, mon ami; il fĂÂąche Madame quĂ© tu la dĂ©sertes, quĂ© ses appas restent infĂ©rieurs; sa gloire crie, tĂ© rĂ©dĂ©mande, fait la sirĂšne; quĂ© son chant tĂ© trouve sourd. Montrant la Marquise. Prends un regard dĂ© ces beaux yeux pour tĂ© servir d'antidote; demeure avec cet objet quĂ© l'amour venge dans mon coeur jĂ© lĂ© dis Ă rĂ©gret, jĂ© disputerais Madame dĂ© tout mon sang, s'il m'appartenait d'entrer en dispute; possĂšde-la, Dorante, bĂ©nis lĂ© ciel du bonheur qu'il t'accorde. DĂ© toutes les Ă©pouses, la plus estimable, la plus digne dĂ© respect et d'amour, c'est toi qui la tiens; dĂ© toutes les pertes, la plus immense, c'est moi qui la fais; dĂ© tous les hommes, lĂ© plus ingrat, lĂ© plus dĂ©loyal, en mĂÂȘme temps lĂ© plus imbĂ©cile, c'est lĂ© malheureux qui tĂ© parle. La Marquise. - Je n'ajouterai rien Ă la dĂ©finition; tout y est. La Comtesse. - Je ne daigne pas rĂ©pondre Ă ce que vous dites sur mon comte, Chevalier c'est le dĂ©pit qui vous l'arrache, et je vous ai dit mes intentions, Dorante; qu'il n'en soit plus parlĂ©, si vous ne les mĂ©ritez pas. La Marquise. - Nous nous aimons de bonne foi il n'y a plus de remĂšde, Comtesse, et deux personnes qu'on oublie ont bien droit de prendre parti ailleurs. TĂÂąchez tous deux de nous oublier encore vous savez comment cela fait, et cela vous doit ĂÂȘtre plus aisĂ© cette fois-ci que l'autre. Au notaire. Approchez, Monsieur. Voici le contrat qu'on nous apporte Ă signer. Dorante, priez Madame de vouloir bien l'honorer de sa signature. La Comtesse. - Quoi! si tĂÂŽt? La Marquise. - Oui, Madame, si vous nous le permettez. La Comtesse. - C'est Ă Dorante Ă qui je parle, Madame. Dorante. - Oui, Madame. La Comtesse. - Votre contrat avec la Marquise? Dorante. - Oui, Madame. La Comtesse. - Je ne l'aurais pas cru! La Marquise. - Nous espĂ©rons mĂÂȘme que le vĂÂŽtre accompagnera celui-ci. Et vous, Chevalier, ne signerez-vous pas? Le Chevalier. - JĂ© nĂ© sais plus Ă©crire. La Marquise, au notaire. - PrĂ©sentez la plume Ă Madame, Monsieur. La Comtesse, vite. - Donnez. Elle signe et jette la plume aprĂšs. Ah! perfide! Elle tombe dans les bras de Lisette. Dorante, se jetant Ă ses genoux. - Ah! ma chĂšre Comtesse! La Marquise. - Rendez-vous Ă prĂ©sent; vous ĂÂȘtes aimĂ©, Dorante. Arlequin. - Quel plaisir, Lisette! Lisette. - Je suis contente. La Comtesse. - Quoi! Dorante Ă mes genoux? Dorante. - Et plus pĂ©nĂ©trĂ© d'amour qu'il ne le fut jamais. La Comtesse. - Levez-vous. Dorante m'aime donc encore? Dorante. - Et n'a jamais cessĂ© de vous aimer. La Comtesse. - Et la Marquise? Dorante. - C'est elle Ă qui je devrai votre coeur, si vous me le rendez, Comtesse; elle a tout conduit. La Comtesse. - Ah! je respire! Que de chagrin vous m'avez donnĂ©! Comment avez-vous pu feindre si longtemps? Dorante. - Je ne l'ai pu qu'Ă force d'amour; j'espĂ©rais de regagner ce que j'aime. La Comtesse, avec force. - Eh! oĂÂč est la Marquise, que je l'embrasse? La Marquise, s'approchant et l'embrassant. - La voilĂ , Comtesse. Sommes-nous bonnes amies? La Comtesse. - Je vous ai l'obligation d'ĂÂȘtre heureuse et raisonnable. Dorante baise la main de la Comtesse. La Marquise. - Quant Ă vous, Chevalier, je vous conseille de porter votre main ailleurs; il n'y a pas d'apparence que personne vous en dĂ©fasse ici. La Comtesse. - Non, Marquise, j'obtiendrai sa grĂÂące; elle manquerait Ă ma joie et au service que vous m'avez rendu. La Marquise. - Nous verrons dans six mois. Le Chevalier. - JĂ© nĂ© vous dĂ©mandais qu'un termĂ©; lĂ© reste est mon affaire. Ils s'en vont. ScĂšne XI Frontin, Lisette, Blaise, Arlequin Frontin. - Epousez-vous Arlequin, Lisette? Lisette. - Le coeur me dit que oui. Arlequin. - Le mien opine de mĂÂȘme. Blaise. - Et ma volontĂ© se met par-dessus ça. Frontin. - Eh bien! Lisette, je vous donne six mois pour revenir Ă moi. La MĂ©prise Acteurs ComĂ©die en un acte, en prose, reprĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois le 16 aoĂ»t 1734 par les comĂ©diens Italiens Acteurs Hortense Mlle Silvia Clarice, soeur d'Hortense Mlle Thomassin Lisette, suivante de Clarice Mlle Rolland Ergaste M. RomagnĂ©si Frontin, valet d'Ergaste M. LĂ©lio Arlequin, valet d'Hortense M. Thomassin La scĂšne est dans un jardin. Le thĂ©ĂÂątre reprĂ©sente un jardin. ScĂšne premiĂšre Frontin, Ergaste Frontin. - Je vous dis, Monsieur, que je l'attends ici, je vous dis qu'elle s'y rendra, que j'en suis sĂ»r, et que j'y compte comme si elle y Ă©tait dĂ©jĂ . Ergaste. - Et moi, je n'en crois rien. Frontin. - C'est que vous ne savez pas ce que je vaux, mais une fille ne s'y trompera pas j'ai vu la friponne jeter sur moi de certains regards, qui n'en demeureront pas lĂ , qui auront des suites, vous le verrez. Ergaste. - Nous n'avons vu la maĂtresse et la suivante qu'une fois; encore, ce fut par un coup du hasard que nous les rencontrĂÂąmes hier dans cette promenade-ci; elles ne furent avec nous qu'un instant; nous ne les connaissons point; de ton propre aveu, la suivante ne te rĂ©pondit rien quand tu lui parlas quelle apparence y a-t-il qu'elle ait fait la moindre attention Ă ce que tu lui dis? Frontin. - Mais, Monsieur, faut-il encore vous rĂ©pĂ©ter que ses yeux me rĂ©pondirent? N'est-ce rien que des yeux qui parlent? Ce qu'ils disent est encore plus sĂ»r que des paroles. Mon maĂtre en tient pour votre maĂtresse, lui dis-je tout bas en me rapprochant d'elle; son coeur est pris, c'est autant de perdu; celui de votre maĂtresse me paraĂt bien aventurĂ©, j'en crois la moitiĂ© de partie, et l'autre en l'air. Du mien, vous n'en avez pas fait Ă deux fois, vous me l'avez expĂ©diĂ© d'un coup d'oeil; en un mot, ma charmante, je t'adore nous reviendrons demain ici, mon maĂtre et moi, Ă pareille heure, ne manque point d'y mener ta maĂtresse, afin qu'on donne la derniĂšre main Ă cet amour-ci, qui n'a peut-ĂÂȘtre pas toutes ses façons; moi, je m'y rendrai une heure avant mon maĂtre, et tu entends bien que c'est t'inviter d'en faire autant; car il sera bon de nous parler sur tout ceci, n'est-ce pas? Nos coeurs ne seront pas fĂÂąchĂ©s de se connaĂtre un peu plus Ă fond, qu'en penses-tu, ma poule? Y viendras-tu? Ergaste. - A cela nulle rĂ©ponse? Frontin. - Ah! vous m'excuserez. Ergaste. - Quoi! Elle parla donc? Frontin. - Non. Ergaste. - Que veux-tu donc dire? Frontin. - Comme il faut du temps pour dire des paroles et que nous Ă©tions trĂšs pressĂ©s, elle mit, ainsi que je vous l'ai dit, des regards Ă la place des mots, pour aller plus vite; et se tournant de mon cĂÂŽtĂ© avec une douceur infinie Oui, mon fils, me dit-elle, sans ouvrir la bouche, je m'y rendrai, je te le promets, tu peux compter lĂ -dessus; viens-y en pleine confiance, et tu m'y trouveras. VoilĂ ce qu'elle me dit; et que je vous rends mot pour mot, comme je l'ai traduit d'aprĂšs ses yeux. Ergaste. - Va, tu rĂÂȘves. Frontin. - Enfin je l'attends; mais vous, Monsieur, pensez-vous que la maĂtresse veuille revenir? Ergaste. - Je n'ose m'en flatter, et cependant je l'espĂšre un peu. Tu sais bien que notre conversation fut courte; je lui rendis le gant qu'elle avait laissĂ© tomber; elle me remercia d'une maniĂšre trĂšs obligeante de la vitesse avec laquelle j'avais couru pour le ramasser, et se dĂ©masqua en me remerciant. Que je la trouvai charmante! Je croyais, lui dis-je, partir demain, et voici la premiĂšre fois que je me promĂšne ici; mais le plaisir d'y rencontrer ce qu'il y a de plus beau dans le monde m'y ramĂšnera plus d'une fois. Frontin. - Le plaisir d'y rencontrer! Pourquoi ne pas dire l'espĂ©rance? ĂâĄ'aurait Ă©tĂ© indiquer adroitement un rendez-vous pour le lendemain. Ergaste. - Oui, mais ce rendez-vous indiquĂ© l'aurait peut-ĂÂȘtre empĂÂȘchĂ© d'y revenir par raison de fiertĂ©; au lieu qu'en ne parlant que du plaisir de la revoir, c'Ă©tait simplement supposer qu'elle vient ici tous les jours, et lui dire que j'en profiterais, sans rien m'attribuer de la dĂ©marche qu'elle ferait en y venant. Frontin, regardant derriĂšre lui. - Tenez, tenez, Monsieur, suis-je un bon traducteur du langage des oeillades? Eh! direz-vous que je rĂÂȘve? Voyez-vous cette figure tendre et solitaire, qui se promĂšne lĂ -bas en attendant la mienne? Ergaste. - Je crois que tu as raison, et que c'est la suivante. Frontin. - Je l'aurais dĂ©fiĂ© d'y manquer; je me connais. Retirez-vous, Monsieur; ne gĂÂȘnez point les intentions de ma belle. Promenez-vous d'un autre cĂÂŽtĂ©, je vais m'instruire de tout, et j'irai vous rejoindre. ScĂšne II Lisette, Frontin Frontin, en riant. - Eh! eh! bonjour, chĂšre enfant; reconnaissez-moi, me voilĂ , c'est le vĂ©ritable. Lisette. - Que voulez-vous, Monsieur le VĂ©ritable? Je ne cherche personne ici, moi. Frontin. - Oh! que si; vous me cherchiez, je vous cherchais; vous me trouvez, je vous trouve; et je dĂ©fie que nous trouvions mieux. Comment vous portez-vous? Lisette, faisant la rĂ©vĂ©rence. - Fort bien. Et vous, Monsieur? Frontin. - A merveilles, voilĂ des appas dans la compagnie de qui il serait difficile de se porter mal. Lisette. - Vous ĂÂȘtes aussi galant que familier. Frontin. - Et vous, aussi ravissante qu'hypocrite; mettons bas les façons, vivons Ă notre aise. Tiens, je t'aime je te l'ai dĂ©jĂ dit, et je le rĂ©pĂšte; tu m'aimes, tu ne me l'as pas dit, mais je n'en doute pas; donne-toi donc le plaisir de me le dire, tu me le rĂ©pĂ©teras aprĂšs, et nous serons tous deux aussi avancĂ©s l'un que l'autre. Lisette. - Tu ne doutes pas que je ne t'aime, dis-tu? Frontin. - Entre nous, ai-je tort d'en ĂÂȘtre sĂ»r? Une fille comme toi manquerait-elle de goĂ»t? LĂ , voyons, regarde-moi pour vĂ©rifier la chose; tourne encore sur moi cette prunelle friande que tu avais hier, et qui m'a laissĂ© pour toi le plus tendre appĂ©tit du monde. Tu n'oses, tu rougis. Allons, m'amour, point de quartier; finissons cet article-lĂ . Lisette, d'un ton tendre. - Laisse-moi. Frontin. - Non, ta fiertĂ© se meurt, je ne la quitte pas que je ne l'aie achevĂ©e. Lisette. - DĂšs que tu as devinĂ© que tu me plais, n'est-ce pas assez? Je ne t'en apprendrai pas davantage. Frontin. - Il est vrai, tu ne feras rien pour mon instruction, mais il manque Ă ma gloire le ragoĂ»t de te l'entendre dire. Lisette. - Tu veux donc que je la rĂ©gale aux dĂ©pens de la mienne? Frontin. - La tienne! Eh! palsambleu, je t'aime, que lui faut-il de plus? Lisette. - Mais je ne te hais pas. Frontin. - Allons, allons, tu me voles, il n'y a pas lĂ ce qui m'est dĂ», fais-moi mon compte. Lisette. - Tu me plais. Frontin. - Tu me retiens encore quelque chose, il n'y a pas lĂ ma somme. Lisette. - Eh bien! donc... je t'aime. Frontin. - Me voilĂ payĂ© avec un bis. Lisette. - Le bis viendra dans le cours de la conversation, fais-m'en crĂ©dit pour Ă prĂ©sent; ce serait trop de dĂ©pense Ă la fois. Frontin. - Oh! ne crains pas la dĂ©pense, je mettrai ton coeur en fonds, va, ne t'embarrasse pas. Lisette. - Parlons de nos maĂtres. PremiĂšrement, qui ĂÂȘtes-vous, vous autres? Frontin. - Nous sommes des gens de condition qui retournons Ă Paris, et de lĂ Ă la cour, qui nous trouve Ă redire; nous revenons d'une terre que nous avons dans le DauphinĂ©; et en passant, un de nos amis nous a arrĂÂȘtĂ© Ă Lyon, d'oĂÂč il nous a menĂ© Ă cette campagne-ci, oĂÂč deux paires de beaux yeux nous raccrochĂšrent hier, pour autant de temps qu'il leur plaira. Lisette. - OĂÂč sont-ils, ces beaux yeux? Frontin. - En voilĂ deux ici, ta maĂtresse a les deux autres. Lisette. - Que fait ton maĂtre? Frontin. - La guerre, quand les ennemis du Roi nous raisonnent. Lisette. - C'est-Ă -dire qu'il est officier. Et son nom? Frontin. - Le marquis Ergaste, et moi, le chevalier Frontin, comme cadet de deux frĂšres que nous sommes. Lisette. - Ergaste? ce nom-lĂ est connu, et tout ce que tu me dis lĂ nous convient assez. Frontin. - Quand les minois se conviennent, le reste s'ajuste. Mais voyons, mes enfants, qui ĂÂȘtes-vous Ă votre tour? Lisette. - En premier lieu, nous sommes belles. Frontin. - On le sent encore mieux qu'on ne le voit. Lisette. - Ah! le compliment vaut une rĂ©vĂ©rence. Frontin. - Passons, passons, ne te pique point de payer mes compliments ce qu'ils valent, je te ruinerais en rĂ©vĂ©rences, et je te cajole gratis. Continuons vous ĂÂȘtes belles, aprĂšs? Lisette. - Nous sommes orphelines. Frontin. - Orphelines? Expliquons-nous; l'amour en fait quelquefois, des orphelins; ĂÂȘtes-vous de sa façon? Vous ĂÂȘtes assez aimables pour cela. Lisette. - Non, impertinent! Il n'y a que deux ans que nos parents sont morts, gens de condition aussi, qui nous ont laissĂ©es trĂšs riches. Frontin. - VoilĂ de fort bons procĂ©dĂ©s. Lisette. - Ils ont eu pour hĂ©ritiĂšres deux filles qui vivent ensemble dans un accord qui va jusqu'Ă s'habiller l'une comme l'autre, ayant toutes deux presque le mĂÂȘme son de voix, toutes deux blondes et charmantes, et qui se trouvent si bien de leur Ă©tat, qu'elles ont fait serment de ne point se marier et de rester filles. Frontin. - Ne point se marier fait un article, rester filles en fait un autre. Lisette. - C'est la mĂÂȘme chose. Frontin. - Oh que non! Quoi qu'il en soit, nous protestons contre l'un ou l'autre de ces deux serments-lĂ ; celle que nous aimons n'a qu'Ă choisir, et voir celui qu'elle veut rompre; comment s'appelle-t-elle? Lisette. - Clarice, c'est l'aĂnĂ©e, et celle Ă qui je suis. Frontin. - Que dit-elle de mon maĂtre? Depuis qu'elle l'a vu, comment va son voeu de rester fille? Lisette. - Si ton maĂtre s'y prend bien, je ne crois pas qu'il se soutienne, le goĂ»t du mariage l'emportera. Frontin. - Voyez le grand malheur! Combien y a-t-il de ces voeux-lĂ qui se rompent Ă meilleur marchĂ©! Eh! dis-moi, mon maĂtre l'attend ici, va-t-elle venir? Lisette. - Je n'en doute pas. Frontin. - Sera-t-elle encore masquĂ©e? Lisette. - Oui, en ce pays-ci c'est l'usage en Ă©tĂ©, quand on est Ă la campagne, Ă cause du hĂÂąle et de la chaleur. Mais n'est-ce pas lĂ Ergaste que je vois lĂ -bas? Frontin. - C'est lui-mĂÂȘme. Lisette. - Je te quitte donc; informe-le de tout, encourage son amour. Si ma maĂtresse devient sa femme, je me charge de t'en fournir une. Frontin. - Eh! me la fourniras-tu en conscience? Lisette. - Impertinent! Je te conseille d'en douter! Frontin. - Oh! le doute est de bon sens; tu es si jolie! ScĂšne III Ergaste, Frontin Ergaste. - Eh bien! que dit la suivante? Frontin. - Ce qu'elle dit? Ce que j'ai toujours prĂ©vu que nous triomphons, qu'on est rendu, et que, quand il nous plaira, le notaire nous dira le reste. Ergaste. - Comment? Est-ce que sa maĂtresse lui a parlĂ© de moi? Frontin. - Si elle en a parlĂ©! On ne tarit point, tous les Ă©chos du pays nous connaissent, on languit, on soupire, on demande quand nous finirons, peut-ĂÂȘtre qu'Ă la fin du jour on nous sommera d'Ă©pouser c'est ce que j'en puis juger sur les discours de Lisette, et la chose vaut la peine qu'on y pense. Clarice, fille de qualitĂ©, d'un cĂÂŽtĂ©, Lisette, fille de condition, de l'autre, cela est bon la race des Frontins et des Ergastes ne rougira point de leur devoir son entrĂ©e dans le monde, et de leur donner la prĂ©fĂ©rence. Ergaste. - Il faut que l'amour t'ait tournĂ© la tĂÂȘte, explique-toi donc mieux! Aurais-je le bonheur de ne pas dĂ©plaire Ă Clarice? Frontin. - Eh! Monsieur, comment vous expliquez-vous vous-mĂÂȘme? Vous parlez du ton d'un suppliant, et c'est Ă nous Ă qui on prĂ©sente requĂÂȘte. Je vous fĂ©licite, au reste, vous avez dans votre victoire un accident glorieux que je n'ai pas dans la mienne on avait jurĂ© de garder le cĂ©libat, vous triomphez du serment. Je n'ai point cet honneur-lĂ , moi, je ne triomphe que d'une fille qui n'avait jurĂ© de rien. Ergaste. - Eh! dis-moi naturellement si l'on a du penchant pour moi. Frontin. - Oui, Monsieur, la vĂ©ritĂ© toute pure est que je suis adorĂ©, parce qu'avec moi cela va un peu vite, et que vous ĂÂȘtes Ă la veille de l'ĂÂȘtre; et je vous le prouve, car voilĂ votre future idolĂÂątre qui vous cherche. Ergaste. - Ecarte-toi. ScĂšne IV Ergaste, Hortense, Frontin, Ă©loignĂ©. Hortense, quand elle entre sur le thĂ©ĂÂątre, tient son masque Ă la main pour ĂÂȘtre connue du spectateur, et puis le met sur son visage dĂšs que Frontin tourne la tĂÂȘte et l'aperçoit. Elle est vĂÂȘtue comme l'Ă©tait ci-devant la dame de qui Ergaste a dit avoir ramassĂ© le gant le jour d'auparavant, et c'est la soeur de cette dame. Hortense, traversant le thĂ©ĂÂątre. - N'est-ce pas lĂ ce cavalier que je vis hier ramasser le gant de ma soeur? Je n'en ai guĂšre vu de si bien fait. Il me regarde; j'Ă©tais hier dĂ©masquĂ©e avec cet habit-ci, et il me reconnaĂt, sans doute. Elle marche comme en se retirant. Ergaste l'aborde, la salue, et la prend pour l'autre, Ă cause de l'habit et du masque. - Puisque le hasard vous offre encore Ă mes yeux, Madame, permettez que je ne perde pas le bonheur qu'il me procure. Que mon action ne vous irrite point, ne la regardez pas comme un manque de respect pour vous, le mien est infini, j'en sui pĂ©nĂ©trĂ© jamais on ne craignit tant de dĂ©plaire, mais jamais coeur, en mĂÂȘme temps, ne fut forcĂ© de cĂ©der Ă une passion ni si soumise, ni si tendre. Hortense. - Monsieur, je ne m'attendais pas Ă cet abord-lĂ , et quoique vous m'ayez vue hier ici, comme en effet j'y Ă©tais, et dĂ©masquĂ©e, cette façon de se voir n'Ă©tablit entre nous aucune connaissance, surtout avec les personnes de mon sexe; ainsi, vous voulez bien que l'entretien finisse. Ergaste. - Ah! Madame, arrĂÂȘtez, de grĂÂące, et ne me laissez point en proie Ă la douleur de croire que je vous ai offensĂ©e, la joie de vous retrouver ici m'a Ă©garĂ©, j'en conviens, je dois vous paraĂtre coupable d'une hardiesse que je n'ai pourtant point; car je n'ai su ce que je faisais, et je tremble devant vous Ă prĂ©sent que je vous parle. Hortense. - Je ne puis vous Ă©couter. Ergaste. - Voulez-vous ma vie en rĂ©paration de l'audace dont vous m'accusez? Je vous l'apporte, elle est Ă vous; mon sort est entre vos mains, je ne saurais plus vivre si vous me rebutez. Hortense. - Vous, Monsieur? Ergaste. - J'explique ce que je sens, Madame; je me donnai hier Ă vous; je vous consacrai mon coeur, je conçus le dessein d'obtenir grĂÂące du vĂÂŽtre, et je mourrai s'il me la refuse. Jugez si un manque de respect est compatible avec de pareils sentiments. Hortense. - Vos expressions sont vives et pressantes, assurĂ©ment, il est difficile de rien dire de plus fort. Mais enfin, plus j'y pense, et plus je vois qu'il faut que je me retire, Monsieur; il n'y a pas moyen de se prĂÂȘter plus longtemps Ă une conversation comme celle-ci, et je commence Ă avoir plus de tort que vous. Ergaste. - Eh! de grĂÂące, Madame, encore un mot qui dĂ©cide de ma destinĂ©e, et je finis me haĂÂŻssez-vous? Hortense. - Je ne dis pas cela, je ne pousse point les choses jusque-lĂ , elles ne le mĂ©ritent pas. Sur quoi voudriez-vous que fĂ»t fondĂ©e ma haine? Vous m'ĂÂȘtes inconnu, Monsieur, attendez donc que je vous connaisse. Ergaste. - Me sera-t-il permis de chercher Ă vous ĂÂȘtre prĂ©sentĂ©, Madame? Hortense. - Vous n'aviez qu'un mot Ă me dire tout Ă l'heure, vous me l'avez dit, et vous continuez, Monsieur. Achevez donc, ou je m'en vais car il n'est pas dans l'ordre que je reste. Ergaste. - Ah! je suis au dĂ©sespoir! Je vous entends vous ne voulez pas que je vous voie davantage! Hortense. - Mais en vĂ©ritĂ©, Monsieur, aprĂšs m'avoir appris que vous m'aimez, me conseillerez-vous de vous dire que je veux bien que vous me voyiez? Je ne pense pas que cela m'arrive. Vous m'avez demandĂ© si je vous haĂÂŻssais; je vous ai rĂ©pondu que non; en voilĂ bien assez, ce me semble; n'imaginez pas que j'aille plus loin. Quant aux mesures que vous pouvez prendre pour vous mettre en Ă©tat de me voir avec un peu plus de dĂ©cence qu'ici, ce sont vos affaires. Je ne m'opposerai point Ă vos desseins; car vous trouverez bon que je les ignore, et il faut que cela soit ainsi un homme comme vous a des amis, sans doute, et n'aura pas besoin d'ĂÂȘtre aidĂ© pour se produire. Ergaste. - HĂ©las! Madame, je m'appelle Ergaste; je n'ai d'ami ici que le comte de Belfort, qui m'arrĂÂȘta hier comme j'arrivais du DauphinĂ©, et qui me mena sur-le-champ dans cette campagne-ci. Hortense. - Le comte de Belfort, dites-vous? Je ne savais pas qu'il fĂ»t ici. Nos maisons sont voisines, apparemment qu'il nous viendra voir; et c'est donc chez lui que vous ĂÂȘtes actuellement, Monsieur? Ergaste. - Oui, Madame. Je le laissai hier donner quelques ordres aprĂšs dĂner, et je vins me promener dans les allĂ©es de ce petit bois, oĂÂč j'aperçus du monde, je vous y vis, vous vous y dĂ©masquĂÂątes un instant, et dans cet instant vous devĂntes l'arbitre de mon sort. J'oubliai que je retournais Ă Paris; j'oubliai jusqu'Ă un mariage avantageux qu'on m'y mĂ©nageait, auquel je renonce, et que j'allais conclure avec une personne Ă qui rien ne me liait qu'un simple rapport de condition et de fortune. Hortense. - DĂšs que ce mariage vous est avantageux, la partie se renouera; la dame est aimable, sans doute, et vous ferez vos rĂ©flexions. Ergaste. - Non, Madame, mes rĂ©flexions sont faites, et je le rĂ©pĂšte encore, je ne vivrai que pour vous, ou je ne vivrai pour personne; trouver grĂÂące Ă vos yeux, voilĂ Ă quoi j'ai mis toute ma fortune, et je ne veux plus rien dans le monde, si vous me dĂ©fendez d'y aspirer. Hortense. - Moi, Monsieur, je ne vous dĂ©fends rien, je n'ai pas ce droit-lĂ , on est le maĂtre de ses sentiments; et si le comte de Belfort, dont vous parlez, allait vous mener chez moi, je le suppose parce que cela peut arriver, je serais mĂÂȘme obligĂ©e de vous y bien recevoir. Ergaste. - ObligĂ©e, Madame! Vous ne m'y souffrirez donc que par politesse? Hortense. - A vous dire vrai, Monsieur, j'espĂšre bien n'agir que par ce motif-lĂ , du moins d'abord, car de l'avenir, qui est-ce qui en peut rĂ©pondre? Ergaste. - Vous, Madame, si vous le voulez. Hortense. - Non, je ne sais encore rien lĂ -dessus, puisqu'ici mĂÂȘme j'ignore ce que c'est que l'amour; et je voudrais bien l'ignorer toute ma vie. Vous aspirez, dites-vous, Ă me rendre sensible? A la bonne heure; personne n'y a rĂ©ussi; vous le tentez, nous verrons ce qu'il en sera; mais je vous saurai bien mauvais grĂ©, si vous y rĂ©ussissez mieux qu'un autre. Ergaste. - Non, Madame, je n'y vois pas d'apparence. Hortense. - Je souhaite que vous ne vous trompiez pas; cependant je crois qu'il sera bon, avec vous, de prendre garde Ă soi de plus prĂšs qu'avec un autre. Mais voici du monde, je serais fĂÂąchĂ©e qu'on nous vĂt ensemble Ă©loignez-vous, je vous prie. Ergaste. - Il n'est point tard; continuez-vous votre promenade, Madame? Et pourrais-je espĂ©rer, si l'occasion s'en prĂ©sente, de vous revoir encore ici quelques moments? Hortense. - Si vous me trouvez seule et Ă©loignĂ©e des autres, dĂšs que nous nous sommes parlĂ© et que, grĂÂące Ă votre prĂ©cipitation, la faute en est faite, je crois que vous pourrez m'aborder sans consĂ©quence. Ergaste. - Et cependant je pars, sans avoir eu la douceur de voir encore ces yeux et ces traits... Hortense. - Il est trop tard pour vous en plaindre mais vous m'avez vue, sĂ©parons-nous; car on approche. Quand il est parti. Je suis donc folle! Je lui donne une espĂšce de rendez-vous, et j'ai peur de le tenir, qui pis est. ScĂšne V Hortense, Arlequin. Arlequin. - Madame, je viens vous demander votre avis sur une commission qu'on m'a donnĂ©e. Hortense. - Qu'est-ce que c'est? Arlequin. - Voulez-vous avoir compagnie? Hortense. - Non, quelle est-elle, cette compagnie? Arlequin. - C'est ce Monsieur Damis, qui est si amoureux de vous. Hortense. - Je n'ai que faire de lui ni de son amour. Est-ce qu'il me cherche? De quel cĂÂŽtĂ© vient-il? Arlequin. - Il ne vient par aucun cĂÂŽtĂ©, car il ne bouge, et c'est moi qui viens pour lui, afin de savoir oĂÂč vous ĂÂȘtes. Lui dirai-je que vous ĂÂȘtes ici, ou bien ailleurs? Hortense. - Non, nulle part. Arlequin. - Cela ne se peut pas, il faut bien que vous soyez en quelque endroit, il n'y a qu'Ă dire oĂÂč vous voulez ĂÂȘtre. Hortense. - Quel imbĂ©cile! Rapporte-lui que tu ne me trouves pas. Arlequin. - Je vous ai pourtant trouvĂ©e comment ferons-nous? Hortense. - Je t'ordonne de lui dire que je n'y suis pas, car je m'en vais. Elle s'Ă©carte. Arlequin. - Eh bien! vous avez raison; quand on s'en va, on n'y est pas cela est clair. Il s'en va. ScĂšne VI Hortense, Clarice Hortense, Ă part. - Ne voilĂ -t-il pas encore ma soeur! Clarice. - J'ai tournĂ© mal Ă propos de ce cĂÂŽtĂ©-ci. M'a-t-elle vue? Hortense. - Je la trouve embarrassĂ©e qu'est-ce que cela signifie, Ergaste y aurait-il part? Clarice. - Il faut lui parler, je sais le moyen de la congĂ©dier. Ah! vous voilĂ , ma soeur? Hortense. - Oui, je me promenais; et vous, ma soeur? Clarice. - Moi, de mĂÂȘme le plaisir de rĂÂȘver m'a insensiblement amenĂ© ici. Hortense. - Et poursuivez-vous votre promenade? Clarice. - Encore une heure ou deux. Hortense. - Une heure ou deux! Clarice. - Oui, parce qu'il est de bonne heure. Hortense. - Je suis d'avis d'en faire autant. Clarice, Ă part. - De quoi s'avise-t-elle? Haut. Comme il vous plaira. Hortense. - Vous me paraissez rĂÂȘveuse. Clarice. - Mais... oui, je rĂÂȘvais, ces lieux-ci y invitent; mais nous aurons bientĂÂŽt compagnie; Damis vous cherche, et vient par lĂ . Hortense. - Damis! Oh! sur ce pied-lĂ je vous quitte. Adieu. Vous savez combien il m'ennuie. Ne lui dites pas que vous m'avez vue. A part. Rappelons. Arlequin, afin qu'il observe. Clarice, riant. - Je savais bien que je la ferais partir. ScĂšne VII Clarice, Lisette Lisette. - Quoi! toute seule, Madame? Clarice. - Oui, Lisette. Lisette, en riant, et lui marquant du bout du doigt. - Il est ici. Clarice. - Qui? Lisette. - Vous ne m'entendez pas? Clarice. - Non. Lisette. - Eh! cet aimable jeune homme qui vous rendit hier un petit service de si bonne grĂÂące. Clarice. - Ce jeune officier? Lisette. - Eh oui. Clarice. - Eh bien! qu'il y soit, que veux-tu que j'y fasse? Lisette. - C'est qu'il vous cherche, et si vous voulez l'Ă©viter, il ne faut pas rester ici. Clarice. - L'Ă©viter! Est-ce que tu crois qu'il me parlera? Lisette. - Il n'y manquera pas, la petite aventure d'hier le lui permet de reste. Clarice. - Va, va, il ne me reconnaĂtra seulement pas. Lisette. - Hum! vous ĂÂȘtes pourtant bien reconnaissable; et de l'air dont il vous lorgna hier, je vais gager qu'il vous voit encore; ainsi prenons par lĂ . Clarice. - Non, je suis trop lasse, il y a longtemps que je me promĂšne. Lisette. - Oui-da, un bon quart d'heure Ă peu prĂšs. Clarice. - Mais pourquoi me fatiguerais-je Ă fuir un homme qui, j'en suis sĂ»re, ne songe pas plus Ă moi que ne je songe Ă lui? Lisette. - Eh mais! c'est bien assez qu'il y songe autant. Clarice. - Que veux-tu dire? Lisette. - Vous ne m'avez encore parlĂ© de lui que trois ou quatre fois. Clarice. - Ne te figurerais-tu pas que je ne suis venue seule ici que pour lui donner occasion de m'aborder? Lisette. - Oh! il n'y a pas de plaisir avec vous, vous devinez mot Ă mot ce qu'on pense. Clarice. - Que tu es folle! Lisette, riant. - Si vous n'y Ă©tiez pas venue de vous-mĂÂȘme, je devais vous y mener, moi. Clarice. - M'y mener! Mais vous ĂÂȘtes bien hardie de me le dire! Lisette. - Bon! je suis encore bien plus hardie que cela, c'est que je crois que vous y seriez venue. Clarice. - Moi? Lisette. - Sans doute, et vous auriez raison, car il est fort aimable, n'est-il pas vrai? Clarice. - J'en conviens. Lisette. - Et ce n'est pas lĂ tout, c'est qu'il vous aime. Clarice. - Autre idĂ©e! Lisette. - Oui-da, peut-ĂÂȘtre que je me trompe. Clarice. - Sans doute, Ă moins qu'on ne te l'ait dit, et je suis persuadĂ©e que non, qui est-ce qui t'en a parlĂ©? Lisette. - Son valet m'en a touchĂ© quelque chose. Clarice. - Son valet? Lisette. - Oui. Clarice, quelque temps sans parler, et impatiente. - Et ce valet t'a demandĂ© le secret, apparemment? Lisette. - Non. Clarice. - Cela revient pourtant au mĂÂȘme, car je renonce Ă savoir ce qu'il vous a dit, s'il faut vous interroger pour l'apprendre. Lisette. - J'avoue qu'il y a un peu de malice dans mon fait, mais ne vous fĂÂąchez pas, Ergaste vous adore, Madame. Clarice. - Tu vois bien qu'il ne sera pas nĂ©cessaire que je l'Ă©vite, car il ne paraĂt pas. Lisette. - Non, mais voici son valet qui me fait signe d'aller lui parler. Irai-je savoir ce qu'il me veut? ScĂšne VIII Frontin, Lisette, Clarice Clarice. - Oh! tu le peux je ne t'en empĂÂȘche pas. Lisette. - Si vous ne vous en souciez guĂšre, ni moi non plus. Clarice. - Ne vous embarrassez pas que je m'en soucie, et allez toujours voir ce qu'on vous veut. Lisette, Ă Clarice. - Eh! parlez donc. Et puis s'approchant de Frontin. Ton maĂtre est-il lĂ ? Frontin. - Oui; il demande s'il peut reparaĂtre, puisqu'elle est seule. Lisette revient Ă sa maĂtresse. - Madame, c'est Monsieur le marquis Ergaste qui aurait grande envie de vous faire encore rĂ©vĂ©rence, et qui, comme vous voyez, vous en sollicite par le plus rĂ©vĂ©rencieux de tous les valets. Frontin salue Ă droite et Ă gauche. Clarice. - Si je l'avais prĂ©vu, je me serais retirĂ©e. Lisette. - Lui dirai-je que vous n'ĂÂȘtes pas de cet avis-lĂ ? Clarice. - Mais je ne suis d'avis de rien, rĂ©ponds ce que tu voudras, qu'il vienne. Lisette, Ă Frontin. - On n'est d'avis de rien, mais qu'il vienne. Frontin. - Le voilĂ tout venu. Lisette. - Toi, avertis-nous si quelqu'un approche. Frontin sort. ScĂšne IX Clarice, Lisette, Ergaste Ergaste. - Que ce jour-ci est heureux pour moi, Madame! Avec quelle impatience n'attendais-je pas le moment de vous revoir encore! J'ai observĂ© celui oĂÂč vous Ă©tiez seule. Clarice, se dĂ©masquant un moment. - Vous avez fort bien fait d'avoir cette attention-lĂ , car nous ne nous connaissons guĂšre. Quoi qu'il en soit, vous avez souhaitĂ© me parler, Monsieur; j'ai cru pouvoir y consentir. Auriez-vous quelque chose Ă me dire? Ergaste. - Ce que mes yeux vous ont dit avant mes discours, ce que mon coeur sent mille fois mieux qu'ils ne le disent, ce que je voudrais vous rĂ©pĂ©ter toujours que je vous aime, que je vous adore, que je ne vous verrai jamais qu'avec transport. Lisette, Ă part Ă sa maĂtresse. - Mon rapport est-il fidĂšle? Clarice. - Vous m'avouerez, Monsieur, que vous ne mettez guĂšre d'intervalle entre me connaĂtre, m'aimer et me le dire; et qu'un pareil entretien aurait pu ĂÂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© de certaines formalitĂ©s de biensĂ©ance qui sont ordinairement nĂ©cessaires. Ergaste. - Je crois vous l'avoir dĂ©jĂ dit, Madame, je n'ai su ce que je faisais, oubliez une faute Ă©chappĂ©e Ă la violence d'une passion qui m'a troublĂ©, et qui me trouble encore toutes les fois que je vous parle. Lisette, Ă Clarice. - Qu'il a le dĂ©bit tendre! Clarice. - Avec tout cela, Monsieur, convenez pourtant qu'il en faudra revenir Ă quelqu'une de ces formalitĂ©s dont il s'agit, si vous avez dessein de me revoir. Ergaste. - Si j'en ai dessein! Je ne respire que pour cela, Madame. Le comte de Belfort doit vous rendre visite ce soir. Clarice. - Est-ce qu'il est de vos amis? Ergaste. - C'est lui, Madame, chez qui il me semble vous avoir dit que j'Ă©tais. Clarice. - Je ne me le rappelais pas. Ergaste. - Je l'accompagnerai chez vous, Madame, il me l'a promis s'engage-t-il Ă quelque chose qui vous me dĂ©plaise? Consentez-vous que je lui aie cette obligation? Clarice. - Votre question m'embarrasse; dispensez-moi d'y rĂ©pondre. Ergaste. - Est-ce que votre rĂ©ponse me serait contraire? Clarice. - Point du tout. Lisette. - Et c'est ce qui fait qu'on n'y rĂ©pond pas. Ergaste se jette Ă ses genoux, et lui baise la main. Clarice, remettant son masque. - Adieu, Monsieur; j'attendrai le comte de Belfort. Quelqu'un approche laissez-moi seule continuer ma promenade, nous pourrons nous y rencontrer encore. ScĂšne X Ergaste, Clarice, Lisette, Frontin Frontin, Ă Lisette. - Je viens vous dire que je vois de loin une espĂšce de petit nĂšgre qui accourt. Lisette. - Retirons-nous vite, Madame; c'est Arlequin qui vient. Clarice sort. Ergaste et elle se saluent. ScĂšne XI Ergaste, Frontin Ergaste. - Je suis enchantĂ©, Frontin; je suis transportĂ©! VoilĂ deux fois que je lui parle aujourd'hui. Qu'elle est aimable! Que de grĂÂąces! Et qu'il est doux d'espĂ©rer de lui plaire! Frontin. - Bon! espĂ©rer! Si la belle vous donne cela pour de l'espĂ©rance, elle ne vous trompe pas. Ergaste. - Belfort m'y mĂšnera ce soir. Frontin. - Cela fera une petite journĂ©e de tendresse assez complĂšte. Au reste, j'avais oubliĂ© de vous dire le meilleur. Votre maĂtresse a bien des grĂÂąces; mais le plus beau de ses traits, vous ne le voyez point, il n'est point sur son visage, il est dans sa cassette. Savez-vous bien que le coeur de Clarice est une emplette de cent mille Ă©cus, Monsieur? Ergaste. - C'est bien lĂ Ă quoi je pense! Mais, que nous veut ce garçon-ci? Frontin. - C'est le beau brun que j'ai vu venir. ScĂšne XII Arlequin, Ergaste, Frontin Arlequin, Ă Ergaste. - Vous ĂÂȘtes mon homme; c'est vous que je cherche. Ergaste. - Parle que me veux-tu? Frontin. - OĂÂč est ton chapeau? Arlequin. - Sur ma tĂÂȘte. Frontin, le lui ĂÂŽtant. - Il n'y est plus. Arlequin. - Il y Ă©tait quand je l'ai dit il le remet, et il y retourne. Ergaste. - De quoi est-il question? Arlequin. - D'un discours malhonnĂÂȘte que j'ai ordre de vous tenir, et qui ne demande pas la cĂ©rĂ©monie du chapeau. Ergaste. - Un discours malhonnĂÂȘte! A moi! Et de quelle part? Arlequin. - De la part d'une personne qui s'est moquĂ©e de vous. Ergaste. - Insolent! t'expliqueras-tu? Arlequin. - Dites vos injures Ă ma commission, c'est elle qui est insolente, et non pas moi. Frontin. - Voulez-vous que j'estropie le commissionnaire, Monsieur? Arlequin. - Cela n'est pas de l'ambassade je n'ai point ordre de revenir estropiĂ©. Ergaste. - Qui est-ce qui t'envoie? Arlequin. - Une dame qui ne fait point cas de vous. Ergaste. - Quelle est-elle? Arlequin. - Ma maĂtresse. Ergaste. - Est-ce que je la connais? Arlequin. - Vous lui avez parlĂ© ici. Ergaste. - Quoi! c'est cette dame-lĂ qui t'envoie dire qu'elle s'est moquĂ©e de moi? Arlequin. - Elle-mĂÂȘme en original; je lui ai aussi entendu marmotter entre ses dents que vous Ă©tiez un grand fourbe; mais, comme elle ne m'a point commandĂ© de vous le rapporter, je n'en parle qu'en passant. Ergaste. - Moi fourbe? Arlequin. - Oui; mais rien qu'entre les dents; un fourbe tout bas. Ergaste. - Frontin, aprĂšs la maniĂšre dont nous nous sommes quittĂ©s tous deux, je t'ai dit que j'espĂ©rais y comprends-tu quelque chose? Frontin. - Oui-da, Monsieur; esprit de femme et caprice voilĂ tout ce que c'est; qui dit l'un, suppose l'autre; les avez-vous jamais vus sĂ©parĂ©s? Arlequin. - Ils sont unis comme les cinq doigts de la main. Ergaste, Ă Arlequin. - Mais ne te tromperais-tu pas? Ne me prends-tu point pour un autre? Arlequin. - Oh! que non. N'ĂÂȘtes-vous pas un homme d'hier? Ergaste. - Qu'appelles-tu un homme d'hier? Je ne t'entends point. Frontin. - Il parle de vous comme d'un enfant au maillot. Est-ce que les gens d'hier sont de cette taille-lĂ ? Arlequin. - J'entends que vous ĂÂȘtes ici d'hier. Ergaste. - Oui. Arlequin. - Un officier de la MajestĂ© du Roi. Ergaste. - Sais-tu mon nom? Je l'ai dit Ă cette dame. Arlequin. - Elle me l'a dit aussi un appelĂ© Ergaste. Ergaste, outrĂ©. - C'est cela mĂÂȘme! Arlequin. - Eh bien! c'est vous qu'on n'estime pas; vous voyez bien que le paquet est Ă votre adresse. Frontin. - Ma foi! il n'y a plus qu'Ă lui en payer le port, Monsieur. Arlequin. - Non, c'est port payĂ©. Ergaste. - Je suis au dĂ©sespoir! Arlequin. - On s'est un peu diverti de vous en passant, on vous a regardĂ© comme une farce qui n'amuse plus. Adieu. Il fait quelques pas. Ergaste. - Je m'y perds! Arlequin, revenant. - Attendez... Il y a encore un petit reliquat, je ne vous ai donnĂ© que la moitiĂ© de votre affaire j'ai ordre de vous dire... J'ai oubliĂ© mon ordre... La moquerie, un; la farce, deux; il y a un troisiĂšme article. Frontin. - S'il ressemble au reste, nous ne perdons rien de curieux. Arlequin, tirant des tablettes. - Pardi! il est tout de son long dans ces tablettes-ci. Ergaste. - Eh! montre donc! Arlequin. - Non pas, s'il vous plaĂt; je ne dois pas vous les montrer cela m'est dĂ©fendu, parce qu'on s'est repenti d'y avoir Ă©crit, Ă cause de la biensĂ©ance et de votre peu de mĂ©rite; et on m'a criĂ© de loin de les supprimer, et de vous expliquer le tout dans la conversation; mais laissez-moi voir ce que j'oublie... A propos, je ne sais pas lire; lisez donc vous-mĂÂȘme. Il donne les tablettes Ă Ergaste. Frontin. - Eh! morbleu, Monsieur, laissez lĂ ces tablettes, et n'y rĂ©pondez que sur le dos du porteur. Arlequin. - Je n'ai jamais Ă©tĂ© le pupitre de personne. Ergaste lit. - Je viens de vous apercevoir aux genoux de ma soeur. Ergaste s'interrompant. Moi! Il continue. Vous jouez fort bien la comĂ©die vous me l'avez donnĂ©e tantĂÂŽt, mais je n'en veux plus. Je vous avais permis de m'aborder encore, et je vous le dĂ©fends, j'oublie mĂÂȘme que je vous ai vu. Arlequin. - Tout juste; voilĂ l'article qui nous manquait plus de frĂ©quentation, c'est l'intention de la tablette. Bonsoir. Ergaste reste comme immobile. Frontin. - J'avoue que voilĂ le vertigo le mieux conditionnĂ© qui soit jamais sorti d'aucun cerveau femelle. Ergaste, recourant Ă Arlequin. - ArrĂÂȘte, oĂÂč est-elle? Arlequin. - Je suis sourd. Ergaste. - Attends que j'aie fait, du moins, un mot de rĂ©ponse; il est aisĂ© de me justifier elle m'accuse d'avoir vu sa soeur, et je ne la connais pas. Arlequin. - Chanson! Ergaste, en lui donnant de l'argent. - Tiens, prends, et arrĂÂȘte. Arlequin. - Grand merci; quand je parle de chanson, c'est que j'en vais chanter une; faites Ă votre aise, mon cavalier; je n'ai jamais vu de fourbe si honnĂÂȘte homme que vous. Il chante. Ra la ra ra... Ergaste. - Amuse-le, Frontin; je n'ai qu'un pas Ă faire pour aller au logis, et je vais y Ă©crire un mot. ScĂšne XIII Arlequin, Frontin Arlequin. - Puisqu'il me paie des injures, voyez combien je gagnerais avec lui, si je lui apportais des compliments... Il chante. Ta la la ta ra ra la. Frontin. - VoilĂ de jolies paroles que tu chantes lĂ . Arlequin. - Je n'en sais point d'autres. Allons, divertis-moi ton maĂtre t'a chargĂ© de cela, fais-moi rire. Frontin. - Veux-tu que je chante aussi? Arlequin. - Je ne suis pas curieux de symphonie. Frontin. - De symphonie! Est-ce que tu prends ma voix pour un orchestre? Arlequin. - C'est qu'en fait de musique, il n'y a que le tambour qui me fasse plaisir. Frontin. - C'est-Ă -dire que tu es au concert, quand on bat la caisse. Arlequin. - Oh! je suis Ă l'OpĂ©ra. Frontin. - Tu as l'oreille martiale. Avec quoi te divertirai-je donc? Aimes-tu les contes des fĂ©es? Arlequin. - Non, je ne me soucie ni de comtes ni de marquis. Frontin. - Parlons donc de boire. Arlequin. - Montre-moi le sujet du discours. Frontin. - Le vin, n'est-ce pas? On l'a mis au frais. Arlequin. - Qu'on l'en retire, j'aime Ă boire chaud. Frontin. - Cela est malsain; parlons de ta maĂtresse. Arlequin, brusquement. - ExpĂ©dions la bouteille. Frontin. - Doucement! je n'ai pas le sol, mon garçon. Arlequin. - Ce misĂ©rable! Et du crĂ©dit? Frontin. - Avec cette mine-lĂ , oĂÂč veux-tu que j'en trouve? Mets-toi Ă la place du marchand de vin. Arlequin. - Tu as raison, je te rends justice on ne saurait rien emprunter sur cette grimace-lĂ . Frontin. - Il n'y a pas moyen, elle est trop sincĂšre; mais il y a remĂšde Ă tout paie, et je te le rendrai. Arlequin. - Tu me le rendras? Mets-toi Ă ma place aussi, le croirais-tu? Frontin. - Non, tu rĂ©ponds juste; mais paie en pur don, par galanterie, sois gĂ©nĂ©reux... Arlequin. - Je ne saurais, car je suis vilain je n'ai jamais bu Ă mes dĂ©pens. Frontin. - Morbleu! que ne sommes-nous Ă Paris, j'aurais crĂ©dit. Arlequin. - Eh! que fait-on Ă Paris? Parlons de cela, faute de mieux est-ce une grande ville? Frontin. - Qu'appelles-tu une ville? Paris, c'est le monde; le reste de la terre n'en est que les faubourgs. Arlequin. - Si je n'aimais pas Lisette, j'irais voir le monde. Frontin. - Lisette, dis-tu? Arlequin. - Oui, c'est ma maĂtresse. Frontin. - Dis donc que ce l'Ă©tait, car je te l'ai soufflĂ©e hier. Arlequin. - Ah! maudit souffleur! Ah! scĂ©lĂ©rat! Ah! chenapan! ScĂšne XIV Ergaste, Frontin, Arlequin Ergaste. - Tiens, mon ami, cours porter cette lettre Ă la dame qui t'envoie. Arlequin. - J'aimerais mieux ĂÂȘtre le postillon du diable, qui vous emporte tous deux, vous et ce coquin, qui est la copie d'un fripon! ce maraud, qui n'a ni argent, ni crĂ©dit, ni le mot pour rire! un sorcier qui souffle les filles! un escroc qui veut m'emprunter du vin! un gredin qui dit que je ne suis pas dans le monde, et que mon pays n'est qu'un faubourg! Cet insolent! un faubourg! Va, va, je t'apprendrai Ă connaĂtre les villes. Arlequin s'en va. Ergaste, Ă Frontin. - Qu'est-ce que cela signifie? Frontin. - C'est une bagatelle, une affaire de jalousie c'est que nous nous trouvons rivaux, et il en sent la consĂ©quence. Ergaste. - De quoi aussi t'avises-tu de parler de Lisette? Frontin. - Mais, Monsieur, vous avez vu des amants devineriez-vous que cet homme-lĂ en est un? Dites en conscience. Ergaste. - Va donc toi-mĂÂȘme chercher cette dame-lĂ , et lui remets mon billet le plus tĂÂŽt que tu pourras. Frontin. - Soyez tranquille, je vous rendrai bon compte de tout ceci par le moyen de Lisette. Ergaste. - HĂÂąte-toi, car je souffre. Frontin part. ScĂšne XV Ergaste, seul. Vit-on jamais rien de plus Ă©tonnant que ce qui m'arrive? Il faut absolument qu'elle se soit mĂ©prise. ScĂšne XVI Lisette, Ergaste Lisette. - N'avez-vous pas vu la soeur de Madame, Monsieur? Ergaste. - Eh non, Lisette, de qui me parles-tu? Je n'ai vu que ta maĂtresse, je ne me suis entretenu qu'avec elle; sa soeur m'est totalement inconnue, et je n'entends rien Ă ce qu'on me dit lĂ . Lisette. - Pourquoi vous fĂÂącher? Je ne vous dis pas que vous lui ayez parlĂ©, je vous demande si vous ne l'avez pas aperçue? Ergaste. - Eh! non, te dis-je, non, encore une fois, non je n'ai vu de femme que ta maĂtresse, et quiconque lui a rapportĂ© autre chose a fait une imposture, et si elle croit avoir vu le contraire, elle s'est trompĂ©e. Lisette. - Ma foi, Monsieur, si vous n'entendez rien Ă ce que je vous dis, je ne vois pas plus clair dans ce que vous me dites. Vous voilĂ dans un mouvement Ă©pouvantable Ă cause de la question du monde la plus simple que je vous fais. A qui en avez-vous? Est-ce distraction, mĂ©chante humeur, ou fantaisie? Ergaste. - D'oĂÂč vient qu'on me parle de cette soeur? D'oĂÂč vient qu'on m'accuse de m'ĂÂȘtre entretenu avec elle? Lisette. - Eh! qui est-ce qui vous en accuse? OĂÂč avez-vous pris qu'il s'agisse de cela? En ai-je ouvert la bouche? Ergaste. - Frontin est allĂ© porter un billet Ă ta maĂtresse, oĂÂč je lui jure que je ne sais ce que c'est. Lisette. - Le billet Ă©tait fort inutile; et je ne vous parle ici de cette soeur que parce que nous l'avons vue se promener ici prĂšs. Ergaste. - Qu'elle s'y promĂšne ou non, ce n'est pas ma faute, Lisette, et si quelqu'un s'est jetĂ© Ă ses genoux, je te garantis que ce n'est pas moi. Lisette. - Oh! Monsieur, vous me fĂÂąchez aussi, et vous ne me ferez pas accroire qu'il me soit rien Ă©chappĂ© sur cet article-lĂ ; il faut Ă©couter ce qu'on vous dit, et rĂ©pondre raisonnablement aux gens, et non pas aux visions que vous avez dans la tĂÂȘte. Dites-moi seulement si vous n'avez pas vu la soeur de Madame, et puis c'est tout. Ergaste. - Non, Lisette, non, tu me dĂ©sespĂšres! Lisette. - Oh! ma foi, vous ĂÂȘtes sujet Ă des vapeurs, ou bien auriez-vous, par hasard, de l'antipathie pour le mot de soeur? Ergaste. - Fort bien. Lisette. - Fort mal. Ecoutez-moi, si vous le pouvez. Ma maĂtresse a un mot Ă vous dire sur le comte de Belfort; elle n'osait revenir Ă cause de cette soeur dont je vous parle, et qu'elle a aperçue se promener dans ces cantons-ci; or, vous m'assurez ne l'avoir point vue. Ergaste. - J'en ferai tous les serments imaginables. Lisette. - Oh! je vous crois. A part. Le plaisant Ă©cart! Quoi qu'il en soit, ma maĂtresse va revenir, attendez-la. Ergaste. - Elle va revenir, dis-tu? Lisette. - Oui, Clarice elle-mĂÂȘme, et j'arrive exprĂšs pour vous en avertir. A part, en s'en allant. C'est lĂ qu'il en tient, quel dommage! ScĂšne XVII Ergaste, seul. Puisque Clarice revient, apparemment qu'elle s'est dĂ©sabusĂ©e, et qu'elle a reconnu son erreur. ScĂšne XVIII Frontin, Ergaste Ergaste. - Eh bien! Frontin, on n'est plus fĂÂąchĂ©e; et le billet a Ă©tĂ© bien reçu, n'est-ce pas? Frontin, triste. - Qui est-ce qui vous fournit vos nouvelles, Monsieur? Ergaste. - Pourquoi? Frontin. - C'est que moi, qui sors de la mĂÂȘlĂ©e, je vous en apporte d'un peu diffĂ©rentes. Ergaste. - Qu'est-il donc arrivĂ©? Frontin. - Tirez sur ma figure l'horoscope de notre fortune. Ergaste. - Et mon billet? Frontin. - HĂ©las! c'est le plus maltraitĂ©. Ne voyez-vous pas bien que j'en porte le deuil d'avance? Ergaste. - Qu'est-ce que c'est que d'avance? OĂÂč est-il? Frontin. - Dans ma poche, en fort mauvais Ă©tat. Il le tire. Tenez, jugez vous-mĂÂȘme s'il peut en revenir. Ergaste. - Il est dĂ©chirĂ©! Frontin. - Oh! cruellement! Et bien m'en a pris d'ĂÂȘtre d'une Ă©toffe d'un peu plus de rĂ©sistance que lui, car je ne reviendrais pas en meilleur ordre. Je ne dis rien des ignominies qui ont accompagnĂ© notre disgrĂÂące, et dont j'ai risquĂ© de vous rapporter un certificat sur ma joue. Ergaste. - Lisette, qui sort d'ici, m'a donc jouĂ©? Frontin. - Eh! que vous a-t-elle dit, cette double soubrette? Ergaste. - Que j'attendisse sa maĂtresse ici, qu'elle allait y venir pour me parler, et qu'elle ne songeait Ă rien. Frontin. - Ce que vous me dites lĂ ne vaut pas le diable, ne vous fiez point Ă ce calme-lĂ , vous en serez la dupe, Monsieur; nous revenons houspillĂ©s, votre billet et moi allez-vous-en, sauvez le corps de rĂ©serve. Ergaste. - Dis-moi donc ce qui s'est passĂ©! Frontin. - En voici la courte et lamentable histoire. J'ai trouvĂ© l'inhumaine Ă trente ou quarante pas d'ici; je vole Ă elle, et je l'aborde en courrier suppliant C'est de la part du marquis Ergaste, lui dis-je d'un ton de voix qui demandait la paix. Qu'est-ce, mon ami? Qui ĂÂȘtes-vous? Eh! que voulez-vous? Qu'est-ce que c'est que cet Ergaste? Allez, vous vous mĂ©prenez, retirez-vous, je ne connais point cela. Madame, que votre beautĂ© ait pour agrĂ©able de m'entendre; je parle pour un homme Ă demi mort, et peut-ĂÂȘtre actuellement dĂ©funt, qu'un petit nĂšgre est venu de votre part assassiner dans des tablettes et voici les mourantes lignes que vous adresse dans ce papier son douloureux amour. Je pleurais moi-mĂÂȘme en lui tenant ces propos lugubres, on eĂ»t dit que vous Ă©tiez enterrĂ©, et que c'Ă©tait votre testament que j'apportais. Ergaste. - AchĂšve. Que t'a-t-elle rĂ©pondu? Frontin, lui montrant le billet. - Sa rĂ©ponse? la voilĂ mot pour mot; il ne faut pas grande mĂ©moire pour en retenir les paroles. Ergaste. - L'ingrate! Frontin. - Quand j'ai vu cette action barbare, et le papier couchĂ© sur la poussiĂšre, je l'ai ramassĂ©; ensuite, redoublant de zĂšle, j'ai pensĂ© que mon esprit devait supplĂ©er au vĂÂŽtre, et vous n'avez rien perdu au change. On n'Ă©crit pas mieux que j'ai parlĂ©, et j'espĂ©rais dĂ©jĂ beaucoup de ma piĂšce d'Ă©loquence, quand le vent d'un revers de main, qui m'a frisĂ© la moustache, a forcĂ© le harangueur d'arrĂÂȘter aux deux tiers de sa harangue. Ergaste. - Non, je ne reviens point de l'Ă©tonnement oĂÂč tout cela me jette, et je ne conçois rien aux motifs d'une aussi sanglante raillerie. Frontin, se frottant les yeux. - Monsieur, je la vois; la voilĂ qui arrive, et je me sauve; c'est peut-ĂÂȘtre le soufflet qui a manquĂ© tantĂÂŽt, qu'elle vient essayer de faire rĂ©ussir. Il s'Ă©carte sans sortir. ScĂšne XIX Ergaste, Clarice, Lisette, Frontin Clarice, dĂ©masquĂ©e en l'abordant, et puis remettant son masque. - Je prends l'instant oĂÂč ma soeur, qui se promĂšne lĂ -bas, est un peu Ă©loignĂ©e, pour vous dire un mot, Monsieur. Vous devez, dites-vous, accompagner ce soir, au logis, le comte de Belfort silence, s'il vous plaĂt, sur nos entretiens dans ce lieu-ci; vous sentez bien qu'il faut que ma soeur et lui les ignorent. Adieu. Ergaste. - Quel Ă©trange procĂ©dĂ© que le vĂÂŽtre, Madame! Vous reste-t-il encore quelque nouvelle injure Ă faire Ă ma tendresse? Clarice. - Qu'est-ce que cela signifie, Monsieur? Vous m'Ă©tonnez! Lisette. - Ne vous l'ai-je pas dit? c'est que vous lui parlez de votre soeur il ne saurait entendre prononcer ce mot-lĂ sans en ĂÂȘtre furieux; je n'en ai pas tirĂ© plus de raison tantĂÂŽt. Frontin. - La bonne ĂÂąme! Vous verrez que nous aurons encore tort. N'approchez pas, Monsieur, plaidez de loin; Madame a la main lĂ©gĂšre, elle me doit un soufflet, vous dis-je, et elle vous le paierait peut-ĂÂȘtre. En tout cas, je vous le donne. Clarice. - Un soufflet! Que veut-il dire? Lisette. - Ma foi, Madame, je n'en sais rien; il y a des fous qu'on appelle visionnaires, n'en serait-ce pas lĂ ? Clarice. - Expliquez donc cette Ă©nigme, Monsieur; quelle injure vous a-t-on faite? De quoi se plaint-il? Ergaste. - Eh! Madame, qu'appelez-vous Ă©nigme? A quoi puis-je attribuer cette contradiction dans vos maniĂšres, qu'au dessein formel de vous moquer de moi? OĂÂč ai-je vu cette soeur, Ă qui vous voulez que j'aie parlĂ© ici? Lisette. - Toujours cette soeur! ce mot-lĂ lui tourne la tĂÂȘte. Frontin. - Et ces agrĂ©ables tablettes oĂÂč nos soupirs sont traitĂ©s de farce, et qui sont chargĂ©es d'un congĂ© Ă notre adresse. Clarice, Ă Lisette. - Lisette, sais-tu ce que c'est? Lisette, comme Ă part. - Bon! ne voyez-vous pas bien que le mal est au timbre? Ergaste. - Comment avez-vous reçu mon billet, Madame? Frontin, le montrant. - Dans l'Ă©tat oĂÂč vous l'avez mis, je vous demande Ă prĂ©sent ce qu'on en peut faire. Ergaste. - Porter le mĂ©pris jusqu'Ă refuser de le lire! Frontin. - Violer le droit des gens en ma personne, attaquer la joue d'un orateur, la forcer d'esquiver une impolitesse! OĂÂč en serait-elle, si elle avait Ă©tĂ© maladroite? Ergaste. - MĂ©ritais-je que ce papier fĂ»t dĂ©chirĂ©? Frontin. - Ce soufflet Ă©tait-il Ă sa place? Lisette. - Madame, sommes-nous en sĂ»retĂ© avec eux? Ils ont les yeux bien Ă©garĂ©s. Clarice. - Ergaste, je ne vous crois pas un insensĂ©; mais tout ce que vous me dites lĂ ne peut ĂÂȘtre que l'effet d'un rĂÂȘve ou de quelque erreur dont je ne sais pas la cause. Voyons. Lisette. - Je vous avertis qu'Hortense approche, Madame. Clarice. - Je ne m'Ă©carte que pour un moment, Ergaste, car je veux Ă©claircir cette aventure-lĂ . Elles s'en vont. ScĂšne XX Ergaste, Frontin Ergaste. - Mais en effet, Frontin, te serais-tu trompĂ©? N'aurais-tu pas portĂ© mon billet Ă une autre? Frontin. - Bon! oubliez-vous les tablettes? Sont-elles tombĂ©es des nues? Ergaste. - Cela est vrai. ScĂšne XXI Hortense, Ergaste, Frontin Hortense, masquĂ©e, qu'Ergaste prend pour Clarice Ă qui il vient de parler. - Vous venez de m'envoyer un billet, Monsieur, qui me fait craindre que vous ne tentiez de me parler, ou qu'il ne m'arrive encore quelque nouveau message de votre part, et je viens vous prier moi-mĂÂȘme qu'il ne soit plus question de rien; que vous ne vous ressouveniez pas de m'avoir vue, et surtout que vous le cachiez Ă ma soeur, comme je vous promets de le lui cacher Ă mon tour; c'est tout ce que j'avais Ă vous dire, et je passe. Ergaste, Ă©tonnĂ©. - Entends-tu, Frontin? Frontin. - Mais oĂÂč diable est donc cette soeur? ScĂšne XXII et derniĂšre Hortense, Clarice, Lisette, Ergaste, Frontin, Arlequin Clarice, Ă Ergaste et Ă Hortense. - Quoi! ensemble! vous vous connaissez donc? Frontin, voyant Clarice. - Monsieur, voilĂ une friponne, sur ma parole. Hortense, Ă Ergaste. - Etes-vous confondu? Ergaste. - Si je la connais, Madame, je veux que la foudre m'Ă©crase! Lisette. - Ah! le petit traĂtre! Clarice. - Vous ne me connaissez point? Ergaste. - Non, Madame, je ne vous vis jamais, j'en suis sĂ»r, et je vous crois mĂÂȘme une personne apostĂ©e pour vous divertir Ă mes dĂ©pens, ou pour me nuire. Et se tournant du cĂÂŽtĂ© d'Hortense. Et je vous jure, Madame, par tout ce que j'ai d'honneur... Hortense, se dĂ©masquant. - Ne jurez pas, ce n'est pas la peine, je ne me soucie ni de vous ni de vos serments. Ergaste, qui la regarde. - Que vois-je? Je ne vous connais point non plus. Frontin. - C'est pourtant le mĂÂȘme habit Ă qui j'ai parlĂ©, mais ce n'est pas la mĂÂȘme tĂÂȘte. Clarice, en se dĂ©masquant. - Retournons-nous-en, ma soeur, et soyons discrĂštes. Ergaste, se jetant aux genoux de Clarice. - Ah! Madame, je vous reconnais, c'est vous que j'adore. Clarice. - Sur ce pied-lĂ , tout est Ă©clairci. Lisette. - Oui, je suis au fait. A Hortense. Monsieur vous a sans doute abordĂ©e, Madame; vos habits se ressemblent, et il vous aura pris pour Madame, Ă qui il parla hier. Ergaste. - C'est cela mĂÂȘme, c'est l'habit qui m'a jetĂ© dans l'erreur. Frontin. - Ah! nous en tirerons pourtant quelque chose. A Hortense. Le soufflet et les tablettes sont sans doute sur votre compte, Madame. Hortense. - Il ne s'agit plus de cela, c'est un dĂ©tail inutile. Ergaste, Ă Hortense. - Je vous demande mille pardons de ma mĂ©prise, Madame; je ne suis pas capable de changer, mais personne ne rendrait l'infidĂ©litĂ© plus pardonnable que vous. Hortense. - Point de compliments, Monsieur le Marquis reconduisez-nous au logis, sans attendre que le comte de Belfort s'en mĂÂȘle. Lisette, Ă Ergaste. - L'aventure a bien fait de finir, j'allais vous croire Ă©chappĂ©s des Petites-Maisons. Frontin. - Va, va, puisque je t'aime, je ne me vante pas d'ĂÂȘtre trop sage. Arlequin, Ă Lisette. - Et toi, l'aimes-tu? Comment va le coeur? Lisette. - Demande-lui-en des nouvelles, c'est lui qui me le garde. Le Petit-MaĂtre corrigĂ© Acteurs ComĂ©die en trois actes, en prose, reprĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois le 6 novembre 1734 par les comĂ©diens Français Acteurs Le Comte, pĂšre d'Hortense. La Marquise. Hortense, fille du Comte. Rosimond, fils de la Marquise. DorimĂšne. Dorante, ami de Rosimond. Marton, suivante d'Hortense. Frontin, valet de Rosimond. La scĂšne est Ă la campagne dans la maison du comte. Acte premier ScĂšne premiĂšre Hortense, Marton Marton. - Eh bien, Madame, quand sortirez-vous de la rĂÂȘverie oĂÂč vous ĂÂȘtes? Vous m'avez appelĂ©, me voilĂ , et vous ne me dites mot. Hortense. - J'ai l'esprit inquiet. Marton. - De quoi s'agit-il donc? Hortense. - N'ai-je pas de quoi rĂÂȘver? on va me marier, Marton. Marton. - Eh vraiment, je le sais bien, on n'attend plus que votre oncle pour terminer ce mariage; d'ailleurs, Rosimond, votre futur, n'est arrivĂ© que d'hier, et il faut vous donner patience. Hortense. - Patience, est-ce que tu me crois pressĂ©e? Marton. - Pourquoi non? on l'est ordinairement Ă votre place; le mariage est une nouveautĂ© curieuse, et la curiositĂ© n'aime pas Ă attendre. Hortense. - Je diffĂ©rerai tant qu'on voudra. Marton. - Ah! heureusement qu'on veut expĂ©dier! Hortense. - Eh! laisse-lĂ tes idĂ©es. Marton. - Est-ce que Rosimond n'est pas de votre goĂ»t? Hortense. - C'est de lui dont je veux te parler. Marton, tu es fille d'esprit, comment le trouves-tu? Marton. - Mais il est d'une jolie figure. Hortense. - Cela est vrai. Marton. - Sa physionomie est aimable. Hortense. - Tu as raison. Marton. - Il me paraĂt avoir de l'esprit. Hortense. - Je lui en crois beaucoup. Marton. - Dans le fond, mĂÂȘme, on lui sent un caractĂšre d'honnĂÂȘte homme. Hortense. - Je le pense comme toi. Marton. - Et, Ă vue de pays, tout son dĂ©faut, c'est d'ĂÂȘtre ridicule. Hortense. - Et c'est ce qui me dĂ©sespĂšre, car cela gĂÂąte tout. Je lui trouve de si sottes façons avec moi, on dirait qu'il dĂ©daigne de me plaire, et qu'il croit qu'il ne serait pas du bon air de se soucier de moi parce qu'il m'Ă©pouse... Marton. - Ah! Madame, vous en parlez bien Ă votre aise. Hortense. - Que veux-tu dire? Est-ce que la raison mĂÂȘme n'exige pas un autre procĂ©dĂ© que le sien? Marton. - Eh oui, la raison mais c'est que parmi les jeunes gens du bel air, il n'y a rien de si bourgeois que d'ĂÂȘtre raisonnable. Hortense. - Peut-ĂÂȘtre, aussi, ne suis-je pas de son goĂ»t. Marton. - Je ne suis pas de ce sentiment-lĂ , ni vous non plus; non, tel que vous le voyez il vous aime; ne l'ai-je pas fait rougir hier, moi, parce que je le surpris comme il vous regardait Ă la dĂ©robĂ©e attentivement? voilĂ dĂ©jĂ deux ou trois fois que je le prends sur le fait. Hortense. - Je voudrais ĂÂȘtre bien sĂ»re de ce que tu me dis lĂ . Marton. - Oh! je m'y connais cet homme-lĂ vous aime, vous dis-je, et il n'a garde de s'en vanter, parce que vous n'allez ĂÂȘtre que sa femme; mais je soutiens qu'il Ă©touffe ce qu'il sent, et que son air de petit-maĂtre n'est qu'une gasconnade avec vous. Hortense. - Eh bien, je t'avouerai que cette pensĂ©e m'est venue comme Ă toi. Marton. - Eh! par hasard, n'auriez-vous pas eu la pensĂ©e que vous l'aimez aussi? Hortense. - Moi, Marton? Marton. - Oui, c'est qu'elle m'est encore venue, voyez. Hortense. - Franchement c'est grand dommage que ses façons nuisent au mĂ©rite qu'il aurait. Marton. - Si on pouvait le corriger? Hortense. - Et c'est Ă quoi je voudrais tĂÂącher; car, s'il m'aime, il faudra bien qu'il me le dise bien franchement, et qu'il se dĂ©fasse d'une extravagance dont je pourrais ĂÂȘtre la victime quand nous serons mariĂ©s, sans quoi je ne l'Ă©pouserai point; commençons par nous assurer qu'il n'aime point ailleurs, et que je lui plais; car s'il m'aime, j'aurai beau jeu contre lui, et je le tiens pour Ă moitiĂ© corrigĂ©; la peur de me perdre fera le reste. Je t'ouvre mon coeur, il me sera cher s'il devient raisonnable; je n'ai pas trop le temps de rĂ©ussir, mais il en arrivera ce qui pourra; essayons, j'ai besoin de toi, tu es adroite, interroge son valet, qui me paraĂt assez familier avec son maĂtre. Marton. - C'est Ă quoi je songeais mais il y a une petite difficultĂ© Ă cette commission-lĂ ; c'est que le maĂtre a gĂÂątĂ© le valet, et Frontin est le singe de Rosimond; ce faquin croit apparemment m'Ă©pouser aussi, et se donne, Ă cause de cela, les airs d'en agir cavaliĂšrement, et de soupirer tout bas; car de son cĂÂŽtĂ© il m'aime. Hortense. - Mais il te parle quelquefois? Marton. - Oui, comme Ă une soubrette de campagne mais n'importe, le voici qui vient Ă nous, laissez-nous ensemble, je travaillerai Ă le faire causer. Hortense. - Surtout conduis-toi si adroitement, qu'il ne puisse soupçonner nos intentions. Marton. - Ne craignez rien, ce sera tout en causant que je m'y prendrai; il m'instruira sans qu'il le sache. ScĂšne II Hortense, Marton, Frontin Hortense s'en va, Frontin l'arrĂÂȘte. Frontin. - Mon maĂtre m'envoie savoir comment vous vous portez, Madame, et s'il peut ce matin avoir l'honneur de vous voir bientĂÂŽt? Marton. - Qu'est-ce que c'est que bientĂÂŽt? Frontin. - Comme qui dirait dans une heure; il n'est pas habillĂ©. Hortense. - Tu lui diras que je n'en sais rien. Frontin. - Que vous n'en savez rien, Madame? Marton. - Non, Madame a raison, qui est-ce qui sait ce qui peut arriver dans l'intervalle d'une heure? Frontin. - Mais, Madame, j'ai peur qu'il ne comprenne rien Ă ce discours. Hortense. - Il est pourtant trĂšs clair; je te dis que je n'en sais rien. ScĂšne III Marton, Frontin Frontin. - Ma belle enfant, expliquez-moi la rĂ©ponse de votre maĂtresse, elle est d'un goĂ»t nouveau. Marton. - Toute simple. Frontin. - Elle est mĂÂȘme fantasque. Marton. - Toute unie. Frontin. - Mais Ă propos de fantaisie, savez-vous bien que votre minois en est une, et des plus piquantes? Marton. - Oh, il est trĂšs commun, aussi bien que la rĂ©ponse de ma maĂtresse. Frontin. - Point du tout, point du tout. Avez-vous des amants? Marton. - Eh!... on a toujours quelque petite fleurette en passant. Frontin. - Elle est d'une ingĂ©nuitĂ© charmante; Ă©coutez, nos maĂtres vont se marier; vous allez venir Ă Paris, je suis d'avis de vous Ă©pouser aussi; qu'en dites-vous? Marton. - Je ne suis pas assez aimable pour vous. Frontin. - Pas mal, pas mal, je suis assez content. Marton. - Je crains le nombre de vos maĂtresses, car je vais gager que vous en avez autant que votre maĂtre qui doit en avoir beaucoup; nous avons entendu dire que c'Ă©tait un homme fort couru, et vous aussi sans doute? Frontin. - Oh! trĂšs courus; c'est Ă qui nous attrapera tous deux, il a pensĂ© mĂÂȘme m'en venir quelqu'une des siennes. Les conditions se confondent un peu Ă Paris, on n'y est pas scrupuleux sur les rangs. Marton. - Et votre maĂtre et vous, continuerez-vous d'avoir des maĂtresses quand vous serez nos maris? Frontin. - Tenez, il est bon de vous mettre lĂ -dessus au fait. Ecoutez, il n'en est pas de Paris comme de la province, les coutumes y sont diffĂ©rentes. Marton. - Ah! diffĂ©rentes? Frontin. - Oui, en province, par exemple, un mari promet fidĂ©litĂ© Ă sa femme, n'est-ce pas? Marton. - Sans doute. Frontin. - A Paris c'est de mĂÂȘme; mais la fidĂ©litĂ© de Paris n'est point sauvage, c'est une fidĂ©litĂ© galante, badine, qui entend raillerie, et qui se permet toutes les petites commoditĂ©s du savoir-vivre; vous comprenez bien? Marton. - Oh! de reste. Frontin. - Je trouve sur mon chemin une personne aimable; je suis poli, elle me goĂ»te; je lui dis des douceurs, elle m'en rend; je folĂÂątre, elle le veut bien, pratique de politesse, commoditĂ© de savoir-vivre, pure amourette que tout cela dans le mari; la fidĂ©litĂ© conjugale n'y est point offensĂ©e; celle de province n'est pas de mĂÂȘme, elle est sotte, revĂÂȘche et tout d'une piĂšce, n'est-il pas vrai? Marton. - Oh! oui, mais ma maĂtresse fixera peut-ĂÂȘtre votre maĂtre, car il me semble qu'il l'aimera assez volontiers, si je ne me trompe. Frontin. - Vous avez raison, je lui trouve effectivement comme une vapeur d'amour pour elle. Marton. - Croyez-vous? Frontin. - Il y a dans son coeur un Ă©tonnement qui pourrait devenir trĂšs sĂ©rieux; au surplus, ne vous inquiĂ©tez pas, dans les amourettes on n'aime qu'en passant, par curiositĂ© de goĂ»t, pour voir un peu comment cela fera; de ces inclinations-lĂ , on en peut fort bien avoir une demi-douzaine sans que le coeur en soit plus chargĂ©, tant elles sont lĂ©gĂšres. Marton. - Une demi-douzaine! cela est pourtant fort, et pas une sĂ©rieuse... Frontin. - Bon, quelquefois tout cela est expĂ©diĂ© dans la semaine; Ă Paris, ma chĂšre enfant, les coeurs, on ne se les donne pas, on se les prĂÂȘte, on ne fait que des essais. Marton. - Quoi, lĂ -bas, votre maĂtre et vous, vous n'avez encore donnĂ© votre coeur Ă personne? Frontin. - A qui que ce soit; on nous aime beaucoup, mais nous n'aimons point c'est notre usage. Marton. - J'ai peur que ma maĂtresse ne prenne cette coutume-lĂ de travers. Frontin. - Oh! que non, les agrĂ©ments l'y accoutumeront; les amourettes en passant sont amusantes; mon maĂtre passera, votre maĂtresse de mĂÂȘme, je passerai, vous passerez, nous passerons tous. Marton, en riant. - Ah! ah! ah! j'entre si bien dans ce que vous dites, que mon coeur a dĂ©jĂ passĂ© avec vous. Frontin. - Comment donc? Marton. - Doucement, voilĂ la Marquise, la mĂšre de Rosimond qui vient. ScĂšne IV La Marquise, Frontin, Marton La Marquise. - Je suis charmĂ©e de vous trouver lĂ , Marton, je vous cherchais; que disiez-vous Ă Frontin? Parliez-vous de mon fils? Marton. - Oui, Madame. La Marquise. - Eh bien, que pense de lui Hortense? Ne lui dĂ©plaĂt-il point? Je voulais vous demander ses sentiments, dites-les-moi, vous les savez sans doute, et vous me les apprendrez plus librement qu'elle; sa politesse me les cacherait, peut-ĂÂȘtre, s'ils n'Ă©taient pas favorables. Marton. - C'est Ă peu prĂšs de quoi nous nous entretenions, Frontin et moi, Madame; nous disions que Monsieur votre fils est trĂšs aimable, et ma maĂtresse le voit tel qu'il est; mais je demandais s'il l'aimerait. La Marquise. - Quand on est faite comme Hortense, je crois que cela n'est pas douteux, et ce n'est pas de lui dont je m'embarrasse. Frontin. - C'est ce que je rĂ©pondais. Marton. - Oui, vous m'avez parlĂ© d'une vapeur de tendresse, qu'il lui a pris pour elle; mais une vapeur se dissipe. La Marquise. - Que veut dire une vapeur? Marton. - Frontin vient de me l'expliquer, Madame; c'est comme un Ă©tonnement de coeur, et un Ă©tonnement ne dure pas; sans compter que les commoditĂ©s de la fidĂ©litĂ© conjugale sont un grand article. La Marquise. - Qu'est-ce que c'est donc que ce langage-lĂ , Marton? Je veux savoir ce que cela signifie. D'aprĂšs qui rĂ©pĂ©tez-vous tant d'extravagances? car vous n'ĂÂȘtes pas folle, et vous ne les imaginez pas sur-le-champ. Marton. - Non, Madame, il n'y a qu'un moment que je sais ce que je vous dis lĂ , c'est une instruction que vient de me donner Frontin sur le coeur de son maĂtre, et sur l'agrĂ©able Ă©conomie des mariages de Paris. La Marquise. - Cet impertinent? Frontin. - Ma foi, Madame, si j'ai tort, c'est la faute du beau monde que j'ai copiĂ©; j'ai rapportĂ© la mode, je lui ai donnĂ© l'Ă©tat des choses et le plan de la vie ordinaire. La Marquise. - Vous ĂÂȘtes un sot, taisez-vous; vous pensez bien, Marton, que mon fils n'a nulle part Ă de pareilles extravagances; il a de l'esprit, il a des moeurs, il aimera Hortense, et connaĂtra ce qu'elle vaut; pour toi, je te recommanderai Ă ton maĂtre, et lui dirai qu'il te corrige. Elle s'en va. ScĂšne V Marton, Frontin Marton, Ă©clatant de rire. - Ah! ah! ah! ah! Frontin. - Ah! ah! ah! ah! Marton. - Ah! Mon ingĂ©nuitĂ© te charme-t-elle encore? Frontin. - Non, mon admiration s'Ă©tait mĂ©prise; c'est ta malice qui est admirable. Marton. - Ah! ah! pas mal, pas mal. Frontin, lui prĂ©sente la main. - Allons, touche-lĂ , Marton. Marton. - Pourquoi donc? ce n'est pas la peine. Frontin. - Touche-lĂ , te dis-je, c'est de bon coeur. Marton, lui donnant la main. - Eh bien, que veux-tu dire? Frontin. - Marton, ma foi tu as raison, j'ai fait l'impertinent tout Ă l'heure. Marton. - Le vrai faquin! Frontin. - Le sot, le fat. Marton. - Oh, mais tu tombes Ă prĂ©sent dans un excĂšs de raison, tu vas me rĂ©duire Ă te louer. Frontin. - J'en veux Ă ton coeur, et non pas Ă tes Ă©loges. Marton. - Tu es encore trop convalescent, j'ai peur des rechutes. Frontin. - Il faut pourtant que tu m'aimes. Marton. - Doucement, vous redevenez fat. Frontin. - Paix, voici mon original qui arrive. ScĂšne VI Rosimond, Frontin, Marton Rosimond, Ă Frontin. - Ah, tu es ici toi, et avec Marton? je ne te plains pas Que te disait-il, Marton? Il te parlait d'amour, je gage; hĂ©! n'est-ce pas? Souvent ces coquins-lĂ sont plus heureux que d'honnĂÂȘtes gens. Je n'ai rien vu de si joli que vous, Marton; il n'y a point de femme Ă la cour qui ne s'accommodĂÂąt de cette figure-lĂ . Frontin. - Je m'en accommoderais encore mieux qu'elle. Rosimond. - Dis-moi, Marton, que fait-on dans ce pays-ci? Y a-t-il du jeu? de la chasse? des amours? Ah, le sot pays, ce me semble. A propos, ce bon homme qu'on attend de sa terre pour finir notre mariage, cet oncle arrive-t-il bientĂÂŽt? Que ne se passe-t-on de lui? Ne peut-on se marier sans que ce parent assiste Ă la cĂ©rĂ©monie? Marton. - Que voulez-vous? Ces messieurs-lĂ , sous prĂ©texte qu'on est leur niĂšce et leur hĂ©ritiĂšre, s'imaginent qu'on doit faire quelque attention Ă eux. Mais je ne songe pas que ma maĂtresse m'attend. Rosimond. - Tu t'en vas, Marton? Tu es bien pressĂ©e. A propos de ta maĂtresse, tu ne m'en parles pas; j'avais dit Ă Frontin de demander si on pouvait la voir. Frontin. - Je l'ai vue aussi, Monsieur, Marton Ă©tait prĂ©sente, et j'allais vous rendre rĂ©ponse. Marton. - Et moi je vais la rejoindre. Rosimond. - Attends, Marton, j'aime Ă te voir; tu es la fille du monde la plus amusante. Marton. - Je vous trouve trĂšs curieux Ă voir aussi, Monsieur, mais je n'ai pas le temps de rester. Rosimond. - TrĂšs curieux! Comment donc! mais elle a des expressions ta maĂtresse a-t-elle autant d'esprit que toi, Marton? De quelle humeur est-elle? Marton. - Oh! d'une humeur peu piquante, assez insipide, elle n'est que raisonnable. Rosimond. - Insipide et raisonnable, il est parbleu plaisant tu n'es pas faite pour la province. Quand la verrai-je, Frontin? Frontin. - Monsieur, comme je demandais si vous pouviez la voir dans une heure, elle m'a dit qu'elle n'en savait rien. Rosimond. - Le butor! Frontin. - Point du tout, je vous rends fidĂšlement la rĂ©ponse. Rosimond. - Tu rĂÂȘves! il n'y a pas de sens Ă cela. Marton, tu y Ă©tais, il ne sait ce qu'il dit qu'a-t-elle rĂ©pondu? Marton. - PrĂ©cisĂ©ment ce qu'il vous rapporte, Monsieur, qu'elle n'en savait rien. Rosimond. - Ma foi, ni moi non plus. Marton. - Je n'en suis pas mieux instruite que vous. Adieu, Monsieur. Rosimond. - Un moment, Marton, j'avais quelque chose Ă te dire et je m'en ressouviendrai; Frontin, m'est-il venu des lettres? Frontin. - A propos de lettres, oui, Monsieur, en voilĂ une qui est arrivĂ©e de quatre lieues d'ici par un exprĂšs. Rosimond ouvre, et rit Ă part en lisant. - Donne... Ha, ha, ha... C'est de ma folle de comtesse... Hum... Hum... Marton. - Monsieur, ne vous trompez-vous pas? Auriez-vous quelque chose Ă me dire? Voyez, car il faut que je m'en aille. Rosimond, toujours lisant. - Hum!... hum!... Je suis Ă toi, Marton, laisse-moi achever. Marton, Ă part Ă Frontin. - C'est apparemment lĂ une lettre de commerce. Frontin. - Oui, quelque missive de passage. Rosimond, aprĂšs avoir lu. - Vous ĂÂȘtes une Ă©tourdie, comtesse. Que dites-vous lĂ , vous autres? Marton. - Nous disons, Monsieur, que c'est quelque jolie femme qui vous Ă©crit par amourette. Rosimond. - Doucement, Marton, il ne faut pas dire cela en ce pays-ci, tout serait perdu. Marton. - Adieu, Monsieur, je crois que ma maĂtresse m'appelle. Rosimond. - Ah! c'est d'elle dont je voulais te parler. Marton. - Oui, mais la mĂ©moire vous revient quand je pars. Tout ce que je puis pour votre service, c'est de rĂ©galer Hortense de l'honneur que vous lui faites de vous ressouvenir d'elle. Rosimond. - Adieu donc, Marton. Elle a de la gaietĂ©, du badinage dans l'esprit. ScĂšne VII Rosimond, Frontin Frontin. - Oh, que non, Monsieur, malpeste vous ne la connaissez pas; c'est qu'elle se moque. Rosimond. - De qui? Frontin. - De qui? Mais ce n'est pas Ă moi qu'elle parlait. Rosimond. - Hem? Frontin. - Monsieur, je ne dis pas que je l'approuve; elle a tort; mais c'est une maligne soubrette; elle m'a dĂ©cochĂ© un trait aussi bien entendu. Rosimond. - Eh, dis-moi, ne t'a-t-on pas dĂ©jĂ interrogĂ© sur mon compte? Frontin. - Oui, Monsieur; Marton, dans la conversation, m'a par hasard fait quelques questions sur votre chapitre. Rosimond. - Je les avais prĂ©vues Eh bien, ces questions de hasard, quelles sont-elles? Frontin. - Elle m'a demandĂ© si vous aviez des maĂtresses. Et moi qui ai voulu faire votre cour... Rosimond. - Ma cour Ă moi! ma cour! Frontin. - Oui, Monsieur, et j'ai dit que non, que vous Ă©tiez un garçon sage, rĂ©glĂ©. Rosimond. - Le sot avec sa rĂšgle et sa sagesse; le plaisant Ă©loge! vous ne peignez pas en beau, Ă ce que je vois? Heureusement qu'on ne me connaĂtra pas Ă vos portraits. Frontin. - Consolez-vous, je vous ai peint Ă votre goĂ»t, c'est-Ă -dire, en laid. Rosimond. - Comment! Frontin. - Oui, en petit aimable; j'ai mis une troupe de folles qui courent aprĂšs vos bonnes grĂÂąces; je vous en ai donnĂ© une demi-douzaine qui partageaient votre coeur. Rosimond. - Fort bien. Frontin. - Combien en voulez-vous donc? Rosimond. - Qui partageaient mon coeur! Mon coeur avait bien Ă faire lĂ passe pour dire qu'on me trouve aimable, ce n'est pas ma faute; mais me donner de l'amour, Ă moi! c'est un article qu'il fallait Ă©pargner Ă la petite personne qu'on me destine; la demi-douzaine de maĂtresses est mĂÂȘme un peu trop; on pouvait en supprimer quelques-unes; il y a des occasions oĂÂč il ne faut pas dire la vĂ©ritĂ©. Frontin. - Bon! si je n'avais dit que la vĂ©ritĂ©, il aurait peut-ĂÂȘtre fallu les supprimer toutes. Rosimond. - Non, vous ne vous trompiez point, ce n'est pas de quoi je me plains; mais c'est que ce n'est pas par hasard qu'on vous a fait ces questions-lĂ . C'est Hortense qui vous les a fait faire, et il aurait Ă©tĂ© plus prudent de la tranquilliser sur pareille matiĂšre, et de songer que c'est une fille de province que je vais Ă©pouser, et qui en conclut que je ne dois aimer qu'elle, parce qu'apparemment elle en use de mĂÂȘme. Frontin. - Eh! peut-ĂÂȘtre qu'elle ne vous aime pas. Rosimond. - Oh peut-ĂÂȘtre? il fallait le soupçonner, c'Ă©tait le plus sĂ»r; mais passons est-ce lĂ tout ce qu'elle vous a dit? Frontin. - Elle m'a encore demandĂ© si vous aimiez Hortense. Rosimond. - C'est bien des affaires. Frontin. - Et j'ai cru poliment devoir rĂ©pondre qu'oui. Rosimond. - Poliment rĂ©pondre qu'oui? Frontin. - Oui, Monsieur. Rosimond. - Eh! de quoi te mĂÂȘles-tu? De quoi t'avises-tu de m'honorer d'une figure de soupirant? Quelle platitude! Frontin. - Eh parbleu! c'est qu'il m'a semblĂ© que vous l'aimiez. Rosimond. - Paix, de la discrĂ©tion! Il est vrai, entre nous, que je lui trouve quelques grĂÂąces naĂÂŻves; elle a des traits; elle ne dĂ©plaĂt pas. Frontin. - Ah! que vous aurez grand besoin d'une leçon de Marton! Mais ne parlons pas si haut, je vois Hortense qui s'avance. Rosimond. - Vient-elle? Je me retire. Frontin. - Ah! Monsieur, je crois qu'elle vous voit. Rosimond. - N'importe; comme elle a dit qu'elle ne savait pas quand elle pourrait me voir, ce n'est pas Ă moi Ă juger qu'elle le peut Ă prĂ©sent, et je me retire par respect en attendant qu'elle en dĂ©cide. C'est ce que tu lui diras si elle te parle. Frontin. - Ma foi, Monsieur, si vous me consultez, ce respect-lĂ ne vaut pas le diable. Rosimond, en s'en allant. - Ce qu'il y a de commode Ă vos conseils, c'est qu'il est permis de s'en moquer. ScĂšne VIII Hortense, Marton, Frontin Hortense. - Il me semble avoir vu ton maĂtre ici? Frontin. - Oui, Madame, il vient de sortir par respect pour vos volontĂ©s. Hortense. - Comment!... Marton. - C'est sans doute Ă cause de votre rĂ©ponse de tantĂÂŽt; vous ne saviez pas quand vous pourriez le voir. Frontin. - Et il ne veut pas prendre sur lui de dĂ©cider la chose. Hortense. - Eh bien, je la dĂ©cide, moi, va lui dire que je le prie de revenir, que j'ai Ă lui parler. Frontin. - J'y cours, Madame, et je lui ferai grand plaisir, car il vous aime de tout son coeur. Il ne vous en dira peut-ĂÂȘtre rien, Ă cause de sa dignitĂ© de joli homme. Il y a des rĂšgles lĂ -dessus; c'est une faiblesse excusez-la, Madame, je sais son secret, je vous le confie pour son bien; et dĂšs qu'il vous l'aura dit lui-mĂÂȘme, oh! ce sera bien le plus aimable homme du monde. Pardon, Madame, de la libertĂ© que je prends; mais Marton, avec qui je voudrais bien faire une fin, sera aussi mon excuse. Marton, prends nos intĂ©rĂÂȘts en main; empĂÂȘche Madame de nos haĂÂŻr, car, dans le fond, ce serait dommage, Ă une bagatelle prĂšs, en vĂ©ritĂ© nous mĂ©ritons son estime. Hortense, en riant. - Frontin aime son maĂtre, et cela est louable. Marton. - C'est de moi qu'il tient tout le bon sens qu'il vous montre. ScĂšne IX Hortense, Marton Hortense. - Il t'a donc paru que ma rĂ©ponse a piquĂ© Rosimond? Marton. - Je l'en ai vu dĂ©concertĂ©, quoiqu'il ait feint d'en badiner, et vous voyez bien que c'est de pur dĂ©pit qu'il se retire. Hortense. - Je le renvoie chercher, et cette dĂ©marche-lĂ le flattera peut-ĂÂȘtre; mais elle ne le flattera pas longtemps. Ce que j'ai Ă lui dire rabattra de sa prĂ©somption. Cependant, Marton, il y a des moments oĂÂč je suis toute prĂÂȘte de laisser lĂ Rosimond avec ses ridiculitĂ©s, et d'abandonner le projet de le corriger. Je sens que je m'y intĂ©resse trop; que le coeur s'en mĂÂȘle, et y prend trop de part je ne le corrigerai peut-ĂÂȘtre pas, et j'ai peur d'en ĂÂȘtre fĂÂąchĂ©e. Marton. - Eh! courage, Madame, vous rĂ©ussirez, vous dis-je; voilĂ dĂ©jĂ d'assez bons petits mouvements qui lui prennent; je crois qu'il est bien embarrassĂ©. J'ai mis le valet Ă la raison, je l'ai rĂ©duit vous rĂ©duirez le maĂtre. Il fera un peu plus de façon; il disputera le terrain; il faudra le pousser Ă bout. Mais c'est Ă vos genoux que je l'attends; je l'y vois d'avance; il faudra qu'il y vienne. Continuez; ce n'est pas avec des yeux comme les vĂÂŽtres qu'on manque son coup; vous le verrez. Hortense. - Je le souhaite. Mais tu as parlĂ© au valet, Rosimond n'a-t-il point quelque inclination Ă Paris? Marton. - Nulle; il n'y a encore Ă©tĂ© amoureux que de la rĂ©putation d'ĂÂȘtre aimable. Hortense. - Et moi, Marton, dois-je en croire Frontin? Serait-il vrai que son maĂtre eĂ»t de la disposition Ă m'aimer? Marton. - Nous le tenons, Madame, et mes observations sont justes. Hortense. - Cependant, Marton, il ne vient point. Marton. - Oh! mais prĂ©tendez-vous qu'il soit tout d'un coup comme un autre? Le bel air ne veut pas qu'il accoure il vient, mais nĂ©gligemment, et Ă son aise. Hortense. - Il serait bien impertinent qu'il y manquĂÂąt! Marton. - VoilĂ toujours votre pĂšre Ă sa place; il a peut-ĂÂȘtre Ă vous parler, et je vous laisse. Hortense. - S'il va me demander ce que je pense de Rosimond, il m'embarrassera beaucoup, car je ne veux pas lui dire qu'il me dĂ©plaĂt, et je n'ai jamais eu tant d'envie de le dire. ScĂšne X Hortense, Chrisante Chrisante. - Ma fille, je dĂ©sespĂšre de voir ici mon frĂšre, je n'en reçois point de nouvelles, et s'il n'en vient point aujourd'hui ou demain au plus tard, je suis d'avis de terminer votre mariage. Hortense. - Pourquoi, mon pĂšre, il n'y a pas de nĂ©cessitĂ© d'aller si vite. Vous savez combien il m'aime, et les Ă©gards qu'on lui doit; laissons-le achever les affaires qui le retiennent; diffĂ©rons de quelques jours pour lui en donner le temps. Chrisante. - C'est que la Marquise me presse, et ce mariage-ci me paraĂt si avantageux, que je voudrais qu'il fĂ»t dĂ©jĂ conclu. Hortense. - NĂ©e ce que je suis, et avec la fortune que j'ai, il serait difficile que j'en fisse un mauvais; vous pouvez choisir. Chrisante. - Eh! comment choisir mieux! Biens, naissance, rang, crĂ©dit Ă la cour vous trouvez tout ici avec une figure aimable, assurĂ©ment. Hortense. - J'en conviens, mais avec bien de la jeunesse dans l'esprit. Chrisante. - Et Ă quel ĂÂąge voulez-vous qu'on l'ait jeune? Hortense. - Le voici. ScĂšne XI Chrisante, Hortense, Rosimond Chrisante. - Marquis, je disais Ă Hortense que mon frĂšre tarde beaucoup, et que nous nous impatienterons Ă la fin, qu'en dites-vous? Rosimond. - Sans doute, je serai toujours du parti de l'impatience. Chrisante. - Et moi aussi. Adieu, je vais rejoindre la Marquise. ScĂšne XII Rosimond, Hortense Rosimond. - Je me rends Ă vos ordres, Madame; on m'a dit que vous me demandiez. Hortense. - Moi! Monsieur... Ah! vous avez raison, oui, j'ai chargĂ© Frontin de vous prier, de ma part, de revenir ici; mais comme vous n'ĂÂȘtes pas revenu sur-le-champ, parce qu'apparemment on ne vous a pas trouvĂ©, je ne m'en ressouvenais plus. Rosimond, riant. - VoilĂ une distraction dont j'aurais envie de me plaindre. Mais Ă propos de distraction, pouvez-vous me voir Ă prĂ©sent, Madame? Y ĂÂȘtes-vous bien dĂ©terminĂ©e? Hortense. - D'oĂÂč vient donc ce discours, Monsieur? Rosimond. - TantĂÂŽt vous ne saviez pas si vous le pouviez, m'a-t-on dit; et peut-ĂÂȘtre est-ce encore de mĂÂȘme? Hortense. - Vous ne demandiez Ă me voir qu'une heure aprĂšs, et c'est une espĂšce d'avenir dont je ne rĂ©pondais pas. Rosimond. - Ah! cela est vrai; il n'y a rien de si exact. Je me rappelle ma commission, c'est moi qui ai tort, et je vous en demande pardon. Si vous saviez combien le sĂ©jour de Paris et de la cour nous gĂÂątent sur les formalitĂ©s, en vĂ©ritĂ©, Madame, vous m'excuseriez; c'est une certaine habitude de vivre avec trop de libertĂ©, une aisance de façons que je condamne, puisqu'elle vous dĂ©plaĂt, mais Ă laquelle on s'accoutume, et qui vous jette ailleurs dans les impolitesses que vous voyez. Hortense. - Je n'ai pas remarquĂ© qu'il y en ait dans ce que vous avez fait, Monsieur, et sans avoir vu Paris ni la cour, personne au monde n'aime plus les façons unies que moi parlons de ce que je voulais vous dire. Rosimond. - Quoi! vous, Madame, quoi! de la beautĂ©, des grĂÂąces, avec ce caractĂšre d'esprit-lĂ , et cela dans l'ĂÂąge oĂÂč vous ĂÂȘtes? vous me surprenez; avouez-moi la vĂ©ritĂ©, combien ai-je de rivaux? Tout ce qui vous voit, tout ce qui vous approche, soupire ah! je m'en doute bien, et je n'en serai pas quitte Ă moins. La province me le pardonnera-t-elle? Je viens vous enlever convenons qu'elle y fait une perte irrĂ©parable. Hortense. - Il peut y avoir ici quelques personnes qui ont de l'amitiĂ© pour moi, et qui pourraient m'y regretter; mais ce n'est pas de quoi il s'agit. Rosimond. - Eh! quel secret ceux qui vous voyent ont-ils, pour n'ĂÂȘtre que vos amis, avec ces yeux-lĂ ? Hortense. - Si parmi ces amis il en est qui soient autre chose, du moins sont-ils discrets, et je ne les connais pas. Ne m'interrompez plus, je vous prie. Rosimond. - Vraiment, je m'imagine bien qu'ils soupirent tout bas, et que le respect les fait taire. Mais Ă propos de respect, n'y manquerais-je pas un peu, moi qui ai pensĂ© dire que je vous aime? Il y a bien quelque petite chose Ă redire Ă mes discours, n'est-ce pas, mais ce n'est pas ma faute. Il veut lui prendre une main. Hortense. - Doucement, Monsieur, je renonce Ă vous parler. Rosimond. - C'est que sĂ©rieusement vous ĂÂȘtes belle avec excĂšs; vous l'ĂÂȘtes trop, le regard le plus vif, le plus beau teint; ah! remerciez-moi, vous ĂÂȘtes charmante, et je n'en dis presque rien; la parure la mieux entendue; vous avez lĂ de la dentelle d'un goĂ»t exquis, ce me semble. Passez-moi l'Ă©loge de la dentelle; quand nous marie-t-on? Hortense. - A laquelle des deux questions voulez-vous que je rĂ©ponde d'abord? A la dentelle, ou au mariage? Rosimond. - Comme il vous plaira. Que faisons-nous cet aprĂšs-midi? Hortense. - Attendez, la dentelle est passable; de cet aprĂšs-midi le hasard en dĂ©cidera; de notre mariage, je ne puis rien en dire, et c'est de quoi j'ai Ă vous entretenir, si vous voulez bien me laisser parler. VoilĂ tout ce que vous me demandez, je pense? Venons au mariage. Rosimond. - Il devrait ĂÂȘtre fait; les parents ne finissent point! Hortense. - Je voulais vous dire au contraire qu'il serait bon de le diffĂ©rer, Monsieur. Rosimond. - Ah! le diffĂ©rer, Madame? Hortense. - Oui, Monsieur, qu'en pensez-vous? Rosimond. - Moi, ma foi, Madame, je ne pense point, je vous Ă©pouse. Ces choses-lĂ surtout, quand elles sont aimables, veulent ĂÂȘtre expĂ©diĂ©es, on y pense aprĂšs. Hortense. - Je crois que je n'irai pas si vite il faut s'aimer un peu quand on s'Ă©pouse. Rosimond. - Mais je l'entends bien de mĂÂȘme. Hortense. - Et nous ne nous aimons point. Rosimond. - Ah! c'est une autre affaire; la difficultĂ© ne me regarderait point il est vrai que j'espĂ©rais, Madame, j'espĂ©rais, je vous l'avoue. Serait-ce quelque partie de coeur dĂ©jĂ liĂ©e? Hortense. - Non, Monsieur, je ne suis, jusqu'ici, prĂ©venue pour personne. Rosimond. - En tout cas, je vous demande la prĂ©fĂ©rence. Quant au retardement de notre mariage, dont je ne vois pas les raisons, je ne m'en mĂÂȘlerai point, je n'aurais garde, on me mĂšne, et je suivrai. Hortense. - Quelqu'un vient; faites rĂ©flexion Ă ce que je vous dit, Monsieur. ScĂšne XIII Dorante, DorimĂšne, Hortense, Rosimond Rosimond, allant Ă DorimĂšne. - Eh! vous voilĂ , Comtesse. Comment! avec Dorante? La Comtesse, embrassant Hortense. - Eh! bonjour, ma chĂšre enfant! Comment se porte-t-on ici? Nous sommes alliĂ©s, au moins, Marquis. Rosimond. - Je le sais. La Comtesse. - Mais nous nous voyons peu. Il y a trois ans que je ne suis venue ici. Hortense. - On ne quitte pas volontiers Paris pour la province. DorimĂšne. - On y a tant d'affaires, de dissipations! les moments s'y passent avec tant de rapiditĂ©! Rosimond. - Eh! oĂÂč avez-vous pris ce garçon-lĂ , Comtesse? DorimĂšne, Ă Hortense. - Nous nous sommes rencontrĂ©s. Vous voulez bien que je vous le prĂ©sente? Rosimond. - Qu'en dis-tu, Dorante? ai-je Ă me louer du choix qu'on a fait pour moi? Dorante. - Tu es trop heureux. Rosimond, Ă Hortense. - Tel que vous le voyez, je vous le donne pour une espĂšce de sage qui fait peu de cas de l'amour de l'air dont il vous regarde pourtant, je ne le crois pas trop en sĂ»retĂ© ici. Dorante. - Je n'ai vu nulle part de plus grand danger, j'en conviens. DorimĂšne, riant. - Sur ce pied-lĂ , sauvez-vous, Dorante, sauvez-vous. Hortense. - TrĂÂȘve de plaisanterie, Messieurs. Rosimond. - Non, sĂ©rieusement, je ne plaisante point; je vous dis qu'il est frappĂ©, je vois cela dans ses yeux; remarquez-vous comme il rougit? Parbleu, je voudrais bien qu'il soupirĂÂąt, et je vous le recommande. DorimĂšne. - Ah! doucement, il m'appartient; c'est une espĂšce d'infidĂ©litĂ© qu'il me ferait; car je l'ai amenĂ©, Ă moins que vous ne teniez sa place, Marquis. Rosimond. - AssurĂ©ment j'en trouve l'idĂ©e tout Ă fait plaisante, et c'est de quoi nous amuser ici. A Hortense. N'est-ce pas, Madame? Allons, Dorante, rendez vos premiers hommages Ă votre vainqueur. Dorante. - Je n'en suis plus aux premiers. ScĂšne XIV Dorante, DorimĂšne, Hortense, Rosimond, Marton Marton. - Madame, Monsieur le Comte m'envoie savoir qui vient d'arriver. DorimĂšne. - Nous allons l'en instruire nous-mĂÂȘmes. Venez, Marquis, donnez-moi la main, vous ĂÂȘtes mon chevalier. A Hortense. Et vous, Madame, voilĂ le vĂÂŽtre. Dorante prĂ©sente la main Ă Hortense. Marton fait signe Ă Hortense. Hortense. - Je vous suis, Messieurs. Je n'ai qu'un mot Ă dire. ScĂšne XV Marton, Hortense Hortense. - Que me veux-tu, Marton? Je n'ai pas le temps de rester, comme tu vois. Marton. - C'est une lettre que je viens de trouver, lettre d'amour Ă©crite Ă Rosimond, mais d'un amour qui me paraĂt sans consĂ©quence. La dame qui vient d'arriver pourrait bien l'avoir Ă©crite; le billet est d'un style qui ressemble Ă son air. Hortense. - Y a-t-il bien des tendresses? Marton. - Non, vous dis-je, point d'amour et beaucoup de folies; mais puisque vous ĂÂȘtes pressĂ©e, nous en parlerons tantĂÂŽt. Rosimond devient-il un peu plus supportable? Hortense. - Toujours aussi impertinent qu'il est aimable. Je te quitte. Marton. - Monsieur l'impertinent, vous avez beau faire, vous deviendrez charmant sur ma parole, je l'ai entrepris. Acte II ScĂšne premiĂšre La Marquise, Dorante La Marquise. - Avançons encore quelques pas, Monsieur, pour ĂÂȘtre plus Ă l'Ă©cart, j'aurais un mot Ă vous dire; vous ĂÂȘtes l'ami de mon fils, et autant que j'en puis juger, il ne saurait avoir fait un meilleur choix. Dorante. - Madame, son amitiĂ© me fait honneur. La Marquise. - Il n'est pas aussi raisonnable que vous me paraissez l'ĂÂȘtre, et je voudrais bien que vous m'aidassiez Ă le rendre plus sensĂ© dans les circonstances oĂÂč il se trouve; vous savez qu'il doit Ă©pouser Hortense; nous n'attendons que l'instant pour terminer ce mariage; d'oĂÂč vient, Monsieur, le peu d'attention qu'il a pour elle? Dorante. - Je l'ignore, et n'y ai pris garde, Madame. La Marquise. - Je viens de le voir avec DorimĂšne, il ne la quitte point depuis qu'elle est ici; et vous, Monsieur, vous ne quittez point Hortense. Dorante. - Je lui fais ma cour, parce que je suis chez elle. La Marquise. - Sans doute, et je ne vous dĂ©sapprouve pas; mais ce n'est pas Ă DorimĂšne Ă qui il faut que mon fils fasse aujourd'hui la sienne; et personne ici ne doit montrer plus d'empressement que lui pour Hortense. Dorante. - Il est vrai, Madame. La Marquise. - Sa conduite est ridicule, elle peut choquer Hortense, et je vous conjure, Monsieur, de l'avertir qu'il en change; les avis d'un ami comme vous lui feront peut-ĂÂȘtre plus d'impression que les miens; vous ĂÂȘtes venu avec DorimĂšne, je la connais fort peu; vous ĂÂȘtes de ses amis, et je souhaiterais qu'elle ne souffrĂt pas que mon fils fĂ»t toujours auprĂšs d'elle; en vĂ©ritĂ©, la biensĂ©ance en souffre un peu; elle est alliĂ©e de la maison oĂÂč nous sommes, mais elle est venue ici sans qu'on l'y appelĂÂąt; y reste-t-elle? Part-elle aujourd'hui? Dorante. - Elle ne m'a pas instruit de ses desseins. La Marquise. - Si elle partait, je n'en serais pas fĂÂąchĂ©e, et je lui en aurais obligation; pourriez-vous le lui faire entendre? Dorante. - Je n'ai pas beaucoup de pouvoir sur elle; mais je verrai, Madame, et tĂÂącherai de rĂ©pondre Ă l'honneur de votre confiance. La Marquise. - Je vous le demande en grĂÂące, Monsieur, et je vous recommande les intĂ©rĂÂȘts de mon fils et de votre ami. Dorante, pendant qu'elle s'en va. - Elle a ma foi beau dire, puisque son fils nĂ©glige Hortense, il ne tiendra pas Ă moi que je n'en profite auprĂšs d'elle. ScĂšne II Dorante, DorimĂšne DorimĂšne. - OĂÂč est allĂ© le Marquis, Dorante? Je me sauve de cette cohue de province ah! les ennuyants personnages! Je me meurs de l'extravagance des compliments qu'on m'a fait, et que j'ai rendus. Il y a deux heures que je n'ai pas le sens commun, Dorante, pas le sens commun; deux heures que je m'entretiens avec une Marquise qui se tient d'un droit, qui a des gravitĂ©s, qui prend des mines d'une dignitĂ©; avec une petite Baronne si folichonne, si remuante, si mĂ©thodiquement Ă©tourdie; avec une Comtesse si franche, qui m'estime tant, qui m'estime tant, qui est de si bonne amitiĂ©; avec une autre qui est si mignonne, qui a de si jolis tours de tĂÂȘte, qui accompagne ce qu'elle dit avec des mains si pleines de grĂÂąces; une autre qui glapit si spirituellement, qui traĂne si bien les mots, qui dit si souvent, mais Madame, cependant Madame, il me paraĂt pourtant; et puis un bel esprit si diffus, si Ă©loquent, une jalouse si difficile en mĂ©rite, si peu touchĂ©e du mien, si intriguĂ©e de ce qu'on m'en trouvait. Enfin, un agrĂ©able qui m'a fait des phrases, mais des phrases! d'une perfection! qui m'a dĂ©clarĂ© des sentiments qu'il n'osait me dire; mais des sentiments d'une dĂ©licatesse assaisonnĂ©e d'un respect que j'ai trouvĂ© d'une fadeur! d'une fadeur! Dorante. - Oh! on respecte beaucoup ici, c'est le ton de la province. Mais vous cherchez Rosimond, Madame? DorimĂšne. - Oui, c'est un Ă©tourdi Ă qui j'ai Ă parler tĂÂȘte Ă tĂÂȘte; et grĂÂące Ă tous ces originaux qui m'ont obsĂ©dĂ©e, je n'en ai pas encore eu le temps il nous a quittĂ©. OĂÂč est-il? Dorante. - Je pense qu'il Ă©crit Ă Paris, et je sors d'un entretien avec sa mĂšre. DorimĂšne. - Tant pis, cela n'est pas amusant, il vous en reste encore un air froid et raisonnable, qui me gagnerait si nous restions ensemble; je vais faire un tour sur la terrasse allez, Dorante, allez dire Ă Rosimond que je l'y attends. Dorante. - Un moment, Madame, je suis chargĂ© d'une petite commission pour vous; c'est que je vous avertis que la Marquise ne trouve pas bon que vous entreteniez le Marquis. DorimĂšne. - Elle ne le trouve pas bon! Eh bien, vous verrez que je l'en trouverai meilleur. Dorante. - Je n'en ai pas doutĂ© mais ce n'est pas lĂ tout; je suis encore priĂ© de vous inspirer l'envie de partir. DorimĂšne. - Je n'ai jamais eu tant d'envie de rester. Dorante. - Je n'en suis pas surpris; cela doit faire cet effet-lĂ . DorimĂšne. - Je commençais Ă m'ennuyer ici, je ne m'y ennuie plus; je m'y plais, je l'avoue; sans ce discours de la Marquise, j'aurais pu me contenter de dĂ©fendre Ă Rosimond de se marier, comme je l'avais rĂ©solu en venant ici mais on ne veut pas que je le voie? on souhaite que je parte? il m'Ă©pousera. Dorante. - Cela serait trĂšs plaisant. DorimĂšne. - Oh! il m'Ă©pousera. Je pense qu'il n'y perdra pas et vous, je veux aussi que vous nous aidiez Ă le dĂ©barrasser de cette petite fille; je me propose un plaisir infini de ce qui va arriver; j'aime Ă dĂ©ranger les projets, c'est ma folie; surtout, quand je les dĂ©range d'une maniĂšre avantageuse. Adieu; je prĂ©tends que vous Ă©pousiez Hortense, vous. VoilĂ ce que j'imagine; rĂ©glez-vous lĂ -dessus, entendez-vous? Je vais trouver le Marquis. Dorante, pendant qu'elle part. - Puisse la folle me dire vrai! ScĂšne III Rosimond, Dorante, Frontin Rosimond, Ă Frontin en entrant. - Cherche, vois partout; et sans dire qu'elle est Ă moi, demande-la Ă tout le monde; c'est Ă peu prĂšs dans ces endroits-ci que je l'ai perdue. Frontin. - Je ferai ce que je pourrai, Monsieur. Rosimond, Ă Dorante. - Ah! c'est toi, Dorante; dis-moi, par hasard, n'aurais-tu point trouvĂ© une lettre Ă terre? Dorante. - Non. Rosimond. - Cela m'inquiĂšte. Dorante. - Eh! de qui est-elle? Rosimond. - De DorimĂšne; et malheureusement elle est d'un style un peu familier sur Hortense; elle l'y traite de petite provinciale qu'elle ne veut pas que j'Ă©pouse, et ces bonnes gens-ci seraient un peu scandalisĂ©s de l'Ă©pithĂšte. Dorante. - Peut-ĂÂȘtre personne ne l'aura-t-il encore ramassĂ© et d'ailleurs, cela te chagrine-t-il tant? Rosimond. - Ah! trĂšs doucement; je ne m'en dĂ©sespĂšre pas. Dorante. - Ce qui en doit arriver doit ĂÂȘtre fort indiffĂ©rent Ă un homme comme toi. Rosimond. - Aussi me l'est-il. Parlons de DorimĂšne; c'est elle qui m'embarrasse. Je t'avouerai confidemment que je ne sais qu'en faire. T'a-t-elle dit qu'elle n'est venue ici que pour m'empĂÂȘcher d'Ă©pouser? Elle a quelque alliance avec ces gens-ci. DĂšs qu'elle a su que ma mĂšre m'avait brusquement amenĂ© de Paris chez eux pour me marier, qu'a-t-elle fait? Elle a une terre Ă quelques lieues de la leur, elle y est venue, et Ă peine arrivĂ©e, m'a Ă©crit, par un exprĂšs, qu'elle venait ici, et que je la verrais une heure aprĂšs sa lettre, qui est celle que j'ai perdue. Dorante. - Oui, j'Ă©tais chez elle alors, et j'ai vu partir l'exprĂšs qui nous a prĂ©cĂ©dĂ© mais enfin c'est une trĂšs aimable femme, et qui t'aime beaucoup. Rosimond. - J'en conviens. Il faut pourtant que tu m'aides Ă lui faire entendre raison. Dorante. - Pourquoi donc? Tu l'aimes aussi, apparemment, et cela n'est pas Ă©tonnant. Rosimond. - J'ai encore quelque goĂ»t pour elle, elle est vive, emportĂ©e, Ă©tourdie, bruyante. Nous avons liĂ© une petite affaire de coeur ensemble; et il y a deux mois que cela dure deux mois, le terme est honnĂÂȘte; cependant aujourd'hui, elle s'avise de se piquer d'une belle passion pour moi. Ce mariage-ci lui dĂ©plaĂt, elle ne veut pas que je l'achĂšve, et de vingt galanteries qu'elle a eues en sa vie, il faut que la nĂÂŽtre soit la seule qu'elle honore de cette opiniĂÂątretĂ© d'amour il n'y a que moi Ă qui cela arrive. Dorante. - Te voilĂ donc bien agitĂ©? Quoi! tu crains les consĂ©quences de l'amour d'une jolie femme, parce que tu te maries! Tu as de ces sentiments bourgeois, toi Marquis? Je ne te reconnais pas! Je te croyais plus dĂ©gagĂ© que cela; j'osais quelquefois entretenir Hortense mais je vois bien qu'il faut que je parte, et je n'y manquerai pas. Adieu. Rosimond. - Venez, venez ici. Qu'est-ce que c'est que cette fantaisie-lĂ ? Dorante. - Elle est sage. Il me semble que la Marquise ne me voit pas volontiers ici, et qu'elle n'aime pas Ă me trouver en conversation avec Hortense; et je te demande pardon de ce que je vais te dire, mais il m'a passĂ© dans l'esprit que tu avais pu l'indisposer contre moi, et te servir de sa mĂ©chante humeur pour m'insinuer de m'en aller. Rosimond. - Mais, oui-da, je suis peut-ĂÂȘtre jaloux. Ma façon de vivre, jusqu'ici, m'a rendu fort suspect de cette petitesse. DĂ©bitez-la, Monsieur, dĂ©bitez-la dans le monde. En vĂ©ritĂ© vous me faites pitiĂ©! Avec cette opinion-lĂ sur mon compte, valez-vous la peine qu'on vous dĂ©sabuse? Dorante. - Je puis en avoir mal jugĂ©; mais ne se trompe-t-on jamais? Rosimond. - Moi qui vous parle, suis-je plus Ă l'abri de la mĂ©chante humeur de ma mĂšre? Ne devrais-je pas, si je l'en crois, ĂÂȘtre aux genoux d'Hortense, et lui dĂ©biter mes langueurs? J'ai tort de n'aller pas, une houlette Ă la main, l'entretenir de ma passion pastorale elle vient de me quereller tout Ă l'heure, me reprocher mon indiffĂ©rence; elle m'a dit des injures, Monsieur, des injures m'a traitĂ© de fat, d'impertinent, rien que cela, et puis je m'entends avec elle! Dorante. - Ah! voilĂ qui est fini, Marquis, je dĂ©savoue mon idĂ©e, et je t'en fais rĂ©paration. Rosimond. - Dites-vous vrai? Etes-vous bien sĂ»r au moins que je pense comme il faut? Dorante. - Si sĂ»r Ă prĂ©sent, que si tu allais te prendre d'amour pour cette petite Hortense dont on veut faire ta femme, tu me le dirais, que je n'en croirais rien. Rosimond. - Que sait-on? Il y a Ă craindre, Ă cause que je l'Ă©pouse, que mon coeur ne s'enflamme et ne prenne la chose Ă la lettre! Dorante. - Je suis persuadĂ© que tu n'es point fĂÂąchĂ© que je lui en conte. Rosimond. - Ah! si fait; trĂšs fĂÂąchĂ©. J'en boude, et si vous continuez, j'en serai au dĂ©sespoir. Dorante. - Tu te moques de moi, et je le mĂ©rite. Rosimond, riant. - Ha, ha, ha. Comment es-tu avec elle? Dorante. - Ni bien ni mal. Comment la trouves-tu toi? Rosimond. - Moi, ma foi, je n'en sais rien, je ne l'ai pas encore trop vue; cependant, il m'a paru qu'elle Ă©tait assez gentille, l'air naĂÂŻf, droit et guindĂ© mais jolie, comme je te dis. Ce visage-lĂ pourrait devenir quelque chose s'il appartenait Ă une femme du monde, et notre provinciale n'en fait rien; mais cela est bon pour une femme, on la prend comme elle vient. Dorante. - Elle ne te convient guĂšre. De bonne foi, l'Ă©pouseras-tu? Rosimond. - Il faudra bien, puisqu'on le veut nous l'Ă©pouserons ma mĂšre et moi, si vous ne nous l'enlevez pas. Dorante. - Je pense que tu ne t'en soucierais guĂšre, et que tu me le pardonnerais. Rosimond. - Oh! lĂ -dessus, toutes les permissions du monde au suppliant, si elles pouvaient lui ĂÂȘtre bonnes Ă quelque chose. T'amuse-t-elle? Dorante. - Je ne la hais pas. Rosimond. - Tout de bon? Dorante. - Oui comme elle ne m'est pas destinĂ©e, je l'aime assez. Rosimond. - Assez? Je vous le conseille! De la passion, Monsieur, des mouvements pour me divertir, s'il vous plaĂt. En sens-tu dĂ©jĂ un peu? Dorante. - Quelquefois. Je n'ai pas ton expĂ©rience en galanterie; je ne suis lĂ -dessus qu'un Ă©colier qui n'a rien vu. Rosimond, riant. - Ah! vous l'aimez, Monsieur l'Ă©colier ceci est sĂ©rieux, je vous dĂ©fends de lui plaire. Dorante. - Je n'oublie cependant rien pour cela, ainsi laisse-moi partir; la peur de te fĂÂącher me reprend. Rosimond, riant. - Ah! ah! ah! que tu es rĂ©jouissant! ScĂšne IV Marton, Dorante, Rosimond Dorante, riant aussi. - Ah! ah! ah! OĂÂč est votre maĂtresse, Marton? Marton. - Dans la grande allĂ©e, oĂÂč elle se promĂšne, Monsieur, elle vous demandait tout Ă l'heure. Rosimond. - Rien que lui, Marton? Marton. - Non, que je sache. Dorante. - Je te laisse, Marquis, je vais la rejoindre. Rosimond. - Attends, nous irons ensemble. Marton. - Monsieur, j'aurais un mot Ă vous dire. Rosimond. - A moi, Marton? Marton. - Oui, Monsieur. Dorante. - Je vais donc toujours devant. Rosimond, Ă part. - Rien que lui? C'est qu'elle est piquĂ©e. ScĂšne V Marton, Rosimond Rosimond. - De quoi s'agit-il, Marton? Marton. - D'une lettre que j'ai trouvĂ©e, Monsieur, et qui est apparemment celle que vous avez tantĂÂŽt reçue de Frontin. Rosimond. - Donne, j'en Ă©tais inquiet. Marton. - La voilĂ . Rosimond. - Tu ne l'as montrĂ©e Ă personne, apparemment? Marton. - Il n'y a qu'Hortense et son pĂšre qui l'ont vue, et je ne la leur ai montrĂ©e que pour savoir Ă qui elle appartenait. Rosimond. - Eh! ne pouviez-vous pas le voir vous-mĂÂȘme? Marton. - Non, Monsieur, je ne sais pas lire, et d'ailleurs, vous en aviez gardĂ© l'enveloppe. Rosimond. - Et ce sont eux qui vous ont dit que la lettre m'appartenait? Ils l'ont donc lue? Marton. - Vraiment oui, Monsieur, ils n'ont pu juger qu'elle Ă©tait Ă vous que sur la lecture qu'ils en ont fait. Rosimond. - Hortense prĂ©sente? Marton. - Sans doute. Est-ce que cette lettre est de quelque consĂ©quence? Y a-t-il quelque chose qui les concerne? Rosimond. - Il vaudrait mieux qu'ils ne l'eussent point vue. Marton. - J'en suis fĂÂąchĂ©e. Rosimond. - Cela est dĂ©sagrĂ©able. Et qu'en a dit Hortense? Marton. - Rien, Monsieur, elle n'a pas paru y faire attention mais comme on m'a chargĂ© de vous la rendre, voulez-vous que je dise que vous ne l'avez pas reconnue? Rosimond. - L'offre est obligeante et je l'accepte; j'allais vous en prier. Marton. - Oh! de tout mon coeur, je vous le promets, quoique ce soit une prĂ©caution assez inutile, comme je vous dis, car ma maĂtresse ne vous en parlera seulement pas. Rosimond. - Tant mieux, tant mieux, je ne m'attendais pas Ă tant de modĂ©ration; serait-ce que notre mariage lui dĂ©plaĂt? Marton. - Non, cela ne va pas jusque-lĂ ; mais elle ne s'y intĂ©resse pas extrĂÂȘmement non plus. Rosimond. - Vous l'a-t-elle dit, Marton? Marton. - Oh! plus de dix fois, Monsieur, et vous le savez bien, elle vous l'a dit Ă vous-mĂÂȘme. Rosimond. - Point du tout, elle a, ce me semble, parlĂ© de diffĂ©rer et non pas de rompre mais que ne s'est-elle expliquĂ©e? je ne me serais pas avisĂ© de soupçonner son Ă©loignement pour moi, il faut ĂÂȘtre fait Ă se douter de pareille chose! Marton. - Il est vrai qu'on est presque sĂ»r d'ĂÂȘtre aimĂ© quand on vous ressemble, aussi ma maĂtresse vous aurait-elle Ă©pousĂ© d'abord assez volontiers mais je ne sais, il y a eu du malheur, vos façons l'ont choquĂ©e. Rosimond. - Je ne les ai pas prises en province, Ă la vĂ©ritĂ©. Marton. - Eh! Monsieur, Ă qui le dites-vous? Je suis persuadĂ©e qu'elles sont toutes des meilleures mais, tenez, malgrĂ© cela je vous avoue moi-mĂÂȘme que je ne pourrais pas m'empĂÂȘcher d'en rire si je ne me retenais pas, tant elles nous paraissent plaisantes Ă nous autres provinciales; c'est que nous sommes des ignorantes. Adieu, Monsieur, je vous salue. Rosimond. - Doucement, confiez-moi ce que votre maĂtresse y trouve Ă redire. Marton. - Eh! Monsieur, ne prenez pas garde Ă ce que nous en pensons je vous dis que tout nous y paraĂt comique. Vous savez bien que vous avez peur de faire l'amoureux de ma maĂtresse, parce qu'apparemment cela ne serait pas de bonne grĂÂące dans un joli homme comme vous; mais comme Hortense est aimable et qu'il s'agit de l'Ă©pouser, nous trouvons cette peur-lĂ si burlesque! si bouffonne! qu'il n'y a point de comĂ©die qui nous divertisse tant; car il est sĂ»r que vous auriez plu Ă Hortense si vous ne l'aviez pas fait rire mais ce qui fait rire n'attendrit plus, et je vous dis cela pour vous divertir vous-mĂÂȘme. Rosimond. - C'est aussi tout l'usage que j'en fais. Marton. - Vous avez raison, Monsieur, je suis votre servante. Elle revient. Seriez-vous encore curieux d'une de nos folies? DĂšs que Dorante et DorimĂšne sont arrivĂ©s ici, vous avez dit qu'il fallait que Dorante aimĂÂąt ma maĂtresse, pendant que vous feriez l'amour Ă DorimĂšne, et cela Ă la veille d'Ă©pouser Hortense; Monsieur, nous en avons pensĂ© mourir de rire, ma maĂtresse et moi! Je lui ai pourtant dit qu'il fallait bien que vos airs fussent dans les rĂšgles du bon savoir-vivre. Rien ne l'a persuadĂ©e; les gens de ce pays-ci ne sentent point le mĂ©rite de ces maniĂšres-lĂ ; c'est autant de perdu. Mais je m'amuse trop. Ne dites mot, je vous prie. Rosimond. - Eh bien, Marton, il faudra se corriger j'ai vu quelques benĂÂȘts de la province, et je les copierai. Marton. - Oh! Monsieur, n'en prenez pas la peine; ce ne serait pas en contrefaisant le benĂÂȘt que vous feriez revenir les bonnes dispositions oĂÂč ma maĂtresse Ă©tait pour vous; ce que je vous dis sous le secret, au moins; mais vous ne rĂ©ussiriez, ni comme benĂÂȘt ni comme comique. Adieu, Monsieur. ScĂšne VI Rosimond, DorimĂšne Rosimond, un moment seul. - Eh bien, cela me guĂ©rit d'Hortense; cette fille qui m'aime et qui se rĂ©sout Ă me perdre, parce que je ne donne pas dans la fadeur de languir pour elle! VoilĂ une sotte enfant! Allons pourtant la trouver. DorimĂšne. - Que devenez-vous donc, Marquis? on ne sait oĂÂč vous prendre? Est-ce votre future qui vous occupe? Rosimond. - Oui, je m'occupais des reproches qu'on me faisait de mon indiffĂ©rence pour elle, et je vais tĂÂącher d'y mettre ordre; elle est lĂ -bas avec Dorante, y venez-vous? DorimĂšne. - ArrĂÂȘtez, arrĂÂȘtez; il s'agit de mettre ordre Ă quelque chose de plus important. Quand est-ce donc que cette indiffĂ©rence qu'on vous reproche pour elle lui fera prendre son parti? Il me semble que cela demeure bien longtemps Ă se dĂ©terminer. A qui est-ce la faute? Rosimond. - Ah! vous me querellez aussi! Dites-moi, que voulez-vous qu'on fasse? Ne sont-ce pas nos parents qui dĂ©cident de cela? DorimĂšne. - Qu'est-ce que c'est que des parents, Monsieur? C'est l'amour que vous avez pour moi, c'est le vĂÂŽtre, c'est le mien qui en dĂ©cideront, s'il vous plaĂt. Vous ne mettrez pas des volontĂ©s de parents en parallĂšle avec des raisons de cette force-lĂ , sans doute, et je veux demain que tout cela finisse. Rosimond. - Le terme est court, on aurait de la peine Ă faire ce que vous dites lĂ ; je dĂ©sespĂšre d'en venir Ă bout, moi, et vous en parlez bien Ă votre aise. DorimĂšne. - Ah! je vous trouve admirable! Nous sommes Ă Paris, je vous perds deux jours de vue; et dans cet intervalle, j'apprends que vous ĂÂȘtes parti avec votre mĂšre pour aller vous marier, pendant que vous m'aimez, pendant qu'on vous aime, et qu'on vient tout rĂ©cemment, comme vous le savez, de congĂ©dier lĂ -bas le Chevalier, pour n'avoir de liaison de coeur qu'avec vous? Non, Monsieur, vous ne vous marierez point n'y songez pas, car il n'en sera rien, cela est dĂ©cidĂ©; votre mariage me dĂ©plaĂt. Je le passerais Ă un autre; mais avec vous! Je ne suis pas de cette humeur-lĂ , je ne saurais; vous ĂÂȘtes un Ă©tourdi, pourquoi vous jetez-vous dans cet inconvĂ©nient? Rosimond. - Faites-moi donc la grĂÂące d'observer que je suis la victime des arrangements de ma mĂšre. DorimĂšne. - La victime! Vous m'Ă©difiez beaucoup, vous ĂÂȘtes un petit garçon bien obĂ©issant. Rosimond. - Je n'aime pas Ă la fĂÂącher, j'ai cette faiblesse-lĂ , par exemple. DorimĂšne. - Le poltron! Eh bien, gardez votre faiblesse j'y supplĂ©erai, je parlerai Ă votre prĂ©tendue. Rosimond. - Ah! que je vous reconnais bien Ă ces tendres inconsidĂ©rations-lĂ ! Je les adore. Ayons pourtant un peu plus de flegme ici; car que lui direz-vous? que vous m'aimez? DorimĂšne. - Que nous nous aimons. Rosimond. - VoilĂ qui va fort bien; mais vous ressouvenez-vous que vous ĂÂȘtes en province, oĂÂč il y a des rĂšgles, des maximes de dĂ©cence qu'il ne faut point choquer? DorimĂšne. - Plaisantes maximes! Est-il dĂ©fendu de s'aimer, quand on est aimable? Ah! il y a des puĂ©rilitĂ©s qui ne doivent pas arrĂÂȘter. Je vous Ă©pouserai, Monsieur, j'ai du bien, de la naissance, qu'on nous marie; c'est peut-ĂÂȘtre le vrai moyen de me guĂ©rir d'un amour que vous ne mĂ©ritez pas que je conserve. Rosimond. - Nous marier! Des gens qui s'aiment! Y songez-vous? Que vous a fait l'amour pour le pousser Ă bout? Allons trouver la compagnie. DorimĂšne. - Nous verrons. Surtout, point de mariage ici, commençons par lĂ . Mais que vous veut Frontin? ScĂšne VII Rosimond, DorimĂšne, Frontin Frontin, tout essoufflĂ©. - Monsieur, j'ai un mot Ă vous dire. Rosimond. - Parle. Frontin. - Il faut que nous soyons seuls, Monsieur. DorimĂšne. - Et moi je reste parce que je suis curieuse. Frontin. - Monsieur, Madame est de trop; la moitiĂ© de ce que j'ai Ă vous dire est contre elle. DorimĂšne. - Marquis, faites parler ce faquin-lĂ . Rosimond. - Parleras-tu, maraud? Frontin. - J'enrage; mais n'importe. Eh bien, Monsieur, ce que j'ai Ă vous dire, c'est que Madame ici nous portera malheur Ă tous deux. DorimĂšne. - Le sot! Rosimond. - Comment? Frontin. - Oui, Monsieur, si vous ne changez pas de façon, nous ne tenons plus rien. Pendant que Madame vous amuse, Dorante nous Ă©gorge. Rosimond. - Que fait-il donc? Frontin. - L'amour, Monsieur, l'amour, Ă votre belle Hortense! DorimĂšne. - Votre belle voilĂ une Ă©pithĂšte bien placĂ©e! Frontin. - Je dĂ©fie qu'on la place mieux; si vous entendiez lĂ -bas comme il se dĂ©mĂšne, comme les dĂ©clarations vont dru, comme il entasse les soupirs, j'en ai dĂ©jĂ comptĂ© plus de trente de la derniĂšre consĂ©quence, sans parler des gĂ©nuflexions, des exclamations Madame, par-ci, Madame, par-lĂ ! Ah, les beaux yeux! ah! les belles mains! Et ces mains-lĂ , Monsieur, il ne les marchande pas, il en attrape toujours quelqu'une, qu'on retire... couci, couci, et qu'il baise avec un appĂ©tit qui me dĂ©sespĂšre; je l'ai laissĂ© comme il en retenait une sur qui il s'Ă©tait dĂ©jĂ jetĂ© plus de dix fois, malgrĂ© qu'on en eĂ»t, ou qu'on n'en eĂ»t pas, et j'ai peur qu'Ă la fin elle ne lui reste. Rosimond et DorimĂšne, riant. - HĂ©, hĂ©, hĂ©... Rosimond. - Cela est pourtant vif! Frontin. - Vous riez? Rosimond, riant, parlant de DorimĂšne. - Oui, cette main-ci voudra peut-ĂÂȘtre bien me dĂ©dommager du tort qu'on me fait sur l'autre. DorimĂšne, lui donnant la main. - Il y a de l'Ă©quitĂ©. Rosimond, lui baisant la main. - Qu'en dis-tu, Frontin, suis-je si Ă plaindre? Frontin. - Monsieur, on sait bien que Madame a des mains; mais je vous trouve toujours en arriĂšre. DorimĂšne. - Renvoyez cet homme-lĂ , Monsieur; j'admire votre sang-froid. Rosimond. - Va-t'en. C'est Marton qui lui a tournĂ© la cervelle! Frontin. - Non, Monsieur, elle m'a corrigĂ©, j'Ă©tais petit-maĂtre aussi bien qu'un autre; je ne voulais pas aimer Marton que je dois Ă©pouser, parce que je croyais qu'il Ă©tait malhonnĂÂȘte d'aimer sa future; mais cela n'est pas vrai, Monsieur, fiez-vous Ă ce que je dis, je n'Ă©tais qu'un sot, je l'ai bien compris. Faites comme moi, j'aime Ă prĂ©sent de tout mon coeur, et je le dis tant qu'on veut suivez mon exemple; Hortense vous plaĂt, je l'ai remarquĂ©, ce n'est que pour ĂÂȘtre joli homme, que vous la laissez lĂ , et vous ne serez point joli, Monsieur. DorimĂšne. - Marquis, que veut-il donc dire avec son Hortense, qui vous plaĂt? Qu'est-ce que cela signifie? Quel travers vous donne-t-il lĂ ? Rosimond. - Qu'en sais-je? Que voulez-vous qu'il ait vu? On veut que je l'Ă©pouse, et je l'Ă©pouserai; d'empressement, on ne m'en a pas vu beaucoup jusqu'ici, je ne pourrai pourtant me dispenser d'en avoir, et j'en aurai parce qu'il le faut voilĂ tout ce que j'y sache; vous allez bien vite. A Frontin. Retire-toi. Frontin. - Quel dommage de nĂ©gliger un coeur tout neuf! cela est si rare! DorimĂšne. - Partira-t-il? Rosimond. - Va-t'en donc! Faut-il que je te chasse? Frontin. - Je n'ai pas tout dit, la lettre est retrouvĂ©e, Hortense et Monsieur le Comte l'ont lue d'un bout Ă l'autre, mettez-y ordre; ce maudit papier est encore de Madame. DorimĂšne. - Quoi! parle-t-il du billet que je vous ai envoyĂ© ici de chez moi? Rosimond. - C'est du mĂÂȘme que j'avais perdu. DorimĂšne. - Eh bien, le hasard est heureux, cela les met au fait. Rosimond. - Oh, j'ai pris mon parti lĂ -dessus, je m'en dĂ©mĂÂȘlerai bien Frontin nous tirera d'affaire. Frontin. - Moi, Monsieur? Rosimond. - Oui, toi-mĂÂȘme. DorimĂšne. - On n'a pas besoin de lui lĂ -dedans, il n'y a qu'Ă laisser aller les choses. Rosimond. - Ne vous embarrassez pas, voici Hortense et Dorante qui s'avancent, et qui paraissent s'entretenir avec assez de vivacitĂ©. Frontin. - Eh bien! Monsieur, si vous ne m'en croyez pas, cachez-vous un moment derriĂšre cette petite palissade, pour entendre ce qu'ils disent, vous aurez lPourlutter face au perfectionnisme qui cache souvent des peurs ( j'en parle ici !) et qui te bloque face Ă l'action. Et mĂȘme si tu arrives Ă surmonter ces blocages, certains jours, tu n'y arrives pas. Tu peux te sentir coincĂ©.e pour envoyer un mail important, poster un message sur tes rĂ©seaux sociaux, lancer ton projet, Ă©crire Ă tes MĂȘme c'est pas vrai, Ă ĂȘtre honnĂȘte sur ma vie les gens perdent Apprend Ă cacher tes amours, tes ennuies, tes emmerdes Apprend Ă Ă©couter la journĂ©e, Ă comprendre tes nuits Retiens comme ton nom le plan du chemin par lequel tu tâenfuis Et on en fait des pas d'gĂ©ant, on touche et ça couche Ne les Ă©coute pas j'te raconterai tout ce qu'on peut faire avec la bouche Apprenez a aimer la paix, sans les feintes, sans dĂ©partement A apprĂ©cier les humbles, les gens simple, la vie simplement Fuyez les drĂŽles d'odeur, ça frĂŽle l'horreur On y croise des humains sourire et rire camoufler la tristesse d'un saule pleureur Aissa tu vas prendre froid parce que t'as pas mis d'bonnet Sortez moi tout ces mythos d'ma cellule capitonnĂ© Tout Ă©tait faux, plus qu'a partir, sache que si t'as du lourd a dire La vĂ©ritĂ© appartient Ă qui a les mots pour la dire Autrement qu'est c't'en sais J'aurais vĂ©cu a l'Ă©poque de MoliĂšre ces connard apprendraient mes textes en cour de français Ne les Ă©coute pas, mentir sur moi, apprend mes dĂ©faut, les gens sont Les plus charismatiques ont moins de charisme qu'une de mes chansons Tu verra comme tout le monde s'en fout de tes regrets tes blessures folles Mais nous les traĂźtres et les ennemis on les oublie, on les survolent Tous coupables, tous Ă©changeraient la vie ou l'sommeil Cherche a palper la lumiĂšre, on les encaisse tes coups d'soleil Personne me tire l'oreille comme certains, le dĂ©clin Ils sont perdus, tous en chien, ils sont plein, je les plains Apprend que l'honneur ça va plus loin qu'une belle femme ou qu'une somme Hagra ça paye pas ça peut coĂ»ter cher comme la parole d'un homme La vie on sâaccroche on y croit Les mots d'un pĂšre pĂšsent largement plus lourd que tout ce qui peut sortir de la bouche d'un roi Mes regrets pour seul sinistre, mon Ă©ducation comme gouvernement Mon cerveau, mon cĆur comme ministre Soit t'es victime soit t'es l'auteur, t'es client t'es vendeur Apprends toutes tes vĂ©ritĂ©s avant d'critiquer les menteur Et chacun joue son rĂŽle Ă fond chacun sait battre Le fer quand il est chaud petit c'est qu'un film, une piĂšce de théùtre Dis leurs qu'ils rĂ©flĂ©chissent entre la blanche et la marron Que le pĂšre noĂ«l existe qu'il ressemble a s'y mĂ©prendre a ton daron J'ai pesĂ© le poids de la douleur, le silence du vacarme Vu la sĂ©cheresse d'un ocĂ©an face Ă la richesse de tes larmes Laisse les douter de nous, laisse les croire te croire Ă sec Si j'pouvais m'arracher les yeux pour que tu puisse te voir avec Prend soin de toi hayati affronte les sans peur Tu mâenterrera j'veux pas que ta mort me rentre une Ă©pĂ©e dans l'coeur Si pour certain tu sera cher, un p'tit frĂšre, un grand pĂšre Un jour tu sera un pĂšre entraĂźne toi quand tu seras grand frĂšre On est seul quand on est un homme, une armĂ©e de nĂ©ant On s'cache dans un trou de souris on pleure des larmes de gĂ©ant Apprend la victoire dans tes dĂ©faites mĂȘme sans thunes on gagne On peut s'enterrer comme un gouffre avant de sâĂ©lever comme une montagne DâoĂč tu viens on boit, on fume pour anesthĂ©sier la bĂȘte On se met la tĂȘte dans les nuages avec un nuage dans la tĂȘte La dĂ©fonce c'est pour les faibles si par le remord t'es habitĂ© Apprend a construire la tienne au lieu d'fuir la rĂ©alitĂ© Nul part se trouve le temps perdus alors qu'partout est l'oseille J'te raconterais comme ton sourire a rendu jaloux mon soleil Et mĂȘme si la lumiĂšre est sombre, jour de nuit bref on s'entend On se perd a tromper sa femme trahir la mĂšre de son enfant Ma vie, ma vie, ma vie ce dessin sans couleur ni papier Canson Je jette un magnum Ă la mer, je suis mort dans mes chansons Fais ton choix dans mes vertus, dans mes addictions Si peux dâĂ©clat et tant de fausse note dans mes partitions Moi j'en tuerais pour ton amour, plus rien ne me touche moi c'est trop tard Tu ma rĂ©appris l'innocence toi seul sait noyer mon regard J'ai aimĂ© faire ta connaissance, j'ai poussĂ© ce mĂ©decin RentrĂ© dans le ventre de ta mĂšre, je t'en ai sorti de mes mains Ne laisse pas le malheur tâatteindre avant que ton honneur le frappe Il est fourbe comme la pĂ©nombre menteur comme un chanteur de rap Et je t'en souhaite une comme ta mĂšre, plus belle que leur sainte trinitĂ© Et d'aimer une femme de sa trempe, au tiers de sa dignitĂ© Par delĂ son intimitĂ© mesure ton courage Ă tes actes Toutes les promesse et tout les pactes sont crĂ©e pour ĂȘtre rompu J'ai que mes mots la haine ici mĂȘme la plus folle on la forge On m'aurais fais chanter ce texte avec un laguiole dans la gorge Que le hallam c'est comme le bien, lui aussi a ses apĂŽtre Que c'est moche que de tout son cĆur on peut souhaitĂ© la mort d'un homme Sache qu'on est tous un peu froussard aussi longtemps que dure la tempĂȘte Que j'aurais pu Ă©crire tout ça avec un canon sur la tempe mec Apprend a aimer ton seigneur, mĂȘme grosse kaira d'un gros secteur Si tu connais la rue te trompe pas choisis bien ton protecteur Souris moi j'oublierais tout ce que nous avions subi Ton regard peut faire place nette dans un camion d'rubis Je suis nĂ©e pour sentir ton pouls pour tout t'offrir le jour ou j'expire J't'Ă©coute mes deux mains te tienne, mes deux poumons te respire Mes jnouns finirons par se taire par se calmer si je les crame Ton pĂšre plus que de la musique rĂ©cite la poĂ©sie des drame Hier j'en ai poussĂ© des cris, payĂ© le prix pour m'abreuver Aujourd'hui le plus heureux laisse moi le vivre Ă en crever J'te prĂ©senterais Alger, au chocolat, Ă la vanille Et la mĂ©moire de cette terre qui t'auras coĂ»tĂ© ta famille Tu me demandera si c'est possible, j'te dirais cache demain Et cet Ă©trange pouvoir que j'ai de verser mon sang sur des parchemins Et pour que tu nâai jamais faim j'ferais tout ce que j'ai Ă faire Hors de question que tu mange la hass Ă cause des vieux rĂȘvĂ© de ton pĂšre Meurt pour ta sĆur, ta mĂšre, ta femme protĂšge ta fille c'est ton cadeaux Quitte Ă risquer l'habs, l'enfer, c'est ton devoir, c'est ton fardeau LiĂ© par le sang au tiens a perpet' ou rien Soit fier de ressembler Ă ton pĂšre, j'me bat pour ressembler au mien On s'enferme vite dans un mensonge, quand les vĂ©ritĂ©s ne sont pas dites Soit fier de ton seigneur, son messager, de ses hadiths Soit fort comme le fils de Maryam vivre seul contre tous c'est long J'ai tellement aimĂ© son histoire que je t'ai donner son prĂ©nom J'Ă©tais parfait a l'imparfait, toutes mes pensĂ©es noir, mes manĆuvres Elle est a toi cette chanson, elle est comme toi c'est un chef dâĆuvre De l'incendie Ă la mousson si tu est la mĂȘme sans thĂšme jâadhĂšre Aissa, Mohammed fils de Sofiane, fils d' Abdelkader DĂ©dicace Ă mon sang Sabrina, Mohammed, Amine, Kenza Paroles2Chansons dispose dâun accord de licence de paroles de chansons avec la SociĂ©tĂ© des Editeurs et Auteurs de Musique SEAM
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AprĂšss'ĂȘtre plongĂ©e dans ses journaux intimes d'adolescente, cette madmoiZelle de 25 ans a eu envie de s'Ă©crire Ă elle-mĂȘme, la elle-mĂȘme d'il y a 10 ans.Conjugaison Conjugaison Apprendre Conjugaison du verbe apprendre Ă la forme nĂ©gative Indicatif je n'apprends pas tu n'apprends pas il n'apprend pas nous n'apprenons pas vous n'apprenez pas ils n'apprennent pas je n'ai pas appris tu n'as pas appris il n'a pas appris nous n'avons pas appris vous n'avez pas appris ils n'ont pas appris je n'apprenais pas tu n'apprenais pas il n'apprenait pas nous n'apprenions pas vous n'appreniez pas ils n'apprenaient pas je n'avais pas appris tu n'avais pas appris il n'avait pas appris nous n'avions pas appris vous n'aviez pas appris ils n'avaient pas appris je n'appris pas tu n'appris pas il n'apprit pas nous n'apprĂźmes pas vous n'apprĂźtes pas ils n'apprirent pas je n'eus pas appris tu n'eus pas appris il n'eut pas appris nous n'eĂ»mes pas appris vous n'eĂ»tes pas appris ils n'eurent pas appris je n'apprendrai pas tu n'apprendras pas il n'apprendra pas nous n'apprendrons pas vous n'apprendrez pas ils n'apprendront pas je n'aurai pas appris tu n'auras pas appris il n'aura pas appris nous n'aurons pas appris vous n'aurez pas appris ils n'auront pas appris Subjonctif que je n'apprenne pas que tu n'apprennes pas qu'il n'apprenne pas que nous n'apprenions pas que vous n'appreniez pas qu'ils n'apprennent pas que je n'aie pas appris que tu n'aies pas appris qu'il n'ait pas appris que nous n'ayons pas appris que vous n'ayez pas appris qu'ils n'aient pas appris que je n'apprisse pas que tu n'apprisses pas qu'il n'apprĂźt pas que nous n'apprissions pas que vous n'apprissiez pas qu'ils n'apprissent pas que je n'eusse pas appris que tu n'eusses pas appris qu'il n'eĂ»t pas appris que nous n'eussions pas appris que vous n'eussiez pas appris qu'ils n'eussent pas appris Conditionnel je n'apprendrais pas tu n'apprendrais pas il n'apprendrait pas nous n'apprendrions pas vous n'apprendriez pas ils n'apprendraient pas je n'aurais pas appris tu n'aurais pas appris il n'aurait pas appris nous n'aurions pas appris vous n'auriez pas appris ils n'auraient pas appris ImpĂ©ratif n'apprends pas n'apprenons pas n'apprenez pas n'aie pas appris n'ayons pas appris n'ayez pas appris Infinitif PassĂ© ne pas avoir appris Participe PassĂ© appris n'ayant pas appris GĂ©rondif PrĂ©sent en n'apprenant pas PassĂ© en n'ayant pas appris Options du moteur de conjugaison Forme pronominale Choix de la voix Choix de l'auxiliaire Choix du genre Forme nĂ©gative Forme interrogative Couleurs RĂšgles de conjugaison Le verbe apprendre est du troisiĂšme groupe. Ce verbe est donc un verbe irrĂ©gulier qui ne suit pas les conjugaisons rĂ©guliĂšres du premier ou du second groupe. Le verbe apprendre est conjuguĂ© Ă la forme nĂ©gative. Le placement de l'adverbe de nĂ©gation dĂ©pend des cas - L'adverbe ne » se place aprĂšs le pronom et avant le verbe. - Aux temps simples les mots de la nĂ©gation ne ...pas », ne...plus », ne...jamais », etc... entourent le verbe apprendre. - Aux temps composĂ©s ou Ă la voix passive les mots de la nĂ©gation entourent l'auxiliaire. Verbe apprendre Le verbe apprendre est un verbe du 3Ăšme groupe. Il est trĂšs frĂ©quemment employĂ© en conjugaison. Le verbe apprendre possĂšde la conjugaison des verbes en -endre Le verbe apprendre se conjugue avec l'auxiliaire avoir. Le verbe apprendre est de type transitif direct. Le verbe apprendre peut se conjuguer Ă la forme pronominale S'apprendre La voix passive peut ĂȘtre utilisĂ©e pour le verbe apprendre car celui-ci est de type transitif direct. Sommaire Conjugaison d'apprendre RĂšgles de conjugaison d'apprendre Conjugaison d'apprendre Ă l'indicatif Conjugaison d'apprendre au subjonctif Conjugaison d'apprendre au conditionnel Conjugaison d'apprendre Ă l'impĂ©ratif Synonymes d'apprendre DĂ©finition d'apprendre Apprendre Ă toutes les formes Apprendre Ă tous les temps Verbes de conjugaison similaire Verbes frĂ©quents en conjugaison Partagez cette conjugaison Synonymes du verbe apprendre Voici la liste des synonymes du verbe apprendre DĂ©finition du verbe apprendre APPRENDRE v. tr. AcquĂ©rir une connaissance. Apprendre une langue. Apprendre les mathĂ©matiques, la gĂ©ographie, la jurisprudence, etc. Apprendre Ă lire, Ă Ă©crire. Apprendre Ă danser. J'ai appris par une longue expĂ©rience que... C'est un homme avec qui il y a toujours quelque chose Ă apprendre. Il apprit l'art de la guerre sous ce grand capitaine. Apprendre les usages de la bonne sociĂ©tĂ©. Une science ne s'apprend point sans peine. Les usages de la sociĂ©tĂ© s'apprennent en frĂ©quentant le monde. Il signifie aussi Contracter une disposition, une habitude. Il apprit Ă rĂ©gler ses passions. J'ai appris de vous Ă modĂ©rer mes dĂ©sirs. N'apprendrez-vous jamais Ă vous taire? J'ai appris Ă mes dĂ©pens Ă me dĂ©fier de signifie Ă©galement ConnaĂźtre par une information. Qu'est-ce que j'apprends? Quelle nouvelle avez-vous apprise? J'apprends que vous devez partir ce soir. Ils s'apprirent rĂ©ciproquement tout ce qu'ils avaient fait depuis leur sĂ©paration. Un malheur s'apprend plus vite qu'une bonne signifie encore Retenir dans sa mĂ©moire. Apprendre quelque chose par cĆur. Apprendre des vers, une leçon, un rĂŽle. Les vers s'apprennent plus facilement que la prose. Absolument, Il apprend bien; il refuse d' signifie aussi Enseigner, donner quelque connaissance Ă une personne, faire savoir. C'est lui qui m'a appris ce que je sais. Le maĂźtre qui lui a appris le dessin. Il nous a appris de grandes nouvelles. On m'apprend qu'il se marie. Il y a des choses que l'usage seul apprend. La tradition nous apprend que... Cette mĂ©saventure lui apprendra Ă ĂȘtre circonspect, Ă se conduire avec prudence. Par menace, Je lui apprendrai bien Ă vivre, je lui apprendrai bien son devoir, Je le rangerai Ă son devoir. Je lui apprendrai Ă parler, Je le forcerai de parler avec plus de convenance, de respect. Je vous apprendrai Ă mentir, Je vous apprendrai ce qu'il en coĂ»te de C'est un homme mal appris, C'est un homme qui paraĂźt n'avoir point reçu d'Ă©ducation. Voyez MALAPPRIS. Tout ou partie de cette dĂ©finition est extrait du Dictionnaire de l'AcadĂ©mie française, huitiĂšme Ă©dition, 1932-1935 Verbes de conjugaison similaire Voici la liste complĂšte des verbes possĂ©dant une conjugaison identique au verbe apprendre Verbes frĂ©quents en conjugaison Voici la liste des verbes frĂ©quemment employĂ©s en conjugaison. Ces verbes sont gĂ©nĂ©ralement employĂ©s comme modĂšles de conjugaison Auxiliaires Verbes modĂšles du premier groupe Verbes modĂšles du deuxiĂšme groupe Verbes modĂšles du troisiĂšme groupe
Lessolutions pour la dĂ©finition APPREND Ă ĂCRIRE. pour des mots croisĂ©s ou mots flĂ©chĂ©s, ainsi que des synonymes existants. Accueil âąAjouter une dĂ©finition âąDictionnaire âąCODYCROSS âąContact âąAnagramme apprend Ă Ă©crire. â Solutions pour Mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s. Recherche - Solution. Recherche - DĂ©finition. Rechercher Il y a 1 les rĂ©sultats correspondant Ă votre
Atelier dirigĂ© autour dâun projet Atelier Ă©chelonnĂ© autour dâun projet Atelier dâexploration Atelier semi-dirigĂ© autour dâun bricolage Atelier Ă©chelonnĂ© dĂ©crochĂ© Atelier dirigĂ© crĂ©atif Atelier autour dâun projet numĂ©rique collectif Des caractĂ©ristiques croisĂ©es Bilan en carte heuristique 1. Atelier dirigĂ© autour dâun projet Atelier ? Un groupe dâenfants travaille Ă une mĂȘme table ou dans le mĂȘme espace, gĂ©nĂ©ralement sur une activitĂ© similaire. DirigĂ© ? Lâadulte encadre lâatelier soit parce quâil souhaite conduire lâapprentissage, soit parce que les enfants ne peuvent gĂ©rer seuls les diffĂ©rentes Ă©tapes de lâactivitĂ©. Projet ? La classe sâengage dans un projet de rĂ©alisation ou dâĂ©vĂ©nement dont lâatelier nâest gĂ©nĂ©ralement quâune Ă©tape. Dans le meilleur des mondes pĂ©dagogiques, le projet est Ă lâinitiative des enfants. Dans la pratique, il est souvent initiĂ© par lâenseignant. Câest tout du moins ce qui se passe dans ma classe. Avec un projet, nous essayons de donner plus de sens aux apprentissages, plus dâengagement mais cela nâintĂ©resse pas forcĂ©ment tous les Ă©lĂšves, dâassocier diffĂ©rents champs disciplinaires, dâamener progressivement les enfants Ă identifier et programmer les diffĂ©rentes Ă©tapes nĂ©cessaires Ă sa rĂ©alisation un volet dĂ©licat Ă mener. Le projet permet de passer du faire » au concevoir » et dâaller vers plus dâĂ©mancipation. Exemple Le petit livre La famille clown » Un travail prĂ©paratoire a dĂ©jĂ Ă©tĂ© menĂ© en graphisme et en Ă©criture voir chapitre 2 et 3 . Nous sommes ici Ă la derniĂšre Ă©tape du projet la rĂ©alisation des pages, qui prendra plusieurs sĂ©ances. Lâenfant doit dessiner les cheveux du clown des boucles et Ă©crire le texte en capitale dâimprimerie ou en cursive, en fonction de ses compĂ©tences. Ceux qui ne sont pas encore prĂȘts Ă Ă©crire la totalitĂ© dâun mot peuvent simplement coller des Ă©tiquettes dans lâordre. Lâenseignant Il encadre cet atelier parce que les diffĂ©rentes activitĂ©s dâillustration et dâĂ©criture menĂ©es conjointement demandent une grande autonomie que beaucoup dâĂ©lĂšves ne possĂšdent pas encore. Les Ă©lĂšves Six enfants maximum sont accueillis Ă cet atelier. Dans notre classe, ils sâinscrivent toutes sections confondues. GrĂące au groupe, au mĂ©lange des sections, ils partagent leurs trouvailles plastiques, Ă©changent, sâentraident et affinent leur expertise. Toutes les productions trouvent ici une place et chaque enfant part avec un petit livre singulier oĂč chaque clown a son propre style capillaire ! 2. Atelier Ă©chelonnĂ© autour dâun projet ĂchelonnĂ© ? DiffĂ©rents niveaux de difficultĂ©s sont proposĂ©s dâemblĂ©e aux Ă©lĂšves. Les enfants ne les explorent pas en fonction de leur section mais en fonction de leurs compĂ©tences. Comme ils sâinscrivent plusieurs fois Ă un atelier inscription multiple, ils peuvent changer dâĂ©chelon si besoin pour ĂȘtre plus en accord avec leur compĂ©tence ou apprendre Ă Ă©crire dâautres lettres, dâautres mots. Ce tĂątonnement pour trouver son bon niveau nâest pas une perte de temps. Lâenfant en apprend beaucoup sur lui-mĂȘme et lâapprentissage. Lâenseignant ne peut pas prĂ©-supposer le niveau dâun Ă©lĂšve Ă lâavance vue la diversitĂ© des enfants, mĂȘme au sein dâune seule section. Exemple Lâ atelier Ă©chelonnĂ© dâĂ©criture Cet atelier sâinscrit dans le projet de production dâun petit livre A4 La famille clown ». On apprend Ă Ă©crire des mots pour le lĂ©gender. DiffĂ©rents Ă©chelons sont proposĂ©s Niveau 1 Savoir Ă©crire quelques lettres en capitales dâimprimerie, celles des mots PAPA, MAMAN⊠Niveau 2 Savoir Ă©crire les mots en capitales, en respectant lâhorizontalitĂ© et lâorientation de gauche Ă droite Niveau 3 Savoir Ă©crire des lettres cursives en respectant le sens des tracĂ©s, les points de dĂ©parts Niveau 4 Savoir Ă©crire des mots en cursive en respectant les liaisons. Au fur et Ă mesure de sa progression, lâenfant note ses rĂ©ussites sur le brevet et visualise lâĂ©tape suivante. Lâenseignant Il accompagne les enfants en fonction de leur niveau. Il est trĂšs prĂ©sent avec les plus jeunes pour lâapprentissage des tracĂ©s des lettres dans la farine puis sur la fiche dâAbĂ©cĂ©criture. Les plus experts travaillent en autonomie Ă partir du brevet. Le mĂ©lange des sections permet dâĂȘtre plus disponible pour ceux qui en ont le plus besoin, gĂ©nĂ©ralement les PS. Les enfants Six enfants maximum sâinscrivent Ă cet atelier, toutes sections confondues. Sâil y a beaucoup de PS, je rĂ©duis le nombre de places. Le systĂšme dâinscription souple le permet. GrĂące aux diffĂ©rents Ă©chelons, Ă lâinscription multiple, tous les enfants trouvent matiĂšre Ă progresser quel que soit leur niveau. 3. Atelier dâexploration Exploration ? Au sein de lâatelier, lâenfant explore le dispositif Ă sa façon. Un large Ă©ventail de rĂ©ponses est possible. LâĂ©lĂšve essaie, observe, recommence, commente, analyse, Ă©change, collabore, innove et progresse en empruntant un chemin qui lui est propre. On se rapproche du tĂątonnement expĂ©rimental. Exemple Lâatelier de graphisme Il sâagit de tracer des boucles sur les moutons. Une boucle ici, une autre lĂ , une suite de boucles, vers le haut, vers le bas, alignĂ©es, en Ă©toiles, petites, trĂšs grandes, rĂ©guliĂšres, alternĂ©es, parallĂšles, en changeant de couleur⊠Un large Ă©ventail de graphismes est possible ! Il y a pour cette phase dâexploration de grandes surfaces de tableaux disponibles dans la classe, Ă la verticale sur les murs ou Ă lâhorizontale sur une table. Lâenseignant Il observe les enfants, aide ceux qui sâapproprient plus difficilement le tracĂ©, encourage les initiatives et les dĂ©fis, relance avec des propositions dâexemples issus de la classe Ă partir des nombreuses photographies prises dans la classe. Il organise si besoin les rotations sur les diffĂ©rents supports. Dans notre classe, ce nâest pas lâenseignant qui gĂšre cet atelier mais Nelly, notre fabuleuse ATSEM ! Les enfants Six enfants maximum sâinscrivent Ă cet atelier, toutes sections confondues. Ils travaillent seuls ou collaborent avec une personne de leur choix. Ils peuvent sâinscrire plusieurs fois et ne sâen privent pas, pour amĂ©liorer leur performance, sâapproprier les pistes dâun copain ou tout simplement pour le plaisir de bien faire. 4. Atelier semi-dirigĂ© autour dâun bricolage Bricolage ? LâĂ©cole maternelle, dans lâimaginaire collectif, câest LA fabrique Ă objets ! Parents, enfants, enseignants, tout le monde se rĂ©jouit de ces bricoles rapportĂ©es Ă la maison. Ă nous dâen faire, autant que possible, un temps dâapprentissages qui dĂ©passent la simple motricitĂ© fine. Semi-dirigĂ© ? Lâenseignant nâintervient quâĂ une Ă©tape de lâatelier, ici Ă lâouverture. Puis les enfants travaillent en autonomie ou avec lâATSEM. Exemple Les pommes de pin de NoĂ«l Il sâagit pour les enfants de coller 4 boules blanches, 4 vertes et 4 rouges sur une pomme de pin. Lâenseignant Il intervient Ă lâouverture de lâatelier. Comment rĂ©unir quatre boules de chaque couleur ? Nous faisons un inventaire des procĂ©dures connues du groupe comptage, organisation spatiale du 4, association avec 4 doigtsâŠ. Comment ĂȘtre sĂ»r quâil y en a bien 4, mĂȘme si on ne sait pas compter ? Collection temoin, correspondance terme Ă terme avec un dessin, un duplo de 4 picots⊠Un dĂ©fi calcul pour les les GS et MS volontaires Ils reçoivent une barquette contenant 1 rouge, 2 verts, 3 blancs et doivent commander ce qui leur manque le complĂ©ment Ă 4 en le reprĂ©sentant dessin ou Ă©criture de la quantitĂ©. Les enfants Six enfants maximum sâinscrivent Ă cet atelier, toutes sections confondues. Ils prĂ©parent leur matĂ©riel, vĂ©rifient la collection puis collent les boules avec du vernis colle pendant que lâenseignant quitte la table pour ouvrir un autre atelier un des avantages de lâouverture progressive des ateliers. 5. Atelier Ă©chelonnĂ© dĂ©crochĂ© DĂ©crochĂ© ? Cet atelier ne sâinscrit dans aucun projet, il nâa aucun lien avec la vie de la classe. Mais il sâinsĂšre dans une progression dâapprentissages qui Ă©volue au fil des mois, en fonction des besoins observĂ©s, des aventures de la classe, avec toujours les compĂ©tences de fin de cycle en ligne de mire. Exemple Atelier de tri et tableau Ă double entrĂ©e Les enfants ont dĂ©jĂ appris Ă trier des formes gĂ©omĂ©triques simples au cours dâun atelier prĂ©alable. Il sâagit maintenant dâexercer un tri plus fin plus de formes et de nuances de couleurs pour remplir diffĂ©rents tableaux Niveau 1 un seul critĂšre de tri, forme ou couleur, pour renseigner un tableau Ă colonnes ou rangĂ©es Niveau 2 deux critĂšres de tri, forme et couleur, pour renseigner un tableau Ă double entrĂ©e. Niveau 3 Introduction de la nĂ©gation pas rouge/ pas rond pour complexifier la logique du tri Sâil nâest pas vert, il peut ĂȘtre⊠Lâenseignant Il prĂ©sente les diffĂ©rents tableaux, accompagne les enfants dans leur recherche. Les enfants Six enfants maximum sâinscrivent Ă cet atelier, toutes sections confondues. Ils notent leurs rĂ©ussites sur un brevet qui leur permet aussi de rĂ©guler leur travail quâest-ce que je peux encore faire ? Est-ce que je peux tenter un niveau supĂ©rieur ? Comme ils sâinscrivent plusieurs fois, beaucoup Ă©voluent par rapport Ă leur premiĂšre participation, trouvent le niveau qui leur permet de progresser en sâinspirant bien souvent des autres. 6. Atelier dirigĂ© crĂ©atif CrĂ©atif ? Au fil dâune progression ou au dĂ©tour dâune dĂ©couverte fortuite, les Ă©lĂšves sont amenĂ©s Ă crĂ©er leur propre production. Aucune ne sera identique en dehors des copies » volontaires des incorrigibles copains-copines. Câest lâimagination, lâinspiration, les appropriations, les possibles plastiques et expressifs qui constituent le fil rouge de cet atelier. Cela ne signifie pas que lâenseignant nâintervient pas. Exemple Un bonhomme avec des chatons de bouleaux Un matin en rentrant de vacances, nous avons trouvĂ© plein de chatons de bouleaux dans la cour. Nous les avons ramassĂ©s ainsi que des brindilles. Toutes les semaines, nous rĂ©alisons un bonhomme en utilisant des techniques variĂ©es, pour reprĂ©senter diffĂ©rentes postures. La cueillette des chatons va sâinsĂ©rer dans notre parcours nous allons rĂ©aliser une composition plastique personnelle pour reprĂ©senter un personnage. Lâenseignant Il fixe dâabord le cadre. Avec ces chatons, chacun va essayer de fabriquer un bonhomme. Nous le photographierons. Si vous avez besoin dâaide ou dâautre matĂ©riel, demandez-moi ! » Jâobserve les enfants, je propose des enrichissements Ă partir dâautres crĂ©ations, de matĂ©riel disponible lentilles, bĂątons, crayons⊠et quand le sujet sây prĂȘte, je prĂ©sente des oeuvres dâartistes. Je soutiens des enfants qui ont des difficultĂ©s motrices par exemple, je leur transmets des astuces, trouvailles en cas de dĂ©couragement. Il sâagit de les accompagner dans le processus de crĂ©ation en les laissant autant que possible en rester les acteurs. Une posture dĂ©licate Ă tenir. Les enfants Cet atelier a Ă©tĂ© menĂ© en demi-classe avec des MS/GS. Les enfants ont pu profiter de lâingĂ©niositĂ© des autres. Le fait de ne pas coller leur a permis de faire Ă©voluer leur bonhomme, de tester diffĂ©rents effets visuels. Cela a produit un bel engagement de chacun pour construire, modifier, enrichir, recommencer sa crĂ©ation et la publier sur notre compte Twitter ! 7. Atelier autour dâun projet numĂ©rique collectif Projet numĂ©rique ? Les tablettes rendent les productions multimĂ©dias accessibles lâoral trouve enfin sa feuille de papier. Lâenfant sây enregistre, sâĂ©coute, amĂ©liore sa production orale avec lâaide de lâenseignant. Chaque enfant peut alors produire sa part dâun projet de classe. Collectif ? Dans les exemples prĂ©cĂ©dents, chaque enfant produit pour lui un objet, un livre⊠Le projet peut aussi devenir collectif, ĂȘtre celui de toute la classe chaque enfant rĂ©alise des pages dâun livre commun, une partie dâun spectacle, arrose les plantations de tous⊠Chaque Ă©lĂšve y trouve une place, quelles que soient ses compĂ©tences. Et lâautre nâest plus seulement celui qui arrache le camion rouge des mains, il peut ĂȘtre celui pour qui on arrose les radis, celui qui Ă©crit le texte dâune affiche quand on ne sait pas encore le faire⊠Un exemple Lâimagier des couleurs Retrouvez toutes les Ă©tapes de ce projet numĂ©rique sur cet article du blog. Lâenseignant Il encadre cet atelier pour proposer, si besoin, des formulations orales enrichies, dâun niveau juste supĂ©rieur Ă celle de lâenfant. Il invite chaque enfant Ă participer et Ă contrĂŽler sa parole. Il faut parler au moment voulu et se taire quand ce nâest pas son tour. Tout un apprentissage ! Les enfants En fonction de leur niveau de maitrise, ils sâenregistrent et sâĂ©coutent en autonomie, sâapproprient les propositions de lâenseignant pour un deuxiĂšme jet et se font discrets quand câest le tour dâun autre. Ils valident leurs rĂ©ussites sur le brevet en fin dâatelier. 8. Des caractĂ©ristiques croisĂ©es Les catĂ©gories prĂ©sentĂ©es plus haut sâentrecroisent bien souvent. Un atelier revĂȘt beaucoup de ces caractĂ©ristiques. Exemple les radis On retrouve la dynamique du projet autour du jardinage, Ă la fois collectif quand il sâagit dâentretenir le potager et individuel quand il sâagit de cueillir SON radis ! Le dessin dâobservation, aussi riche soit-il, est presque dĂ©crochĂ© il nous permet de garder une trace de la cueillette, mais en a-t-on besoin pour enfin les dĂ©guster ? Il est semi-dirigĂ© les enfants poursuivent seuls la phase de dessin. Il y a une part dâexploration quand on cherche comment dessiner ce que lâon voit. Certains essaient au tableau dâabord, sâinspirent des autres. Il nâest pas Ă©chelonnĂ© parce quâil nây pas de diffĂ©renciation en amont. Le mĂȘme dĂ©fi est relevĂ© par tous dessiner un radis au plus prĂšs de ce que lâon voit. Mais chacun pourra apporter sa rĂ©ponse. Toutes les productions, aussi diffĂ©rentes les unes des autres, sont intĂ©grĂ©es, collĂ©es prĂ©cieusement dans le cahier dâĂ©lĂšve. Aucune nâest jugĂ©e. Point commun LâintĂ©gration de tous, dans lâesprit des cycles dâapprentissages, est au coeur de ces ateliers. Tous les ateliers prĂ©sentĂ©s ici, partagent ce point commun. Ă chaque fois, en arriĂšre plan se pose cette question Comment accueillir tous les parcours des enfants et leur permettre de progresser, quels que soient leurs pas, leur orientation, leur bagage, leur section. Une question dĂ©licate Ă laquelle je ne trouve pas toujours de rĂ©ponse. 9. Bilan en carte heuristique Article mis Ă jour le 1er octobre 2018 Effectivementavant mĂȘme de savoir parler lorsquâon est enfant on apprend Ă dĂ©velopper sa capacitĂ© dâĂ©coute. GrĂące Ă cet apprentissage nous dĂ©veloppons nos relations interpersonnelles et notre habiletĂ© sociale. Cela veut dire quâavant mĂȘme dâĂȘtre une qualitĂ© pour les autres (une capacitĂ© altruiste), cela nous sert Ă nous mĂȘme. Ecouter câest aussi important pour les Pourquoi apprendre Ă Ă©crire alors que nous avons des claviers dâordinateurs ou de tablettes avec correction orthographique ? De plus, lâĂ©criture est souvent plus lente Ă acquĂ©rir que la lecture ou le calcul. Câest long, il faut beaucoup pratiquer pour avoir une belle Ă©criture, et puis il y a lâorthographe, la grammaire⊠Pourquoi sâembĂȘter avec tout cela ? A quoi ça sert, dâapprendre Ă Ă©crire ? Ecrire, câest quand mĂȘme mieux Ă la main ! Eh bien non, je ne vous dirai pas que cela ne sert Ă rien. Bien sĂ»r, on apprend la maĂźtrise de notre langue maternelle Ă lâoral dâabord, mais lâĂ©crit permet de peaufiner certains dĂ©tails qui peuvent nous Ă©chapper dâun premier abord. LâĂ©crit permet de communiquer de diffĂ©rentes façons juste avec soi-mĂȘme, pour vider son esprit de ce que lâon ne doit pas oublier. Lâexemple type est la liste de courses, qui une fois notĂ©e nous permet de bien penser Ă Ă distance que ce soit par lettre ou courriel, cela permet Ă des personnes Ă lâautre bout du monde de recevoir nos messages, sans souci du dĂ©calage horaire ou de dĂ©ranger, puisquâelles liront leur lettre au moment oĂč elles sont le temps lâĂ©crit permet dâavoir un temps plus long pour rĂ©flĂ©chir Ă ce que lâon va dire et aux mots que lâon va utiliser pour le dire, des Ă©lĂ©ments essentiels qui font que le message sera diffĂ©rent de celui dĂ©livrĂ© Ă lâ exhaustif on ne pourrait pas expliquer Ă lâoral, dans une confĂ©rence par exemple, le contenu de tout un livre ! Lâoral dure un certain temps, mais lâĂ©crit reste, peut se relire, se complĂ©ter⊠jusquâĂ arriver Ă une encyclopĂ©die. LâĂ©crit transmet donc des savoirs, des histoires, qui peuvent ĂȘtre trĂšs longs et que lâon va lire en plusieurs fois, et qui peuvent aussi ĂȘtre trĂšs complets. Et puis, lâĂ©crit permet aussi de composer des poĂšmes, des chansons, et dâaccĂ©der Ă la comprĂ©hension de blagues, jeux de mots, contrepĂšteries⊠Se faire plaisir est lâun des Ă©lĂ©ments fondamentaux pour dĂ©velopper les apprentissages ! Comment alors apprendre Ă Ă©crire avec plaisir ? Dessiner, Ă©crire⊠tout peut se faire avec plaisir ! Pour avoir envie dâapprendre Ă Ă©crire, on peut commencer par lire. Lire, lire et relire⊠de tout. Que ce soit lâenfant qui lise seul, ou le parent qui fasse la lecture » plus lâenfant entend ce qui est Ă©crit, plus il fera la diffĂ©rence entre lâoral et lâĂ©crit. Et plus il pourra avoir envie dâĂ©crire⊠De la notice de lâappareil photo aux poĂšmes de MallarmĂ©, en passant par Victor Hugo ou les romans de Chair de Poule, tout est bon Ă lire, tant quâon se fait plaisir ! Lire permet de se prĂ©parer Ă lâĂ©criture en lisant, nous mĂ©morisons inconsciemment l' »image » des mots, leur orthographe, et Ă©galement les tournures de phrases, du vocabulaire nouveau, lâorganisation des idĂ©es dans un texte⊠Câest une excellente prĂ©paration aux rĂ©dactions, et une grande aide pour comprendre la grammaire Ă©galement. Apprendre Ă Ă©crire demande de maĂźtriser le geste dâĂ©criture Bien sĂ»r, il faut tenir un crayon ! En dessinant, on entraĂźne sa main Ă tenir un stylo, Ă diriger ses gestes, Ă acquĂ©rir de lâendurance. Ăcrire, câest du sport ! On peut aussi sâentraĂźner Ă partir de pĂąte Ă modeler, dâargile, ou avec diverses activitĂ©s de motricitĂ© fine⊠ll est souvent proposĂ© Ă lâĂ©cole maternelle de faire du graphisme, câest Ă dire des sĂ©ries de points, de cercles et autres formes gĂ©omĂ©triques, des rayures dans un sens ou dans lâautre, pour prĂ©parer sa main Ă Ă©crire, et Ă tracer dans le sens de lâĂ©criture. Câest une bonne chose si lâenfant sây intĂ©resse. Pour ceux qui nây trouvent pas dâintĂ©rĂȘt, on peut aussi proposer des activitĂ©s comme nettoyer une table ou de la vaisselle, en formant des ronds avec lâĂ©ponge dans le sens de lâĂ©criture des O. Ou bien aligner des objets en les rangeant de gauche Ă droite, ou de haut en bas⊠le sens de lâĂ©criture peut sâacquĂ©rir aussi sans papier ni crayon ! Astuce anti-dĂ©couragement ! Pour avoir envie dâĂ©crire, il faut avoir des choses Ă raconter. Et au lieu de buter sur chaque phrase, on peut choisir de les dicter Ă un adulte ! Lâadulte peut noter lâhistoire, puis la reprendre avec lâenfant, revoir avec lui certaines rĂ©pĂ©titions ou tournures de phrases, jusquâĂ ce que le rĂ©sultat soit satisfaisant pour les deux. Lâenfant se sent valorisĂ©, car mĂȘme sâil nâa pas tout Ă©crit de sa main, il sâagit de sa propre production tout de mĂȘme ! Il peut, sâil est motivĂ©, recopier ce que lâadulte a Ă©crit. Une belle façon dâapprendre Ă Ă©crire, aussi bien le fond que la forme ! Dâautres enfants vont spontanĂ©ment Ă©crire des histoires, mĂȘme sans orthographe. Ils sont satisfaits si lâadulte arrive Ă les lire, et petit Ă petit vont acquĂ©rir des notions de grammaire et dâorthographe quâils intĂ©greront dans leurs prochaines productions. Tout cela est possible bien sĂ»r sâils ne se sentent pas jugĂ©s ou Ă©valuĂ©s on ne raconte pas la mĂȘme chose lorsquâon est libre ou lorsquâon nous impose un sujet qui sera source de jugement ! En rĂ©sumé⊠Lâecriture a quelque chose de trĂšs personnel. Pour apprendre Ă Ă©crire, il faut que cela se fasse le plus naturellement possible. LâĂ©criture dans ses dĂ©buts est une production personnelle, comme un dessin. A travers ses mots, ses phrases, lâenfant raconte ce quâil a au fond de lui, ce qui lui tient Ă cĆur, ce quâil a envie dâexprimer, et il est satisfait de le faire. Bien sĂ»r, ses lettres ne sont pas bien formĂ©es ». Bien sĂ»r, il y a des fautes. Bien sĂ»r, cela pourrait ĂȘtre mieux dit. Mais est-ce lĂ lâimportant ? Si on arrive Ă conserver chez lâenfant ce dĂ©sir de raconter, ce dĂ©sir de laisser une trace, alors lâorthographe et la grammaire ne seront que des petites marches pour atteindre tranquillement un niveau dâĂ©criture correct⊠voire meilleur que la moyenne, car la curiositĂ© et le dĂ©sir dâapprendre auront Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s ! DĂ©couvrez ici Les secrets dâune bonne Ă©criture », ma sĂ©rie de 4 vidĂ©os pour aider votre enfant Ă Ă©crire ⊠sans papier ni stylo ! Racontez-moi, comment vous, vous avez appris Ă Ă©crire ? Etpourtant il est essentiel de dire non Ă un client qui fait appel Ă tes services si tu sais, tu sens que sa demande ne te met pas en joie. Parce que tu vas faire le job c'est sĂ»r. Et comme c'est dans ton champs de compĂ©tences techniques et que tu veux que ton client soit satisfait, il sera tellement content qu'il te ramĂšnera d'autres clients qui ont le mĂȘme profil :)Ce que vous allez apprendre dans cet article Quelles sont les rĂ©pĂ©ÂtiÂtions malvenuesPourquoi vouÂloir les chasser5 outils logiciels Les rĂ©pĂ©ÂtiÂtions sont une des bĂȘtes noires de lâĂ©ÂcriÂvain. Voici quelques outils logiÂciels pour vous aider Ă les chasÂser lors de vos sĂ©ances de corÂrecÂtion de texte. On vous lâa dit, rĂ©itĂ©rĂ© et redit, et pourÂtant vous en metÂtez encore dans tous vos manusÂcrits des rĂ©pĂ©ÂtiÂtions. La rĂ©pĂ©ÂtiÂtion, inconÂgrue comme un pet au beau milieu du Lac des Cygnes, est souÂvent invoÂlonÂtaire et dĂ©saÂgrĂ©able. Elle a le don de disÂsiÂper illico toute illuÂsion romaÂnesque. Ne laisÂsez pas Ă votre Ă©venÂtuel Ă©diÂteur le traÂvail de toiÂletÂtage du livre !Typologie, et petite revue de lâarsenal rĂ©pressif. RĂ©pĂ©tez, rĂ©pĂ©tez, il en restera toujours quelque chose, quelque chose⊠les rĂ©pĂ©ÂtiÂtions de preÂmier jet » vous en ferez sĂ»reÂment. Le phĂ©ÂnoÂmĂšne se proÂduit lorsque vous Ă©criÂvez, que ça vient bien », et que vous nâavez pas le temps de vous attarÂder Ă des brouÂtilles comme le choix dâun mot. Il se renÂcontre souÂvent dans la dĂ©siÂgnaÂtion dâun perÂsonÂnage on ne peut pas tous les appeÂler tout le temps par leur prĂ©Ânom, nâest-ce pas ? Mais lâhomme » ou la jeune femme » finissent eux aussi, Ă la longue, par sâ tourÂnures favoÂrites on peut les rapÂproÂcher des darÂlings », tels que thĂ©oÂriÂsĂ©s par cette chĂšre Syven. Il sâagit de tourÂnures quâon adore et quâon met Ă toutes les sauces. Par exemple, tiens, chez moi⊠Eh bien trouÂvez-les ! RepĂ©rez les tourÂnures que moi-mĂȘme, je vous resÂsers sans arrĂȘt ! Combien de fois je te lâai dit, Jean-Edern ? » la pauÂvretĂ© de lanÂgage lĂ , il sâagit souÂvent dâune posÂture. Vous recherÂchez le style dĂ©pouillĂ©, simple. Mais le dĂ©pouilleÂment nâest pas la pauÂvretĂ©. On peut ĂȘtre simple sans indiÂgence. Nâexcusez jamais une rĂ©pĂ©ÂtiÂtion sous prĂ©Âtexte dâidĂ©ologie litÂtĂ©Âraire. Le lecÂteur lambda, lui, ne vous excuÂsera assoÂnances Pas de pitiĂ© ! ! ! La langue franÂçaise offre des sonoÂriÂtĂ©s extrĂȘÂmeÂment variĂ©es. Un de ceux qui lâont le mieux comÂpris, dâaprĂšs moi, est Charles Baudelaire BientĂŽt nous plonÂgeÂrons dans les froides tĂ©nĂšbres ;Adieu, vive clartĂ© de nos Ă©tĂ©s trop courts !Jâentends dĂ©jĂ tomÂber avec des chocs funĂšbresLe bois retenÂtisÂsant sur le pavĂ© des cours. Cet art de la variaÂtion des sonoÂriÂtĂ©s est absoÂluÂment magistral. HĂ©las, la langue a aussi ses faiÂblesses. Il est, notamÂment, trĂšs facile de mulÂtiÂplier les assoÂnances en Ă© ». Le jeune auteur qui vient de finir un texte et, le reliÂsant, relĂšve des litaÂnies de âĂ©â, se sent gonÂflĂ© de fiertĂ© il a fait de la poĂ©Âsie sans le savoir. Sauf quâil ne sâagit pas en lâoccurrence de poĂ©Âsie, mais dâincontinence, et que lâon ne fait jamais de poĂ©Âsie sans le savoir. [1] Dâautres rĂ©pĂ©ÂtiÂtions linÂguisÂtiques » sont Ă banÂnir en franÂçais, et entre autres les comÂpoÂsĂ©s de faire », pasÂser », dire »⊠; les adverbes en âment » ; les subÂstanÂtifs en âtion » ; les comÂpoÂsĂ©s de jour » etc⊠Mais comÂment faire la chasse, dans son proÂjet de livre, Ă ces mauÂdites redondances ? Word ou autre traiÂteÂment de texte il sâagit de lâoutil le plus immĂ©Âdiat. Vous ĂȘtes sous Word. Vous Ă©criÂvez en rythme de croiÂsiĂšre, ou vous reliÂsez, pĂ©pĂšre, un texte bien mĂ»r, qui date dâune semaine ou deux. Et lĂ , horÂreur et putrĂ©ÂfacÂtion ! VoilĂ une tourÂnure qui vous a un air de dĂ©jĂ -vu ! La rĂ©acÂtion est simple sĂ©lecÂtionÂnez le texte incriÂminĂ©, CTRL C copier, CTRL F ouvrir lâoutil de recherche, CTRL V colÂler dans le champ de recherche, et en avant ! Word saura vous trouÂver la redite oĂč quâelle se cache ; attenÂtion, soyez prĂ©Âcis si vous recherÂchez un verbe rĂ©pĂ©tĂ©, nâentrez que les caracÂtĂšres dont vous ĂȘtes sĂ»r racine verbale.Repetition Detector ce logiÂciel de dĂ©tecÂtion trĂšs sympa et freeÂware exaÂmine votre texte et place en surÂbrillance les jeux de rĂ©pĂ©ÂtiÂtions. Vous pouÂvez confiÂguÂrer sa âsenÂsiÂbiÂlitĂ©â. Il repĂšre aussi les dĂ©cliÂnaiÂsons dâun mĂȘme mot. Attention, nourÂrisÂsez-le avec du fichier txt. Lorsque je lâai testĂ©, sa mĂ©moire Ă©tait limiÂtĂ©e, il falÂlait donc sauÂcisÂsonÂner les textes les plus gros. Il paraĂźt que ce dĂ©faut a Ă©tĂ© article Ă la mouÂliÂnette horÂmis les prĂ©Âsents rĂ©sulÂtats ! les mots les plus couÂrants sont âtexteâ 6, âlangueâ 6, ârĂ©pĂ©ÂtiÂtionsâ 5, âpeutâ 5, âtourÂnuresâ 4, âmotsâ 4, âpageâ 3. Pour cerÂtains, la frĂ©Âquence sâexplique par le thĂšme de lâarticle. Pour dâautres, comme la rĂ©curÂrence du verbe âpouÂvoirâ, elle est plus gĂȘnante. Un indice de tic dâĂ©criture, peut-ĂȘtre ?le RĂ©pĂ©toscope Un outil en ligne pour une vĂ©riÂfiÂcaÂtion limiÂtĂ©e Ă 20 000 caracÂtĂšres. La page du rĂ©pĂ©ÂtoÂscope sur une trĂšs bonne iniÂtiaÂtive, qui vous donne tout un tas de staÂtisÂtiques sur votre texte, en plus des mots les plus frĂ©Âquents. DestinĂ© aux webÂmasÂters, il pourra vous rendre des serÂvices Ă vous aussi, Ă©criÂvain. Petit doute, est-il aussi effiÂcace avec la langue franÂçaise quâavec la langue anglaise ? Trouver article Ă la mouÂliÂnette horÂmis les prĂ©Âsents rĂ©sulÂtats ! 336 mots difÂfĂ©Ârents sur 416, soit un facÂteur de comÂplexitĂ© de 80,8 % ? ; indice de lisiÂbiÂlitĂ© 5,9 Ă©chelle 6 facile, 20 difÂfiÂcile Waouh ! ; autre indice de lisiÂbiÂlitĂ© 60,5 100 facile, 20 difÂfiÂcile, optiÂmal 60â70 Youpi ! ! ; mots les plus frĂ©Âquents âlangueâ 6, âtexteâ 6, ârĂ©pĂ©ÂtiÂtionsâ 5, âtourÂnuresâ 4, âagitâ 4, âmotsâ 4, âpoĂ©Âsieâ 3 on constate que le tiercĂ© nâest pas le mĂȘme que plus haut, ce que je trouve assez gĂȘnant ; la soluÂtion est donc dans la comÂbiÂnaiÂson des outilsla mĂ©thode du docÂteur Logue. Ăvidemment, elle nĂ©cesÂsite une grande piĂšce dĂ©pourÂvue de meubles. Mais si vous la suiÂvez avec sĂ©rieux, elle vous conduira aux plus hautes destinĂ©es Le phĂ©ÂnoÂmĂšne de la rĂ©pĂ©ÂtiÂtion nous en apprend beauÂcoup sur nous-mĂȘmes et sur notre langue. Cette langue, qui peut ĂȘtre sompÂtueuÂseÂment employĂ©e par les Ă©criÂvains, ne saura que vous conduire Ă la plaÂtiÂtude si vous ne la contrĂŽÂlez pas. Et quant Ă vos tourÂnures favoÂrites, Ă vos mots-fĂ©tiches, ceux que vous resÂserÂvez Ă votre lecÂteur en toute occaÂsion, traÂquez-les, flanÂquez-les Ă la corÂbeille, mais regarÂdez-les en face, aussi ces mots, ce sont de petites obsesÂsions. Pourquoi eux ? Pourquoi vous ? LâĂ©criture nous en apprend avant tout sur nous-mĂȘmes. Ne refuÂsez pas ces miettes de connaissance. Et toi, obsÂtinĂ© interÂnaute, oĂč en es-tu avec les rĂ©pĂ©titions ? [1] Dans la piĂšce de MoliĂšre que tout le monde prend touÂjours Ă tĂ©moin, cette forÂmule, vous faites ceci cela sans le savoir » est, on lâoublie un peu, de la pure flatterie.
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