AvecWAX Science, on cherche Ă  promouvoir une science ludique et sans stĂ©rĂ©otypes. On veut montrer que les idĂ©es reçues sur la science et le genre sont souvent fausses, que la science c’est chouette, accessible Ă  tou.te.s. Pas besoin d’un BAC +100 en gĂ©omĂ©trie non euclidienne pour avoir le droit de s’intĂ©resser aux sciences de l

"Les enfants souhaitent apprendre le français avec leurs parents. Ils leur obĂ©issent." Voici un point difficile de la langue française faut-il Ă©crire "leur" au singulier ou "leurs" au pluriel. Il n'est pas toujours facile de distinguer les trois cas d'usage selon que "leur" est un pronom ou un adjectif possessif. On vous explique tout dans cet article. On Ă©crit leur » ou leurs » ? Quand "leur" est un pronom personnel "leur" est un pronom personnel lorsqu'il est placĂ© devant un verbe dont il devient le complĂ©ment d'objet indirect. Dans ce cas, "leur" est invariable. Lorsqu'il est un pronom personnel, "leur" Ă  eux, Ă  elles » est tout simplement le pluriel de "lui" Ă  lui, Ă  elle ». Exemples Elle leur a servi le cafĂ© comme les autres jours. Bernanos, M. Ouine, 1943 Avant de les faire cuire, elle leur ĂŽte le gĂ©sier. Giono, Regain, 1930 Et avec ses outils ses fils hĂ©riteront, ses enfants hĂ©riteront. Ce qu'il leur a donnĂ©, ce que nul ne pourrait leur ĂŽter. PĂ©guy, Porche Myst., 1911 Quand "leur" est un pronom possessif dans ce cas, "leur" est prĂ©cĂ©dĂ© et dĂ©terminĂ© par un article la, le, les ». Il s'accorde alors en nombre avec l'article qui le prĂ©cĂšde, mais jamais en genre. Il sera donc toujours au masculin. Cette forme se rĂ©sume Ă  trois variantes le leur, la leur, les leurs et aux contractions avec les prĂ©positions "Ă " et "de" au leur, aux leurs, du leur, des leurs. Recevez nos nouveaux articles par courriel Inscrivez-vous Ă  notre lettre d'information hebdomadaire pour recevoir tous nos nouveaux articles, gratuitement. Vous pouvez vous dĂ©sabonner Ă  tout moment. Exemples Maintenant, moi, j'ai fait mon devoir; voyons si les autres feront le leur. Meilhac, HalĂ©vy, Froufrou,1 869 Nos gĂ©nĂ©raux et nos Ă©tats-majors ne le cĂšdent en rien aux leurs. De Gaulle, MĂ©moires de guerre, 1954 Mon frĂšre, mon frĂšre, la malĂ©diction de nos enfants est Ă©pouvantable; ils peuvent appeler de la nĂŽtre , mais la leur est irrĂ©vocable. Balzac, E. Grandet, 1834 Quand "leur" est un adjectif possessif lorsque "leur" est placĂ© devant un nom, il indique Ă  qui appartient l'Ă©lĂ©ment reprĂ©sentĂ© par le nom. Dans ce cas, on accorde en nombre avec le nom et jamais en genre, Ă  l'instar d'autres dĂ©terminants comme son/sa/ses qui ont la mĂȘme fonction lorsqu'il n'y a qu'un possesseur. Une astuce consiste Ă  se dire qu'on est en prĂ©sence d'un adjectif possessif si on peut le remplacer par "ce", "cette" ou "ces". Exemples Ils partageraient leur temps entre la rĂ©daction de leur livre, le jardinage et la peinture murale. Simone de Beauvoir, Mandarins,1954 Ils oublient tout, tout au monde, leur maison, leur famille, leurs enfants, leurs affaires, leurs soucis pour regarder dans les remous ce petit flotteur qui bouge. Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, Jour de fĂȘte, 1886 Exiger qu'on pousse Ă  leurs derniĂšres consĂ©quences les hĂ©rĂ©sies qui les avaient dĂ©trĂŽnĂ©s. Renan, Avenir sc., 1890 Vous savez dĂ©sormais quand mettre "leur" au singulier ou au pluriel, selon qu'il est un pronom ou un adjectif. Rappelez-vous que pour ce genre de rĂšgles grammaticales, la lecture rĂ©guliĂšre de la littĂ©rature francophone vous permettra de ne plus faire de faute d'orthographe. Amusez-vous Ă  y dĂ©nicher les diffĂ©rents usages des pronoms et adjectifs ! Pour soutenir notre travail, vous pouvez aussi partager cet article et laisser un commentaire.

1 Remonte-toi le moral chaque jour. Cela n'a pas besoin d'ĂȘtre une sĂ©ance de torture si tu adoptes la bonne attitude, mĂȘme si tu dois te rendre au cours le plus dĂ©testĂ© de tous. Monte un petit rituel pour toi-mĂȘme quand tu sais que tu dois te rendre Ă  un cours horrible pour te donner la force d'aller jusqu'au bout.
Marivaux Théùtre complet. Tome second L'Ecole des mÚres Acteurs Comédie en un acte représentée pour la premiÚre fois par les comédiens Italiens le 25 juillet 1732 Acteurs Madame Argante. Angélique, fille de Madame Argante. Lisette, suivante d'Angélique. Eraste, amant d'Angélique, sous le nom de La Ramée. Damis, pÚre d'Eraste, autre amant d'Angélique. Frontin, valet de Madame Argante. Champagne, valet de Monsieur Damis. La scÚne est dans l'appartement de Madame Argante. ScÚne PremiÚre Eraste, sous le nom de La Ramée et avec une livrée, Lisette Lisette. - Oui, vous voilà fort bien déguisé, et avec cet habit-là , vous disant mon cousin, je crois que vous pouvez paraÃtre ici en toute sûreté; il n'y a que votre air qui n'est pas trop d'accord avec la livrée. Eraste. - Il n'y a rien à craindre; je n'ai pas mÃÂȘme, en entrant, fait mention de notre parenté. J'ai dit que je voulais te parler, et l'on m'a répondu que je te trouverais ici, sans m'en demander davantage. Lisette. - Je crois que vous devez ÃÂȘtre content du zÚle avec lequel je vous sers je m'expose à tout, et ce que je fais pour vous n'est pas trop dans l'ordre; mais vous ÃÂȘtes un honnÃÂȘte homme; vous aimez ma jeune maÃtresse, elle vous aime; je crois qu'elle sera plus heureuse avec vous qu'avec celui que sa mÚre lui destine, et cela calme un peu mes scrupules. Eraste. - Elle m'aime, dis-tu? Lisette, puis-je me flatter d'un si grand bonheur? Moi qui ne l'ai vue qu'en passant dans nos promenades, qui ne lui ai prouvé mon amour que par mes regards, et qui n'ai pu lui parler que deux fois pendant que sa mÚre s'écartait avec d'autres dames! elle m'aime? Lisette. - TrÚs tendrement, mais voici un domestique de la maison qui vient; c'est Frontin, qui ne me hait pas, faites bonne contenance. ScÚne II Frontin, Lisette, Eraste Frontin. - Ah! te voilà , Lisette. Avec qui es-tu donc là ? Lisette. - Avec un de mes parents qui s'appelle La Ramée, et dont le maÃtre, qui est ordinairement en province, est venu ici pour affaire; et il profite du séjour qu'il y fait pour me voir. Frontin. - Un de tes parents, dis-tu? Lisette. - Oui. Frontin. - C'est-à -dire un cousin? Lisette. - Sans doute. Frontin. - Hum! il a l'air d'un cousin de bien loin il n'a point la tournure d'un parent, ce garçon-là . Lisette. - Qu'est-ce que tu veux dire avec ta tournure? Frontin. - Je veux dire que ce n'est, par ma foi, que de la fausse monnaie que tu me donnes, et que si le diable emportait ton cousin il ne t'en resterait pas un parent de moins. Eraste. - Et pourquoi pensez-vous qu'elle vous trompe? Frontin. - Hum! quelle physionomie de fripon! Mons de La Ramée, je vous avertis que j'aime Lisette, et que je veux l'épouser tout seul. Lisette. - Il est pourtant nécessaire que je lui parle pour une affaire de famille qui ne te regarde pas. Frontin. - Oh! parbleu! que les secrets de ta famille s'accommodent, moi, je reste. Lisette. - Il faut prendre son parti. Frontin... Frontin. - AprÚs? Lisette. - Serais-tu capable de rendre service à un honnÃÂȘte homme, qui t'en récompenserait bien? Frontin. - HonnÃÂȘte homme ou non, son honneur est de trop, dÚs qu'il récompense. Lisette. - Tu sais à qui Madame marie Angélique, ma maÃtresse? Frontin. - Oui, je pense que c'est à peu prÚs soixante ans qui en épousent dix-sept. Lisette. - Tu vois bien que ce mariage-là ne convient point. Frontin. - Oui il menace la stérilité, les héritiers en seront nuls, ou auxiliaires. Lisette. - Ce n'est qu'à regret qu'Angélique obéit, d'autant plus que le hasard lui a fait connaÃtre un aimable homme qui a touché son coeur. Frontin. - Le cousin La Ramée pourrait bien nous venir de là . Lisette. - Tu l'as dit; c'est cela mÃÂȘme. Eraste. - Oui, mon enfant, c'est moi. Frontin. - Eh! que ne le disiez-vous? En ce cas-là , je vous pardonne votre figure, et je suis tout à vous. Voyons, que faut-il faire? Eraste. - Rien que favoriser une entrevue que Lisette va me procurer ce soir, et tu seras content de moi. Frontin. - Je le crois, mais qu'espérez-vous de cette entrevue? car on signe le contrat ce soir. Lisette. - Eh bien, pendant que la compagnie, avant le souper, sera dans l'appartement de Madame, Monsieur nous attendra dans cette salle-ci, sans lumiÚre pour n'ÃÂȘtre point vu, et nous y viendrons, Angélique et moi, pour examiner le parti qu'il y aura à prendre. Frontin. - Ce n'est pas de l'entretien dont je doute mais à quoi aboutira-t-il? Angélique est une AgnÚs élevée dans la plus sévÚre contrainte, et qui, malgré son penchant pour vous, n'aura que des regrets, des larmes et de la frayeur à vous donner est-ce que vous avez dessein de l'enlever? Eraste. - Ce serait un parti bien extrÃÂȘme. Frontin. - Et dont l'extrémité ne vous ferait pas grand-peur, n'est-il pas vrai? Lisette. - Pour nous, Frontin, nous ne nous chargeons que de faciliter l'entretien, auquel je serai présente; mais de ce qu'on y résoudra, nous n'y trempons point, cela ne nous regarde pas. Frontin. - Oh! si fait, cela nous regarderait un peu, si cette petite conversation nocturne que nous leur ménageons dans la salle était découverte; d'autant plus qu'une des portes de la salle aboutit au jardin, que du jardin on va à une petite porte qui rend dans la rue, et qu'à cause de la salle oÃÂč nous les mettrons, nous répondrons de toutes ces petites portes-là , qui sont de notre connaissance. Mais tout coup vaille; pour se mettre à son aise, il faut quelquefois risquer son honneur, il s'agit d'ailleurs d'une jeune victime qu'on veut sacrifier, et je crois qu'il est généreux d'avoir part à sa délivrance, sans s'embarrasser de quelle façon elle s'opérera Monsieur payera bien, cela grossira ta dot, et nous ferons une action qui joindra l'utile au louable. Eraste. - Ne vous inquiétez de rien, je n'ai point envie d'enlever Angélique, et je ne veux que l'exciter à refuser l'époux qu'on lui destine mais la nuit s'approche, oÃÂč me retirerai-je en attendant le moment oÃÂč je verrai Angélique? Lisette. - Comme on ne sait encore qui vous ÃÂȘtes, en cas qu'on vous fÃt quelques questions, au lieu d'ÃÂȘtre mon parent, soyez celui de Frontin, et retirez-vous dans sa chambre, qui est à cÎté de cette salle, et d'oÃÂč Frontin pourra vous amener, quand il faudra. Frontin. - Oui-da, Monsieur, disposez de mon appartement. Lisette. - Allez tout à l'heure; car il faut que je prévienne Angélique, qui assurément sera charmée de vous voir, mais qui ne sait pas que vous ÃÂȘtes ici, et à qui je dirai d'abord qu'il y a un domestique dans la chambre de Frontin qui demande à lui parler de votre part mais sortez, j'entends quelqu'un qui vient. Frontin. - Allons, cousin, sauvons-nous. Lisette. - Non, restez c'est la mÚre d'Angélique, elle vous verrait fuir, il vaut mieux que vous demeuriez. ScÚne III Lisette, Frontin, Eraste, Madame Argante Madame Argante. - OÃÂč est ma fille, Lisette? Lisette. - Apparemment qu'elle est dans sa chambre, Madame. Madame Argante. - Qui est ce garçon-là ? Frontin. - Madame, c'est un garçon de condition, comme vous voyez, qui m'est venu voir, et à qui je m'intéresse parce que nous sommes fils des deux frÚres; il n'est pas content de son maÃtre, ils se sont brouillés ensemble, et il vient me demander si je ne sais pas quelque maison dont il pût s'accommoder... Madame Argante. - Sa physionomie est assez bonne; chez qui avez-vous servi, mon enfant? Eraste. - Chez un officier du régiment du Roi, Madame. Madame Argante. - Eh bien, je parlerai de vous à Monsieur Damis, qui pourra vous donner à ma fille; demeurez ici jusqu'à ce soir, et laissez-nous. Restez, Lisette. ScÚne IV Madame Argante, Lisette Madame Argante. - Ma fille vous dit assez volontiers ses sentiments, Lisette; dans quelle disposition d'esprit est-elle pour le mariage que nous allons conclure? Elle ne m'a marqué, du moins, aucune répugnance. Lisette. - Ah! Madame, elle n'oserait vous en marquer, quand elle en aurait; c'est une jeune et timide personne, à qui jusqu'ici son éducation n'a rien appris qu'à obéir. Madame Argante. - C'est, je pense, ce qu'elle pouvait apprendre de mieux à son ùge. Lisette. - Je ne dis pas le contraire. Madame Argante. - Mais enfin, vous paraÃt-elle contente? Lisette. - Y peut-on rien connaÃtre? vous savez qu'à peine ose-t-elle lever les yeux, tant elle a peur de sortir de cette modestie sévÚre que vous voulez qu'elle ait; tout ce que j'en sais, c'est qu'elle est triste. Madame Argante. - Oh! je le crois, c'est une marque qu'elle a le coeur bon elle va se marier, elle me quitte, elle m'aime, et notre séparation est douloureuse. Lisette. - Eh! eh! ordinairement, pourtant, une fille qui va se marier est assez gaie. Madame Argante. - Oui, une fille dissipée, élevée dans un monde coquet, qui a plus entendu parler d'amour que de vertu, et que mille jeunes étourdis ont eu l'impertinente liberté d'entretenir de cajoleries; mais une fille retirée, qui vit sous les yeux de sa mÚre, et dont rien n'a gùté ni le coeur ni l'esprit, ne laisse pas que d'ÃÂȘtre alarmée quand elle change d'état. Je connais Angélique et la simplicité de ses moeurs; elle n'aime pas le monde, et je suis sûre qu'elle ne me quitterait jamais, si je l'en laissais la maÃtresse. Lisette. - Cela est singulier. Madame Argante. - Oh! j'en suis sûre. A l'égard du mari que je lui donne, je ne doute pas qu'elle n'approuve mon choix; c'est un homme trÚs riche, trÚs raisonnable. Lisette. - Pour raisonnable, il a eu le temps de le devenir. Madame Argante. - Oui, un peu vieux, à la vérité, mais doux, mais complaisant, attentif, aimable. Lisette. - Aimable! Prenez donc garde, Madame, il a soixante ans, cet homme. Madame Argante. - Il est bien question de l'ùge d'un mari avec une fille élevée comme la mienne! Lisette. - Oh! s'il n'en est pas question avec Mademoiselle votre fille, il n'y aura guÚre eu de prodige de cette force-là ! Madame Argante. - Qu'entendez-vous avec votre prodige? Lisette. - J'entends qu'il faut, le plus qu'on peut, mettre la vertu des gens à son aise, et que celle d'Angélique ne sera pas sans fatigue. Madame Argante. - Vous avez de sottes idées, Lisette; les inspirez-vous à ma fille? Lisette. - Oh! que non, Madame, elle les trouvera bien sans que je m'en mÃÂȘle. Madame Argante. - Et pourquoi, de l'humeur dont elle est, ne serait-elle pas heureuse? Lisette. C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont vous dites, cette humeur-là n'existe nulle part. Madame Argante. - Il faudrait qu'elle l'eût bien difficile, si elle ne s'accommodait pas d'un homme qui l'adorera. Lisette. - On adore mal à son ùge. Madame Argante. - Qui ira au-devant de tous ses désirs. Lisette. - Ils seront donc bien modestes. Madame Argante. - Taisez-vous; je ne sais de quoi je m'avise de vous écouter. Lisette. - Vous m'interrogez, et je vous réponds sincÚrement. Madame Argante. - Allez dire à ma fille qu'elle vienne. Lisette. - Il n'est pas besoin de l'aller chercher, Madame, la voilà qui passe, et je vous laisse. ScÚne V Angélique, Madame Argante Madame Argante. - Venez, Angélique, j'ai à vous parler. Angélique, modestement. - Que souhaitez-vous, ma mÚre? Madame Argante. - Vous voyez, ma fille, ce que je fais aujourd'hui pour vous; ne tenez-vous pas compte à ma tendresse du mariage avantageux que je vous procure? Angélique, faisant la révérence. - Je ferai tout ce qu'il vous plaira, ma mÚre. Madame Argante. - Je vous demande si vous me savez gré du parti que je vous donne? Ne trouvez-vous pas qu'il est heureux pour vous d'épouser un homme comme Monsieur Damis, dont la fortune, dont le caractÚre sûr et plein de raison, vous assurent une vie douce et paisible, telle qu'il convient à vos moeurs et aux sentiments que je vous ai toujours inspirés? Allons, répondez, ma fille! Angélique. - Vous me l'ordonnez donc? Madame Argante. - Oui, sans doute. Voyez, n'ÃÂȘtes-vous pas satisfaite de votre sort? Angélique. - Mais... Madame Argante. - Quoi! mais! je veux qu'on me réponde raisonnablement; je m'attends à votre reconnaissance, et non pas à des mais. Angélique, saluant. - Je n'en dirai plus, ma mÚre. Madame Argante. - Je vous dispense des révérences; dites-moi ce que vous pensez. Angélique. - Ce que je pense? Madame Argante. - Oui comment regardez-vous le mariage en question? Angélique. - Mais... Madame Argante. - Toujours des mais! Angélique. - Je vous demande pardon; je n'y songeais pas, ma mÚre. Madame Argante. - Eh bien, songez-y donc, et souvenez-vous qu'ils me déplaisent. Je vous demande quelles sont les dispositions de votre coeur dans cette conjoncture-ci. Ce n'est pas que je doute que vous soyez contente, mais je voudrais vous l'entendre dire vous-mÃÂȘme. Angélique. - Les dispositions de mon coeur! Je tremble de ne pas répondre à votre fantaisie. Madame Argante. - Et pourquoi ne répondriez-vous pas à ma fantaisie? Angélique. - C'est que ce que je dirais vous fùcherait peut-ÃÂȘtre. Madame Argante. - Parlez bien, et je ne me fùcherai point. Est-ce que vous n'ÃÂȘtes point de mon sentiment? Etes-vous plus sage que moi? Angélique. - C'est que je n'ai point de dispositions dans le coeur. Madame Argante. - Et qu'y avez-vous donc, Mademoiselle? Angélique. - Rien du tout. Madame Argante. - Rien! qu'est-ce que rien? Ce mariage ne vous plaÃt donc pas? Angélique. - Non. Madame Argante, en colÚre. - Comment! il vous déplaÃt? Angélique. - Non, ma mÚre. Madame Argante. - Eh! parlez donc! car je commence à vous entendre c'est-à -dire, ma fille, que vous n'avez point de volonté? Angélique. - J'en aurai pourtant une, si vous le voulez. Madame Argante. - Il n'est pas nécessaire; vous faites encore mieux d'ÃÂȘtre comme vous ÃÂȘtes; de vous laisser conduire, et de vous en fier entiÚrement à moi. Oui, vous avez raison, ma fille; et ces dispositions d'indifférence sont les meilleures. Aussi voyez-vous que vous en ÃÂȘtes récompensée; je ne vous donne pas un jeune extravagant qui vous négligerait peut-ÃÂȘtre au bout de quinze jours, qui dissiperait son bien et le vÎtre, pour courir aprÚs mille passions libertines; je vous marie à un homme sage, à un homme dont le coeur est sûr, et qui saura tout le prix de la vertueuse innocence du vÎtre. Angélique. - Pour innocente, je le suis. Madame Argante. - Oui, grùces à mes soins, je vous vois telle que j'ai toujours souhaité que vous fussiez; comme il vous est familier de remplir vos devoirs, les vertus dont vous allez avoir besoin ne vous coûteront rien; et voici les plus essentielles; c'est, d'abord, de n'aimer que votre mari. Angélique. - Et si j'ai des amis, qu'en ferai-je? Madame Argante. - Vous n'en devez point avoir d'autres que ceux de Monsieur Damis, aux volontés de qui vous vous conformerez toujours, ma fille; nous sommes sur ce pied-là dans le mariage. Angélique. - Ses volontés? Et que deviendront les miennes? Madame Argante. - Je sais que cet article a quelque chose d'un peu mortifiant; mais il faut s'y rendre, ma fille. C'est une espÚce de loi qu'on nous a imposée; et qui dans le fond nous fait honneur, car entre deux personnes qui vivent ensemble, c'est toujours la plus raisonnable qu'on charge d'ÃÂȘtre la plus docile, et cette docilité-là vous sera facile; car vous n'avez jamais eu de volonté avec moi, vous ne connaissez que l'obéissance. Angélique. - Oui, mais mon mari ne sera pas ma mÚre. Madame Argante. - Vous lui devez encore plus qu'à moi, Angélique, et je suis sûre qu'on n'aura rien à vous reprocher là -dessus. Je vous laisse, songez à tout ce que je vous ai dit; et surtout gardez ce goût de retraite, de solitude, de modestie, de pudeur qui me charme en vous; ne plaisez qu'à votre mari, et restez dans cette simplicité qui ne vous laisse ignorer que le mal. Adieu, ma fille. ScÚne VI Angélique, Lisette Angélique, un moment seule. - Qui ne me laisse ignorer que le mal! Et qu'en sait-elle? Elle l'a donc appris? Eh bien, je veux l'apprendre aussi. Lisette survient. - Eh bien, Mademoiselle, à quoi en ÃÂȘtes-vous? Angélique. - J'en suis à m'affliger, comme tu vois. Lisette. - Qu'avez-vous dit à votre mÚre? Angélique. - Eh! tout ce qu'elle a voulu. Lisette. - Vous épouserez donc Monsieur Damis? Angélique. - Moi, l'épouser! Je t'assure que non; c'est bien assez qu'il m'épouse. Lisette. - Oui, mais vous n'en serez pas moins sa femme. Angélique. - Eh bien, ma mÚre n'a qu'à l'aimer pour nous deux; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste. Lisette. - Il le mérite bien. Angélique. - Oh! pour cela, oui. C'est lui qui est aimable, qui est complaisant, et non pas ce Monsieur Damis que ma mÚre a été prendre je ne sais oÃÂč, qui ferait bien mieux d'ÃÂȘtre mon grand-pÚre que mon mari, qui me glace quand il me parle, et qui m'appelle toujours ma belle personne; comme si on s'embarrassait beaucoup d'ÃÂȘtre belle ou laide avec lui au lieu que tout ce que me dit Eraste est si touchant! on voit que c'est du fond du coeur qu'il parle; et j'aimerais mieux ÃÂȘtre sa femme seulement huit jours, que de l'ÃÂȘtre toute ma vie de l'autre. Lisette. - On dit qu'il est au désespoir, Eraste. Angélique. - Eh! comment veut-il que je fasse? Hélas! je sais bien qu'il sera inconsolable N'est-on pas bien à plaindre, quand on s'aime tant, de n'ÃÂȘtre pas ensemble? Ma mÚre dit qu'on est obligé d'aimer son mari; eh bien! qu'on me donne Eraste; je l'aimerai tant qu'on voudra, puisque je l'aime avant que d'y ÃÂȘtre obligée, je n'aurai garde d'y manquer quand il le faudra, cela me sera bien commode. Lisette. - Mais avec ces sentiments-là , que ne refusez-vous courageusement Damis? il est encore temps; vous ÃÂȘtes d'une vivacité étonnante avec moi, et vous tremblez devant votre mÚre. Il faudrait lui dire ce soir Cet homme-là est trop vieux pour moi; je ne l'aime point, je le hais, je le haïrai, et je ne saurais l'épouser. Angélique. - Tu as raison mais quand ma mÚre me parle, je n'ai plus d'esprit; cependant je sens que j'en ai assurément; et j'en aurais bien davantage, si elle avait voulu; mais n'ÃÂȘtre jamais qu'avec elle, n'entendre que des préceptes qui me lassent, ne faire que des lectures qui m'ennuient, est-ce là le moyen d'avoir de l'esprit? qu'est-ce que cela apprend? Il y a des petites filles de sept ans qui sont plus avancées que moi. Cela n'est-il pas ridicule? je n'ose pas seulement ouvrir ma fenÃÂȘtre. Voyez, je vous prie, de quel air on m'habille? suis-je vÃÂȘtue comme une autre? regardez comme me voilà faite Ma mÚre appelle cela un habit modeste il n'y a donc de la modestie nulle part qu'ici? car je ne vois que moi d'enveloppée comme cela; aussi suis-je d'une enfance, d'une curiosité! Je ne porte point de ruban, mais qu'est-ce que ma mÚre y gagne? que j'ai des émotions quand j'en aperçois. Elle ne m'a laissé voir personne, et avant que je connusse Eraste, le coeur me battait quand j'étais regardée par un jeune homme. Voilà pourtant ce qui m'est arrivé. Lisette. - Votre naïveté me fait rire. Angélique. - Mais est-ce que je n'ai pas raison? Serais-je de mÃÂȘme si j'avais joui d'une liberté honnÃÂȘte? En vérité, si je n'avais pas le coeur bon, tiens, je crois que je haïrais ma mÚre, d'ÃÂȘtre cause que j'ai des émotions pour des choses dont je suis sûre que je ne me soucierais pas si je les avais. Aussi, quand je serai ma maÃtresse! laisse-moi faire, va... je veux savoir tout ce que les autres savent. Lisette. - Je m'en fie bien à vous. Angélique. - Moi qui suis naturellement vertueuse, sais-tu bien que je m'endors quand j'entends parler de sagesse? Sais-tu bien que je serai fort heureuse de n'ÃÂȘtre pas coquette? Je ne la serai pourtant pas; mais ma mÚre mériterait bien que je la devinsse. Lisette. - Ah! si elle pouvait vous entendre et jouir du fruit de sa sévérité! Mais parlons d'autre chose. Vous aimez Eraste? Angélique. - Vraiment oui, je l'aime, pourvu qu'il n'y ait point de mal à avouer cela; car je suis si ignorante! Je ne sais point ce qui est permis ou non, au moins. Lisette. - C'est un aveu sans conséquence avec moi. Angélique. - Oh! sur ce pied-là je l'aime beaucoup, et je ne puis me résoudre à le perdre. Lisette. - Prenez donc une bonne résolution de n'ÃÂȘtre pas à un autre. Il y a ici un domestique à lui qui a une lettre à vous rendre de sa part. Angélique, charmée. - Une lettre de sa part, et tu ne m'en disais rien! OÃÂč est-elle? Oh! que j'aurai de plaisir à la lire! donne-moi-la donc! OÃÂč est ce domestique? Lisette. - Doucement! modérez cet empressement-là ; cachez-en du moins une partie à Eraste si par hasard vous lui parliez, il y aurait du trop. Angélique. - Oh! dame, c'est encore ma mÚre qui en est cause. Mais est-ce que je pourrai le voir? Tu me parles de lui et de sa lettre, et je ne vois ni l'un ni l'autre. ScÚne VII Lisette, Angélique, Frontin, Eraste Lisette, à Angélique. - Tenez, voici ce domestique que Frontin nous amÚne. Angélique. - Frontin ne dira-t-il rien à ma mÚre? Lisette. - Ne craignez rien, il est dans vos intérÃÂȘts, et ce domestique passe pour son parent. Frontin, tenant une lettre. - Le valet de Monsieur Eraste vous apporte une lettre que voici, Madame. Angélique, gravement. - Donnez. A Lisette. Suis-je assez sérieuse? Lisette. - Fort bien. Angélique lit. - Que viens-je d'apprendre! on dit que vous vous mariez ce soir. Si vous concluez sans me permettre de vous voir, je ne me soucie plus de la vie. Et en s'interrompant. Il ne se soucie plus de la vie, Lisette! Elle achÚve de lire. Adieu; j'attends votre réponse, et je me meurs. AprÚs qu'elle a lu. Cette lettre-là me pénÚtre; il n'y a point de modération qui tienne, Lisette; il faut que je lui parle, et je ne veux pas qu'il meure. Allez lui dire qu'il vienne; on le fera entrer comme on pourra. Eraste, se jetant à ses genoux. - Vous ne voulez point que je meure, et vous vous mariez, Angélique! Angélique. - Ah! c'est vous, Eraste? Eraste. - A quoi vous déterminez-vous donc? Angélique. - Je ne sais; je suis trop émue pour vous répondre. Levez-vous. Eraste, se levant. - Mon désespoir vous touchera-t-il? Angélique. - Est-ce que vous n'avez pas entendu ce que j'ai dit? Eraste. - Il m'a paru que vous m'aimiez un peu. Angélique. - Non, non, il vous a paru mieux que cela; car j'ai dit bien franchement que je vous aime mais il faut m'excuser, Eraste, car je ne savais pas que vous étiez là . Eraste. - Est-ce que vous seriez fùchée de ce qui vous est échappé? Angélique. - Moi, fùchée? au contraire, je suis bien aise que vous l'ayez appris sans qu'il y ait de ma faute; je n'aurai plus la peine de vous le cacher. Frontin. - Prenez garde qu'on ne vous surprenne. Lisette. - Il a raison; je crois que quelqu'un vient; retirez-vous, Madame. Angélique. - Mais je crois que vous n'avez pas eu le temps de me dire tout. Eraste. - Hélas! Madame, je n'ai encore fait que vous voir et j'ai besoin d'un entretien pour vous résoudre à me sauver la vie. Angélique, en s'en allant. - Ne lui donneras-tu pas le temps de me résoudre, Lisette? Lisette. - Oui, Frontin et moi nous aurons soin de tout vous allez vous revoir bientÎt; mais retirez-vous. ScÚne VIII Lisette, Frontin, Eraste, Champagne Lisette. - Qui est-ce qui entre là ? c'est le valet de Monsieur Damis. Eraste, vite. - Eh! d'oÃÂč le connaissez-vous? c'est le valet de mon pÚre, et non pas de Monsieur Damis qui m'est inconnu. Lisette. - Vous vous trompez; ne vous déconcertez pas. Champagne. - Bonsoir, la jolie fille, bonsoir, Messieurs; je viens attendre ici mon maÃtre qui m'envoie dire qu'il va venir; et je suis charmé d'une rencontre... En regardant Eraste. Mais comment appelez-vous Monsieur? Eraste. - Vous importe-t-il de savoir que je m'appelle La Ramée? Champagne. - La Ramée? Et pourquoi est-ce que vous portez ce visage-là ? Eraste. - Pourquoi? la belle question! parce que je n'en ai pas reçu d'autre. Adieu, Lisette; le début de ce butor-là m'ennuie. ScÚne IX Champagne, Frontin, Lisette Frontin. - Je voudrais bien savoir à qui tu en as! Est-ce qu'il n'est pas permis à mon cousin La Ramée d'avoir son visage? Champagne. - Je veux bien que Monsieur La Ramée en ait un; mais il ne lui est pas permis de se servir de celui d'un autre. Lisette. - Comment, celui d'un autre! qu'est-ce que cette folie-là ? Champagne. - Oui, celui d'un autre en un mot, cette mine-là ne lui appartient point; elle n'est point à sa place ordinaire, ou bien j'ai vu la pareille à quelqu'un que je connais. Frontin, riant. - C'est peut-ÃÂȘtre une physionomie à la mode, et La Ramée en aura pris une. Lisette, riant. - Voilà bien, en effet, des discours d'un butor comme toi, Champagne est-ce qu'il n'y a pas mille gens qui se ressemblent? Champagne. - Cela est vrai; mais qu'il appartienne à ce qu'il voudra, je ne m'en soucie guÚre; chacun a le sien; il n'y a que vous, Mademoiselle Lisette, qui n'avez celui de personne, car vous ÃÂȘtes plus jolie que tout le monde il n'y a rien de si aimable que vous. Frontin. - Halte-là ! laisse ce minois-là en repos; ton éloge le déshonore. Champagne. - Ah! Monsieur Frontin, ce que j'en dis, c'est en cas que vous n'aimiez pas Lisette, comme cela peut arriver; car chacun n'est pas du mÃÂȘme goût. Frontin. - Paix! vous dis-je; car je l'aime. Champagne. - Et vous, Mademoiselle Lisette? Lisette. - Tu joues de malheur, car je l'aime. Champagne. - Je l'aime, partout je l'aime! Il n'y aura donc rien pour moi? Lisette, en s'en allant. - Une révérence de ma part. Frontin, en s'en allant. - Des injures de la mienne, et quelques coups de poing, si tu veux. Champagne. - Ah! n'ai-je pas fait là une belle fortune? ScÚne X Monsieur Damis, Champagne Monsieur Damis. - Ah! te voilà ! Champagne. - Oui, Monsieur; on vient de m'apprendre qu'il n'y a rien pour moi, et ma part ne me donne pas une bonne opinion de la vÎtre. Monsieur Damis. - Qu'entends-tu par là ? Champagne. - C'est que Lisette ne veut point de moi, et outre cela j'ai vu la physionomie de Monsieur votre fils sur le visage d'un valet. Monsieur Damis. - Je n'y comprends rien. Laisse-nous; voici Madame Argante et Angélique. ScÚne XI Madame Argante, Angélique, Monsieur Damis Madame Argante. - Vous venez sans doute d'arriver, Monsieur? Monsieur Damis. - Oui, Madame, en ce moment. Madame Argante. - Il y a déjà bonne compagnie assemblée chez moi, c'est-à -dire, une partie de ma famille, avec quelques-uns de nos amis, car pour les vÎtres, vous n'avez pas voulu leur confier votre mariage. Monsieur Damis. - Non, Madame, j'ai craint qu'on n'enviùt mon bonheur et j'ai voulu me l'assurer en secret. Mon fils mÃÂȘme ne sait rien de mon dessein et c'est à cause de cela que je vous ai prié de vouloir bien me donner le nom de Damis, au lieu de celui d'Orgon, qu'on mettra dans le contrat. Madame Argante. - Vous ÃÂȘtes le maÃtre, Monsieur; au reste, il n'appartient point à une mÚre de vanter sa fille; mais je crois vous faire un présent digne d'un honnÃÂȘte homme comme vous. Il est vrai que les avantages que vous lui faites... Monsieur Damis. - Oh! Madame, n'en parlons point, je vous prie; c'est à moi à vous remercier toutes deux, et je n'ai pas dû espérer que cette belle personne fÃt grùce au peu que je vaux. Angélique, à part. - Belle personne! Monsieur Damis. - Tous les trésors du monde ne sont rien au prix de la beauté et de la vertu qu'elle m'apporte en mariage. Madame Argante. - Pour de la vertu, vous lui rendez justice. Mais, Monsieur, on vous attend; vous savez que j'ai permis que nos amis se déguisassent, et fissent une espÚce de petit bal tantÎt; le voulez-vous bien? C'est le premier que ma fille aura vu. Monsieur Damis. - Comme il vous plaira, Madame. Madame Argante. - Allons donc joindre la compagnie. Monsieur Damis. - Oserais-je auparavant vous prier d'une chose, Madame? Daignez, à la faveur de notre union prochaine, m'accorder un petit moment d'entretien avec Angélique; c'est une satisfaction que je n'ai pas eu jusqu'ici. Madame Argante. - J'y consens, Monsieur, on ne peut vous le refuser dans la conjoncture présente; et ce n'est pas apparemment pour éprouver le coeur de ma fille? il n'est pas encore temps qu'il se déclare tout à fait; il doit vous suffire qu'elle obéit sans répugnance; et c'est ce que vous pouvez dire à Monsieur, Angélique; je vous le permets, entendez-vous? Angélique. - J'entends, ma mÚre. ScÚne XII Angélique, Monsieur Damis Monsieur Damis. - Enfin, charmante Angélique, je puis donc sans témoins vous jurer une tendresse éternelle il est vrai que mon ùge ne répond pas au vÎtre. Angélique. - Oui, il y a bien de la différence. Monsieur Damis. - Cependant on me flatte que vous acceptez ma main sans répugnance. Angélique. - Ma mÚre le dit. Monsieur Damis. - Et elle vous a permis de me le confirmer vous-mÃÂȘme. Angélique. - Oui, mais on n'est pas obligé d'user des permissions qu'on a. Monsieur Damis. - Est-ce par modestie, est-ce par dégoût que vous me refusez l'aveu que je demande? Angélique. - Non, ce n'est pas par modestie. Monsieur Damis. - Que me dites-vous là ! C'est donc par dégoût?... Vous ne me répondez rien? Angélique. - C'est que je suis polie. Monsieur Damis. - Vous n'auriez donc rien de favorable à me répondre? Angélique. - Il faut que je me taise encore. Monsieur Damis. - Toujours par politesse? Angélique. - Oh! toujours. Monsieur Damis. - Parlez-moi franchement est-ce que vous me haïssez? Angélique. - Vous embarrassez encore mon savoir-vivre. Seriez-vous bien aise, si je vous disais oui? Monsieur Damis. - Vous pourriez dire non. Angélique. - Encore moins, car je mentirais. Monsieur Damis. - Quoi! vos sentiments vont jusqu'à la haine, Angélique! J'aurais cru que vous vous contentiez de ne pas m'aimer. Angélique. - Si vous vous en contentez, et moi aussi, et s'il n'est pas malhonnÃÂȘte d'avouer aux gens qu'on ne les aime point, je ne serai plus embarrassée. Monsieur Damis. - Et vous me l'avoueriez! Angélique. - Tant qu'il vous plaira. Monsieur Damis. - C'est une répétition dont je ne suis point curieux; et ce n'était pas là ce que votre mÚre m'avait fait entendre. Angélique. - Oh! vous pouvez vous en fier à moi; je sais mieux cela que ma mÚre, elle a pu se tromper; mais, pour moi, je vous dis la vérité. Monsieur Damis. - Qui est que vous ne m'aimez point? Angélique. - Oh! du tout; je ne saurais; et ce n'est pas par malice, c'est naturellement et vous, qui ÃÂȘtes, à ce qu'on dit, un si honnÃÂȘte homme, si, en faveur de ma sincérité, vous vouliez ne me plus aimer et me laisser là , car aussi bien je ne suis pas si belle que vous le croyez, tenez, vous en trouverez cent qui vaudront mieux que moi. Monsieur Damis, les premiers mots à part. - Voyons si elle aime ailleurs. Mon intention, assurément, n'est pas qu'on vous contraigne. Angélique. - Ce que vous dites là est bien raisonnable, et je ferai grand cas de vous si vous continuez. Monsieur Damis. - Je suis mÃÂȘme fùché de ne l'avoir pas su plus tÎt. Angélique. - Hélas! si vous me l'aviez demandé, je vous l'aurais dit. Monsieur Damis. - Et il faut y mettre ordre. Angélique. - Que vous ÃÂȘtes bon et obligeant! N'allez pourtant pas dire à ma mÚre que je vous ai confié que je ne vous aime point, parce qu'elle se mettrait en colÚre contre moi; mais faites mieux; dites-lui seulement que vous ne me trouvez pas assez d'esprit pour vous, que je n'ai pas tant de mérite que vous l'aviez cru, comme c'est la vérité; enfin, que vous avez encore besoin de vous consulter ma mÚre, qui est fort fiÚre, ne manquera pas de se choquer, elle rompra tout, notre mariage ne se fera point, et je vous aurai, je vous jure, une obligation infinie. Monsieur Damis. - Non, Angélique, non, vous ÃÂȘtes trop aimable; elle se douterait que c'est vous qui ne voulez pas, et tous ces prétextes-là ne valent rien; il n'y en a qu'un bon; aimez-vous ailleurs? Angélique. - Moi! non; n'allez pas le croire. Monsieur Damis. - Sur ce pied-là , je n'ai point d'excuse; j'ai promis de vous épouser, et il faut que je tienne parole; au lieu que, si vous aimiez quelqu'un, je ne lui dirais pas que vous me l'avez avoué; mais seulement que je m'en doute. Angélique. - Eh bien! doutez-vous-en donc. Monsieur Damis. - Mais il n'est pas possible que je m'en doute si cela n'est pas vrai; autrement ce serait ÃÂȘtre de mauvaise foi; et, malgré toute l'envie que j'ai de vous obliger, je ne saurais dire une imposture. Angélique. - Allez, allez, n'ayez point de scrupule, vous parlerez en homme d'honneur. Monsieur Damis. - Vous aimez donc? Angélique. - Mais ne me trahissez-vous point, Monsieur Damis? Monsieur Damis. - Je n'ai que vos véritables intérÃÂȘts en vue. Angélique. - Quel bon caractÚre! Oh! que je vous aimerais, si vous n'aviez que vingt ans! Monsieur Damis. - Eh bien? Angélique. - Vraiment, oui, il y a quelqu'un qui me plaÃt... Frontin arrive. - Monsieur, je viens de la part de Madame vous dire qu'on vous attend avec Mademoiselle. Monsieur Damis. - Nous y allons. Et à Angélique oÃÂč avez-vous connu celui qui vous plaÃt? Angélique. - Ah! ne m'en demandez pas davantage; puisque vous ne voulez que vous douter que j'aime, en voilà plus qu'il n'en faut pour votre probité, et je vais vous annoncer là -haut. ScÚne XIII Monsieur Damis, Frontin Monsieur Damis, les premiers mots à part. - Ceci me chagrine, mais je l'aime trop pour la céder à personne. Frontin! Frontin! approche, je voudrais te dire un mot. Frontin. - Volontiers, Monsieur; mais on est impatient de vous voir. Monsieur Damis. - Je ne tarderai qu'un moment viens, j'ai remarqué que tu es un garçon d'esprit. Frontin. - Eh! j'ai des jours oÃÂč je n'en manque pas, Monsieur Damis. - Veux-tu me rendre un service dont je te promets que personne ne sera jamais instruit? Frontin. - Vous marchandez ma fidélité; mais je suis dans mon jour d'esprit, il n'y a rien à faire, je sens combien il faut ÃÂȘtre discret. Monsieur Damis. - Je te payerai bien. Frontin. - ArrÃÂȘtez donc, Monsieur, ces débuts-là m'attendrissent toujours. Monsieur Damis. - Voilà ma bourse. Frontin. - Quel embonpoint séduisant! Qu'il a l'air vainqueur! Monsieur Damis. - Elle est à toi, si tu veux me confier ce que tu sais sur le chapitre d'Angélique. Je viens adroitement de lui faire avouer qu'elle a un amant; et observée comme elle est par sa mÚre, elle ne peut ni l'avoir vu ni avoir de ses nouvelles que par le moyen des domestiques tu t'en es peut-ÃÂȘtre mÃÂȘlé toi-mÃÂȘme, ou tu sais qui s'en mÃÂȘle, et je voudrais écarter cet homme-là ; quel est-il? oÃÂč se sont-ils vus? Je te garderai le secret. Frontin, prenant la bourse. - Je résisterais à ce que vous dites, mais ce que vous tenez m'entraÃne, et je me rends. Monsieur Damis. - Parle. Frontin. - Vous me demandez un détail que j'ignore; il n'y a que Lisette qui soit parfaitement instruite dans cette intrigue-là . Monsieur Damis. - La fourbe! Frontin. - Prenez garde, vous ne sauriez la condamner sans me faire mon procÚs. Je viens de céder à un trait d'éloquence qu'on aura peut-ÃÂȘtre employé contre elle; au reste je ne connais le jeune homme en question que depuis une heure; il est actuellement dans ma chambre; Lisette en a fait mon parent, et dans quelques moments, elle doit l'introduire ici mÃÂȘme oÃÂč je suis chargé d'éteindre les bougies, et oÃÂč elle doit arriver avec Angélique pour y traiter ensemble des moyens de rompre votre mariage. Monsieur Damis. - Il ne tiendra donc qu'à toi que je sois pleinement instruit de tout. Frontin. - Comment? Monsieur Damis. - Tu n'as qu'à souffrir que je me cache ici; on ne m'y verra pas, puisque tu vas en Îter les lumiÚres, et j'écouterai tout ce qu'ils diront. Frontin. - Vous avez raison; attendez, quelques amis de la maison qui sont là -haut, et qui veulent se déguiser aprÚs souper pour se divertir, ont fait apporter des dominos qu'on a mis dans le petit cabinet à cÎté de la salle, voulez-vous que je vous en donne un? Monsieur Damis. - Tu me feras plaisir. Frontin. - Je cours vous le chercher, car l'heure approche. Monsieur Damis. - Va. ScÚne XIV Monsieur Damis, Frontin Monsieur Damis, un moment seul. - Je ne saurais mieux m'y prendre pour savoir de quoi il est question. Si je vois que l'amour d'Angélique aille à un certain point, il ne s'agit plus de mariage; cependant je tremble. Qu'on est malheureux d'aimer à mon ùge! Frontin revient. - Tenez, Monsieur, voilà tout votre attirail, jusqu'à un masque c'est un visage qui ne vous donnera que dix-huit ans, vous ne perdrez rien au change; ajustez-vous vite; bon! mettez-vous là et ne remuez pas; voilà les lumiÚres éteintes, bonsoir. Monsieur Damis. - Ecoute; le jeune homme va venir, et je rÃÂȘve à une chose; quand Lisette et Angélique seront entrées, dis à la mÚre, de ma part, que je la prie de se rendre ici sans bruit, cela ne te compromet point, et tu y gagneras. Frontin. - Mais vous prenez donc cette commission-là à crédit? Monsieur Damis. - Va, ne t'embarrasse point. Frontin, il tùtonne. - Soit. Je sors... J'ai de la peine à trouver mon chemin; mais j'entends quelqu'un... ScÚne XV Lisette, Eraste, Frontin, Monsieur Damis Lisette est à la porte avec Eraste pour entrer. Frontin. - Est-ce toi, Lisette? Lisette. - Oui, à qui parles-tu donc là ? Frontin. - A la nuit, qui m'empÃÂȘchait de retrouver la porte. Avec qui es-tu, toi? Lisette. - Parle bas; avec Eraste que je fais entrer dans la salle. Monsieur Damis, à part. - Eraste! Frontin. - Bon! oÃÂč est-il? Il appelle. La Ramée! Eraste. - Me voilà . Frontin, le prenant par le bras. - Tenez, Monsieur, marchez et promenez-vous du mieux que vous pourrez en attendant. Lisette. - Adieu; dans un moment je reviens avec ma maÃtresse. ScÚne XVI Eraste, Monsieur Damis, caché. Eraste. - Je ne saurais douter qu'Angélique ne m'aime; mais sa timidité m'inquiÚte, et je crains de ne pouvoir l'enhardir à dédire sa mÚre. Monsieur Damis, à part. - Est-ce que je me trompe? c'est la voix de mon fils, écoutons. Eraste. - Tùchons de ne pas faire de bruit. Il marche en tùtonnant. Monsieur Damis. - Je crois qu'il vient à moi; changeons de place. Eraste. - J'entends remuer du taffetas; est-ce vous, Angélique, est-ce vous? En disant cela, il attrape Monsieur Damis par le domino. Monsieur Damis, retenu. - Doucement!... Eraste. - Ah! c'est vous-mÃÂȘme. Monsieur Damis, à part. - C'est mon fils. Eraste. - Eh bien! Angélique, me condamnerez-vous à mourir de douleur? Vous m'avez dit tantÎt que vous m'aimiez; vos beaux yeux me l'ont confirmé par les regards les plus aimables et les plus tendres; mais de quoi me servira d'ÃÂȘtre aimé, si je vous perds? Au nom de notre amour, Angélique, puisque vous m'avez permis de me flatter du vÎtre, gardez-vous à ma tendresse, je vous en conjure par ces charmes que le ciel semble n'avoir destinés que pour moi; par cette main adorable sur qui je vous jure un amour éternel. Monsieur Damis veut retirer sa main. Ne la retirez pas, Angélique, et dédommagez Eraste du plaisir qu'il n'a point de voir vos beaux yeux, par l'assurance de n'ÃÂȘtre jamais qu'à lui; parlez, Angélique. Monsieur Damis, à part, les premiers mots. - J'entends du bruit. Taisez-vous, petit sot. Et il se retire d'Eraste. Eraste. - Juste ciel! qu'entends-je? Vous me fuyez! Ah! Lisette, n'es-tu pas là ? ScÚne XVII Angélique et Lisette qui entrent, Monsieur Damis, Eraste Lisette. - Nous voici, Monsieur. Eraste. - Je suis au désespoir, ta maÃtresse me fuit. Angélique. - Moi, Eraste? Je ne vous fuis point, me voilà . Eraste. - Eh quoi! ne venez-vous pas de me dire tout ce qu'il y a de plus cruel? Angélique. - Eh! je n'ai encore dit qu'un mot. Eraste. - Il est vrai, mais il m'a marqué le dernier mépris. Angélique. - Il faut que vous ayez mal entendu, Eraste est-ce qu'on méprise les gens qu'on aime? Lisette. - En effet, rÃÂȘvez-vous, Monsieur? Eraste. - Je n'y comprends donc rien; mais vous me rassurez, puisque vous me dites que vous m'aimez; daignez me le répéter encore. ScÚne XVIII Madame Argante, introduite par Frontin, Lisette, Eraste, Angélique, Monsieur Damis Angélique. - Vraiment, ce n'est pas là l'embarras, et je vous le répéterais avec plaisir, mais vous le savez bien assez. Madame Argante, à part. - Qu'entends-je? Angélique. - Et d'ailleurs on m'a dit qu'il fallait ÃÂȘtre plus retenue dans les discours qu'on tient à son amant. Eraste. - Quelle aimable franchise! Angélique. - Mais je vais comme le coeur me mÚne, sans y entendre plus de finesse; j'ai du plaisir à vous voir, et je vous vois, et s'il y a de ma faute à vous avouer si souvent que je vous aime, je la mets sur votre compte, et je ne veux point y avoir part. Eraste. - Que vous me charmez! Angélique. - Si ma mÚre m'avait donné plus d'expérience; si j'avais été un peu dans le monde, je vous aimerais peut-ÃÂȘtre sans vous le dire; je vous ferais languir pour le savoir; je retiendrais mon coeur, cela n'irait pas si vite, et vous m'auriez déjà dit que je suis une ingrate; mais je ne saurais la contrefaire. Mettez-vous à ma place; j'ai tant souffert de contrainte, ma mÚre m'a rendu la vie si triste! j'ai eu si peu de satisfaction, elle a tant mortifié mes sentiments! Je suis si lasse de les cacher, que, lorsque je suis contente, et que je le puis dire, je l'ai déjà dit avant que de savoir que j'ai parlé; c'est comme quelqu'un qui respire, et imaginez-vous à présent ce que c'est qu'une fille qui a toujours été gÃÂȘnée, qui est avec vous, que vous aimez, qui ne vous hait pas, qui vous aime, qui est franche, qui n'a jamais eu le plaisir de dire ce qu'elle pense, qui ne pensera jamais rien de si touchant, et voyez si je puis résister à tout cela. Eraste. - Oui, ma joie, à ce que j'entends là , va jusqu'au transport! Mais il s'agit de nos affaires j'ai le bonheur d'avoir un pÚre raisonnable, à qui je suis aussi cher qu'il me l'est à moi-mÃÂȘme, et qui, j'espÚre, entrera volontiers dans nos vues. Angélique. - Pour moi, je n'ai pas le bonheur d'avoir une mÚre qui lui ressemble; je ne l'en aime pourtant pas moins... Madame Argante, éclatant. - Ah! c'en est trop, fille indigne de ma tendresse! Angélique. - Ah! je suis perdue! Ils s'écartent tous trois. Madame Argante. - Vite, Frontin, qu'on éclaire, qu'on vienne! En disant cela, elle avance et rencontre Monsieur Damis, qu'elle saisit par le domino, et continue. Ingrate! est-ce là le fruit des soins que je me suis donné pour vous former à la vertu? Ménager des intrigues à mon insu! Vous plaindre d'une éducation qui m'occupait tout entiÚre! Eh bien, jeune extravagante, un couvent, plus austÚre que moi, me répondra des égarements de votre coeur. ScÚne XIX et derniÚre La lumiÚre arrive avec Frontin et autres domestiques avec des bougies. Monsieur Damis, démasqué, à Madame Argante, et en riant. - Vous voyez bien qu'on ne me recevrait pas au couvent. Madame Argante. - Quoi! c'est vous, Monsieur? Et puis voyant Eraste avec sa livrée. Et ce fripon-là , que fait-il ici? Monsieur Damis. - Ce fripon-là , c'est mon fils, à qui, tout bien examiné, je vous conseille de donner votre fille. Madame Argante. - Votre fils? Monsieur Damis. - Lui-mÃÂȘme. Approchez, Eraste; tout ce que j'ai entendu vient de m'ouvrir les yeux sur l'imprudence de mes desseins; conjurez Madame de vous ÃÂȘtre favorable, il ne tiendra pas à moi qu'Angélique ne soit votre épouse. Eraste, se jetant aux genoux de son pÚre. - Que je vous ai d'obligation, mon pÚre! Nous pardonnerez-vous, Madame, tout ce qui vient de se passer? Angélique, embrassant les genoux de Madame Argante. - Puis-je espérer d'obtenir grùce? Monsieur Damis. - Votre fille a tort, mais elle est vertueuse, et à votre place je croirais devoir oublier tout, et me rendre. Madame Argante. - Allons, Monsieur, je suivrai vos conseils, et me conduirai comme il vous plaira. Monsieur Damis. - Sur ce pied-là , le divertissement dont je prétendais vous amuser, servira pour mon fils. Angélique embrasse Madame Argante de joie. Divertissement Air Vous qui sans cesse à vos fillettes Tenez de sévÚres discours bis, Mamans, de l'erreur oÃÂč vous ÃÂȘtes Le dieu d'amour se rit et se rira toujours bis. Vos avis sont prudents, vos maximes sont sages; Mais malgré tant de soins, malgré tant de rigueur, Vous ne pouvez d'un jeune coeur Si bien fermer tous les passages, Qu'il n'en reste toujours quelqu'un pour le vainqueur. Vous qui sans cesse, etc. Vaudeville MÚre qui tient un jeune objet Dans une ignorance profonde, Loin du monde, Souvent se trompe en son projet. Elle croit que l'amour s'envole DÚs qu'il aperçoit un argus. Quel abus! Il faut l'envoyer à l'école. Couplet La beauté qui charme Damon Se rit des tourments qu'il endure, Il murmure; Moi, je trouve qu'elle a raison, C'est un conteur de fariboles, Qui n'ouvre point son coffre-fort. Le butor! Il faut l'envoyer à l'école. Si mes soins pouvaient t'engager, Me dit un jour le beau Sylvandre, D'un air tendre. Que ferais-tu? dis-je au berger. Il demeura comme une idole, Et ne répondit pas un mot. Le grand sot! Il faut l'envoyer à l'école. Claudine un jour dit à Lucas J'irai ce soir à la prairie, Je vous prie De ne point y suivre mes pas. Il le promit, et tint parole. Ah! qu'il entend peu ce que c'est! Le benÃÂȘt! Il faut l'envoyer à l'école. L'autre jour à Nicole il prit Une vapeur auprÚs de Blaise; Sur sa chaise La pauvre enfant s'évanouit. Blaise, pour secourir Nicole, Fut chercher du monde aussitÎt, Le nigaud! Il faut l'envoyer à l'école. L'amant de la jeune Philis Etant prÚs de s'éloigner d'elle, Chez la belle Il envoie un de ses amis. Vas-y, dit-il, et la console. Il se fie à son confident. L'imprudent! Il faut l'envoyer à l'école. Aminte, aux yeux de son barbon, A son grand neveu cherche noise; La matoise Veut le chasser de la maison. L'époux la flatte et la cajole, Pour faire rester son parent L'ignorant! Il faut l'envoyer à l'école. L'Heureux stratagÚme Acteurs Comédie en trois actes représentée pour la premiÚre fois par les comédiens Italiens le 6 juin 1733 Acteurs La Comtesse. La Marquise. Lisette, fille de Blaise. Dorante, amant de la Comtesse. Le Chevalier, amant de la Marquise. Blaise, paysan. Frontin, valet du Chevalier. Arlequin, valet de Dorante. Un laquais. La scÚne se passe chez la Comtesse. Acte premier ScÚne premiÚre Dorante, Blaise Dorante. - Eh bien! MaÃtre Blaise, que me veux-tu? Parle, puis-je te rendre quelque service? Oh dame! comme ce dit l'autre, ou en ÃÂȘtes bian capable. Dorante. - De quoi s'agit-il? Blaise. - Morgué! velà bian Monsieur Dorante, quand faut sarvir le monde, jarnicoton! ça ne barguine point. Que ça est agriable! le biau naturel d'homme! Dorante. - Voyons; je serai charmé de t'ÃÂȘtre utile. Blaise. - Oh! point du tout, Monsieur, c'est vous qui charmez les autres. Dorante. - Explique-toi. Blaise. - Boutez d'abord dessus. Dorante. - Non, je ne me couvre jamais. Blaise. - C'est bian fait à vous; moi, je me couvre toujours; ce n'est pas mal fait non pus. Dorante. - Parle... Blaise, riant. - Eh! eh bian! qu'est-ce? Comment vous va, Monsieur Dorante? Toujours gros et gras. J'ons vu le temps que vous étiez mince; mais, morgué! ça s'est bian amendé. Vous velà bian en char. Dorante. - Tu avais, ce me semble, quelque chose à me dire; entre en matiÚre sans compliment. Blaise. - Oh! c'est un petit bout de civilité en passant, comme ça se doit. Dorante. - C'est que j'ai affaire. Blaise. - Morgué! tant pis; les affaires baillont du souci. Dorante. - Dans un moment, il faut que je te quitte achÚve. Blaise. - Je commence. C'est que je venons par rapport à noute fille, pour l'amour de ce qu'alle va ÃÂȘtre la femme d'Arlequin voute valet. Dorante. - Je le sais. Blaise. - Dont je savons qu'ou ÃÂȘtes consentant, à cause qu'alle est femme de chambre de Madame la Comtesse qui va vous prendre itou pour son homme. Dorante. - AprÚs? Blaise. - C'est ce qui fait, ne vous déplaise, que je venons vous prier d'une grùce. Dorante. - Quelle est-elle? Blaise. - C'est que faura le troussiau de Lisette, Monsieur Dorante; faura faire une noce, et pis du dégùt pour cette noce, et pis de la marchandise pour ce dégùt, et du comptant pour cette marchandise. Partout du comptant, hors cheux nous qu'il n'y en a point. Par ainsi, si par voute moyen auprÚs de Madame la Comtesse, qui m'avancerait queuque six-vingts francs sur mon office de jardinier... Dorante. - Je t'entends, MaÃtre Blaise; mais j'aime mieux te les donner, que de les demander pour toi à la Comtesse, qui ne ferait pas aujourd'hui grand cas de ma priÚre. Tu crois que je vais l'épouser, et tu te trompes. Je pense que le chevalier Damis m'a supplanté. Adresse-toi à lui si tu n'obtiens rien, je te ferai l'argent dont tu as besoin. Blaise. - Par la morgué, ce que j'entends là me dérange de vous remarcier, tant je sis surprins et stupéfait. Un brave homme comme vous, qui a une mine de prince, qui a le coeur de m'offrir de l'argent, se voir délaissé de la propre parsonne de sa maÃtresse!... ça ne se peut pas, Monsieur, ça ne se peut pas. C'est noute enfant que la Comtesse; c'est défunte noute femme qui l'a norrie noute femme avait de la conscience; faut que sa norriture tianne d'elle. Ne craignez rin, reboutez voute esprit; n'y a ni Chevalier ni cheval à ça. Dorante. - Ce que je te dis n'est que trop vrai, MaÃtre Blaise. Blaise. - Jarniguienne! si je le croyais, je sis homme à li représenter sa faute. Une Comtesse que j'ons vue marmotte! Vous plaÃt-il que je l'exhortise? Dorante. - Eh! que lui dirais-tu, mon enfant? Blaise. - Ce que je li dirais, morgué! ce que je li dirais? Et qu'est-ce que c'est que ça, Madame, et qu'est-ce que c'est que ça! Velà ce que je li dirais, voyez-vous! car, par la sangué! j'ons barcé cette enfant-là , entendez-vous? ça me baille un grand parvilége. Dorante. - Voici Arlequin bien triste; qu'a-t-il à m'apprendre? ScÚne II Dorante, Arlequin, Blaise Arlequin. - Ouf! Dorante. - Qu'as-tu? Arlequin. - Beaucoup de chagrin pour vous, et à cause de cela, quantité de chagrin pour moi; car un bon domestique va comme son maÃtre. Dorante. - Eh bien? Blaise. - Qui est-ce qui vous fùche? Arlequin. - Il faut se préparer à l'affliction, Monsieur; selon toute apparence, elle sera considérable. Dorante. - Dis donc. Arlequin. - J'en pleure d'avance, afin de m'en consoler aprÚs. Blaise. - Morgué! ça m'attriste itou. Dorante. - Parleras-tu? Arlequin. - Hélas! je n'ai rien à dire; c'est que je devine que vous serez affligé, et je vous pronostique votre douleur. Dorante. - On a bien affaire de ton pronostic! Blaise. - A quoi sart d'ÃÂȘtre oisiau de mauvais augure? Arlequin. - C'est que j'étais tout à l'heure dans la salle, oÃÂč j'achevais... mais passons cet article. Dorante. - Je veux tout savoir. Arlequin. - Ce n'est rien... qu'une bouteille de vin qu'on avait oubliée, et que j'achevais d'y boire, quand j'ai entendu la Comtesse qui allait y entrer avec le Chevalier. Dorante, soupirant. - AprÚs? Arlequin. - Comme elle aurait pu trouver mauvais que je buvais en fraude, je me suis sauvé dans l'office avec ma bouteille d'abord, j'ai commencé par la vider pour la mettre en sûreté. Blaise. - Ça est naturel. Dorante. - Eh! laisse là ta bouteille, et me dis ce qui me regarde. Arlequin. - Je parle de cette bouteille parce qu'elle y était; je ne voulais pas l'y mettre. Blaise. - Faut la laisser là , pisqu'alle est bue. Arlequin. - La voilà donc vide; je l'ai mise à terre. Dorante. - Encore? Arlequin. - Ensuite, sans mot dire, j'ai regardé à travers la serrure... Dorante. - Et tu as vu la Comtesse avec le Chevalier dans la salle? Arlequin. - Bon! ce maudit serrurier n'a-t-il pas fait le trou de la serrure si petit, qu'on ne peut rien voir à travers? Blaise. - Morgué! tant pis. Dorante. - Tu ne peux donc pas ÃÂȘtre sûr que ce fût la Comtesse? Arlequin. - Si fait; car mes oreilles ont reconnu sa parole, et sa parole n'était pas là sans sa personne. Blaise. - Ils ne pouviont pas se dispenser d'ÃÂȘtre ensemble. Dorante. - Eh bien! que se disaient-ils? Arlequin. - Hélas! je n'ai retenu que les pensées, j'ai oublié les paroles. Dorante. - Dis-moi donc les pensées! Arlequin. - Il faudrait en savoir les mots. Mais, Monsieur, ils étaient ensemble, ils riaient de toute leur force; ce vilain Chevalier ouvrait une bouche plus large... Ah! quand on rit tant, c'est qu'on est bien gaillard! Blaise. - Eh bian! c'est signe de joie; velà tout. Arlequin. - Oui; mais cette joie-là a l'air de nous porter malheur. Quand un homme est si joyeux, c'est tant mieux pour lui, mais c'est toujours tant pis pour un autre montrant son maÃtre, et voilà justement l'autre! Dorante. - Eh! laisse-nous en repos. As-tu dit à la Marquise que j'avais besoin d'un entretien avec elle? Arlequin. - Je ne me souviens pas si je lui ai dit; mais je sais bien que je devais lui dire. ScÚne III Arlequin, Blaise, Dorante, Lisette Lisette. - Monsieur, je ne sais pas comment vous l'entendez, mais votre tranquillité m'étonne; et si vous n'y prenez garde, ma maÃtresse vous échappera. Je puis me tromper; mais j'en ai peur. Dorante. - Je le soupçonne aussi, Lisette; mais que puis-je faire pour empÃÂȘcher ce que tu me dis là ? Blaise. - Mais, morgué! ça se confirme donc, Lisette? Lisette. - Sans doute le Chevalier ne la quitte point; il l'amuse, il la cajole, il lui parle tout bas; elle sourit à la fin le coeur peut s'y mettre, s'il n'y est déjà ; et cela m'inquiÚte, Monsieur; car je vous estime; d'ailleurs, voilà un garçon qui doit m'épouser, et si vous ne devenez pas le maÃtre de la maison, cela nous dérange. Arlequin. - Il serait désagréable de faire deux ménages. Dorante. - Ce qui me désespÚre, c'est que je n'y vois point de remÚde; car la Comtesse m'évite. Blaise. - Mordi! c'est pourtant mauvais signe. Arlequin. - Et ce misérable Frontin, que te dit-il, Lisette? Lisette. - Des douceurs tant qu'il peut, que je paie de brusqueries. Blaise. - Fort bian, noute fille toujours malhonnÃÂȘte envars li, toujours rudùniÚre hoche la tÃÂȘte quand il te parle; dis-li Passe ton chemin. De la fidélité, morguienne; baille cette confusion-là à la Comtesse, n'est-ce pas, Monsieur? Dorante. - Je me meurs de douleur! Blaise. - Faut point mourir, ça gùte tout; avisons plutÎt à queuque manigance. Lisette. - Je l'aperçois qui vient, elle est seule; retirez-vous, Monsieur, laissez-moi lui parler. Je veux savoir ce qu'elle a dans l'esprit; je vous redirai notre conversation; vous reviendrez aprÚs. Dorante. - Je te laisse. Arlequin. - Ma mie, toujours rudùniÚre, hoche la tÃÂȘte quand il te parle. Lisette. - Va, sois tranquille. ScÚne IV Lisette, La Comtesse La Comtesse. - Je te cherchais, Lisette. Avec qui étais-tu là ? il me semble avoir vu sortir quelqu'un d'avec toi. Lisette. - C'est Dorante qui me quitte, Madame. La Comtesse. - C'est lui dont je voulais te parler que dit-il, Lisette? Lisette. - Mais il dit qu'il n'a pas lieu d'ÃÂȘtre content, et je crois qu'il dit assez juste qu'en pensez-vous, Madame? La Comtesse. - Il m'aime donc toujours? Lisette. - Comment? s'il vous aime! Vous savez bien qu'il n'a point changé. Est-ce que vous ne l'aimez plus? La Comtesse. - Qu'appelez-vous plus? Est-ce que je l'aimais? Dans le fond, je le distinguais, voilà tout; et distinguer un homme, ce n'est pas encore l'aimer, Lisette; cela peut y conduire, mais cela n'y est pas. Lisette. - Je vous ai pourtant entendu dire que c'était le plus aimable homme du monde. La Comtesse. - Cela se peut bien. Lisette. - Je vous ai vue l'attendre avec empressement. La Comtesse. - C'est que je suis impatiente. Lisette. - Etre fùchée quand il ne venait pas. La Comtesse. - Tout cela est vrai; nous y voilà je le distinguais, vous dis-je, et je le distingue encore; mais rien ne m'engage avec lui; et comme il te parle quelquefois, et que tu crois qu'il m'aime, je venais te dire qu'il faut que tu le disposes adroitement à se tranquilliser sur mon chapitre. Lisette. - Et le tout en faveur de Monsieur le chevalier Damis, qui n'a vaillant qu'un accent gascon qui vous amuse? Que vous avez le coeur inconstant! Avec autant de raison que vous en avez, comment pouvez-vous ÃÂȘtre infidÚle? car on dira que vous l'ÃÂȘtes. La Comtesse. - Eh bien! infidÚle soit, puisque tu veux que je le sois; crois-tu me faire peur avec ce grand mot-là ? InfidÚle! ne dirait-on pas que ce soit une grande injure? Il y a comme cela des mots dont on épouvante les esprits faibles, qu'on a mis en crédit, faute de réflexion, et qui ne sont pourtant rien. Lisette. - Ah! Madame, que dites-vous là ? Comme vous ÃÂȘtes aguerrie là -dessus! Je ne vous croyais pas si désespérée un coeur qui trahit sa foi, qui manque à sa parole! La Comtesse. - Eh bien! ce coeur qui manque à sa parole, quand il en donne mille, il fait sa charge; quand il en trahit mille, il la fait encore il va comme ses mouvements le mÚnent, et ne saurait aller autrement. Qu'est-ce que c'est que l'étalage que tu me fais là ? Bien loin que l'infidélité soit un crime, c'est que je soutiens qu'il ne faut pas un moment hésiter d'en faire une, quand on en est tentée, à moins que de vouloir tromper les gens, ce qu'il faut éviter, à quelque prix que ce soit. Lisette. - Mais, mais... de la maniÚre dont vous tournez cette affaire-là , je crois, de bonne foi, que vous avez raison. Oui, je comprends que l'infidélité est quelquefois de devoir, je ne m'en serais jamais doutée! La Comtesse. - Tu vois pourtant que cela est clair. Lisette. - Si clair, que je m'examine à présent, pour savoir si je ne serai pas moi-mÃÂȘme obligée d'en faire une. La Comtesse. - Dorante est en vérité plaisant; n'oserais-je, à cause qu'il m'aime, distraire un regard de mes yeux? N'appartiendra-t-il qu'à lui de me trouver jeune et aimable? Faut-il que j'aie cent ans pour tous les autres, que j'enterre tout ce que je vaux? que je me dévoue à la plus triste stérilité de plaisir qu'il soit possible? Lisette. - C'est apparemment ce qu'il prétend. La Comtesse. - Sans doute; avec ces Messieurs-là , voilà comment il faudrait vivre; si vous les en croyez, il n'y a plus pour vous qu'un seul homme, qui compose tout votre univers; tous les autres sont rayés, c'est autant de mort pour vous, quoique votre amour-propre n'y trouve point son compte, et qu'il les regrette quelquefois mais qu'il pùtisse; la sotte fidélité lui a fait sa part, elle lui laisse un captif pour sa gloire; qu'il s'en amuse comme il pourra, et qu'il prenne patience. Quel abus, Lisette, quel abus! Va, va, parle à Dorante, et laisse là tes scrupules. Les hommes, quand ils ont envie de nous quitter, y font-ils tant de façons? N'avons-nous pas tous les jours de belles preuves de leur constance? Ont-ils là -dessus des privilÚges que nous n'ayons pas? Tu te moques de moi; le Chevalier m'aime, il ne me déplaÃt pas je ne ferai pas la moindre violence à mon penchant. Lisette. - Allons, allons, Madame, à présent que je suis instruite, les amants délaissés n'ont qu'à chercher qui les plaigne; me voilà bien guérie de la compassion que j'avais pour eux. La Comtesse. - Ce n'est pas que je n'estime Dorante; mais souvent, ce qu'on estime ennuie. Le voici qui revient. Je me sauve de ses plaintes qui m'attendent; saisis ce moment pour m'en débarrasser. ScÚne V Dorante, La Comtesse, Lisette, Arlequin Dorante, arrÃÂȘtant la Comtesse. - Quoi! Madame, j'arrive, et vous me fuyez? La Comtesse. - Ah! c'est vous, Dorante! je ne vous fuis point, je m'en retourne. Dorante. - De grùce, donnez-moi un instant d'audience. La Comtesse. - Un instant à la lettre, au moins; car j'ai peur qu'il ne me vienne compagnie. Dorante. - On vous avertira, s'il vous en vient. Souffrez que je vous parle de mon amour. La Comtesse. - N'est-ce que cela? Je sais votre amour par coeur. Que me veut-il donc, cet amour? Dorante. - Hélas! Madame, de l'air dont vous m'écoutez, je vois bien que je vous ennuie. La Comtesse. - A vous dire vrai, votre prélude n'est pas amusant. Dorante. - Que je suis malheureux! Qu'ÃÂȘtes-vous devenue pour moi? Vous me désespérez. La Comtesse. - Dorante, quand quitterez-vous ce ton lugubre et cet air noir? Dorante. - Faut-il que je vous aime encore, aprÚs d'aussi cruelles réponses que celles que vous me faites! La Comtesse. - Cruelles réponses! Avec quel goût prononcez-vous cela! Que vous auriez été un excellent héros de roman! Votre coeur a manqué sa vocation, Dorante. Dorante. - Ingrate que vous ÃÂȘtes! La Comtesse rit. - Ce style-là ne me corrigera guÚre. Arlequin, derriÚre, gémissant. - Hi! hi! hi! La Comtesse. - Tenez, Monsieur, vos tristesses sont si contagieuses qu'elles ont gagné jusqu'à votre valet on l'entend qui soupire. Arlequin. - Je suis touché du malheur de mon maÃtre. Dorante. - J'ai besoin de tout mon respect pour ne pas éclater de colÚre. La Comtesse. - Eh! d'oÃÂč vous vient de la colÚre, Monsieur? De quoi vous plaignez-vous, s'il vous plaÃt? Est-ce de l'amour que vous avez pour moi? Je n'y saurais que faire. Ce n'est pas un crime de vous paraÃtre aimable. Est-ce de l'amour que vous voudriez que j'eusse, et que je n'ai point? Ce n'est pas ma faute, s'il ne m'est pas venu; il vous est fort permis de souhaiter que j'en aie; mais de venir me reprocher que je n'en ai point, cela n'est pas raisonnable. Les sentiments de votre coeur ne font pas la loi du mien; prenez-y garde vous traitez cela comme une dette, et ce n'en est pas une. Soupirez, Monsieur, vous ÃÂȘtes le maÃtre, je n'ai pas droit de vous en empÃÂȘcher; mais n'exigez pas que je soupire. Accoutumez-vous à penser que vos soupirs ne m'obligent point à les accompagner des miens, pas mÃÂȘme à m'en amuser je les trouvais autrefois plus supportables; mais je vous annonce que le ton qu'ils prennent aujourd'hui m'ennuie; réglez-vous là -dessus. Adieu, Monsieur. Dorante. - Encore un mot, Madame. Vous ne m'aimez donc plus? La Comtesse. - Eh! eh! plus est singulier! je ne me ressouviens pas trop de vous avoir aimé. Dorante. - Non! je vous jure, ma foi, que je ne m'en ressouviendrai de ma vie non plus. La Comtesse. - En tout cas, vous n'oublierez qu'un rÃÂȘve. Elle sort. ScÚne VI Dorante, Arlequin, Lisette Dorante arrÃÂȘte Lisette. - La perfide!... ArrÃÂȘte, Lisette. Arlequin. - En vérité, voilà un petit coeur de Comtesse bien édifiant! Dorante, à Lisette. - Tu lui as parlé de moi; je ne sais que trop ce qu'elle pense; mais, n'importe que t'a-t-elle dit en particulier? Lisette. - Je n'aurai pas le temps Madame attend compagnie, Monsieur, elle aura peut-ÃÂȘtre besoin de moi. Arlequin. - Oh! oh! comme elle répond, Monsieur! Dorante. - Lisette, m'abandonnez-vous? Arlequin. - Serais-tu, par hasard, une masque aussi? Dorante. - Parle, quelle raison allÚgue-t-elle? Lisette. - Oh! de trÚs fortes, Monsieur; il faut en convenir. La fidélité n'est bonne à rien; c'est mal fait que d'en avoir; de beaux yeux ne servent de rien, un seul homme en profite, tous les autres sont morts; il ne faut tromper personne avec cela on est enterrée, l'amour-propre n'a point sa part; c'est comme si on avait cent ans. Ce n'est pas qu'on ne vous estime; mais l'ennui s'y met il vaudrait autant ÃÂȘtre vieille, et cela vous fait tort. Dorante. - Quel étrange discours me tiens-tu là ? Arlequin. - Je n'ai jamais vu de paroles de si mauvaise mine. Dorante. - Explique-toi donc. Lisette. - Quoi! vous ne m'entendez pas? Eh bien! Monsieur, on vous distingue. Dorante. - Veux-tu dire qu'on m'aime? Lisette. - Eh! non. Cela peut y conduire, mais cela n'y est pas. Dorante. - Je n'y conçois rien. Aime-t-on le Chevalier? Lisette. - C'est un fort aimable homme. Dorante. - Et moi, Lisette? Lisette. - Vous étiez fort aimable aussi m'entendez-vous à cette heure? Dorante. - Ah! je suis outré! Arlequin. - Et de moi, suivante de mon ùme, qu'en fais-tu? Lisette. - Toi? je te distingue... Arlequin. - Et moi, je te maudis, chambriÚre du diable! ScÚne VII Arlequin, Dorante la Marquise, survenant. Arlequin. - Nous avons affaire à de jolies personnes, Monsieur, n'est-ce pas? Dorante. - J'ai le coeur saisi! Arlequin. - J'en perds la respiration! La Marquise. - Vous me paraissez bien affligé, Dorante. Dorante. - On me trahit, Madame, on m'assassine, on me plonge le poignard dans le sein! Arlequin. - On m'étouffe, Madame, on m'égorge, on me distingue! La Marquise. - C'est sans doute de la Comtesse dont il est question, Dorante? Dorante. - D'elle-mÃÂȘme, Madame. La Marquise. - Pourrais-je vous demander un moment d'entretien? Dorante. - Comme il vous plaira; j'avais mÃÂȘme envie de vous parler sur ce qui nous vient d'arriver. La Marquise. - Dites à votre valet de se tenir à l'écart, afin de nous avertir si quelqu'un vient. Dorante. - Retire-toi, et prends garde à tout ce qui approchera d'ici. Arlequin. - Que le ciel nous console! Nous voilà tous trois sur le pavé car vous y ÃÂȘtes aussi, vous, Madame. Votre Chevalier ne vaut pas mieux que notre Comtesse et notre Lisette, et nous sommes trois coeurs hors de condition. La Marquise. - Va-t'en; laisse-nous. Arlequin s'en va. ScÚne VIII La Marquise, Dorante La Marquise. - Dorante, on nous quitte donc tous deux? Dorante. - Vous le voyez, Madame. La Marquise. - N'imaginez-vous rien à faire dans cette occasion-ci? Dorante. - Non, je ne vois plus rien à tenter on nous quitte sans retour. Que nous étions mal assortis, Marquise! Eh! pourquoi n'est-ce pas vous que j'aime? La Marquise. - Eh bien! Dorante, tùchez de m'aimer. Dorante. - Hélas! je voudrais pouvoir y réussir. La Marquise. - La réponse n'est pas flatteuse, mais vous me la devez dans l'état oÃÂč vous ÃÂȘtes. Dorante. - Ah! Madame, je vous demande pardon; je ne sais ce que je dis je m'égare. La Marquise. - Ne vous fatiguez pas à l'excuser, je m'y attendais. Dorante. - Vous ÃÂȘtes aimable, sans doute, il n'est pas difficile de le voir, et j'ai regretté cent fois de n'y avoir pas fait assez d'attention; cent fois je me suis dit... La Marquise. - Plus vous continuerez vos compliments, plus vous me direz d'injures car ce ne sont pas là des douceurs, au moins. Laissons cela, vous dis-je. Dorante. - Je n'ai pourtant recours qu'à vous, Marquise. Vous avez raison, il faut que je vous aime il n'y a que ce moyen-là de punir la perfide que j'adore. La Marquise. - Non, Dorante, je sais une maniÚre de nous venger qui nous sera plus commode à tous deux. Je veux bien punir la Comtesse, mais, en la punissant, je veux vous la rendre, et je vous la rendrai. Dorante. - Quoi! la Comtesse reviendrait à moi? La Marquise. - Oui, plus tendre que jamais. Dorante. - Serait-il possible? La Marquise. - Et sans qu'il vous en coûte la peine de m'aimer. Dorante. - Comme il vous plaira. La Marquise. - Attendez pourtant; je vous dispense d'amour pour moi, mais c'est à condition d'en feindre. Dorante. - Oh! de tout mon coeur, je tiendrai toutes les conditions que vous voudrez. La Marquise. - Vous aimait-elle beaucoup? Dorante. - Il me le paraissait. La Marquise. - Etait-elle persuadée que vous l'aimiez de mÃÂȘme? Dorante. - Je vous dis que je l'adore, et qu'elle le sait. La Marquise. - Tant mieux qu'elle en soit sûre. Dorante. - Mais du Chevalier, qui vous a quittée et qui l'aime, qu'en ferons-nous? Lui laisserons-nous le temps d'ÃÂȘtre aimé de la Comtesse? La Marquise. - Si la Comtesse croit l'aimer, elle se trompe elle n'a voulu que me l'enlever. Si elle croit ne vous plus aimer, elle se trompe encore; il n'y a que sa coquetterie qui vous néglige. Dorante. - Cela se pourrait bien. La Marquise. - Je connais mon sexe; laissez-moi faire. Voici comment il faut s'y prendre... Mais on vient; remettons à concerter ce que j'imagine. ScÚne IX Arlequin, Dorante, La Marquise Arlequin, en arrivant. - Ah! que je souffre! Dorante. - Quoi! ne viens-tu nous interrompre que pour soupirer? Tu n'as guÚre de coeur. Arlequin. - Voilà tout ce que j'en ai mais il y a là -bas un coquin qui demande à parler à Madame; voulez-vous qu'il entre, ou que je le batte? La Marquise. - Qui est-il donc? Arlequin. - Un maraud qui m'a soufflé ma maÃtresse, et qui s'appelle Frontin. La Marquise. - Le valet du Chevalier? Qu'il vienne; j'ai à lui parler. Arlequin. - La vilaine connaissance que vous avez là , Madame! Il s'en va. ScÚne X La Marquise, Dorante La Marquise, à Dorante. - C'est un garçon adroit et fin, tout valet qu'il est, et dont j'ai fait mon espion auprÚs de son maÃtre et de la Comtesse voyons ce qu'il nous dira; car il est bon d'ÃÂȘtre extrÃÂȘmement sûr qu'ils s'aiment. Mais si vous ne vous sentez pas le courage d'écouter d'un air différent ce qu'il pourra nous dire, allez-vous-en. Dorante. - Oh! je suis outré mais ne craignez rien. ScÚne XI La Marquise, Dorante, Arlequin, Frontin Arlequin, faisant entrer Frontin. - Viens, maÃtre fripon; entre. Frontin. - Je te ferai ma réponse en sortant. Arlequin, en s'en allant. - Je t'en prépare une qui ne me coûtera pas une syllabe. La Marquise. - Approche, Frontin, approche. ScÚne XII La Marquise, Frontin, Dorante La Marquise. - Eh bien! qu'as-tu à me dire? Frontin. - Mais, Madame, puis-je parler devant Monsieur? La Marquise. - En toute sûreté. Dorante. - De quoi donc est-il question? La Marquise. - De la Comtesse et du Chevalier. Restez, cela vous amusera. Dorante. - Volontiers. Frontin. - Cela pourra mÃÂȘme occuper Monsieur. Dorante. - Voyons. Frontin. - DÚs que je vous eus promis, Madame, d'observer ce qui se passerait entre mon maÃtre et la Comtesse, je me mis en embuscade... La Marquise. - AbrÚge le plus que tu pourras. Frontin. - Excusez, Madame, je ne finis point quand j'abrÚge. La Marquise. - Le Chevalier m'aime-t-il encore? Frontin. - Il n'en reste pas vestige, il ne sait pas qui vous ÃÂȘtes. La Marquise. - Et sans doute il aime la Comtesse? Frontin. - Bon, l'aimer! belle égratignure! C'est traiter un incendie d'étincelle. Son coeur est brûlant, Madame; il est perdu d'amour. Dorante, d'un air riant. - Et la Comtesse ne le hait pas apparemment? Frontin. - Non, non, la vérité est à plus de mille lieues de ce que vous dites. Dorante. - J'entends qu'elle répond à son amour. Frontin. - Bagatelle! Elle n'y répond plus toutes ses réponses sont faites, ou plutÎt dans cette affaire-ci, il n'y a eu ni demande ni réponse, on ne s'en est pas donné le temps. Figurez-vous deux coeurs qui partent ensemble; il n'y eut jamais de vitesse égale on ne sait à qui appartient le premier soupir, il y a apparence que ce fut un duo. Dorante, riant. - Ah! ah! ah... A part. Je me meurs! La Marquise, à part. - Prenez garde... Mais as-tu quelque preuve de ce que tu dis là ? Frontin. - J'ai de sûrs témoins de ce que j'avance, mes yeux et mes oreilles... Hier, la Comtesse... Dorante. - Mais cela suffit; ils s'aiment, voilà son histoire finie. Que peut-il dire de plus? La Marquise. - AchÚve. Frontin. - Hier, la Comtesse et mon maÃtre s'en allaient au jardin. Je les suis de loin; ils entrÚrent dans le bois, j'y entre aussi; ils tournent dans une allée, moi dans le taillis; ils se parlent, je n'entends que des voix confuses; je me coule, je me glisse, et de bosquet en bosquet, j'arrive à les entendre et mÃÂȘme à les voir à travers le feuillage... La bellé chose! la bellé chose! s'écriait le Chevalier, qui d'une main tenait un portrait et de l'autre la main de la Comtesse. La bellé chose! Car, comme il est Gascon, je le deviens en ce moment, tout Manceau que je suis; parce qu'on peut tout, quand on est exact, et qu'on sert avec zÚle. La Marquise. - Fort bien. Dorante, à part. - Fort mal. Frontin. - Or, ce portrait, Madame, dont je ne voyais que le menton avec un bout d'oreille, était celui de la Comtesse. Oui, disait-elle, on dit qu'il me ressemble assez. Autant qu'il sé peut, disait mon maÃtre, autant qu'il sé peut, à millé charmés prÚs qué j'adore en vous, qué lé peintre né peut qué remarquer, qui font lé désespoir dé son art, et qui né rélÚvent qué du pinceau dé la nature. Allons, allons, vous me flattez, disait la Comtesse, en le regardant d'un oeil étincelant d'amour-propre; vous me flattez. Eh! non, Madame, ou qué la pesté m'étouffe! Jé vous dégrade moi-mÃÂȘme, en parlant dé vos charmés sandis! aucune expression n'y peut atteindre; vous n'ÃÂȘtes fidélément rendue qué dans mon coeur. N'y sommes-nous pas toutes deux, la Marquise et moi? répliquait la Comtesse. La Marquise et vous! s'écriait-il; eh! cadédis, oÃÂč sé rangerait-elle? Vous m'en occuperiez mille dé coeurs, si jé les avais; mon amour ne sait oÃÂč sé mettre, tant il surabonde dans mes paroles, dans mes sentiments, dans ma pensée; il sé répand partout, mon ùme en régorge. Et tout en parlant ainsi, tantÎt il baisait la main qu'il tenait, et tantÎt le portrait. Quand la Comtesse retirait la main, il se jetait sur la peinture; quand elle redemandait la peinture, il reprenait la main lequel mouvement, comme vous voyez, faisait cela et cela, ce qui était tout à fait plaisant à voir. Dorante. - Quel récit, Marquise! La Marquise fait signe à Dorante de se taire. Frontin. - Eh! ne parlez-vous pas, Monsieur? Dorante. - Non, je dis à Madame que je trouve cela comique. Frontin. - Je le souhaite. Là -dessus Rendez-moi mon portrait, rendez donc... Mais, Comtesse... Mais, Chevalier... Mais, Madamé, si jé rends la copie, qué l'original mé dédommagé... Oh! pour cela, non... Oh! pour céla, si. - Le Chevalier tombe à genoux Madame, au nom dé vos grùcés innombrables, nantissez-moi dé la ressemblance, en attendant la personne; accordez cé rafraÃchissement à mon ardeur... Mais, Chevalier, donner son portrait, c'est donner son coeur... Eh! donc, Madamé, j'endurérai bien dé les avoir tous deux... Mais... Il n'y a point dé mais; ma vie est à vous, lé portrait à moi; qué chacun gardé sa part... Eh bien! c'est donc vous qui le gardez; ce n'est pas moi qui le donne, au moins... Tope! sandis! jé m'en fais responsable, c'est moi qui lé prends; vous né faites qué m'accorder dé lé prendre... Quel abus de ma bonté! Ah! c'est la Comtesse qui fait un soupir... Ah! félicité dé mon ùme! c'est le Chevalier qui repart un second. Dorante. - Ah!... Frontin. - Et c'est Monsieur qui fournit le troisiÚme. Dorante. - Oui. C'est que ces deux soupirs-là sont plaisants, et je les contrefais; contrefaites aussi, Marquise. La Marquise. - Oh! je n'y entends rien, moi; mais je me les imagine. Elle rit. Ah! ah! ah! Frontin. - Ce matin dans la galerie... Dorante, à la Marquise. - Faites-le finir; je n'y tiendrais pas. La Marquise. - En voilà assez, Frontin. Frontin. - Les fragments qui me restent sont d'un goût choisi. La Marquise. - N'importe, je suis assez instruite. Frontin. - Les gages de la commission courent-ils toujours, Madame? La Marquise. - Ce n'est pas la peine. Frontin. - Et Monsieur voudrait-il m'établir son pensionnaire? Dorante. - Non. Frontin. - Ce non-là , si je m'y connais, me casse sans réplique, et je n'ai plus qu'une révérence à faire. Il sort. ScÚne XIII La Marquise, Dorante La Marquise. - Nous ne pouvons plus douter de leur secrÚte intelligence; mais si vous jouez toujours votre personnage aussi mal, nous ne tenons rien. Dorante. - J'avoue que ses récits m'ont fait souffrir; mais je me soutiendrai mieux dans la suite. Ah! l'ingrate! jamais elle ne me donna son portrait. ScÚne XIV Arlequin, La Marquise, Dorante Arlequin. - Monsieur, voilà votre fripon qui arrive. Dorante. - Qui? Arlequin. - Un de nos deux larrons, le maÃtre du mien. Dorante. - Retire-toi. Il sort. ScÚne XV La Marquise, Dorante La Marquise. - Et moi, je vous laisse. Nous n'avons pas eu le temps de digérer notre idée; mais en attendant, souvenez-vous que vous m'aimez, qu'il faut qu'on le croie, que voici votre rival, et qu'il s'agit de lui paraÃtre indifférent. Je n'ai pas le temps de vous en dire davantage. Dorante. - Fiez-vous à moi, je jouerai bien mon rÎle. ScÚne XVI Dorante, Le Chevalier Le Chevalier. - Jé té rencontre à propos; jé voulais té parler, Dorante. Dorante. - Volontiers, Chevalier; mais fais vite; voici l'heure de la poste, et j'ai un paquet à faire partir. Le Chevalier. - Jé finis dans un clin d'oeil. Jé suis ton ami, et jé viens té prier dé mé réléver d'un scrupule. Dorante. - Toi? Le Chevalier. - Oui; délivre-moi d'uné chicané qué mé fait mon honneur a-t-il tort ou raison? Voici lé cas. On dit qué tu aimes la Comtessé; moi, jé n'en crois rien, et c'est entré lé oui et lé non qué gÃt lé petit cas dé conscience qué jé t'apporte. Dorante. - Je t'entends, Chevalier tu aurais grande envie que je ne l'aimasse plus. Le Chevalier. - Tu l'as dit; ma délicatessé sé fait bésoin dé ton indifférence pour elle j'aime cetté dame. Dorante. - Est-elle prévenue en ta faveur? Le Chevalier. - Dé faveur, jé m'en passe; ellé mé rend justicé. Dorante. - C'est-à -dire que tu lui plais. Le Chevalier. - DÚs qué jé l'aime, tout est dit; épargne ma modestie. Dorante. - Ce n'est pas ta modestie que j'interroge, car elle est gasconne. Parlons simplement t'aime-t-elle? Le Chevalier. - Eh! oui, té dis-je, ses yeux ont déjà là -dessus entamé la matiÚre; ils mé sollicitent lé coeur, ils démandent réponsé mettrai-je bon au bas dé la réquÃÂȘte? C'est ton agrément qué j'attends. Dorante. - Je te le donne à charge de revanche. Le Chevalier. - Avec qui la révanche? Dorante. - Avec de beaux yeux de ta connaissance qui sollicitent aussi. Le Chevalier. - Les beaux yeux qué la Marquisé porte? Dorante. - Elle-mÃÂȘme. Le Chevalier. - Et l'intérÃÂȘt qué tu mé soupçonnes d'y prendre té gÃÂȘne, té rétient? Dorante. - Sans doute. Le Chevalier. - Va, jé t'émancipé. Dorante. - Je t'avertis que je l'épouserai, au moins. Le Chevalier. - Jé t'informe qué nous férons assaut dé noces. Dorante. - Tu épouseras la Comtesse? Le Chevalier. - L'espérance dé ma postérité s'y fonde. Dorante. - Et bientÎt? Le Chevalier. - Démain, peut-ÃÂȘtre, notre célibat expire. Dorante, embarrassé. - Adieu; j'en suis fort ravi. Le Chevalier, lui tendant la main. - Touche là ; té suis-je cher? Dorante. - Ah! oui... Le Chevalier. - Tu mé l'es sans mésure, jé mé donne à toi pour un siÚcle; céla passé, nous rénouvellérons dé bail. Serviteur. Dorante. - Oui, oui; demain. Le Chevalier. - Qu'appelles-tu démain? Moi, jé suis ton serviteur du temps passé, du présent et dé l'avénir; toi dé mÃÂȘme apparemment? Dorante. - Apparemment. Adieu. Il s'en va. ScÚne XVII Le Chevalier, Frontin Frontin. - J'attendais qu'il fût sorti pour venir, Monsieur. Le Chevalier. - Qué démandes-tu? j'ai hùte dé réjoindre ma Comtesse. Frontin. - Attendez malepeste! ceci est sérieux; j'ai parlé à la Marquise, je lui a fait mon rapport. Le Chevalier. - Eh bien! tu lui as confié qué j'aimé la Comtesse, et qu'ellé m'aime; qu'en dit-ellé? achÚve vite. Frontin. - Ce qu'elle en dit? que c'est fort bien fait à vous. Le Chevalier. - Jé continuerai dé bien faire. Adieu. Frontin. - Morbleu! Monsieur, vous n'y songez pas; il faut revoir la Marquise, entretenir son amour, sans quoi vous ÃÂȘtes un homme mort, enterré, anéanti dans sa mémoire. Le Chevalier, riant. - Eh! eh! eh! Frontin. - Vous en riez! Je ne trouve pas cela plaisant, moi. Le Chevalier. - Qué mé fait cé néant? Jé meurs dans une mémoire, jé ressuscite dans une autre; n'ai-je pas la mémoire dé la Comtesse oÃÂč jé révis? Frontin. - Oui, mais j'ai peur que dans cette derniÚre, vous n'y mouriez un beau matin de mort subite. Dorante y est mort de mÃÂȘme, d'un coup de caprice. Le Chevalier. - Non; lé caprice qui lé tue, lé voilà ; c'est moi qui l'expédie, j'en ai bien expédié d'autres, Frontin né t'inquiÚte pas; la Comtesse m'a reçu dans son coeur, il faudra qu'ellé m'y garde. Frontin. - Ce coeur-là , je crois que l'amour y campe quelquefois, mais qu'il n'y loge jamais. Le Chevalier. - C'est un amour dé ma façon, sandis! il né finira qu'avec elle; espÚre mieux dé la fortune dé ton maÃtre; connais-moi bien, tu n'auras plus dé défiance. Frontin. - J'ai déjà usé de cette recette-là ; elle ne m'a rien fait. Mais voici Lisette; vous devriez me procurer la faveur de sa maÃtresse auprÚs d'elle. ScÚne XVIII Lisette; Frontin, Le Chevalier Lisette. - Monsieur, Madame vous demande. Le Chevalier. - J'y cours, Lisette mais remets cé faquin dans son bon sens, jé té prie; tu mé l'as privé dé cervelle; il m'entretient qu'il t'aime. Lisette. - Que ne me prend-il pour sa confidente? Frontin. - Eh bien! ma charmante, je vous aime vous voilà aussi savante que moi. Lisette. - Eh bien! mon garçon, courage, vous n'y perdez rien; vous voilà plus savant que vous n'étiez. Je vais dire à ma maÃtresse que vous venez, Monsieur. Adieu, Frontin. Frontin. - Adieu, ma charmante. ScÚne XIX Le Chevalier, Frontin Frontin. - Allons, Monsieur, ma foi! vous avez raison, votre aventure a bonne mine la Comtesse vous aime; vous ÃÂȘtes Gascon, moi Manceau, voilà de grands titres de fortune. Le Chevalier. - Jé té garantis la tienne. Frontin. - Si j'avais le choix des cautions, je vous dispenserais d'ÃÂȘtre la mienne. Acte II ScÚne premiÚre Dorante, Arlequin Dorante. - Viens, j'ai à te dire un mot. Arlequin. - Une douzaine, si vous voulez. Dorante. - Arlequin, je te vois à tout moment chercher Lisette, et courir aprÚs elle. Arlequin. - Eh pardi! si je veux l'attraper, il faut bien que je coure aprÚs, car elle me fuit. Dorante. - Dis-moi préfÚres-tu mon service à celui d'un autre? Arlequin. - Assurément; il n'y a que le mien qui ait la préférence, comme de raison d'abord moi, ensuite vous; voilà comme cela est arrangé dans mon esprit; et puis le reste du monde va comme il peut. Dorante. - Si tu me préfÚres à un autre, il s'agit de prendre ton parti sur le chapitre de Lisette. Arlequin. - Mais, Monsieur, ce chapitre-là ne vous regarde pas c'est de l'amour que j'ai pour elle, et vous n'avez que faire d'amour, vous n'en voulez point. Dorante. - Non, mais je te défends d'en parler jamais à Lisette, je veux mÃÂȘme que tu l'évites; je veux que tu la quittes, que tu rompes avec elle. Arlequin. - Pardi! Monsieur, vous avez là des volontés qui ne ressemblent guÚre aux miennes pourquoi ne nous accordons-nous pas aujourd'hui comme hier? Dorante. - C'est que les choses ont changé; c'est que la Comtesse pourrait me soupçonner d'ÃÂȘtre curieux de ses démarches, et de me servir de toi auprÚs de Lisette pour les savoir ainsi, laisse-la en repos; je te récompenserai du sacrifice que tu me feras. Arlequin. - Monsieur, le sacrifice me tuera, avant que les récompenses viennent. Dorante. - Oh! point de réplique Marton, qui est à la Marquise, vaut bien ta Lisette; on te la donnera. Arlequin. - Quand on me donnerait la Marquise par-dessus le marché, on me volerait encore. Dorante. - Il faut opter pourtant. Lequel aimes-tu mieux, de ton congé, ou de Marton? Arlequin. - Je ne saurais le dire; je ne les connais ni l'un ni l'autre. Dorante. - Ton congé, tu le connaÃtras dÚs aujourd'hui, si tu ne suis pas mes ordres; ce n'est mÃÂȘme qu'en les suivant que tu serais regretté de Lisette. Arlequin. - Elle me regrettera! Eh! Monsieur, que ne parlez-vous? Dorante. - Retire-toi; j'aperçois la Marquise. Arlequin. - J'obéis, à condition qu'on me regrettera, au moins. Dorante. - A propos, garde le secret sur la défense que je te fais de voir Lisette comme c'était de mon consentement que tu l'épousais, ce serait avoir un procédé trop choquant pour la Comtesse, que de paraÃtre m'y opposer; je te permets seulement de dire que tu aimes mieux Marton, que la Marquise te destine. Arlequin. - Ne craignez rien, il n'y aura là -dedans que la Marquise et moi de malhonnÃÂȘtes c'est elle qui me fait présent de Marton, c'est moi qui la prends; c'est vous qui nous laissez faire. Dorante. - Fort bien; va-t-en. Arlequin, revient. - Mais on me regrettera. Il sort. ScÚne II La Marquise, Dorante La Marquise. - Avez-vous instruit votre valet, Dorante? Dorante. - Oui, Madame. La Marquise. - Cela pourra n'ÃÂȘtre pas inutile; ce petit article-là touchera la Comtesse, si elle l'apprend. Dorante. - Ma foi, Madame, je commence à croire que nous réussirons; je la vois déjà trÚs étonnée de ma façon d'agir avec elle elle qui s'attend à des reproches, je l'ai vue prÃÂȘte à me demander pourquoi je ne lui en faisais pas. La Marquise. - Je vous dis que, si vous tenez bon, vous la verrez pleurer de douleur. Dorante. - Je l'attends aux larmes ÃÂȘtes-vous contente? La Marquise. - Je ne réponds de rien, si vous n'allez jusque-là . Dorante. - Et votre Chevalier, comment en agit-il? La Marquise. - Ne m'en parlez point; tùchons de le perdre, et qu'il devienne ce qu'il voudra mais j'ai chargé un des gens de la Comtesse de savoir si je pouvais la voir, et je crois qu'on vient me rendre réponse. A un laquais qui paraÃt. Eh bien! parlerai-je à ta maÃtresse? Le Laquais. - Oui, Madame, la voilà qui arrive. La Marquise, à Dorante. - Quittez-moi il ne faut pas dans ce moment-ci qu'elle nous voie ensemble, cela paraÃtrait affecté. Dorante. - Et moi, j'ai un petit dessein, quand vous l'aurez quittée. La Marquise. - N'allez rien gùter. Dorante. - Fiez-vous à moi. Il s'en va. ScÚne III La Marquise, La Comtesse La Comtesse. - Je viens vous trouver moi-mÃÂȘme, Marquise comme vous me demandez un entretien particulier, il s'agit apparemment de quelque chose de conséquence. La Marquise. - Je n'ai pourtant qu'une question à vous faire, et comme vous ÃÂȘtes naturellement vraie, que vous ÃÂȘtes la franchise, la sincérité mÃÂȘme, nous aurons bientÎt terminé. La Comtesse. - Je vous entends vous ne me croyez pas trop sincÚre; mais votre éloge m'exhorte à l'ÃÂȘtre, n'est-ce pas? La Marquise. - A cela prÚs, le serez-vous? La Comtesse. - Pour commencer à l'ÃÂȘtre, je vous dirai que je n'en sais rien. La Marquise. - Si je vous demandais Le Chevalier vous aime-t-il? me diriez-vous ce qui en est? La Comtesse. - Non, Marquise, je ne veux pas me brouiller avec vous, et vous me haïriez si je vous disais la vérité. La Marquise. - Je vous donne ma parole que non. La Comtesse. - Vous ne pourriez pas me la tenir, je vous en dispenserais moi-mÃÂȘme il y a des mouvements qui sont plus forts que nous. La Marquise. - Mais pourquoi vous haïrais-je? La Comtesse. - N'a-t-on pas prétendu que le Chevalier vous aimait? La Marquise. - On a eu raison de le prétendre. La Comtesse. - Nous y voilà ; et peut-ÃÂȘtre l'avez-vous pensé vous-mÃÂȘme? La Marquise. - Je l'avoue. La Comtesse. - Et aprÚs cela, j'irais vous dire qu'il m'aime! Vous ne me le conseilleriez pas. La Marquise. - N'est-ce que cela? Eh! je voudrais l'avoir perdu je souhaite de tout mon coeur qu'il vous aime. La Comtesse. - Oh! sur ce pied-là , vous n'avez donc qu'à rendre grùce au ciel; vos souhaits ne sauraient ÃÂȘtre plus exaucés qu'ils le sont. La Marquise. - Je vous certifie que j'en suis charmée. La Comtesse. - Vous me rassurez; ce n'est pas qu'il n'ait tort; vous ÃÂȘtes si aimable qu'il ne devait plus avoir des yeux pour personne mais peut-ÃÂȘtre vous était-il moins attaché qu'on ne l'a cru. La Marquise. - Non, il me l'était beaucoup; mais je l'excuse quand je serais aimable, vous l'ÃÂȘtes encore plus que moi, et vous savez l'ÃÂȘtre plus qu'une autre. La Comtesse. - Plus qu'une autre! Ah! vous n'ÃÂȘtes point si charmée, Marquise; je vous disais bien que vous me manqueriez de parole vos éloges baissent. Je m'accommode pourtant de celui-ci, j'y sens une petite pointe de dépit qui a son mérite c'est la jalousie qui me loue. La Marquise. - Moi, de la jalousie? La Comtesse. - A votre avis, un compliment qui finit par m'appeler coquette ne viendrait pas d'elle? Oh! que si, Marquise; on l'y reconnaÃt. La Marquise. - Je ne songeais pas à vous appeler coquette. La Comtesse. - Ce sont de ces choses qui se trouvent dites avant qu'on y rÃÂȘve. La Marquise. - Mais, de bonne foi, ne l'ÃÂȘtes-vous pas un peu? La Comtesse. - Oui-da; mais ce n'est pas assez qu'un peu ne vous refusez pas le plaisir de me dire que je la suis beaucoup, cela n'empÃÂȘchera pas que vous ne la soyez autant que moi. La Marquise. - Je n'en donne pas tout à fait les mÃÂȘmes preuves. La Comtesse. - C'est qu'on ne prouve que quand on réussit; le manque de succÚs met bien des coquetteries à couvert on se retire sans bruit, un peu humiliée, mais inconnue, c'est l'avantage qu'on a. La Marquise. - Je réussirai quand je voudrai, Comtesse; vous le verrez, cela n'est pas difficile; et le Chevalier ne vous serait peut-ÃÂȘtre pas resté, sans le peu de cas que j'ai fait de son coeur. La Comtesse. - Je ne chicanerai pas ce dédain-là mais quand l'amour-propre se sauve, voilà comme il parle. La Marquise. - Voulez-vous gager que cette aventure-ci n'humiliera point le mien, si je veux? La Comtesse. - Espérez-vous regagner le Chevalier? Si vous le pouvez, je vous le donne. La Marquise. - Vous l'aimez, sans doute? La Comtesse. - Pas mal; mais je vais l'aimer davantage, afin qu'il vous résiste mieux. On a besoin de toutes ses forces avec vous. La Marquise. - Oh! ne craignez rien, je vous le laisse. Adieu. La Comtesse. - Eh! pourquoi? Disputons-nous sa conquÃÂȘte, mais pardonnons à celle qui l'emportera. Je ne combats qu'à cette condition-là , afin que vous n'ayez rien à me dire. La Marquise. - Rien à vous dire! Vous comptez donc l'emporter? La Comtesse. - Ecoutez, je jouerais à plus beau jeu que vous. La Marquise. - J'avais aussi beau jeu que vous, quand vous me l'avez Îté; je pourrais donc vous l'enlever de mÃÂȘme. La Comtesse. - Tenez donc d'avoir votre revanche. La Marquise. - Non; j'ai quelque chose de mieux à faire. La Comtesse. - Oui! et peut-on vous demander ce que c'est? La Marquise. - Dorante vaut son prix, Comtesse. Adieu. Elle sort. ScÚne IV La Comtesse, seule. La Comtesse. - Dorante! Vouloir m'enlever Dorante! Cette femme-là perd la tÃÂȘte; sa jalousie l'égare; elle est à plaindre! ScÚne V Dorante, La Comtesse Dorante, arrivant vite, feignant de prendre la Comtesse pour la Marquise. - Eh bien! Marquise, m'opposerez-vous encore des scrupules?... Apercevant la Comtesse. Ah! Madame, je vous demande pardon, je me trompe; j'ai cru de loin voir tout à l'heure la Marquise ici, et dans ma préoccupation je vous ai prise pour elle. La Comtesse. - Il n'y a pas grand mal, Dorante mais quel est donc ce scrupule qu'on vous oppose? Qu'est-ce que cela signifie? Dorante. - Madame, c'est une suite de conversation que nous avons eu ensemble, et que je lui rappelais. La Comtesse. - Mais dans cette suite de conversation, sur quoi tombait ce scrupule dont vous vous plaigniez? Je veux que vous me le disiez. Dorante. - Je vous dis, Madame, que ce n'est qu'une bagatelle dont j'ai peine à me ressouvenir moi-mÃÂȘme. C'est, je pense, qu'elle avait la curiosité de savoir comment j'étais dans votre coeur. La Comtesse. - Je m'attends que vous avez eu la discrétion de ne le lui avoir pas dit, peut-ÃÂȘtre? Dorante. - Je n'ai pas le défaut d'ÃÂȘtre vain. La Comtesse. - Non, mais on a quelquefois celui d'ÃÂȘtre vrai. Et que voulait-elle faire de ce qu'elle vous demandait? Dorante. - Curiosité pure, vous dis-je... La Comtesse. - Et cette curiosité parlait de scrupule! Je n'y entends rien. Dorante. - C'est moi, qui par hasard, en croyant l'aborder, me suis servi de ce terme-là , sans savoir pourquoi. La Comtesse. - Par hasard! Pour un homme d'esprit, vous vous tirez mal d'affaire, Dorante; car il y a quelque mystÚre là -dessous. Dorante. - Je vois bien que je ne réussirais pas à vous persuader le contraire, Madame; parlons d'autre chose. A propos de curiosité, y a-t-il longtemps que vous n'avez reçu de lettres de Paris? La Marquise en attend; elle aime les nouvelles, et je suis sûr que ses amis ne les lui épargneront pas, s'il y en a. La Comtesse. - Votre embarras me fait pitié. Dorante. - Quoi! Madame, vous revenez encore à cette bagatelle-là ? La Comtesse. - Je m'imaginais pourtant avoir plus de pouvoir sur vous. Dorante. - Vous en aurez toujours beaucoup, Madame; et si celui que vous y aviez est un peu diminué, ce n'est pas ma faute. Je me sauve pourtant, dans la crainte de céder à celui qui vous reste. Il sort. La Comtesse. - Je ne reconnais point Dorante à cette sortie-là . ScÚne VI La Comtesse, rÃÂȘvant; Le Chevalier Le Chevalier. - Il mé paraÃt qué ma Comtesse rÃÂȘve, qu'ellé tombé dans lé récueillément. La Comtesse. - Oui, je vois la Marquise et Dorante dans une affliction qui me chagrine; nous parlions tantÎt de mariage, il faut absolument différer le nÎtre. Le Chevalier. - Différer lé nÎtre! La Comtesse. - Oui, d'une quinzaine de jours. Le Chevalier. - Cadédis, vous mé parlez dé la fin du siÚcle! En vertu dé quoi la rémise? La Comtesse. - Vous n'avez pas remarqué leurs mouvements comme moi? Le Chevalier. - Qu'ai-jé bésoin dé rémarque? La Comtesse. - Je vous dis que ces gens-là sont outrés; voulez-vous les pousser à bout? Nous ne sommes pas si pressés. Le Chevalier. - Si pressé qué j'en meurs, sandis! Si lé cas réquiert uné victime, pourquoi mé donner la préférence? La Comtesse. - Je ne saurais me résoudre à les désespérer, Chevalier. Faisons-nous justice; notre commerce a un peu l'air d'une infidélité, au moins. Ces gens-là ont pu se flatter que nous les aimions, il faut les ménager; je n'aime à faire de mal à personne ni vous non plus, apparemment? Vous n'avez pas le coeur dur, je pense? Ce sont vos amis comme les miens accoutumons-les du moins à se douter de notre mariage. Le Chevalier. - Mais, pour les accoutumer, il faut qué jé vive; et jé vous défie dé mé garder vivant, vous né mé conduirez pas au terme. Tùchons dé les accoutumer à moins dé frais la modé dé mourir pour la consolation dé ses amis n'est pas venue, et dé plus, qué nous importe qué ces deux affligés nous disent Partez? Savez-vous qu'on dit qu'ils s'arrangent? La Comtesse. - S'arranger! De quel arrangement parlez-vous? Le Chevalier. - J'entends que leurs coeurs s'accommodent. La Comtesse. - Vous avez quelquefois des tournures si gasconnes, que je n'y comprends rien. Voulez-vous dire qu'ils s'aiment? Exprimez-vous comme un autre. Le Chevalier, baissant de ton. - On né parle pas tout à fait d'amour, mais d'uné pétite douceur à sé voir. La Comtesse. - D'une douceur à se voir! Quelle chimÚre! OÃÂč a-t-on pris cette idée-là ? Eh bien! Monsieur, si vous me prouvez que ces gens-là s'aiment, qu'ils sentent de la douceur à se voir; si vous me le prouvez, je vous épouse demain, je vous épouse ce soir. Voyez l'intérÃÂȘt que je vous donne à la preuve. Le Chevalier. - Dé leur amour jé né m'en rends pas caution. La Comtesse. - Je le crois. Prouvez-moi seulement qu'ils se consolent; je ne demande que cela. Le Chevalier. - En cé cas, irez-vous en avant? La Comtesse. - Oui, si j'étais sûre qu'ils sont tranquilles mais qui nous le dira? Le Chevalier. - Jé vous tiens, et jé vous informe qué la Marquise a donné charge à Frontin dé nous examiner, dé lui apporter un état dé nos coeurs; et j'avais oublié dé vous lé dire. La Comtesse. - Voilà d'abord une commission qui ne vous donne pas gain de cause s'ils nous oubliaient, ils ne s'embarrasseraient guÚre de nous. Le Chevalier. - Frontin aura peut-ÃÂȘtre déjà parlé; jé né l'ai pas vu dépuis. Qué son rapport nous rÚgle. La Comtesse. - Je le veux bien. ScÚne VII Le Chevalier, Frontin, la Comtesse Le Chevalier. - Arrive, Frontin, as-tu vu la Marquise? Frontin. - Oui, Monsieur, et mÃÂȘme avec Dorante; il n'y a pas longtemps que je les quitte. Le Chevalier. - Raconte-nous comment ils sé comportent. Par bonté d'ùme, Madame a peur dé les désespérer moi jé dis qu'ils sé consolent. Qu'en est-il des deux? Rien qué cette bonté né l'arrÃÂȘte, té dis-je; tu m'entends bien? Frontin. - A merveille. Madame peut vous épouser en toute sûreté de désespoir, je n'en vois pas l'ombre. Le Chevalier. - Jé vous gagne dé marché fait cé soir vous ÃÂȘtes mienne. La Comtesse. - Hum! votre gain est peu sûr Frontin n'a pas l'air d'avoir bien observé. Frontin. - Vous m'excuserez, Madame, le désespoir est connaissable. Si c'étaient de ces petits mouvements minces et fluets, qui se dérobent, on peut s'y tromper; mais le désespoir est un objet, c'est un mouvement qui tient de la place. Les désespérés s'agitent, se trémoussent, ils font du bruit, ils gesticulent; et il n'y a rien de tout cela. Le Il vous dit vrai. J'ai tantÎt rencontré Dorante, jé lui ai dit J'aime la Comtessé, j'ai passion pour elle. Eh bien! garde-la, m'a-t-il dit tranquillement. La Comtesse. - Eh! vous ÃÂȘtes son rival, Monsieur; voulez-vous qu'il aille vous faire confidence de sa douleur? Le Chevalier. - Jé vous assure qu'il était riant, et qué la paix régnait dans son coeur. La La paix dans le coeur d'un homme qui m'aimait de la passion la plus vive qui fut jamais! Le Chevalier. - Otez la mienne. La Comtesse. - A la bonne heure. Je lui crois pourtant l'ùme plus tendre que vous, soit dit en passant. Ce n'est pas votre faute chacun aime autant qu'il peut, et personne n'aime autant que lui. Voilà pourquoi je le plains. Mais sur quoi Frontin décide-t-il qu'il est tranquille? Voyons; n'est-il pas vrai que tu es aux gages de la Marquise, et peut-ÃÂȘtre à ceux de Dorante, pour nous observer tous deux? Paie-t-on des espions pour ÃÂȘtre instruit de choses dont on ne se soucie point? Frontin. - Oui; mais je suis mal payé de la Marquise, elle est en arriÚre. La Comtesse. - Et parce qu'elle n'est pas libérale, elle est indifférente? Quel raisonnement! Frontin. - Et Dorante m'a révoqué, il me doit mes appointements. La Comtesse. - Laisse là tes appointements. Qu'as-tu vu? Que sais-tu? Le Chevalier, bas à Frontin. - Mitigé ton récit. Frontin. - Eh bien! Frontin, m'ont-ils dit tantÎt en parlant de vous deux, s'aiment-ils un peu? Oh! beaucoup, Monsieur; extrÃÂȘmement, Madame, extrÃÂȘmement, ai-je dit en tranchant. La Comtesse. - Eh bien?... Frontin. - Rien ne remue; la Marquise bùille en m'écoutant, Dorante ouvre nonchalamment sa tabatiÚre, c'est tout ce que j'en tire. La Comtesse. - Va, va, mon enfant, laisse-nous, tu es un maladroit. Votre valet n'est qu'un sot, ses observations sont pitoyables, il n'a vu que la superficie des choses cela ne se peut pas. Frontin. - Morbleu! Madame, je m'y ferais hacher. En voulez-vous davantage? Sachez qu'ils s'aiment, et qu'ils m'ont dit eux-mÃÂȘmes de vous l'apprendre. La Comtesse, riant. - Eux-mÃÂȘmes! Eh! que n'as-tu commencé par nous dire cela, ignorant que tu es? Vous voyez bien ce qui en est, Chevalier; ils se consolent tant, qu'ils veulent nous rendre jaloux; et ils s'y prennent avec une maladresse bien digne du dépit qui les gouverne. Ne vous l'avais-je pas dit? Le Chevalier. - La passion sé montre, j'en conviens. La Comtesse. - GrossiÚrement mÃÂȘme. Frontin. - Ah! par ma foi, j'y suis c'est qu'ils ont envie de vous mettre en peine. Je ne m'étonne pas si Dorante, en regardant sa montre, ne la regardait pas fixement, et faisait une demi-grimace. La Comtesse. - C'est que la paix ne régnait pas dans son coeur. Le Chevalier. - Cette grimace est importante. Frontin. - Item, c'est qu'en ouvrant sa tabatiÚre, il n'a pris son tabac qu'avec deux doigts tremblants. Il est vrai aussi que sa bouche a ri, mais de mauvaise grùce; le reste du visage n'en était pas, il allait à part. La Comtesse. - C'est que le coeur ne riait pas. Le Chevalier. - Jé mé rends. Il soupire, il régardé dé travers, et ma noce récule. Pesté du faquin, qui réjetté Madamé dans uné compassion qui sera funeste à mon bonheur! La Comtesse. - Point du tout ne vous alarmez point; Dorante s'est trop mal conduit pour mériter des égards... Mais ne vois-je pas la Marquise qui vient ici? Frontin. - Elle-mÃÂȘme. La Comtesse. - Je la connais; je gagerais qu'elle vient finement, à son ordinaire, m'insinuer qu'ils s'aiment, Dorante et elle. Ecoutons. ScÚne VIII La Comtesse, la Marquise, Frontin, le Chevalier La Marquise. - Pardon, Comtesse, si j'interromps un entretien sans doute intéressant; mais je ne fais que passer. Il m'est revenu que vous retardiez votre mariage avec le Chevalier, par ménagement pour moi. Je vous suis obligée de l'attention, mais je n'en ai pas besoin. Concluez, Comtesse, plutÎt aujourd'hui que demain; c'est moi qui vous en sollicite. Adieu. La Comtesse. - Attendez donc, Marquise; dites-moi s'il est vrai que vous vous aimiez, Dorante et vous, afin que je m'en réjouisse. La Marquise. - Réjouissez-vous hardiment; la nouvelle est bonne. La Comtesse, riant. - En vérité? La Marquise. - Oui, Comtesse; hùtez-vous de finir. Adieu. Elle sort. ScÚne IX Le Chevalier, la Comtesse, Frontin La Comtesse, riant. - Ah! ah! Elle se sauve la raillerie est un peu trop forte pour elle. Que la vanité fait jouer de plaisants rÎles à de certaines femmes! car celle-ci meurt de dépit. Le Chevalier. - Elle en a lé coeur palpitant, sandis! Frontin. - La grimace que Dorante faisait tantÎt, je viens de la retrouver sur sa physionomie. Au Chevalier. Mais, Monsieur, parlez un peu de Lisette pour moi. La Comtesse. - Que dit-il de Lisette? Frontin. - C'est une petite requÃÂȘte que je vous présente, et qui tend à vous prier qu'il vous plaise d'Îter Lisette à Arlequin, et d'en faire un transport à mon profit. Le Chevalier. - Voilà cé qué c'est. La Comtesse. - Et Lisette y consent-elle? Frontin. - Oh! le transport est tout à fait de son goût. La Comtesse. - Ce qu'il me dit là me fait venir une idée les petites finesses de la Marquise méritent d'ÃÂȘtre punies. Voyons si Dorante, qui l'aime tant, sera insensible à ce que je vais faire. Il doit l'ÃÂȘtre, si elle dit vrai, et je le souhaite mais voici un moyen infaillible de savoir ce qui en est. Je n'ai qu'à dire à Lisette d'épouser Frontin; elle était destinée au valet de Dorante, nous en étions convenus. Si Dorante ne se plaint point, la Marquise a raison, il m'oublie, et je n'en serai que plus à mon aise. A Frontin. Toi, va-t'en chercher Lisette et son pÚre, que je leur parle à tous deux. Frontin. - Il ne sera pas difficile de les trouver, car ils entrent. ScÚne X Blaise, Lisette, le Chevalier, la Comtesse, Frontin La Comtesse. - Approchez, Lisette; et vous aussi, maÃtre Blaise. Votre fille devait épouser Arlequin; mais si vous la mariez, et que vous soyez bien aise d'en disposer à mon gré, vous la donnerez à Frontin; entendez-vous, maÃtre Blaise? Blaise. - J'entends bian, Madame. Mais il y a, morgué! bian une autre histoire qui trotte par le monde, et qui nous chagraine. Il s'agit que je venons vous crier marci. La Comtesse. - Qu'est-ce que c'est? D'oÃÂč vient que Lisette pleure? Lisette. - Mon pÚre vous le dira, Madame. Blaise. - C'est, ne vous déplaise, Madame, qu'Arlequin est un mal-appris; mais que les pus mal-appris de tout ça, c'est Monsieur Dorante et Madame la Marquise, qui ont eu la finesse de manigancer la volonté d'Arlequin, à celle fin qu'il ne voulÃt pus d'elle; maugré qu'alle en veuille bian, comme je me doute qu'il en voudrait peut-ÃÂȘtre bian itou, si an le laissait vouloir ce qu'il veut, et qu'an n'y boutÃt pas empÃÂȘchement. La Comtesse. - Et quel empÃÂȘchement? Blaise. - Oui, Madame; par le mouyen d'une fille qu'ils appelont Marton, que Madame la Marquise a eu l'avisement d'inventer par malice, pour la promettre à Arlequin. La Comtesse. - Ceci est curieux! Blaise. - En disant, comme ça, que faut qu'ils s'épousient à Paris, a mijaurée et li, dans l'intention de porter dommage à noute enfant, qui va choir en confusion de cette malice, qui n'est rien qu'un micmac pour affronter noute bonne renommée et la vÎtre, Madame, se gobarger de nous trois; et c'est touchant ça que je venons vous demander justice. La Comtesse. - Il faudra bien tùcher de vous la faire. Chevalier, ceci change les choses il ne faut plus que Frontin y songe. Allez, Lisette, ne vous affligez pas laissez la Marquise proposer tant qu'elle voudra ses Martons; je vous en rendrai bon compte, car c'est cette femme-là , que je ménageais tant, qui m'attaque là -dedans. Dorante n'y a d'autre part que sa complaisance mais peut-ÃÂȘtre me reste-t-il encore plus de crédit sur lui qu'elle ne se l'imagine. Ne vous embarrassez pas. Lisette. - Arlequin vient de me traiter avec une indifférence insupportable; il semble qu'il ne m'ait jamais vue voyez de quoi la Marquise se mÃÂȘle! Blaise. - EmpÃÂȘcher qu'une fille ne soit la femme du monde! La Comtesse. - On y remédiera, vous dis-je. Frontin. - Oui; mais le remÚde ne me vaudra rien. Le Chevalier. - Comtesse, je vous écoute, l'oreille vous entend, l'esprit né vous saisit point; jé né vous conçois pas. Venez çà , Lisette; tirez-nous cetté bizarre aventure au clair. N'ÃÂȘtes-vous pas éprise dé Frontin? Lisette. - Non, Monsieur; je le croyais, tandis qu'Arlequin m'aimait mais je vois que je me suis trompée, depuis qu'il me refuse. Le Chevalier. - Qué répondre à cé coeur dé femme? La Comtesse. - Et moi, je trouve que ce coeur de femme a raison, et ne mérite pas votre réflexion satirique; c'est un homme qui l'aimait, et qui lui dit qu'il ne l'aime plus; cela n'est pas agréable, elle en est touchée je reconnais notre coeur au sien; ce serait le vÎtre, ce serait le mien en pareil cas. Allez, vous autres, retirez-vous, et laissez-moi faire. Blaise. - J'en avons charché querelle à Monsieur Dorante et à sa Marquise de cette affaire. La Comtesse. - Reposez-vous sur moi. Voici Dorante; je vais lui en parler tout à l'heure. ScÚne XI Dorante, la Comtesse, le Chevalier La Comtesse. - Venez, Dorante, et avant toute autre chose, parlons un peu de la Marquise. Dorante. - De tout mon coeur, Madame. La Comtesse. - Dites-moi donc de tout votre coeur de quoi elle s'avise aujourd'hui? Dorante. - Qu'a-t-elle fait? J'ai de la peine à croire qu'il y ait quelque chose à redire à ses procédés. La Comtesse. - Oh! je vais vous faciliter le moyen de croire, moi. Dorante. - Vous connaissez sa prudence... La Comtesse. - Vous ÃÂȘtes un opiniùtre louangeur! Eh bien! Monsieur, cette femme que vous louez tant, jalouse de moi parce que le Chevalier la quitte, comme si c'était ma faute, va, pour m'attaquer pourtant, chercher de petits détails qui ne sont pas en vérité dignes d'une incomparable telle que vous la faites, et ne croit pas au-dessous d'elle de détourner un valet d'aimer une suivante. Parce qu'elle sait que nous voulons les marier, et que je m'intéresse à leur mariage, elle imagine, dans sa colÚre, une Marton qu'elle jette à la traverse; et ce que j'admire le plus dans tout ceci, c'est de vous voir vous-mÃÂȘme prÃÂȘter les mains à un projet de cette espÚce! Vous-mÃÂȘme, Monsieur! Dorante. - Eh! pensez-vous que la Marquise ait cru vous offenser? qu'il me soit venu dans l'esprit, à moi, que vous vous y intéressez encore? Non, Comtesse. Arlequin se plaignait d'une infidélité que lui faisait Lisette; il perdait, disait-il, sa fortune on prend quelquefois part aux chagrins de ces gens-là ; et la Marquise, pour le dédommager, lui a, par bonté, proposé le mariage de Marton qui est à elle; il l'a acceptée, l'en a remerciée voilà tout ce que c'est. Le Chevalier. - La réponse mé persuade, jé les crois sans malice. Qué sur cé point la paix sé fasse entre les puissances, et qué les subalternes sé débattent. La Comtesse. - Laissez-nous, Monsieur le Chevalier, vous direz votre sentiment quand on vous le demandera. Dorante, qu'il ne soit plus question de cette petite intrigue-là , je vous prie; car elle me déplaÃt. Je me flatte que c'est assez vous dire. Dorante. - Attendez, Madame, appelons quelqu'un; mon valet est peut-ÃÂȘtre là ... Arlequin!... La Comtesse. - Quel est votre dessein? Dorante. - La Marquise n'est pas loin, il n'y a qu'à la prier de votre part de venir ici, vous lui en parlerez. La Comtesse. - La Marquise! Eh! qu'ai-je besoin d'elle? Est-il nécessaire que vous la consultiez là -dessus? Qu'elle approuve ou non, c'est à vous à qui je parle, à vous à qui je dis que je veux qu'il n'en soit rien, que je le veux, Dorante, sans m'embarrasser de ce qu'elle en pense. Dorante. - Oui, mais, Madame, observez qu'il faut que je m'en embarrasse, moi; je ne saurais en décider sans elle. Y aurait-il rien de plus malhonnÃÂȘte que d'obliger mon valet à refuser une grùce qu'elle lui fait et qu'il a acceptée? Je suis bien éloigné de ce procédé-là avec elle. La Comtesse. - Quoi! Monsieur, vous hésitez entre elle et moi! Songez-vous à ce que vous faites? Dorante. - C'est en y songeant que je m'arrÃÂȘte. Le Chevalier. - Eh! cadédis, laissons cé trio dé valets et dé soubrettes. La Comtesse, outrée. - C'est à moi, sur ce pied-là , à vous prier d'excuser le ton dont je l'ai pris, il ne me convenait point. Dorante. - Il m'honorera toujours, et j'y obéirais avec plaisir, si je pouvais. La Comtesse rit. - Nous n'avons plus rien à nous dire, je pense donnez-moi la main, Chevalier. Le Chevalier, lui donnant la main. - Prénez et né rendez pas, Comtesse. Dorante. - J'étais pourtant venu pour savoir une chose; voudriez-vous bien m'en instruire, Madame? La Comtesse, se retournant. - Ah! Monsieur, je ne sais rien. Dorante. - Vous savez celle-ci, Madame. Vous destinez-vous bientÎt au Chevalier? Quand aurons-nous la joie de vous voir unis ensemble? La Comtesse. - Cette joie-là , vous l'aurez peut-ÃÂȘtre ce soir, Monsieur. Le Chevalier. - Doucément, diviné Comtesse, jé tombe en délire! jé perds haleine dé ravissément! Dorante. - Parbleu! Chevalier, j'en suis charmé, et je t'en félicite. La Comtesse, à part. - Ah! l'indigne homme! Dorante, à part. - Elle rougit! La Comtesse. - Est-ce là tout, Monsieur? Dorante. - Oui, Madame. La Comtesse, au Chevalier. - Partons. ScÚne XII la Comtesse, la Marquise, le Chevalier, Dorante, Arlequin La Marquise. - Comtesse, votre jardiner m'apprend que vous ÃÂȘtes fùchée contre moi je viens vous demander pardon de la faute que j'ai faite sans le savoir; et c'est pour la réparer que je vous amÚne ce garçon-ci. Arlequin, quand je vous ai promis Marton, j'ignorais que Madame pourrait s'en choquer, et je vous annonce que vous ne devez plus y compter. Arlequin. - Eh bien! je vous donne quittance; mais on dit que Blaise est venu vous demander justice contre moi, Madame je ne refuse pas de la faire bonne et prompte; il n'y a qu'à appeler le notaire; et s'il n'y est pas, qu'on prenne son clerc, je m'en contenterai. La Comtesse, à Dorante. - Renvoyez votre valet, Monsieur; et vous, Madame, je vous invite à lui tenir parole je me charge mÃÂȘme des frais de leur noce; n'en parlons plus. Dorante, à Arlequin. - Va-t'en. Arlequin, en s'en allant. - Il n'y a donc pas moyen d'esquiver Marton! C'est vous, Monsieur le Chevalier, qui ÃÂȘtes cause de tout ce tapage-là ; vous avez mis tous nos amours sens dessus dessous. Si vous n'étiez pas ici, moi et mon maÃtre, nous aurions bravement tous deux épousé notre Comtesse et notre Lisette, et nous n'aurions pas votre Marquise et sa Marton sur les bras. Hi! hi! hi! La Marquise et le Chevalier rient. - Eh! eh! eh! La Comtesse, riant aussi. - Eh! eh! Si ses extravagances vous amusent, dites-lui qu'il approche; il parle de trop loin. La jolie scÚne! Le Chevalier. - C'est démencé d'amour. Dorante. - Retire-toi, faquin. La Marquise. - Ah çà ! Comtesse, sommes-nous bonnes amies à présent? La Comtesse. - Ah! les meilleures du monde, assurément, et vous ÃÂȘtes trop bonne. Dorante. - Marquise, je vous apprends une chose, c'est que la Comtesse et le Chevalier se marient peut-ÃÂȘtre ce soir. La Marquise. - En vérité? Le Chevalier. - Cé soir est loin encore. Dorante. - L'impatience sied fort bien mais si prÚs d'une si douce aventure, on a bien des choses à se dire. Laissons-leur ces moments-ci, et allons, de notre cÎté, songer à ce qui nous regarde. La Marquise. - Allons, Comtesse, que je vous embrasse avant de partir. Adieu, Chevalier, je vous fais mes compliments; à tantÎt. ScÚne XIII Le Chevalier, la Comtesse La Comtesse. - Vous ÃÂȘtes fort regretté, à ce que je vois, on faisait grand cas de vous. Le Chevalier. - Jé l'en dispense, surtout cé soir. La Comtesse. - Ah! c'en est trop. Le Chevalier. - Comment! Changez-vous d'avis? La Comtesse. - Un peu. Le Chevalier. - Qué pensez-vous? La Comtesse. - J'ai un dessein... il faudra que vous m'y serviez... Je vous le dirai tantÎt. Ne vous inquiétez point, je vais y rÃÂȘver. Adieu; ne me suivez pas... Elle s'en va et revient. Il est mÃÂȘme nécessaire que vous ne me voyiez pas si tÎt. Quand j'aurai besoin de vous, je vous en informerai. Le Chevalier. - Jé démeure muet jé sens qué jé périclite. Cette femme est plus femme qu'une autre. Acte III ScÚne premiÚre Le Chevalier, Lisette, Frontin Le Chevalier. - Mais dé grùce, Lisette, priez-la dé ma part que jé la voie un moment. Lisette. - Je ne saurais lui parler, Monsieur, elle repose. Le Chevalier. - Ellé répose! Ellé répose donc débout? Frontin. - Oui, car moi sors de la terrasse, je viens de l'apercevoir se promenant dans la galerie. Lisette. - Qu'importe? Chacun a sa façon de reposer. Quelle est votre méthode à vous, Monsieur? Le Chevalier. - Il mé paraÃt qué tu mé railles, Lisette. Frontin. - C'est ce qui me semble. Lisette. - Non, Monsieur; c'est une question qui vient à propos, et que je vous fais tout en devisant. Le Chevalier. - J'ai mÃÂȘme un petit soupçon qué tu né m'aimes pas. Frontin. - Je l'avais aussi, ce petit soupçon-là , mais je l'ai changé contre une grande certitude. Lisette. - Votre pénétration n'a point perdu au change. Le Chevalier. - Né lé disais-je pas? Eh! pourquoi, sandis! té veux-jé du bien, pendant qué tu mé veux du mal? D'oÃÂč mé vient ma disposition amicale, et qué ton coeur mé réfuse lé réciproque? D'oÃÂč vient qué nous différons dé sentiments? Lisette. - Je n'en sais rien; c'est qu'apparemment il faut de la variété dans la vie. Frontin. - Je crois que nous sommes aussi trÚs variés tous deux. Lisette. - Oui, si vous m'aimez encore; sinon, nous sommes uniformes. Le Chevalier. - Dis-moi lé vrai tu né mé récommandes pas à ta maÃtresse? Lisette. - Jamais qu'à son indifférence. Frontin. - Le service est touchant! Le Chevalier. - Tu mé fais donc préjudice auprÚs d'elle? Lisette. - Oh! tant que je peux mais pas autrement qu'en lui parlant contre vous; car je voudrais qu'elle ne vous aimùt pas; je vous l'avoue, je ne trompe personne. Frontin. - C'est du moins parler cordialement. Le Chevalier. - Ah çà ! Lisette, dévénons amis. Lisette. - Non; faites plutÎt comme moi, Monsieur, ne m'aimez pas. Le Chevalier. - Jé veux qué tu m'aimes, et tu m'aimeras, cadédis! tu m'aimeras; jé l'entréprends, jé mé lé promets. Lisette. - Vous ne vous tiendrez pas parole. Frontin. - Ne savez-vous pas, Monsieur, qu'il y a des haines qui ne s'en vont point qu'on ne les paie? Pour cela... Le Chevalier. - Combien mé coûtera lé départ dé la tienne? Lisette. - Rien; elle n'est pas à vendre. Le Chevalier lui présente sa bourse. - Tiens, prends, et la garde, si tu veux. Lisette. - Non, Monsieur; je vous volerais votre argent. Le Chevalier. - Prends, té dis-je, et mé dis seulement cé qué ta maÃtresse projette. Lisette. - Non; mais je vous dirai bien ce que je voudrais qu'elle projetùt, c'est tout ce que je sais. En ÃÂȘtes-vous curieux? Frontin. - Vous nous l'avez déjà dit en plus de dix façons, ma belle. Le Chevalier. - N'a-t-ellé pas quelqué dessein? Lisette. - Eh! qui est-ce qui n'en a pas? Personne n'est sans dessein; on a toujours quelque vue. Par exemple, j'ai le dessein de vous quitter, si vous n'avez pas celui de me quitter vous-mÃÂȘme. Le Chevalier. - Rétirons-nous, Frontin; jé sens qué jé m'indigne. Nous réviendrons tantÎt la recommander à sa maÃtresse. Frontin. - Adieu donc, soubrette ennemie; adieu, mon petit coeur fantasque; adieu, la plus aimable de toutes les girouettes. Lisette. - Adieu, le plus *disgracié de tous les hommes. Ils s'en vont. ScÚne II Lisette, Arlequin Arlequin. - M'amie, j'ai beau faire signe à mon maÃtre; il se moque de cela, il ne veut pas venir savoir ce que je lui demande. Lisette. - Il faut donc lui parler devant la Marquise, Arlequin. Arlequin. - Marquise malencontreuse! Hélas! ma fille, la bonté que j'ai eue de te rendre mon coeur ne nous profitera ni à l'un ni à l'autre. Il me sera inutile d'avoir oublié tes impertinences; le diable a entrepris de me faire épouser Marton; il n'en démordra pas; il me la garde. Lisette. - Retourne à ton maÃtre, et dis-lui que je l'attends ici. Arlequin. - Il ne se souciera pas de ton attente. Lisette. - Il n'y a point de temps à perdre cependant va donc. Arlequin. - Je suis tout engourdi de tristesse. Lisette. - Allons, allons, dégourdis-toi, puisque tu m'aimes. Tiens, voilà ton maÃtre et la Marquise qui s'approchent tire-le à quartier, lui, pendant que je m'éloigne. Elle sort. ScÚne III Dorante, Arlequin, la Marquise Arlequin, à Dorante. - Monsieur, venez que je vous parle. Dorante. - Dis ce que tu me veux. Arlequin. - Il ne faut pas que Madame y soit. Dorante. - Je n'ai point de secret pour elle. Arlequin. - J'en ai un qui ne veut pas qu'elle le connaisse. La Marquise. - C'est donc un grand mystÚre? Arlequin. - Oui c'est Lisette qui demande Monsieur, et il n'est pas à propos que vous le sachiez, Madame. La Marquise. - Ta discrétion est admirable! Voyez ce que c'est, Dorante; mais que je vous dise un mot auparavant. Et toi, va chercher Lisette. ScÚne IV Dorante, la Marquise La Marquise. - C'est apparemment de la part de la Comtesse? Dorante. - Sans doute, et vous voyez combien elle est agitée. La Marquise. - Et vous brûlez d'envie de vous rendre! Dorante. - Me siérait-il de faire le cruel? La Marquise. - Nous touchons au terme, et nous manquons notre coup, si vous allez si vite. Ne vous y trompez point, les mouvements qu'on se donne sont encore équivoques; il n'est pas sûr que ce soit de l'amour; j'ai peur qu'on ne soit plus jalouse de moi que de votre coeur; qu'on ne médite de triompher de vous et de moi, pour se moquer de nous deux. Toutes nos mesures sont prises; allons jusqu'au contrat, comme nous l'avons résolu; ce moment seul décidera si on vous aime. L'amour a ses expressions, l'orgueil a les siennes; l'amour soupire de ce qu'il perd, l'orgueil méprise ce qu'on lui refuse attendons le soupir ou le mépris; tenez bon jusqu'à cette épreuve, pour l'intérÃÂȘt de votre amour mÃÂȘme. Abrégez avec Lisette, et revenez me trouver. Dorante. - Ah! votre épreuve me fait trembler! Elle est pourtant raisonnable et je m'y exposerai, je vous le promets. La Marquise. - Je soutiens moi-mÃÂȘme un personnage qui n'est pas fort agréable, et qui le sera encore moins sur ces fins-ci, car il faudra que je supplée au peu de courage que vous me montrez; mais que ne fait-on pas pour se venger? Adieu. Elle sort. ScÚne V Dorante, Arlequin, Lisette Dorante. - Que me veux-tu, Lisette? Je n'ai qu'un moment à te donner. Tu vois bien que je quitte Madame la Marquise, et notre conversation pourrait ÃÂȘtre suspecte dans la conjoncture oÃÂč je me trouve. Lisette. - Hélas! Monsieur, quelle est donc cette conjoncture oÃÂč vous ÃÂȘtes avec elle? Dorante. - C'est que je vais l'épouser rien que cela. Arlequin. - Oh! Monsieur, point du tout. Lisette. - Vous, l'épouser! Arlequin. - Jamais. Dorante. - Tais-toi... Ne me retiens point, Lisette que me veux-tu? Lisette. - Eh, doucement! donnez-vous le temps de respirer. Ah! que vous ÃÂȘtes changé! Arlequin. - C'est cette perfide qui le fùche; mais ce ne sera rien. Lisette. - Vous ressouvenez-vous que j'appartiens à Madame la Comtesse, Monsieur? L'avez-vous oubliée elle-mÃÂȘme? Dorante. - Non, je l'honore, je la respecte toujours mais je pars, si tu n'achÚves. Lisette. - Eh bien! Monsieur, je finis. Qu'est-ce que c'est que les hommes! Dorante, s'en allant. - Adieu. Arlequin. - Cours aprÚs. Lisette. - Attendez donc, Monsieur. Dorante. - C'est que tes exclamations sur les hommes sont si mal placées, que j'en rougis pour ta maÃtresse. Arlequin. - Véritablement l'exclamation est effrontée avec nous; supprime-la. Lisette. - C'est pourtant de sa part que je viens vous dire qu'elle souhaite vous parler. Dorante. - Quoi! tout à l'heure? Lisette. - Oui, Monsieur. Arlequin. - Le plus tÎt c'est le mieux. Dorante. - Te tairas-tu, toi? Est-ce que tu es raccommodé avec Lisette? Arlequin. - Hélas! Monsieur, l'amour l'a voulu, et il est le maÃtre; car je ne le voulais pas, moi. Dorante. - Ce sont tes affaires. Quant à moi, Lisette, dites à Madame la Comtesse que je la conjure de vouloir bien remettre notre entretien; que j'ai, pour le différer, des raisons que je lui dirai; que je lui en demande mille pardons; mais qu'elle m'approuvera elle-mÃÂȘme. Lisette. - Monsieur, il faut qu'elle vous parle; elle le veut. Arlequin, se mettant à genoux. - Et voici moi qui vous en supplie à deux genoux. Allez, Monsieur, cette bonne dame est amendée; je suis persuadé qu'elle vous dira d'excellentes choses pour le renouvellement de votre amour. Dorante. - Je crois que tu as perdu l'esprit. En un mot, Lisette, je ne saurais, tu le vois bien; c'est une entrevue qui inquiéterait la Marquise; et Madame la Comtesse est trop raisonnable pour ne pas entrer dans ce que je dis là d'ailleurs, je suis sûr qu'elle n'a rien de fort pressé à me dire. Lisette. - Rien, sinon que je crois qu'elle vous aime toujours. Arlequin. - Et bien tendrement malgré la petite parenthÚse! Dorante. - Qu'elle m'aime toujours, Lisette! Ah! c'en serait trop, si vous parliez d'aprÚs elle; et l'envie qu'elle aurait de me voir en ce cas-là , serait en vérité trop maligne. Que Madame la Comtesse m'ait abandonné, qu'elle ait cessé de m'aimer, comme vous me l'avez dit vous-mÃÂȘme, passe je n'étais pas digne d'elle; mais qu'elle cherche de gaieté de coeur à m'engager dans une démarche qui me brouillerait peut-ÃÂȘtre avec la Marquise, ah! c'en est trop, vous dis-je; et je ne la verrai qu'avec la personne que je vais rejoindre. Il s'en va. Arlequin, le suivant. - Eh! non, Monsieur, mon cher maÃtre, tournez à droite, ne prenez pas à gauche. Venez donc je crierai toujours jusqu'à ce qu'il m'entende. ScÚne VI Lisette, un moment seule; la Comtesse Lisette. - Allons, il faut l'avouer, ma maÃtresse le mérite bien. La Comtesse. - Eh bien! Lisette, viendra-t-il? Lisette. - Non, Madame. La Comtesse. - Non! Lisette. - Non; il vous prie de l'excuser, parce qu'il dit que cet entretien fùcherait la Marquise, qu'il va épouser. La Comtesse. - Comment? Que dites-vous? Epouser la Marquise! lui? Lisette. - Oui, Madame, et il est persuadé que vous entrerez dans cette bonne raison qu'il apporte. La Comtesse. - Mais ce que tu me dis là est inouï, Lisette. Ce n'est point là Dorante! Est-ce de lui dont tu me parles? Lisette. - De lui-mÃÂȘme; mais de Dorante qui ne vous aime plus. La Comtesse. - Cela n'est pas vrai; je ne saurais m'accoutumer à cette idée-là , on ne me la persuadera pas; mon coeur et ma raison la rejettent, me disent qu'elle est fausse, absolument fausse. Lisette. - Votre coeur et votre raison se trompent. Imaginez-vous mÃÂȘme que Dorante soupçonne que vous ne voulez le voir que pour inquiéter la Marquise et le brouiller avec elle. La Comtesse. - Eh! laisse là cette Marquise éternelle! Ne m'en parle non plus que si elle n'était pas au monde! Il ne s'agit pas d'elle. En vérité, cette femme-là n'est pas faite pour m'effacer de son coeur, et je ne m'y attends pas. Lisette. - Eh! Madame, elle n'est que trop aimable. La Comtesse. - Que trop! Etes-vous folle? Lisette. - Du moins peut-elle plaire ajoutez à cela votre infidélité, c'en est assez pour guérir Dorante. La Comtesse. - Mais, mon infidélité, oÃÂč est-elle? Je veux mourir, si je l'ai jamais sentie! Lisette. - Je la sais de vous-mÃÂȘme. D'abord vous avez nié que c'en fût une, parce que vous n'aimiez pas Dorante, disiez-vous; ensuite vous m'avez prouvé qu'elle était innocente; enfin, vous m'en avez fait l'éloge, et si bien l'éloge, que je me suis mise à vous imiter, ce dont je me suis bien repentie depuis. La Comtesse. - Eh bien! mon enfant, je me trompais; je parlais d'infidélité sans la connaÃtre. Lisette. - Pourquoi donc n'avez-vous rien épargné de cruel pour vous Îter Dorante? La Comtesse. - Je n'en sais rien; mais je l'aime, et tu m'accables, tu me pénÚtres de douleur! Je l'ai maltraité, j'en conviens; j'ai tort, un tort affreux! Un tort que je ne me pardonnerai jamais, et qui ne mérite pas que l'on l'oublie! Que veux-tu que je te dise de plus? Je me condamne, je me suis mal conduite, il est vrai. Lisette. - Je vous le disais bien, avant que vous m'eussiez gagnée. La Comtesse. - Misérable amour-propre de femme! Misérable vanité d'ÃÂȘtre aimée! Voilà ce que vous me coûtez! J'ai voulu plaire au Chevalier, comme s'il en eût valu la peine; j'ai voulu me donner cette preuve-là de mon mérite; il manquait cet honneur à mes charmes; les voilà bien glorieux! J'ai fait la conquÃÂȘte du Chevalier, et j'ai perdu Dorante! Lisette. - Quelle différence! La Comtesse. - Bien plus; c'est que c'est un homme que je hais naturellement quand je m'écoute un homme que j'ai toujours trouvé ridicule, que j'ai cent fois raillé moi-mÃÂȘme, et qui me reste à la place du plus aimable homme du monde. Ah! que je suis belle à présent! Lisette. - Ne perdez point le temps à vous affliger, Madame. Dorante ne sait pas que vous l'aimez encore. Le laissez-vous à la Marquise? Voulez-vous tùcher de le ravoir? Essayez, faites quelques démarches, puisqu'il a droit d'ÃÂȘtre fùché, et que vous ÃÂȘtes dans votre tort. La Comtesse. - Eh! que veux-tu que je fasse pour un ingrat qui refuse de me parler, Lisette? Il faut bien que j'y renonce! Est-ce là un procédé? Toi qui dis qu'il a droit d'ÃÂȘtre fùché, voyons, Lisette, est-ce que j'ai cru le perdre? Ai-je imaginé qu'il m'abandonnerait? L'ai-je soupçonné de cette lùcheté-là ? A-t-on jamais compté sur un coeur autant que j'ai compté sur le sien? Estime infinie, confiance aveugle; et tu dis que j'ai tort? et tout homme qu'on honore de ces sentiments-là n'est pas un perfide quand il les trompe? Car je les avais, Lisette. Lisette. - Je n'y comprends rien. La Comtesse. - Oui, je les avais; je ne m'embarrassais ni de ses plaintes ni de ses jalousies; je riais de ses reproches; je défiais son coeur de me manquer jamais; je me plaisais à l'inquiéter impunément; c'était là mon idée; je ne le ménageais point. Jamais on ne vécut dans une sécurité plus obligeante; je m'en applaudissais, elle faisait son éloge et cet homme, aprÚs cela, me laisse! Est-il excusable? Lisette. - Calmez-vous donc, Madame; vous ÃÂȘtes dans une désolation qui m'afflige. Travaillons à le ramener, et ne crions point inutilement contre lui. Commencez par rompre avec le Chevalier; voilà déjà deux fois qu'il se présente pour vous voir, et que je le renvoie. La Comtesse. - J'avais pourtant dit à cet importun-là de ne point venir, que je ne le fisse avertir. Lisette - Qu'en voulez-vous faire? La Comtesse. - Oh! le haïr autant qu'il est haïssable; c'est à quoi je le destine, je t'assure mais il faut pourtant que je le voie, Lisette; j'ai besoin de lui dans tout ceci; laisse-le venir; va mÃÂȘme le chercher. Lisette. - Voici mon pÚre; sachons auparavant ce qu'il veut. ScÚne VII Blaise, La Comtesse, Lisette. Blaise. - Morgué! Madame, savez-vous bian ce qui se passe ici? Vous avise-t-on d'un tabellion qui se promÚne là -bas dans le jardin avec Monsieur Dorante et cette Marquise, et qui dit comme ça qu'il leur apporte un chiffon de contrat qu'ils li ont commandé, pour à celle fin qu'ils y boutent leur seing par-devant sa parsonne? Qu'est-ce que vous dites de ça, Madame? car noute fille dit que voute affection a repoussé pour Dorante; et ce tabellion est un impartinent. La Comtesse. - Un notaire chez moi, Lisette! Ils veulent donc se marier ici? Blaise. - Eh! morgué! sans doute. Ils disont itou qu'il fera le contrat pour quatre; ceti-là de voute ancien amoureux avec la Marquise; ceti-là de vous et du Chevalier, voute nouviau galant. Velà comme ils se gobargeont de ça; et jarnigoi! ça me fùche. Et vous, Madame? La Comtesse. - Je m'y perds! C'est comme une fable! Lisette. - Cette fable me révolte. Blaise. - Jarnigué! cette Marquise, maugré le marquisat qu'alle a, n'en agit pas en droiture; an ne friponne pas les amoureux d'une parsonne de voute sorte et dans tout ça il n'y a qu'un mot qui sarve; Madame n'a qu'à dire, mon rùtiau est tout prÃÂȘt, et, jarnigué! j'allons vous ratisser ce biau notaire et sa paperasse ni pus ni moins que mauvaise harbe. La Comtesse. - Lisette, parle donc! Tu ne me conseilles rien. Je suis accablée! Ils vont s'épouser ici, si je n'y mets ordre. Il n'est plus question de Dorante; tu sens bien que je le déteste mais on m'insulte. Lisette. - Ma foi, Madame, ce que j'entends là m'indigne à mon tour; et à votre place, je me soucierais si peu de lui, que je le laisserais faire. La Comtesse. - Tu le laisserais faire! Mais si tu l'aimais, Lisette? Lisette. - Vous dites que vous le haïssez! La Comtesse. - Cela n'empÃÂȘche pas que je ne l'aime. Et dans le fond, pourquoi le haïr? Il croit que j'ai tort, tu me l'as dit toi-mÃÂȘme, et tu avais raison; je l'ai abandonné la premiÚre il faut que je le cherche et que je le désabuse. Blaise. - Morgué! Madame, j'ons vu le temps qu'il me chérissait estimez-vous que je sois bon pour li parler? La Comtesse. - Je suis d'avis de lui écrire un mot, Lisette, et que ton pÚre aille lui rendre ma lettre à l'insu de la Marquise. Lisette. - Faites, Madame. La Comtesse. - A propos de lettre, je ne songeais pas que j'en ai une sur moi que je lui écrivais tantÎt, et que tout ceci me faisait oublier. Tiens, Blaise, va, tùche de la lui rendre sans que la Marquise s'en aperçoive. Blaise. - N'y aura pas d'aparcevance stapendant qu'il lira voute lettre je la renforcerons de queuque remontration. Il s'en va. ScÚne VIII Frontin, Le Chevalier, Lisette, La Comtesse Le Chevalier. - Eh! donc, ma Comtessé, qué devient l'amour? A quoi pensé lé coeur? Est-ce ainsi qué vous m'avertissez dé venir? Quel est lé motif dé l'absence qué vous m'avez ordonnée? Vous né mé mandez pas, vous mé laissez en langueur; jé mé mande moi-mÃÂȘme. La Comtesse. - J'allais vous envoyer chercher, Monsieur. Le Chevalier. - Lé messager m'a paru tardif. Qué déterminez-vous? Nos gens vont sé marier, le contrat sé passe actuellement. N'userons-nous pas de la commodité du notaire? Ils mé délÚguent pour vous y inviter. Ratifiez mon impatience; songez qué l'amour gémit d'attendre, qué les besoins du coeur sont pressés, qué les instants sont précieux, qué vous m'en dérobez d'irréparables, et qué jé meurs. Expédions. La Comtesse. - Non, Monsieur le Chevalier, ce n'est pas mon dessein. Le Chevalier. - Nous n'épouserons pas? La Comtesse. - Non. Le Chevalier. - Qu'est-ce à dire "non"? La Comtesse. - Non signifie non je veux vous raccommoder avec la Marquise. Le Chevalier. - Avec la Marquise! Mais c'est vous qué j'aime, Madame! La Comtesse. - Mais c'est moi qui ne vous aime point, Monsieur; je suis fùchée de vous le dire si brusquement; mais il faut bien que vous le sachiez. Le Chevalier. - Vous mé raillez, sandis! La Comtesse. - Je vous parle trÚs sérieusement. Le Chevalier. - Ma Comtessé, finissons; point dé badinage avec un coeur qui va périr d'épouvante. La Comtesse. - Vous devez vous ÃÂȘtre aperçu de mes sentiments. J'ai toujours différé le mariage dont vous parlez, vous le savez bien. Comment n'avez-vous pas senti que je n'avais pas envie de conclure? Le Chevalier. - Lé comble dé mon bonheur, vous l'avez rémis à cé soir. La Comtesse. - Aussi le comble de votre bonheur peut-il ce soir arriver de la part de la Marquise. L'avez-vous vue, comme je vous l'ai recommandé tantÎt? Le Chevalier. - Récommandé! Il n'en a pas été question, cadédis! La Comtesse. - Vous vous trompez; Monsieur, je crois vous l'avoir dit. Le Chevalier. - Mais, la Marquise et lé Chevalier, qu'ont-ils à démÃÂȘler ensemble? La Comtesse. - Ils ont à s'aimer tous deux, de mÃÂȘme qu'ils s'aimaient, Monsieur. Je n'ai point d'autre parti à vous offrir que de retourner à elle, et je me charge de vous réconcilier. Le Chevalier. - C'est une vapeur qui passe. La Comtesse. - C'est un sentiment qui durera toujours. Lisette. - Je vous le garantis éternel. Le Chevalier. - Frontin, oÃÂč en sommes-nous? Frontin. - Mais, à vue de pays, nous en sommes à rien. Ce chemin-là n'a pas l'air de nous mener au gÃte. Lisette. - Si fait, par ce chemin-là vous pouvez vous en retournez chez vous. Le Chevalier. - Partirai-jé, Comtessé? Séra-ce lé résultat? La Comtesse. - J'attends réponse d'une lettre; vous saurez le reste quand je l'aurai reçue différez votre départ jusque-là . ScÚne IX Arlequin, et les acteurs précédents. Arlequin. - Madame, mon maÃtre et Madame la Marquise envoient savoir s'ils ne vous importuneront pas ils viennent vous prononcer votre arrÃÂȘt et le mien; car je n'épouserai point Lisette, puisque mon maÃtre ne veut pas de vous. La Comtesse. - Je les attends... A Lisette. Il faut qu'il n'ait pas reçu ma lettre, Lisette. Arlequin. - Ils vont entrer, car ils sont à la porte. La Comtesse. - Ce que je vais leur dire va vous mettre au fait, Chevalier; ce ne sera point ma faute, si vous n'ÃÂȘtes pas content. Le Chevalier. - Allons, jé suis dupe; c'est ÃÂȘtre au fait. ScÚne X La Marquise, Dorante, La Comtesse, Le Chevalier, Frontin, Arlequin, Lisette La Marquise. - Eh bien, Madame! je ne vois rien encore qui nous annonce un mariage avec le Chevalier quand vous proposez-vous donc d'achever son bonheur? La Comtesse. - Quand il vous plaira, Madame; c'est à vous à qui je le demande; son bonheur est entre vos mains; vous en ÃÂȘtes l'arbitre. La Marquise. - Moi, Comtesse? Si je le suis, vous l'épouserez dÚs aujourd'hui, et vous nous permettrez de joindre notre mariage au vÎtre. La Comtesse. - Le vÎtre! avec qui donc, Madame? Arrive-t-il quelqu'un pour vous épouser? La Marquise, montrant Dorante. - Il n'arrive pas de bien loin, puisque le voilà . Dorante. - Oui, Comtesse, Madame me fait l'honneur de me donner sa main; et comme nous sommes chez vous, nous venons vous prier de permettre qu'on nous y unisse. La Comtesse. - Non, Monsieur, non l'honneur serait trÚs grand, trÚs flatteur; mais j'ai lieu de penser que le ciel vous réserve un autre sort. Le Chevalier. - Nous avons changé votre économie jé tombé dans lé lot dé Madame la Marquise, et Madame la Comtessé tombé dans lé tien. La Marquise. - Oh! nous resterons comme nous sommes. La Comtesse. - Laissez-moi parler, Madame, je demande audience écoutez-moi. Il est temps de vous désabuser, Chevalier vous avez cru que je vous aimais; l'accueil que je vous ai fait a pu mÃÂȘme vous le persuader; mais cet accueil vous trompait, il n'en était rien je n'ai jamais cessé d'aimer Dorante, et ne vous ai souffert que pour éprouver son coeur. Il vous en a coûté des sentiments pour moi; vous m'aimez, et j'en suis fùchée mais votre amour servait à mes desseins. Vous avez à vous plaindre de lui, Marquise, j'en conviens son coeur s'est un peu distrait de la tendresse qu'il vous devait; mais il faut tout dire. La faute qu'il a faite est excusable, et je n'ai point à tirer vanité de vous l'avoir dérobé pour quelque temps; ce n'est point à mes charmes qu'il a cédé, c'est à mon adresse il ne me trouvait pas plus aimable que vous; mais il m'a cru plus prévenue, et c'est un grand appùt. Quant à vous, Dorante, vous m'avez assez mal payée d'une épreuve aussi tendre la délicatesse de sentiments qui m'a persuadée de la faire, n'a pas lieu d'ÃÂȘtre trop satisfaite; mais peut-ÃÂȘtre le parti que vous avez pris vient-il plus de ressentiment que de médiocrité d'amour j'ai poussé les choses un peu loin; vous avez pu y ÃÂȘtre trompé; je ne veux point vous juger à la rigueur; je ferme les yeux sur votre conduite, et je vous pardonne. La Marquise, riant. - Ah! ah! ah! Je pense qu'il n'est plus temps, Madame, du moins je m'en flatte; ou bien, si vous m'en croyez, vous serez encore plus généreuse; vous irez jusqu'à lui pardonner les noeuds qui vont nous unir. La Comtesse. - Et moi, Dorante, vous me perdez pour jamais si vous hésitez un instant. Le Chevalier. - Jé démande audience jé perds Madame la Marquise, et j'aurais tort dé m'en plaindre; jé mé suis trouvé défaillant dé fidélité, jé né sais comment, car lé mérite dé Madame m'en fournissait abondance, et c'est un malheur qui mé passe! En un mot, jé suis infidÚle, jé m'en accuse; mais jé suis vrai, jé m'en vante. Il né tient qu'à moi d'user dé réprésaille, et dé dire à Madame la Comtesse Vous mé trompiez, jé vous trompais. Mais jé né suis qu'un homme, et jé n'aspire pas à cé dégré dé finesse et d'industrie. Voici lé compte juste; vous avez contrefait dé l'amour, dites-vous, Madame; jé n'en valais pas davantage; mais votre estime a surpassé mon prix. Né rétranchez rien du fatal honneur qué vous m'avez fait jé vous aimais, vous mé lé rendiez cordialement. La Comtesse. - Du moins l'avez-vous cru. Le Chevalier. - J'achÚve jé vous aimais, un peu moins qué Madame. Jé m'explique elle avait dé mon coeur une possession plus complÚte, jé l'adorais; mais jé vous aimais, sandis! passablement, avec quelque réminiscence pour elle. Oui, Dorante, nous étions dans lé tendre. Laisse là l'histoire qu'on té fait, mon ami; il fùche Madame qué tu la désertes, qué ses appas restent inférieurs; sa gloire crie, té rédémande, fait la sirÚne; qué son chant té trouve sourd. Montrant la Marquise. Prends un regard dé ces beaux yeux pour té servir d'antidote; demeure avec cet objet qué l'amour venge dans mon coeur jé lé dis à régret, jé disputerais Madame dé tout mon sang, s'il m'appartenait d'entrer en dispute; possÚde-la, Dorante, bénis lé ciel du bonheur qu'il t'accorde. Dé toutes les épouses, la plus estimable, la plus digne dé respect et d'amour, c'est toi qui la tiens; dé toutes les pertes, la plus immense, c'est moi qui la fais; dé tous les hommes, lé plus ingrat, lé plus déloyal, en mÃÂȘme temps lé plus imbécile, c'est lé malheureux qui té parle. La Marquise. - Je n'ajouterai rien à la définition; tout y est. La Comtesse. - Je ne daigne pas répondre à ce que vous dites sur mon comte, Chevalier c'est le dépit qui vous l'arrache, et je vous ai dit mes intentions, Dorante; qu'il n'en soit plus parlé, si vous ne les méritez pas. La Marquise. - Nous nous aimons de bonne foi il n'y a plus de remÚde, Comtesse, et deux personnes qu'on oublie ont bien droit de prendre parti ailleurs. Tùchez tous deux de nous oublier encore vous savez comment cela fait, et cela vous doit ÃÂȘtre plus aisé cette fois-ci que l'autre. Au notaire. Approchez, Monsieur. Voici le contrat qu'on nous apporte à signer. Dorante, priez Madame de vouloir bien l'honorer de sa signature. La Comtesse. - Quoi! si tÎt? La Marquise. - Oui, Madame, si vous nous le permettez. La Comtesse. - C'est à Dorante à qui je parle, Madame. Dorante. - Oui, Madame. La Comtesse. - Votre contrat avec la Marquise? Dorante. - Oui, Madame. La Comtesse. - Je ne l'aurais pas cru! La Marquise. - Nous espérons mÃÂȘme que le vÎtre accompagnera celui-ci. Et vous, Chevalier, ne signerez-vous pas? Le Chevalier. - Jé né sais plus écrire. La Marquise, au notaire. - Présentez la plume à Madame, Monsieur. La Comtesse, vite. - Donnez. Elle signe et jette la plume aprÚs. Ah! perfide! Elle tombe dans les bras de Lisette. Dorante, se jetant à ses genoux. - Ah! ma chÚre Comtesse! La Marquise. - Rendez-vous à présent; vous ÃÂȘtes aimé, Dorante. Arlequin. - Quel plaisir, Lisette! Lisette. - Je suis contente. La Comtesse. - Quoi! Dorante à mes genoux? Dorante. - Et plus pénétré d'amour qu'il ne le fut jamais. La Comtesse. - Levez-vous. Dorante m'aime donc encore? Dorante. - Et n'a jamais cessé de vous aimer. La Comtesse. - Et la Marquise? Dorante. - C'est elle à qui je devrai votre coeur, si vous me le rendez, Comtesse; elle a tout conduit. La Comtesse. - Ah! je respire! Que de chagrin vous m'avez donné! Comment avez-vous pu feindre si longtemps? Dorante. - Je ne l'ai pu qu'à force d'amour; j'espérais de regagner ce que j'aime. La Comtesse, avec force. - Eh! oÃÂč est la Marquise, que je l'embrasse? La Marquise, s'approchant et l'embrassant. - La voilà , Comtesse. Sommes-nous bonnes amies? La Comtesse. - Je vous ai l'obligation d'ÃÂȘtre heureuse et raisonnable. Dorante baise la main de la Comtesse. La Marquise. - Quant à vous, Chevalier, je vous conseille de porter votre main ailleurs; il n'y a pas d'apparence que personne vous en défasse ici. La Comtesse. - Non, Marquise, j'obtiendrai sa grùce; elle manquerait à ma joie et au service que vous m'avez rendu. La Marquise. - Nous verrons dans six mois. Le Chevalier. - Jé né vous démandais qu'un termé; lé reste est mon affaire. Ils s'en vont. ScÚne XI Frontin, Lisette, Blaise, Arlequin Frontin. - Epousez-vous Arlequin, Lisette? Lisette. - Le coeur me dit que oui. Arlequin. - Le mien opine de mÃÂȘme. Blaise. - Et ma volonté se met par-dessus ça. Frontin. - Eh bien! Lisette, je vous donne six mois pour revenir à moi. La Méprise Acteurs Comédie en un acte, en prose, représentée pour la premiÚre fois le 16 août 1734 par les comédiens Italiens Acteurs Hortense Mlle Silvia Clarice, soeur d'Hortense Mlle Thomassin Lisette, suivante de Clarice Mlle Rolland Ergaste M. Romagnési Frontin, valet d'Ergaste M. Lélio Arlequin, valet d'Hortense M. Thomassin La scÚne est dans un jardin. Le théùtre représente un jardin. ScÚne premiÚre Frontin, Ergaste Frontin. - Je vous dis, Monsieur, que je l'attends ici, je vous dis qu'elle s'y rendra, que j'en suis sûr, et que j'y compte comme si elle y était déjà . Ergaste. - Et moi, je n'en crois rien. Frontin. - C'est que vous ne savez pas ce que je vaux, mais une fille ne s'y trompera pas j'ai vu la friponne jeter sur moi de certains regards, qui n'en demeureront pas là , qui auront des suites, vous le verrez. Ergaste. - Nous n'avons vu la maÃtresse et la suivante qu'une fois; encore, ce fut par un coup du hasard que nous les rencontrùmes hier dans cette promenade-ci; elles ne furent avec nous qu'un instant; nous ne les connaissons point; de ton propre aveu, la suivante ne te répondit rien quand tu lui parlas quelle apparence y a-t-il qu'elle ait fait la moindre attention à ce que tu lui dis? Frontin. - Mais, Monsieur, faut-il encore vous répéter que ses yeux me répondirent? N'est-ce rien que des yeux qui parlent? Ce qu'ils disent est encore plus sûr que des paroles. Mon maÃtre en tient pour votre maÃtresse, lui dis-je tout bas en me rapprochant d'elle; son coeur est pris, c'est autant de perdu; celui de votre maÃtresse me paraÃt bien aventuré, j'en crois la moitié de partie, et l'autre en l'air. Du mien, vous n'en avez pas fait à deux fois, vous me l'avez expédié d'un coup d'oeil; en un mot, ma charmante, je t'adore nous reviendrons demain ici, mon maÃtre et moi, à pareille heure, ne manque point d'y mener ta maÃtresse, afin qu'on donne la derniÚre main à cet amour-ci, qui n'a peut-ÃÂȘtre pas toutes ses façons; moi, je m'y rendrai une heure avant mon maÃtre, et tu entends bien que c'est t'inviter d'en faire autant; car il sera bon de nous parler sur tout ceci, n'est-ce pas? Nos coeurs ne seront pas fùchés de se connaÃtre un peu plus à fond, qu'en penses-tu, ma poule? Y viendras-tu? Ergaste. - A cela nulle réponse? Frontin. - Ah! vous m'excuserez. Ergaste. - Quoi! Elle parla donc? Frontin. - Non. Ergaste. - Que veux-tu donc dire? Frontin. - Comme il faut du temps pour dire des paroles et que nous étions trÚs pressés, elle mit, ainsi que je vous l'ai dit, des regards à la place des mots, pour aller plus vite; et se tournant de mon cÎté avec une douceur infinie Oui, mon fils, me dit-elle, sans ouvrir la bouche, je m'y rendrai, je te le promets, tu peux compter là -dessus; viens-y en pleine confiance, et tu m'y trouveras. Voilà ce qu'elle me dit; et que je vous rends mot pour mot, comme je l'ai traduit d'aprÚs ses yeux. Ergaste. - Va, tu rÃÂȘves. Frontin. - Enfin je l'attends; mais vous, Monsieur, pensez-vous que la maÃtresse veuille revenir? Ergaste. - Je n'ose m'en flatter, et cependant je l'espÚre un peu. Tu sais bien que notre conversation fut courte; je lui rendis le gant qu'elle avait laissé tomber; elle me remercia d'une maniÚre trÚs obligeante de la vitesse avec laquelle j'avais couru pour le ramasser, et se démasqua en me remerciant. Que je la trouvai charmante! Je croyais, lui dis-je, partir demain, et voici la premiÚre fois que je me promÚne ici; mais le plaisir d'y rencontrer ce qu'il y a de plus beau dans le monde m'y ramÚnera plus d'une fois. Frontin. - Le plaisir d'y rencontrer! Pourquoi ne pas dire l'espérance? Ç'aurait été indiquer adroitement un rendez-vous pour le lendemain. Ergaste. - Oui, mais ce rendez-vous indiqué l'aurait peut-ÃÂȘtre empÃÂȘché d'y revenir par raison de fierté; au lieu qu'en ne parlant que du plaisir de la revoir, c'était simplement supposer qu'elle vient ici tous les jours, et lui dire que j'en profiterais, sans rien m'attribuer de la démarche qu'elle ferait en y venant. Frontin, regardant derriÚre lui. - Tenez, tenez, Monsieur, suis-je un bon traducteur du langage des oeillades? Eh! direz-vous que je rÃÂȘve? Voyez-vous cette figure tendre et solitaire, qui se promÚne là -bas en attendant la mienne? Ergaste. - Je crois que tu as raison, et que c'est la suivante. Frontin. - Je l'aurais défié d'y manquer; je me connais. Retirez-vous, Monsieur; ne gÃÂȘnez point les intentions de ma belle. Promenez-vous d'un autre cÎté, je vais m'instruire de tout, et j'irai vous rejoindre. ScÚne II Lisette, Frontin Frontin, en riant. - Eh! eh! bonjour, chÚre enfant; reconnaissez-moi, me voilà , c'est le véritable. Lisette. - Que voulez-vous, Monsieur le Véritable? Je ne cherche personne ici, moi. Frontin. - Oh! que si; vous me cherchiez, je vous cherchais; vous me trouvez, je vous trouve; et je défie que nous trouvions mieux. Comment vous portez-vous? Lisette, faisant la révérence. - Fort bien. Et vous, Monsieur? Frontin. - A merveilles, voilà des appas dans la compagnie de qui il serait difficile de se porter mal. Lisette. - Vous ÃÂȘtes aussi galant que familier. Frontin. - Et vous, aussi ravissante qu'hypocrite; mettons bas les façons, vivons à notre aise. Tiens, je t'aime je te l'ai déjà dit, et je le répÚte; tu m'aimes, tu ne me l'as pas dit, mais je n'en doute pas; donne-toi donc le plaisir de me le dire, tu me le répéteras aprÚs, et nous serons tous deux aussi avancés l'un que l'autre. Lisette. - Tu ne doutes pas que je ne t'aime, dis-tu? Frontin. - Entre nous, ai-je tort d'en ÃÂȘtre sûr? Une fille comme toi manquerait-elle de goût? Là , voyons, regarde-moi pour vérifier la chose; tourne encore sur moi cette prunelle friande que tu avais hier, et qui m'a laissé pour toi le plus tendre appétit du monde. Tu n'oses, tu rougis. Allons, m'amour, point de quartier; finissons cet article-là . Lisette, d'un ton tendre. - Laisse-moi. Frontin. - Non, ta fierté se meurt, je ne la quitte pas que je ne l'aie achevée. Lisette. - DÚs que tu as deviné que tu me plais, n'est-ce pas assez? Je ne t'en apprendrai pas davantage. Frontin. - Il est vrai, tu ne feras rien pour mon instruction, mais il manque à ma gloire le ragoût de te l'entendre dire. Lisette. - Tu veux donc que je la régale aux dépens de la mienne? Frontin. - La tienne! Eh! palsambleu, je t'aime, que lui faut-il de plus? Lisette. - Mais je ne te hais pas. Frontin. - Allons, allons, tu me voles, il n'y a pas là ce qui m'est dû, fais-moi mon compte. Lisette. - Tu me plais. Frontin. - Tu me retiens encore quelque chose, il n'y a pas là ma somme. Lisette. - Eh bien! donc... je t'aime. Frontin. - Me voilà payé avec un bis. Lisette. - Le bis viendra dans le cours de la conversation, fais-m'en crédit pour à présent; ce serait trop de dépense à la fois. Frontin. - Oh! ne crains pas la dépense, je mettrai ton coeur en fonds, va, ne t'embarrasse pas. Lisette. - Parlons de nos maÃtres. PremiÚrement, qui ÃÂȘtes-vous, vous autres? Frontin. - Nous sommes des gens de condition qui retournons à Paris, et de là à la cour, qui nous trouve à redire; nous revenons d'une terre que nous avons dans le Dauphiné; et en passant, un de nos amis nous a arrÃÂȘté à Lyon, d'oÃÂč il nous a mené à cette campagne-ci, oÃÂč deux paires de beaux yeux nous raccrochÚrent hier, pour autant de temps qu'il leur plaira. Lisette. - OÃÂč sont-ils, ces beaux yeux? Frontin. - En voilà deux ici, ta maÃtresse a les deux autres. Lisette. - Que fait ton maÃtre? Frontin. - La guerre, quand les ennemis du Roi nous raisonnent. Lisette. - C'est-à -dire qu'il est officier. Et son nom? Frontin. - Le marquis Ergaste, et moi, le chevalier Frontin, comme cadet de deux frÚres que nous sommes. Lisette. - Ergaste? ce nom-là est connu, et tout ce que tu me dis là nous convient assez. Frontin. - Quand les minois se conviennent, le reste s'ajuste. Mais voyons, mes enfants, qui ÃÂȘtes-vous à votre tour? Lisette. - En premier lieu, nous sommes belles. Frontin. - On le sent encore mieux qu'on ne le voit. Lisette. - Ah! le compliment vaut une révérence. Frontin. - Passons, passons, ne te pique point de payer mes compliments ce qu'ils valent, je te ruinerais en révérences, et je te cajole gratis. Continuons vous ÃÂȘtes belles, aprÚs? Lisette. - Nous sommes orphelines. Frontin. - Orphelines? Expliquons-nous; l'amour en fait quelquefois, des orphelins; ÃÂȘtes-vous de sa façon? Vous ÃÂȘtes assez aimables pour cela. Lisette. - Non, impertinent! Il n'y a que deux ans que nos parents sont morts, gens de condition aussi, qui nous ont laissées trÚs riches. Frontin. - Voilà de fort bons procédés. Lisette. - Ils ont eu pour héritiÚres deux filles qui vivent ensemble dans un accord qui va jusqu'à s'habiller l'une comme l'autre, ayant toutes deux presque le mÃÂȘme son de voix, toutes deux blondes et charmantes, et qui se trouvent si bien de leur état, qu'elles ont fait serment de ne point se marier et de rester filles. Frontin. - Ne point se marier fait un article, rester filles en fait un autre. Lisette. - C'est la mÃÂȘme chose. Frontin. - Oh que non! Quoi qu'il en soit, nous protestons contre l'un ou l'autre de ces deux serments-là ; celle que nous aimons n'a qu'à choisir, et voir celui qu'elle veut rompre; comment s'appelle-t-elle? Lisette. - Clarice, c'est l'aÃnée, et celle à qui je suis. Frontin. - Que dit-elle de mon maÃtre? Depuis qu'elle l'a vu, comment va son voeu de rester fille? Lisette. - Si ton maÃtre s'y prend bien, je ne crois pas qu'il se soutienne, le goût du mariage l'emportera. Frontin. - Voyez le grand malheur! Combien y a-t-il de ces voeux-là qui se rompent à meilleur marché! Eh! dis-moi, mon maÃtre l'attend ici, va-t-elle venir? Lisette. - Je n'en doute pas. Frontin. - Sera-t-elle encore masquée? Lisette. - Oui, en ce pays-ci c'est l'usage en été, quand on est à la campagne, à cause du hùle et de la chaleur. Mais n'est-ce pas là Ergaste que je vois là -bas? Frontin. - C'est lui-mÃÂȘme. Lisette. - Je te quitte donc; informe-le de tout, encourage son amour. Si ma maÃtresse devient sa femme, je me charge de t'en fournir une. Frontin. - Eh! me la fourniras-tu en conscience? Lisette. - Impertinent! Je te conseille d'en douter! Frontin. - Oh! le doute est de bon sens; tu es si jolie! ScÚne III Ergaste, Frontin Ergaste. - Eh bien! que dit la suivante? Frontin. - Ce qu'elle dit? Ce que j'ai toujours prévu que nous triomphons, qu'on est rendu, et que, quand il nous plaira, le notaire nous dira le reste. Ergaste. - Comment? Est-ce que sa maÃtresse lui a parlé de moi? Frontin. - Si elle en a parlé! On ne tarit point, tous les échos du pays nous connaissent, on languit, on soupire, on demande quand nous finirons, peut-ÃÂȘtre qu'à la fin du jour on nous sommera d'épouser c'est ce que j'en puis juger sur les discours de Lisette, et la chose vaut la peine qu'on y pense. Clarice, fille de qualité, d'un cÎté, Lisette, fille de condition, de l'autre, cela est bon la race des Frontins et des Ergastes ne rougira point de leur devoir son entrée dans le monde, et de leur donner la préférence. Ergaste. - Il faut que l'amour t'ait tourné la tÃÂȘte, explique-toi donc mieux! Aurais-je le bonheur de ne pas déplaire à Clarice? Frontin. - Eh! Monsieur, comment vous expliquez-vous vous-mÃÂȘme? Vous parlez du ton d'un suppliant, et c'est à nous à qui on présente requÃÂȘte. Je vous félicite, au reste, vous avez dans votre victoire un accident glorieux que je n'ai pas dans la mienne on avait juré de garder le célibat, vous triomphez du serment. Je n'ai point cet honneur-là , moi, je ne triomphe que d'une fille qui n'avait juré de rien. Ergaste. - Eh! dis-moi naturellement si l'on a du penchant pour moi. Frontin. - Oui, Monsieur, la vérité toute pure est que je suis adoré, parce qu'avec moi cela va un peu vite, et que vous ÃÂȘtes à la veille de l'ÃÂȘtre; et je vous le prouve, car voilà votre future idolùtre qui vous cherche. Ergaste. - Ecarte-toi. ScÚne IV Ergaste, Hortense, Frontin, éloigné. Hortense, quand elle entre sur le théùtre, tient son masque à la main pour ÃÂȘtre connue du spectateur, et puis le met sur son visage dÚs que Frontin tourne la tÃÂȘte et l'aperçoit. Elle est vÃÂȘtue comme l'était ci-devant la dame de qui Ergaste a dit avoir ramassé le gant le jour d'auparavant, et c'est la soeur de cette dame. Hortense, traversant le théùtre. - N'est-ce pas là ce cavalier que je vis hier ramasser le gant de ma soeur? Je n'en ai guÚre vu de si bien fait. Il me regarde; j'étais hier démasquée avec cet habit-ci, et il me reconnaÃt, sans doute. Elle marche comme en se retirant. Ergaste l'aborde, la salue, et la prend pour l'autre, à cause de l'habit et du masque. - Puisque le hasard vous offre encore à mes yeux, Madame, permettez que je ne perde pas le bonheur qu'il me procure. Que mon action ne vous irrite point, ne la regardez pas comme un manque de respect pour vous, le mien est infini, j'en sui pénétré jamais on ne craignit tant de déplaire, mais jamais coeur, en mÃÂȘme temps, ne fut forcé de céder à une passion ni si soumise, ni si tendre. Hortense. - Monsieur, je ne m'attendais pas à cet abord-là , et quoique vous m'ayez vue hier ici, comme en effet j'y étais, et démasquée, cette façon de se voir n'établit entre nous aucune connaissance, surtout avec les personnes de mon sexe; ainsi, vous voulez bien que l'entretien finisse. Ergaste. - Ah! Madame, arrÃÂȘtez, de grùce, et ne me laissez point en proie à la douleur de croire que je vous ai offensée, la joie de vous retrouver ici m'a égaré, j'en conviens, je dois vous paraÃtre coupable d'une hardiesse que je n'ai pourtant point; car je n'ai su ce que je faisais, et je tremble devant vous à présent que je vous parle. Hortense. - Je ne puis vous écouter. Ergaste. - Voulez-vous ma vie en réparation de l'audace dont vous m'accusez? Je vous l'apporte, elle est à vous; mon sort est entre vos mains, je ne saurais plus vivre si vous me rebutez. Hortense. - Vous, Monsieur? Ergaste. - J'explique ce que je sens, Madame; je me donnai hier à vous; je vous consacrai mon coeur, je conçus le dessein d'obtenir grùce du vÎtre, et je mourrai s'il me la refuse. Jugez si un manque de respect est compatible avec de pareils sentiments. Hortense. - Vos expressions sont vives et pressantes, assurément, il est difficile de rien dire de plus fort. Mais enfin, plus j'y pense, et plus je vois qu'il faut que je me retire, Monsieur; il n'y a pas moyen de se prÃÂȘter plus longtemps à une conversation comme celle-ci, et je commence à avoir plus de tort que vous. Ergaste. - Eh! de grùce, Madame, encore un mot qui décide de ma destinée, et je finis me haïssez-vous? Hortense. - Je ne dis pas cela, je ne pousse point les choses jusque-là , elles ne le méritent pas. Sur quoi voudriez-vous que fût fondée ma haine? Vous m'ÃÂȘtes inconnu, Monsieur, attendez donc que je vous connaisse. Ergaste. - Me sera-t-il permis de chercher à vous ÃÂȘtre présenté, Madame? Hortense. - Vous n'aviez qu'un mot à me dire tout à l'heure, vous me l'avez dit, et vous continuez, Monsieur. Achevez donc, ou je m'en vais car il n'est pas dans l'ordre que je reste. Ergaste. - Ah! je suis au désespoir! Je vous entends vous ne voulez pas que je vous voie davantage! Hortense. - Mais en vérité, Monsieur, aprÚs m'avoir appris que vous m'aimez, me conseillerez-vous de vous dire que je veux bien que vous me voyiez? Je ne pense pas que cela m'arrive. Vous m'avez demandé si je vous haïssais; je vous ai répondu que non; en voilà bien assez, ce me semble; n'imaginez pas que j'aille plus loin. Quant aux mesures que vous pouvez prendre pour vous mettre en état de me voir avec un peu plus de décence qu'ici, ce sont vos affaires. Je ne m'opposerai point à vos desseins; car vous trouverez bon que je les ignore, et il faut que cela soit ainsi un homme comme vous a des amis, sans doute, et n'aura pas besoin d'ÃÂȘtre aidé pour se produire. Ergaste. - Hélas! Madame, je m'appelle Ergaste; je n'ai d'ami ici que le comte de Belfort, qui m'arrÃÂȘta hier comme j'arrivais du Dauphiné, et qui me mena sur-le-champ dans cette campagne-ci. Hortense. - Le comte de Belfort, dites-vous? Je ne savais pas qu'il fût ici. Nos maisons sont voisines, apparemment qu'il nous viendra voir; et c'est donc chez lui que vous ÃÂȘtes actuellement, Monsieur? Ergaste. - Oui, Madame. Je le laissai hier donner quelques ordres aprÚs dÃner, et je vins me promener dans les allées de ce petit bois, oÃÂč j'aperçus du monde, je vous y vis, vous vous y démasquùtes un instant, et dans cet instant vous devÃntes l'arbitre de mon sort. J'oubliai que je retournais à Paris; j'oubliai jusqu'à un mariage avantageux qu'on m'y ménageait, auquel je renonce, et que j'allais conclure avec une personne à qui rien ne me liait qu'un simple rapport de condition et de fortune. Hortense. - DÚs que ce mariage vous est avantageux, la partie se renouera; la dame est aimable, sans doute, et vous ferez vos réflexions. Ergaste. - Non, Madame, mes réflexions sont faites, et je le répÚte encore, je ne vivrai que pour vous, ou je ne vivrai pour personne; trouver grùce à vos yeux, voilà à quoi j'ai mis toute ma fortune, et je ne veux plus rien dans le monde, si vous me défendez d'y aspirer. Hortense. - Moi, Monsieur, je ne vous défends rien, je n'ai pas ce droit-là , on est le maÃtre de ses sentiments; et si le comte de Belfort, dont vous parlez, allait vous mener chez moi, je le suppose parce que cela peut arriver, je serais mÃÂȘme obligée de vous y bien recevoir. Ergaste. - Obligée, Madame! Vous ne m'y souffrirez donc que par politesse? Hortense. - A vous dire vrai, Monsieur, j'espÚre bien n'agir que par ce motif-là , du moins d'abord, car de l'avenir, qui est-ce qui en peut répondre? Ergaste. - Vous, Madame, si vous le voulez. Hortense. - Non, je ne sais encore rien là -dessus, puisqu'ici mÃÂȘme j'ignore ce que c'est que l'amour; et je voudrais bien l'ignorer toute ma vie. Vous aspirez, dites-vous, à me rendre sensible? A la bonne heure; personne n'y a réussi; vous le tentez, nous verrons ce qu'il en sera; mais je vous saurai bien mauvais gré, si vous y réussissez mieux qu'un autre. Ergaste. - Non, Madame, je n'y vois pas d'apparence. Hortense. - Je souhaite que vous ne vous trompiez pas; cependant je crois qu'il sera bon, avec vous, de prendre garde à soi de plus prÚs qu'avec un autre. Mais voici du monde, je serais fùchée qu'on nous vÃt ensemble éloignez-vous, je vous prie. Ergaste. - Il n'est point tard; continuez-vous votre promenade, Madame? Et pourrais-je espérer, si l'occasion s'en présente, de vous revoir encore ici quelques moments? Hortense. - Si vous me trouvez seule et éloignée des autres, dÚs que nous nous sommes parlé et que, grùce à votre précipitation, la faute en est faite, je crois que vous pourrez m'aborder sans conséquence. Ergaste. - Et cependant je pars, sans avoir eu la douceur de voir encore ces yeux et ces traits... Hortense. - Il est trop tard pour vous en plaindre mais vous m'avez vue, séparons-nous; car on approche. Quand il est parti. Je suis donc folle! Je lui donne une espÚce de rendez-vous, et j'ai peur de le tenir, qui pis est. ScÚne V Hortense, Arlequin. Arlequin. - Madame, je viens vous demander votre avis sur une commission qu'on m'a donnée. Hortense. - Qu'est-ce que c'est? Arlequin. - Voulez-vous avoir compagnie? Hortense. - Non, quelle est-elle, cette compagnie? Arlequin. - C'est ce Monsieur Damis, qui est si amoureux de vous. Hortense. - Je n'ai que faire de lui ni de son amour. Est-ce qu'il me cherche? De quel cÎté vient-il? Arlequin. - Il ne vient par aucun cÎté, car il ne bouge, et c'est moi qui viens pour lui, afin de savoir oÃÂč vous ÃÂȘtes. Lui dirai-je que vous ÃÂȘtes ici, ou bien ailleurs? Hortense. - Non, nulle part. Arlequin. - Cela ne se peut pas, il faut bien que vous soyez en quelque endroit, il n'y a qu'à dire oÃÂč vous voulez ÃÂȘtre. Hortense. - Quel imbécile! Rapporte-lui que tu ne me trouves pas. Arlequin. - Je vous ai pourtant trouvée comment ferons-nous? Hortense. - Je t'ordonne de lui dire que je n'y suis pas, car je m'en vais. Elle s'écarte. Arlequin. - Eh bien! vous avez raison; quand on s'en va, on n'y est pas cela est clair. Il s'en va. ScÚne VI Hortense, Clarice Hortense, à part. - Ne voilà -t-il pas encore ma soeur! Clarice. - J'ai tourné mal à propos de ce cÎté-ci. M'a-t-elle vue? Hortense. - Je la trouve embarrassée qu'est-ce que cela signifie, Ergaste y aurait-il part? Clarice. - Il faut lui parler, je sais le moyen de la congédier. Ah! vous voilà , ma soeur? Hortense. - Oui, je me promenais; et vous, ma soeur? Clarice. - Moi, de mÃÂȘme le plaisir de rÃÂȘver m'a insensiblement amené ici. Hortense. - Et poursuivez-vous votre promenade? Clarice. - Encore une heure ou deux. Hortense. - Une heure ou deux! Clarice. - Oui, parce qu'il est de bonne heure. Hortense. - Je suis d'avis d'en faire autant. Clarice, à part. - De quoi s'avise-t-elle? Haut. Comme il vous plaira. Hortense. - Vous me paraissez rÃÂȘveuse. Clarice. - Mais... oui, je rÃÂȘvais, ces lieux-ci y invitent; mais nous aurons bientÎt compagnie; Damis vous cherche, et vient par là . Hortense. - Damis! Oh! sur ce pied-là je vous quitte. Adieu. Vous savez combien il m'ennuie. Ne lui dites pas que vous m'avez vue. A part. Rappelons. Arlequin, afin qu'il observe. Clarice, riant. - Je savais bien que je la ferais partir. ScÚne VII Clarice, Lisette Lisette. - Quoi! toute seule, Madame? Clarice. - Oui, Lisette. Lisette, en riant, et lui marquant du bout du doigt. - Il est ici. Clarice. - Qui? Lisette. - Vous ne m'entendez pas? Clarice. - Non. Lisette. - Eh! cet aimable jeune homme qui vous rendit hier un petit service de si bonne grùce. Clarice. - Ce jeune officier? Lisette. - Eh oui. Clarice. - Eh bien! qu'il y soit, que veux-tu que j'y fasse? Lisette. - C'est qu'il vous cherche, et si vous voulez l'éviter, il ne faut pas rester ici. Clarice. - L'éviter! Est-ce que tu crois qu'il me parlera? Lisette. - Il n'y manquera pas, la petite aventure d'hier le lui permet de reste. Clarice. - Va, va, il ne me reconnaÃtra seulement pas. Lisette. - Hum! vous ÃÂȘtes pourtant bien reconnaissable; et de l'air dont il vous lorgna hier, je vais gager qu'il vous voit encore; ainsi prenons par là . Clarice. - Non, je suis trop lasse, il y a longtemps que je me promÚne. Lisette. - Oui-da, un bon quart d'heure à peu prÚs. Clarice. - Mais pourquoi me fatiguerais-je à fuir un homme qui, j'en suis sûre, ne songe pas plus à moi que ne je songe à lui? Lisette. - Eh mais! c'est bien assez qu'il y songe autant. Clarice. - Que veux-tu dire? Lisette. - Vous ne m'avez encore parlé de lui que trois ou quatre fois. Clarice. - Ne te figurerais-tu pas que je ne suis venue seule ici que pour lui donner occasion de m'aborder? Lisette. - Oh! il n'y a pas de plaisir avec vous, vous devinez mot à mot ce qu'on pense. Clarice. - Que tu es folle! Lisette, riant. - Si vous n'y étiez pas venue de vous-mÃÂȘme, je devais vous y mener, moi. Clarice. - M'y mener! Mais vous ÃÂȘtes bien hardie de me le dire! Lisette. - Bon! je suis encore bien plus hardie que cela, c'est que je crois que vous y seriez venue. Clarice. - Moi? Lisette. - Sans doute, et vous auriez raison, car il est fort aimable, n'est-il pas vrai? Clarice. - J'en conviens. Lisette. - Et ce n'est pas là tout, c'est qu'il vous aime. Clarice. - Autre idée! Lisette. - Oui-da, peut-ÃÂȘtre que je me trompe. Clarice. - Sans doute, à moins qu'on ne te l'ait dit, et je suis persuadée que non, qui est-ce qui t'en a parlé? Lisette. - Son valet m'en a touché quelque chose. Clarice. - Son valet? Lisette. - Oui. Clarice, quelque temps sans parler, et impatiente. - Et ce valet t'a demandé le secret, apparemment? Lisette. - Non. Clarice. - Cela revient pourtant au mÃÂȘme, car je renonce à savoir ce qu'il vous a dit, s'il faut vous interroger pour l'apprendre. Lisette. - J'avoue qu'il y a un peu de malice dans mon fait, mais ne vous fùchez pas, Ergaste vous adore, Madame. Clarice. - Tu vois bien qu'il ne sera pas nécessaire que je l'évite, car il ne paraÃt pas. Lisette. - Non, mais voici son valet qui me fait signe d'aller lui parler. Irai-je savoir ce qu'il me veut? ScÚne VIII Frontin, Lisette, Clarice Clarice. - Oh! tu le peux je ne t'en empÃÂȘche pas. Lisette. - Si vous ne vous en souciez guÚre, ni moi non plus. Clarice. - Ne vous embarrassez pas que je m'en soucie, et allez toujours voir ce qu'on vous veut. Lisette, à Clarice. - Eh! parlez donc. Et puis s'approchant de Frontin. Ton maÃtre est-il là ? Frontin. - Oui; il demande s'il peut reparaÃtre, puisqu'elle est seule. Lisette revient à sa maÃtresse. - Madame, c'est Monsieur le marquis Ergaste qui aurait grande envie de vous faire encore révérence, et qui, comme vous voyez, vous en sollicite par le plus révérencieux de tous les valets. Frontin salue à droite et à gauche. Clarice. - Si je l'avais prévu, je me serais retirée. Lisette. - Lui dirai-je que vous n'ÃÂȘtes pas de cet avis-là ? Clarice. - Mais je ne suis d'avis de rien, réponds ce que tu voudras, qu'il vienne. Lisette, à Frontin. - On n'est d'avis de rien, mais qu'il vienne. Frontin. - Le voilà tout venu. Lisette. - Toi, avertis-nous si quelqu'un approche. Frontin sort. ScÚne IX Clarice, Lisette, Ergaste Ergaste. - Que ce jour-ci est heureux pour moi, Madame! Avec quelle impatience n'attendais-je pas le moment de vous revoir encore! J'ai observé celui oÃÂč vous étiez seule. Clarice, se démasquant un moment. - Vous avez fort bien fait d'avoir cette attention-là , car nous ne nous connaissons guÚre. Quoi qu'il en soit, vous avez souhaité me parler, Monsieur; j'ai cru pouvoir y consentir. Auriez-vous quelque chose à me dire? Ergaste. - Ce que mes yeux vous ont dit avant mes discours, ce que mon coeur sent mille fois mieux qu'ils ne le disent, ce que je voudrais vous répéter toujours que je vous aime, que je vous adore, que je ne vous verrai jamais qu'avec transport. Lisette, à part à sa maÃtresse. - Mon rapport est-il fidÚle? Clarice. - Vous m'avouerez, Monsieur, que vous ne mettez guÚre d'intervalle entre me connaÃtre, m'aimer et me le dire; et qu'un pareil entretien aurait pu ÃÂȘtre précédé de certaines formalités de bienséance qui sont ordinairement nécessaires. Ergaste. - Je crois vous l'avoir déjà dit, Madame, je n'ai su ce que je faisais, oubliez une faute échappée à la violence d'une passion qui m'a troublé, et qui me trouble encore toutes les fois que je vous parle. Lisette, à Clarice. - Qu'il a le débit tendre! Clarice. - Avec tout cela, Monsieur, convenez pourtant qu'il en faudra revenir à quelqu'une de ces formalités dont il s'agit, si vous avez dessein de me revoir. Ergaste. - Si j'en ai dessein! Je ne respire que pour cela, Madame. Le comte de Belfort doit vous rendre visite ce soir. Clarice. - Est-ce qu'il est de vos amis? Ergaste. - C'est lui, Madame, chez qui il me semble vous avoir dit que j'étais. Clarice. - Je ne me le rappelais pas. Ergaste. - Je l'accompagnerai chez vous, Madame, il me l'a promis s'engage-t-il à quelque chose qui vous me déplaise? Consentez-vous que je lui aie cette obligation? Clarice. - Votre question m'embarrasse; dispensez-moi d'y répondre. Ergaste. - Est-ce que votre réponse me serait contraire? Clarice. - Point du tout. Lisette. - Et c'est ce qui fait qu'on n'y répond pas. Ergaste se jette à ses genoux, et lui baise la main. Clarice, remettant son masque. - Adieu, Monsieur; j'attendrai le comte de Belfort. Quelqu'un approche laissez-moi seule continuer ma promenade, nous pourrons nous y rencontrer encore. ScÚne X Ergaste, Clarice, Lisette, Frontin Frontin, à Lisette. - Je viens vous dire que je vois de loin une espÚce de petit nÚgre qui accourt. Lisette. - Retirons-nous vite, Madame; c'est Arlequin qui vient. Clarice sort. Ergaste et elle se saluent. ScÚne XI Ergaste, Frontin Ergaste. - Je suis enchanté, Frontin; je suis transporté! Voilà deux fois que je lui parle aujourd'hui. Qu'elle est aimable! Que de grùces! Et qu'il est doux d'espérer de lui plaire! Frontin. - Bon! espérer! Si la belle vous donne cela pour de l'espérance, elle ne vous trompe pas. Ergaste. - Belfort m'y mÚnera ce soir. Frontin. - Cela fera une petite journée de tendresse assez complÚte. Au reste, j'avais oublié de vous dire le meilleur. Votre maÃtresse a bien des grùces; mais le plus beau de ses traits, vous ne le voyez point, il n'est point sur son visage, il est dans sa cassette. Savez-vous bien que le coeur de Clarice est une emplette de cent mille écus, Monsieur? Ergaste. - C'est bien là à quoi je pense! Mais, que nous veut ce garçon-ci? Frontin. - C'est le beau brun que j'ai vu venir. ScÚne XII Arlequin, Ergaste, Frontin Arlequin, à Ergaste. - Vous ÃÂȘtes mon homme; c'est vous que je cherche. Ergaste. - Parle que me veux-tu? Frontin. - OÃÂč est ton chapeau? Arlequin. - Sur ma tÃÂȘte. Frontin, le lui Îtant. - Il n'y est plus. Arlequin. - Il y était quand je l'ai dit il le remet, et il y retourne. Ergaste. - De quoi est-il question? Arlequin. - D'un discours malhonnÃÂȘte que j'ai ordre de vous tenir, et qui ne demande pas la cérémonie du chapeau. Ergaste. - Un discours malhonnÃÂȘte! A moi! Et de quelle part? Arlequin. - De la part d'une personne qui s'est moquée de vous. Ergaste. - Insolent! t'expliqueras-tu? Arlequin. - Dites vos injures à ma commission, c'est elle qui est insolente, et non pas moi. Frontin. - Voulez-vous que j'estropie le commissionnaire, Monsieur? Arlequin. - Cela n'est pas de l'ambassade je n'ai point ordre de revenir estropié. Ergaste. - Qui est-ce qui t'envoie? Arlequin. - Une dame qui ne fait point cas de vous. Ergaste. - Quelle est-elle? Arlequin. - Ma maÃtresse. Ergaste. - Est-ce que je la connais? Arlequin. - Vous lui avez parlé ici. Ergaste. - Quoi! c'est cette dame-là qui t'envoie dire qu'elle s'est moquée de moi? Arlequin. - Elle-mÃÂȘme en original; je lui ai aussi entendu marmotter entre ses dents que vous étiez un grand fourbe; mais, comme elle ne m'a point commandé de vous le rapporter, je n'en parle qu'en passant. Ergaste. - Moi fourbe? Arlequin. - Oui; mais rien qu'entre les dents; un fourbe tout bas. Ergaste. - Frontin, aprÚs la maniÚre dont nous nous sommes quittés tous deux, je t'ai dit que j'espérais y comprends-tu quelque chose? Frontin. - Oui-da, Monsieur; esprit de femme et caprice voilà tout ce que c'est; qui dit l'un, suppose l'autre; les avez-vous jamais vus séparés? Arlequin. - Ils sont unis comme les cinq doigts de la main. Ergaste, à Arlequin. - Mais ne te tromperais-tu pas? Ne me prends-tu point pour un autre? Arlequin. - Oh! que non. N'ÃÂȘtes-vous pas un homme d'hier? Ergaste. - Qu'appelles-tu un homme d'hier? Je ne t'entends point. Frontin. - Il parle de vous comme d'un enfant au maillot. Est-ce que les gens d'hier sont de cette taille-là ? Arlequin. - J'entends que vous ÃÂȘtes ici d'hier. Ergaste. - Oui. Arlequin. - Un officier de la Majesté du Roi. Ergaste. - Sais-tu mon nom? Je l'ai dit à cette dame. Arlequin. - Elle me l'a dit aussi un appelé Ergaste. Ergaste, outré. - C'est cela mÃÂȘme! Arlequin. - Eh bien! c'est vous qu'on n'estime pas; vous voyez bien que le paquet est à votre adresse. Frontin. - Ma foi! il n'y a plus qu'à lui en payer le port, Monsieur. Arlequin. - Non, c'est port payé. Ergaste. - Je suis au désespoir! Arlequin. - On s'est un peu diverti de vous en passant, on vous a regardé comme une farce qui n'amuse plus. Adieu. Il fait quelques pas. Ergaste. - Je m'y perds! Arlequin, revenant. - Attendez... Il y a encore un petit reliquat, je ne vous ai donné que la moitié de votre affaire j'ai ordre de vous dire... J'ai oublié mon ordre... La moquerie, un; la farce, deux; il y a un troisiÚme article. Frontin. - S'il ressemble au reste, nous ne perdons rien de curieux. Arlequin, tirant des tablettes. - Pardi! il est tout de son long dans ces tablettes-ci. Ergaste. - Eh! montre donc! Arlequin. - Non pas, s'il vous plaÃt; je ne dois pas vous les montrer cela m'est défendu, parce qu'on s'est repenti d'y avoir écrit, à cause de la bienséance et de votre peu de mérite; et on m'a crié de loin de les supprimer, et de vous expliquer le tout dans la conversation; mais laissez-moi voir ce que j'oublie... A propos, je ne sais pas lire; lisez donc vous-mÃÂȘme. Il donne les tablettes à Ergaste. Frontin. - Eh! morbleu, Monsieur, laissez là ces tablettes, et n'y répondez que sur le dos du porteur. Arlequin. - Je n'ai jamais été le pupitre de personne. Ergaste lit. - Je viens de vous apercevoir aux genoux de ma soeur. Ergaste s'interrompant. Moi! Il continue. Vous jouez fort bien la comédie vous me l'avez donnée tantÎt, mais je n'en veux plus. Je vous avais permis de m'aborder encore, et je vous le défends, j'oublie mÃÂȘme que je vous ai vu. Arlequin. - Tout juste; voilà l'article qui nous manquait plus de fréquentation, c'est l'intention de la tablette. Bonsoir. Ergaste reste comme immobile. Frontin. - J'avoue que voilà le vertigo le mieux conditionné qui soit jamais sorti d'aucun cerveau femelle. Ergaste, recourant à Arlequin. - ArrÃÂȘte, oÃÂč est-elle? Arlequin. - Je suis sourd. Ergaste. - Attends que j'aie fait, du moins, un mot de réponse; il est aisé de me justifier elle m'accuse d'avoir vu sa soeur, et je ne la connais pas. Arlequin. - Chanson! Ergaste, en lui donnant de l'argent. - Tiens, prends, et arrÃÂȘte. Arlequin. - Grand merci; quand je parle de chanson, c'est que j'en vais chanter une; faites à votre aise, mon cavalier; je n'ai jamais vu de fourbe si honnÃÂȘte homme que vous. Il chante. Ra la ra ra... Ergaste. - Amuse-le, Frontin; je n'ai qu'un pas à faire pour aller au logis, et je vais y écrire un mot. ScÚne XIII Arlequin, Frontin Arlequin. - Puisqu'il me paie des injures, voyez combien je gagnerais avec lui, si je lui apportais des compliments... Il chante. Ta la la ta ra ra la. Frontin. - Voilà de jolies paroles que tu chantes là . Arlequin. - Je n'en sais point d'autres. Allons, divertis-moi ton maÃtre t'a chargé de cela, fais-moi rire. Frontin. - Veux-tu que je chante aussi? Arlequin. - Je ne suis pas curieux de symphonie. Frontin. - De symphonie! Est-ce que tu prends ma voix pour un orchestre? Arlequin. - C'est qu'en fait de musique, il n'y a que le tambour qui me fasse plaisir. Frontin. - C'est-à -dire que tu es au concert, quand on bat la caisse. Arlequin. - Oh! je suis à l'Opéra. Frontin. - Tu as l'oreille martiale. Avec quoi te divertirai-je donc? Aimes-tu les contes des fées? Arlequin. - Non, je ne me soucie ni de comtes ni de marquis. Frontin. - Parlons donc de boire. Arlequin. - Montre-moi le sujet du discours. Frontin. - Le vin, n'est-ce pas? On l'a mis au frais. Arlequin. - Qu'on l'en retire, j'aime à boire chaud. Frontin. - Cela est malsain; parlons de ta maÃtresse. Arlequin, brusquement. - Expédions la bouteille. Frontin. - Doucement! je n'ai pas le sol, mon garçon. Arlequin. - Ce misérable! Et du crédit? Frontin. - Avec cette mine-là , oÃÂč veux-tu que j'en trouve? Mets-toi à la place du marchand de vin. Arlequin. - Tu as raison, je te rends justice on ne saurait rien emprunter sur cette grimace-là . Frontin. - Il n'y a pas moyen, elle est trop sincÚre; mais il y a remÚde à tout paie, et je te le rendrai. Arlequin. - Tu me le rendras? Mets-toi à ma place aussi, le croirais-tu? Frontin. - Non, tu réponds juste; mais paie en pur don, par galanterie, sois généreux... Arlequin. - Je ne saurais, car je suis vilain je n'ai jamais bu à mes dépens. Frontin. - Morbleu! que ne sommes-nous à Paris, j'aurais crédit. Arlequin. - Eh! que fait-on à Paris? Parlons de cela, faute de mieux est-ce une grande ville? Frontin. - Qu'appelles-tu une ville? Paris, c'est le monde; le reste de la terre n'en est que les faubourgs. Arlequin. - Si je n'aimais pas Lisette, j'irais voir le monde. Frontin. - Lisette, dis-tu? Arlequin. - Oui, c'est ma maÃtresse. Frontin. - Dis donc que ce l'était, car je te l'ai soufflée hier. Arlequin. - Ah! maudit souffleur! Ah! scélérat! Ah! chenapan! ScÚne XIV Ergaste, Frontin, Arlequin Ergaste. - Tiens, mon ami, cours porter cette lettre à la dame qui t'envoie. Arlequin. - J'aimerais mieux ÃÂȘtre le postillon du diable, qui vous emporte tous deux, vous et ce coquin, qui est la copie d'un fripon! ce maraud, qui n'a ni argent, ni crédit, ni le mot pour rire! un sorcier qui souffle les filles! un escroc qui veut m'emprunter du vin! un gredin qui dit que je ne suis pas dans le monde, et que mon pays n'est qu'un faubourg! Cet insolent! un faubourg! Va, va, je t'apprendrai à connaÃtre les villes. Arlequin s'en va. Ergaste, à Frontin. - Qu'est-ce que cela signifie? Frontin. - C'est une bagatelle, une affaire de jalousie c'est que nous nous trouvons rivaux, et il en sent la conséquence. Ergaste. - De quoi aussi t'avises-tu de parler de Lisette? Frontin. - Mais, Monsieur, vous avez vu des amants devineriez-vous que cet homme-là en est un? Dites en conscience. Ergaste. - Va donc toi-mÃÂȘme chercher cette dame-là , et lui remets mon billet le plus tÎt que tu pourras. Frontin. - Soyez tranquille, je vous rendrai bon compte de tout ceci par le moyen de Lisette. Ergaste. - Hùte-toi, car je souffre. Frontin part. ScÚne XV Ergaste, seul. Vit-on jamais rien de plus étonnant que ce qui m'arrive? Il faut absolument qu'elle se soit méprise. ScÚne XVI Lisette, Ergaste Lisette. - N'avez-vous pas vu la soeur de Madame, Monsieur? Ergaste. - Eh non, Lisette, de qui me parles-tu? Je n'ai vu que ta maÃtresse, je ne me suis entretenu qu'avec elle; sa soeur m'est totalement inconnue, et je n'entends rien à ce qu'on me dit là . Lisette. - Pourquoi vous fùcher? Je ne vous dis pas que vous lui ayez parlé, je vous demande si vous ne l'avez pas aperçue? Ergaste. - Eh! non, te dis-je, non, encore une fois, non je n'ai vu de femme que ta maÃtresse, et quiconque lui a rapporté autre chose a fait une imposture, et si elle croit avoir vu le contraire, elle s'est trompée. Lisette. - Ma foi, Monsieur, si vous n'entendez rien à ce que je vous dis, je ne vois pas plus clair dans ce que vous me dites. Vous voilà dans un mouvement épouvantable à cause de la question du monde la plus simple que je vous fais. A qui en avez-vous? Est-ce distraction, méchante humeur, ou fantaisie? Ergaste. - D'oÃÂč vient qu'on me parle de cette soeur? D'oÃÂč vient qu'on m'accuse de m'ÃÂȘtre entretenu avec elle? Lisette. - Eh! qui est-ce qui vous en accuse? OÃÂč avez-vous pris qu'il s'agisse de cela? En ai-je ouvert la bouche? Ergaste. - Frontin est allé porter un billet à ta maÃtresse, oÃÂč je lui jure que je ne sais ce que c'est. Lisette. - Le billet était fort inutile; et je ne vous parle ici de cette soeur que parce que nous l'avons vue se promener ici prÚs. Ergaste. - Qu'elle s'y promÚne ou non, ce n'est pas ma faute, Lisette, et si quelqu'un s'est jeté à ses genoux, je te garantis que ce n'est pas moi. Lisette. - Oh! Monsieur, vous me fùchez aussi, et vous ne me ferez pas accroire qu'il me soit rien échappé sur cet article-là ; il faut écouter ce qu'on vous dit, et répondre raisonnablement aux gens, et non pas aux visions que vous avez dans la tÃÂȘte. Dites-moi seulement si vous n'avez pas vu la soeur de Madame, et puis c'est tout. Ergaste. - Non, Lisette, non, tu me désespÚres! Lisette. - Oh! ma foi, vous ÃÂȘtes sujet à des vapeurs, ou bien auriez-vous, par hasard, de l'antipathie pour le mot de soeur? Ergaste. - Fort bien. Lisette. - Fort mal. Ecoutez-moi, si vous le pouvez. Ma maÃtresse a un mot à vous dire sur le comte de Belfort; elle n'osait revenir à cause de cette soeur dont je vous parle, et qu'elle a aperçue se promener dans ces cantons-ci; or, vous m'assurez ne l'avoir point vue. Ergaste. - J'en ferai tous les serments imaginables. Lisette. - Oh! je vous crois. A part. Le plaisant écart! Quoi qu'il en soit, ma maÃtresse va revenir, attendez-la. Ergaste. - Elle va revenir, dis-tu? Lisette. - Oui, Clarice elle-mÃÂȘme, et j'arrive exprÚs pour vous en avertir. A part, en s'en allant. C'est là qu'il en tient, quel dommage! ScÚne XVII Ergaste, seul. Puisque Clarice revient, apparemment qu'elle s'est désabusée, et qu'elle a reconnu son erreur. ScÚne XVIII Frontin, Ergaste Ergaste. - Eh bien! Frontin, on n'est plus fùchée; et le billet a été bien reçu, n'est-ce pas? Frontin, triste. - Qui est-ce qui vous fournit vos nouvelles, Monsieur? Ergaste. - Pourquoi? Frontin. - C'est que moi, qui sors de la mÃÂȘlée, je vous en apporte d'un peu différentes. Ergaste. - Qu'est-il donc arrivé? Frontin. - Tirez sur ma figure l'horoscope de notre fortune. Ergaste. - Et mon billet? Frontin. - Hélas! c'est le plus maltraité. Ne voyez-vous pas bien que j'en porte le deuil d'avance? Ergaste. - Qu'est-ce que c'est que d'avance? OÃÂč est-il? Frontin. - Dans ma poche, en fort mauvais état. Il le tire. Tenez, jugez vous-mÃÂȘme s'il peut en revenir. Ergaste. - Il est déchiré! Frontin. - Oh! cruellement! Et bien m'en a pris d'ÃÂȘtre d'une étoffe d'un peu plus de résistance que lui, car je ne reviendrais pas en meilleur ordre. Je ne dis rien des ignominies qui ont accompagné notre disgrùce, et dont j'ai risqué de vous rapporter un certificat sur ma joue. Ergaste. - Lisette, qui sort d'ici, m'a donc joué? Frontin. - Eh! que vous a-t-elle dit, cette double soubrette? Ergaste. - Que j'attendisse sa maÃtresse ici, qu'elle allait y venir pour me parler, et qu'elle ne songeait à rien. Frontin. - Ce que vous me dites là ne vaut pas le diable, ne vous fiez point à ce calme-là , vous en serez la dupe, Monsieur; nous revenons houspillés, votre billet et moi allez-vous-en, sauvez le corps de réserve. Ergaste. - Dis-moi donc ce qui s'est passé! Frontin. - En voici la courte et lamentable histoire. J'ai trouvé l'inhumaine à trente ou quarante pas d'ici; je vole à elle, et je l'aborde en courrier suppliant C'est de la part du marquis Ergaste, lui dis-je d'un ton de voix qui demandait la paix. Qu'est-ce, mon ami? Qui ÃÂȘtes-vous? Eh! que voulez-vous? Qu'est-ce que c'est que cet Ergaste? Allez, vous vous méprenez, retirez-vous, je ne connais point cela. Madame, que votre beauté ait pour agréable de m'entendre; je parle pour un homme à demi mort, et peut-ÃÂȘtre actuellement défunt, qu'un petit nÚgre est venu de votre part assassiner dans des tablettes et voici les mourantes lignes que vous adresse dans ce papier son douloureux amour. Je pleurais moi-mÃÂȘme en lui tenant ces propos lugubres, on eût dit que vous étiez enterré, et que c'était votre testament que j'apportais. Ergaste. - AchÚve. Que t'a-t-elle répondu? Frontin, lui montrant le billet. - Sa réponse? la voilà mot pour mot; il ne faut pas grande mémoire pour en retenir les paroles. Ergaste. - L'ingrate! Frontin. - Quand j'ai vu cette action barbare, et le papier couché sur la poussiÚre, je l'ai ramassé; ensuite, redoublant de zÚle, j'ai pensé que mon esprit devait suppléer au vÎtre, et vous n'avez rien perdu au change. On n'écrit pas mieux que j'ai parlé, et j'espérais déjà beaucoup de ma piÚce d'éloquence, quand le vent d'un revers de main, qui m'a frisé la moustache, a forcé le harangueur d'arrÃÂȘter aux deux tiers de sa harangue. Ergaste. - Non, je ne reviens point de l'étonnement oÃÂč tout cela me jette, et je ne conçois rien aux motifs d'une aussi sanglante raillerie. Frontin, se frottant les yeux. - Monsieur, je la vois; la voilà qui arrive, et je me sauve; c'est peut-ÃÂȘtre le soufflet qui a manqué tantÎt, qu'elle vient essayer de faire réussir. Il s'écarte sans sortir. ScÚne XIX Ergaste, Clarice, Lisette, Frontin Clarice, démasquée en l'abordant, et puis remettant son masque. - Je prends l'instant oÃÂč ma soeur, qui se promÚne là -bas, est un peu éloignée, pour vous dire un mot, Monsieur. Vous devez, dites-vous, accompagner ce soir, au logis, le comte de Belfort silence, s'il vous plaÃt, sur nos entretiens dans ce lieu-ci; vous sentez bien qu'il faut que ma soeur et lui les ignorent. Adieu. Ergaste. - Quel étrange procédé que le vÎtre, Madame! Vous reste-t-il encore quelque nouvelle injure à faire à ma tendresse? Clarice. - Qu'est-ce que cela signifie, Monsieur? Vous m'étonnez! Lisette. - Ne vous l'ai-je pas dit? c'est que vous lui parlez de votre soeur il ne saurait entendre prononcer ce mot-là sans en ÃÂȘtre furieux; je n'en ai pas tiré plus de raison tantÎt. Frontin. - La bonne ùme! Vous verrez que nous aurons encore tort. N'approchez pas, Monsieur, plaidez de loin; Madame a la main légÚre, elle me doit un soufflet, vous dis-je, et elle vous le paierait peut-ÃÂȘtre. En tout cas, je vous le donne. Clarice. - Un soufflet! Que veut-il dire? Lisette. - Ma foi, Madame, je n'en sais rien; il y a des fous qu'on appelle visionnaires, n'en serait-ce pas là ? Clarice. - Expliquez donc cette énigme, Monsieur; quelle injure vous a-t-on faite? De quoi se plaint-il? Ergaste. - Eh! Madame, qu'appelez-vous énigme? A quoi puis-je attribuer cette contradiction dans vos maniÚres, qu'au dessein formel de vous moquer de moi? OÃÂč ai-je vu cette soeur, à qui vous voulez que j'aie parlé ici? Lisette. - Toujours cette soeur! ce mot-là lui tourne la tÃÂȘte. Frontin. - Et ces agréables tablettes oÃÂč nos soupirs sont traités de farce, et qui sont chargées d'un congé à notre adresse. Clarice, à Lisette. - Lisette, sais-tu ce que c'est? Lisette, comme à part. - Bon! ne voyez-vous pas bien que le mal est au timbre? Ergaste. - Comment avez-vous reçu mon billet, Madame? Frontin, le montrant. - Dans l'état oÃÂč vous l'avez mis, je vous demande à présent ce qu'on en peut faire. Ergaste. - Porter le mépris jusqu'à refuser de le lire! Frontin. - Violer le droit des gens en ma personne, attaquer la joue d'un orateur, la forcer d'esquiver une impolitesse! OÃÂč en serait-elle, si elle avait été maladroite? Ergaste. - Méritais-je que ce papier fût déchiré? Frontin. - Ce soufflet était-il à sa place? Lisette. - Madame, sommes-nous en sûreté avec eux? Ils ont les yeux bien égarés. Clarice. - Ergaste, je ne vous crois pas un insensé; mais tout ce que vous me dites là ne peut ÃÂȘtre que l'effet d'un rÃÂȘve ou de quelque erreur dont je ne sais pas la cause. Voyons. Lisette. - Je vous avertis qu'Hortense approche, Madame. Clarice. - Je ne m'écarte que pour un moment, Ergaste, car je veux éclaircir cette aventure-là . Elles s'en vont. ScÚne XX Ergaste, Frontin Ergaste. - Mais en effet, Frontin, te serais-tu trompé? N'aurais-tu pas porté mon billet à une autre? Frontin. - Bon! oubliez-vous les tablettes? Sont-elles tombées des nues? Ergaste. - Cela est vrai. ScÚne XXI Hortense, Ergaste, Frontin Hortense, masquée, qu'Ergaste prend pour Clarice à qui il vient de parler. - Vous venez de m'envoyer un billet, Monsieur, qui me fait craindre que vous ne tentiez de me parler, ou qu'il ne m'arrive encore quelque nouveau message de votre part, et je viens vous prier moi-mÃÂȘme qu'il ne soit plus question de rien; que vous ne vous ressouveniez pas de m'avoir vue, et surtout que vous le cachiez à ma soeur, comme je vous promets de le lui cacher à mon tour; c'est tout ce que j'avais à vous dire, et je passe. Ergaste, étonné. - Entends-tu, Frontin? Frontin. - Mais oÃÂč diable est donc cette soeur? ScÚne XXII et derniÚre Hortense, Clarice, Lisette, Ergaste, Frontin, Arlequin Clarice, à Ergaste et à Hortense. - Quoi! ensemble! vous vous connaissez donc? Frontin, voyant Clarice. - Monsieur, voilà une friponne, sur ma parole. Hortense, à Ergaste. - Etes-vous confondu? Ergaste. - Si je la connais, Madame, je veux que la foudre m'écrase! Lisette. - Ah! le petit traÃtre! Clarice. - Vous ne me connaissez point? Ergaste. - Non, Madame, je ne vous vis jamais, j'en suis sûr, et je vous crois mÃÂȘme une personne apostée pour vous divertir à mes dépens, ou pour me nuire. Et se tournant du cÎté d'Hortense. Et je vous jure, Madame, par tout ce que j'ai d'honneur... Hortense, se démasquant. - Ne jurez pas, ce n'est pas la peine, je ne me soucie ni de vous ni de vos serments. Ergaste, qui la regarde. - Que vois-je? Je ne vous connais point non plus. Frontin. - C'est pourtant le mÃÂȘme habit à qui j'ai parlé, mais ce n'est pas la mÃÂȘme tÃÂȘte. Clarice, en se démasquant. - Retournons-nous-en, ma soeur, et soyons discrÚtes. Ergaste, se jetant aux genoux de Clarice. - Ah! Madame, je vous reconnais, c'est vous que j'adore. Clarice. - Sur ce pied-là , tout est éclairci. Lisette. - Oui, je suis au fait. A Hortense. Monsieur vous a sans doute abordée, Madame; vos habits se ressemblent, et il vous aura pris pour Madame, à qui il parla hier. Ergaste. - C'est cela mÃÂȘme, c'est l'habit qui m'a jeté dans l'erreur. Frontin. - Ah! nous en tirerons pourtant quelque chose. A Hortense. Le soufflet et les tablettes sont sans doute sur votre compte, Madame. Hortense. - Il ne s'agit plus de cela, c'est un détail inutile. Ergaste, à Hortense. - Je vous demande mille pardons de ma méprise, Madame; je ne suis pas capable de changer, mais personne ne rendrait l'infidélité plus pardonnable que vous. Hortense. - Point de compliments, Monsieur le Marquis reconduisez-nous au logis, sans attendre que le comte de Belfort s'en mÃÂȘle. Lisette, à Ergaste. - L'aventure a bien fait de finir, j'allais vous croire échappés des Petites-Maisons. Frontin. - Va, va, puisque je t'aime, je ne me vante pas d'ÃÂȘtre trop sage. Arlequin, à Lisette. - Et toi, l'aimes-tu? Comment va le coeur? Lisette. - Demande-lui-en des nouvelles, c'est lui qui me le garde. Le Petit-MaÃtre corrigé Acteurs Comédie en trois actes, en prose, représentée pour la premiÚre fois le 6 novembre 1734 par les comédiens Français Acteurs Le Comte, pÚre d'Hortense. La Marquise. Hortense, fille du Comte. Rosimond, fils de la Marquise. DorimÚne. Dorante, ami de Rosimond. Marton, suivante d'Hortense. Frontin, valet de Rosimond. La scÚne est à la campagne dans la maison du comte. Acte premier ScÚne premiÚre Hortense, Marton Marton. - Eh bien, Madame, quand sortirez-vous de la rÃÂȘverie oÃÂč vous ÃÂȘtes? Vous m'avez appelé, me voilà , et vous ne me dites mot. Hortense. - J'ai l'esprit inquiet. Marton. - De quoi s'agit-il donc? Hortense. - N'ai-je pas de quoi rÃÂȘver? on va me marier, Marton. Marton. - Eh vraiment, je le sais bien, on n'attend plus que votre oncle pour terminer ce mariage; d'ailleurs, Rosimond, votre futur, n'est arrivé que d'hier, et il faut vous donner patience. Hortense. - Patience, est-ce que tu me crois pressée? Marton. - Pourquoi non? on l'est ordinairement à votre place; le mariage est une nouveauté curieuse, et la curiosité n'aime pas à attendre. Hortense. - Je différerai tant qu'on voudra. Marton. - Ah! heureusement qu'on veut expédier! Hortense. - Eh! laisse-là tes idées. Marton. - Est-ce que Rosimond n'est pas de votre goût? Hortense. - C'est de lui dont je veux te parler. Marton, tu es fille d'esprit, comment le trouves-tu? Marton. - Mais il est d'une jolie figure. Hortense. - Cela est vrai. Marton. - Sa physionomie est aimable. Hortense. - Tu as raison. Marton. - Il me paraÃt avoir de l'esprit. Hortense. - Je lui en crois beaucoup. Marton. - Dans le fond, mÃÂȘme, on lui sent un caractÚre d'honnÃÂȘte homme. Hortense. - Je le pense comme toi. Marton. - Et, à vue de pays, tout son défaut, c'est d'ÃÂȘtre ridicule. Hortense. - Et c'est ce qui me désespÚre, car cela gùte tout. Je lui trouve de si sottes façons avec moi, on dirait qu'il dédaigne de me plaire, et qu'il croit qu'il ne serait pas du bon air de se soucier de moi parce qu'il m'épouse... Marton. - Ah! Madame, vous en parlez bien à votre aise. Hortense. - Que veux-tu dire? Est-ce que la raison mÃÂȘme n'exige pas un autre procédé que le sien? Marton. - Eh oui, la raison mais c'est que parmi les jeunes gens du bel air, il n'y a rien de si bourgeois que d'ÃÂȘtre raisonnable. Hortense. - Peut-ÃÂȘtre, aussi, ne suis-je pas de son goût. Marton. - Je ne suis pas de ce sentiment-là , ni vous non plus; non, tel que vous le voyez il vous aime; ne l'ai-je pas fait rougir hier, moi, parce que je le surpris comme il vous regardait à la dérobée attentivement? voilà déjà deux ou trois fois que je le prends sur le fait. Hortense. - Je voudrais ÃÂȘtre bien sûre de ce que tu me dis là . Marton. - Oh! je m'y connais cet homme-là vous aime, vous dis-je, et il n'a garde de s'en vanter, parce que vous n'allez ÃÂȘtre que sa femme; mais je soutiens qu'il étouffe ce qu'il sent, et que son air de petit-maÃtre n'est qu'une gasconnade avec vous. Hortense. - Eh bien, je t'avouerai que cette pensée m'est venue comme à toi. Marton. - Eh! par hasard, n'auriez-vous pas eu la pensée que vous l'aimez aussi? Hortense. - Moi, Marton? Marton. - Oui, c'est qu'elle m'est encore venue, voyez. Hortense. - Franchement c'est grand dommage que ses façons nuisent au mérite qu'il aurait. Marton. - Si on pouvait le corriger? Hortense. - Et c'est à quoi je voudrais tùcher; car, s'il m'aime, il faudra bien qu'il me le dise bien franchement, et qu'il se défasse d'une extravagance dont je pourrais ÃÂȘtre la victime quand nous serons mariés, sans quoi je ne l'épouserai point; commençons par nous assurer qu'il n'aime point ailleurs, et que je lui plais; car s'il m'aime, j'aurai beau jeu contre lui, et je le tiens pour à moitié corrigé; la peur de me perdre fera le reste. Je t'ouvre mon coeur, il me sera cher s'il devient raisonnable; je n'ai pas trop le temps de réussir, mais il en arrivera ce qui pourra; essayons, j'ai besoin de toi, tu es adroite, interroge son valet, qui me paraÃt assez familier avec son maÃtre. Marton. - C'est à quoi je songeais mais il y a une petite difficulté à cette commission-là ; c'est que le maÃtre a gùté le valet, et Frontin est le singe de Rosimond; ce faquin croit apparemment m'épouser aussi, et se donne, à cause de cela, les airs d'en agir cavaliÚrement, et de soupirer tout bas; car de son cÎté il m'aime. Hortense. - Mais il te parle quelquefois? Marton. - Oui, comme à une soubrette de campagne mais n'importe, le voici qui vient à nous, laissez-nous ensemble, je travaillerai à le faire causer. Hortense. - Surtout conduis-toi si adroitement, qu'il ne puisse soupçonner nos intentions. Marton. - Ne craignez rien, ce sera tout en causant que je m'y prendrai; il m'instruira sans qu'il le sache. ScÚne II Hortense, Marton, Frontin Hortense s'en va, Frontin l'arrÃÂȘte. Frontin. - Mon maÃtre m'envoie savoir comment vous vous portez, Madame, et s'il peut ce matin avoir l'honneur de vous voir bientÎt? Marton. - Qu'est-ce que c'est que bientÎt? Frontin. - Comme qui dirait dans une heure; il n'est pas habillé. Hortense. - Tu lui diras que je n'en sais rien. Frontin. - Que vous n'en savez rien, Madame? Marton. - Non, Madame a raison, qui est-ce qui sait ce qui peut arriver dans l'intervalle d'une heure? Frontin. - Mais, Madame, j'ai peur qu'il ne comprenne rien à ce discours. Hortense. - Il est pourtant trÚs clair; je te dis que je n'en sais rien. ScÚne III Marton, Frontin Frontin. - Ma belle enfant, expliquez-moi la réponse de votre maÃtresse, elle est d'un goût nouveau. Marton. - Toute simple. Frontin. - Elle est mÃÂȘme fantasque. Marton. - Toute unie. Frontin. - Mais à propos de fantaisie, savez-vous bien que votre minois en est une, et des plus piquantes? Marton. - Oh, il est trÚs commun, aussi bien que la réponse de ma maÃtresse. Frontin. - Point du tout, point du tout. Avez-vous des amants? Marton. - Eh!... on a toujours quelque petite fleurette en passant. Frontin. - Elle est d'une ingénuité charmante; écoutez, nos maÃtres vont se marier; vous allez venir à Paris, je suis d'avis de vous épouser aussi; qu'en dites-vous? Marton. - Je ne suis pas assez aimable pour vous. Frontin. - Pas mal, pas mal, je suis assez content. Marton. - Je crains le nombre de vos maÃtresses, car je vais gager que vous en avez autant que votre maÃtre qui doit en avoir beaucoup; nous avons entendu dire que c'était un homme fort couru, et vous aussi sans doute? Frontin. - Oh! trÚs courus; c'est à qui nous attrapera tous deux, il a pensé mÃÂȘme m'en venir quelqu'une des siennes. Les conditions se confondent un peu à Paris, on n'y est pas scrupuleux sur les rangs. Marton. - Et votre maÃtre et vous, continuerez-vous d'avoir des maÃtresses quand vous serez nos maris? Frontin. - Tenez, il est bon de vous mettre là -dessus au fait. Ecoutez, il n'en est pas de Paris comme de la province, les coutumes y sont différentes. Marton. - Ah! différentes? Frontin. - Oui, en province, par exemple, un mari promet fidélité à sa femme, n'est-ce pas? Marton. - Sans doute. Frontin. - A Paris c'est de mÃÂȘme; mais la fidélité de Paris n'est point sauvage, c'est une fidélité galante, badine, qui entend raillerie, et qui se permet toutes les petites commodités du savoir-vivre; vous comprenez bien? Marton. - Oh! de reste. Frontin. - Je trouve sur mon chemin une personne aimable; je suis poli, elle me goûte; je lui dis des douceurs, elle m'en rend; je folùtre, elle le veut bien, pratique de politesse, commodité de savoir-vivre, pure amourette que tout cela dans le mari; la fidélité conjugale n'y est point offensée; celle de province n'est pas de mÃÂȘme, elle est sotte, revÃÂȘche et tout d'une piÚce, n'est-il pas vrai? Marton. - Oh! oui, mais ma maÃtresse fixera peut-ÃÂȘtre votre maÃtre, car il me semble qu'il l'aimera assez volontiers, si je ne me trompe. Frontin. - Vous avez raison, je lui trouve effectivement comme une vapeur d'amour pour elle. Marton. - Croyez-vous? Frontin. - Il y a dans son coeur un étonnement qui pourrait devenir trÚs sérieux; au surplus, ne vous inquiétez pas, dans les amourettes on n'aime qu'en passant, par curiosité de goût, pour voir un peu comment cela fera; de ces inclinations-là , on en peut fort bien avoir une demi-douzaine sans que le coeur en soit plus chargé, tant elles sont légÚres. Marton. - Une demi-douzaine! cela est pourtant fort, et pas une sérieuse... Frontin. - Bon, quelquefois tout cela est expédié dans la semaine; à Paris, ma chÚre enfant, les coeurs, on ne se les donne pas, on se les prÃÂȘte, on ne fait que des essais. Marton. - Quoi, là -bas, votre maÃtre et vous, vous n'avez encore donné votre coeur à personne? Frontin. - A qui que ce soit; on nous aime beaucoup, mais nous n'aimons point c'est notre usage. Marton. - J'ai peur que ma maÃtresse ne prenne cette coutume-là de travers. Frontin. - Oh! que non, les agréments l'y accoutumeront; les amourettes en passant sont amusantes; mon maÃtre passera, votre maÃtresse de mÃÂȘme, je passerai, vous passerez, nous passerons tous. Marton, en riant. - Ah! ah! ah! j'entre si bien dans ce que vous dites, que mon coeur a déjà passé avec vous. Frontin. - Comment donc? Marton. - Doucement, voilà la Marquise, la mÚre de Rosimond qui vient. ScÚne IV La Marquise, Frontin, Marton La Marquise. - Je suis charmée de vous trouver là , Marton, je vous cherchais; que disiez-vous à Frontin? Parliez-vous de mon fils? Marton. - Oui, Madame. La Marquise. - Eh bien, que pense de lui Hortense? Ne lui déplaÃt-il point? Je voulais vous demander ses sentiments, dites-les-moi, vous les savez sans doute, et vous me les apprendrez plus librement qu'elle; sa politesse me les cacherait, peut-ÃÂȘtre, s'ils n'étaient pas favorables. Marton. - C'est à peu prÚs de quoi nous nous entretenions, Frontin et moi, Madame; nous disions que Monsieur votre fils est trÚs aimable, et ma maÃtresse le voit tel qu'il est; mais je demandais s'il l'aimerait. La Marquise. - Quand on est faite comme Hortense, je crois que cela n'est pas douteux, et ce n'est pas de lui dont je m'embarrasse. Frontin. - C'est ce que je répondais. Marton. - Oui, vous m'avez parlé d'une vapeur de tendresse, qu'il lui a pris pour elle; mais une vapeur se dissipe. La Marquise. - Que veut dire une vapeur? Marton. - Frontin vient de me l'expliquer, Madame; c'est comme un étonnement de coeur, et un étonnement ne dure pas; sans compter que les commodités de la fidélité conjugale sont un grand article. La Marquise. - Qu'est-ce que c'est donc que ce langage-là , Marton? Je veux savoir ce que cela signifie. D'aprÚs qui répétez-vous tant d'extravagances? car vous n'ÃÂȘtes pas folle, et vous ne les imaginez pas sur-le-champ. Marton. - Non, Madame, il n'y a qu'un moment que je sais ce que je vous dis là , c'est une instruction que vient de me donner Frontin sur le coeur de son maÃtre, et sur l'agréable économie des mariages de Paris. La Marquise. - Cet impertinent? Frontin. - Ma foi, Madame, si j'ai tort, c'est la faute du beau monde que j'ai copié; j'ai rapporté la mode, je lui ai donné l'état des choses et le plan de la vie ordinaire. La Marquise. - Vous ÃÂȘtes un sot, taisez-vous; vous pensez bien, Marton, que mon fils n'a nulle part à de pareilles extravagances; il a de l'esprit, il a des moeurs, il aimera Hortense, et connaÃtra ce qu'elle vaut; pour toi, je te recommanderai à ton maÃtre, et lui dirai qu'il te corrige. Elle s'en va. ScÚne V Marton, Frontin Marton, éclatant de rire. - Ah! ah! ah! ah! Frontin. - Ah! ah! ah! ah! Marton. - Ah! Mon ingénuité te charme-t-elle encore? Frontin. - Non, mon admiration s'était méprise; c'est ta malice qui est admirable. Marton. - Ah! ah! pas mal, pas mal. Frontin, lui présente la main. - Allons, touche-là , Marton. Marton. - Pourquoi donc? ce n'est pas la peine. Frontin. - Touche-là , te dis-je, c'est de bon coeur. Marton, lui donnant la main. - Eh bien, que veux-tu dire? Frontin. - Marton, ma foi tu as raison, j'ai fait l'impertinent tout à l'heure. Marton. - Le vrai faquin! Frontin. - Le sot, le fat. Marton. - Oh, mais tu tombes à présent dans un excÚs de raison, tu vas me réduire à te louer. Frontin. - J'en veux à ton coeur, et non pas à tes éloges. Marton. - Tu es encore trop convalescent, j'ai peur des rechutes. Frontin. - Il faut pourtant que tu m'aimes. Marton. - Doucement, vous redevenez fat. Frontin. - Paix, voici mon original qui arrive. ScÚne VI Rosimond, Frontin, Marton Rosimond, à Frontin. - Ah, tu es ici toi, et avec Marton? je ne te plains pas Que te disait-il, Marton? Il te parlait d'amour, je gage; hé! n'est-ce pas? Souvent ces coquins-là sont plus heureux que d'honnÃÂȘtes gens. Je n'ai rien vu de si joli que vous, Marton; il n'y a point de femme à la cour qui ne s'accommodùt de cette figure-là . Frontin. - Je m'en accommoderais encore mieux qu'elle. Rosimond. - Dis-moi, Marton, que fait-on dans ce pays-ci? Y a-t-il du jeu? de la chasse? des amours? Ah, le sot pays, ce me semble. A propos, ce bon homme qu'on attend de sa terre pour finir notre mariage, cet oncle arrive-t-il bientÎt? Que ne se passe-t-on de lui? Ne peut-on se marier sans que ce parent assiste à la cérémonie? Marton. - Que voulez-vous? Ces messieurs-là , sous prétexte qu'on est leur niÚce et leur héritiÚre, s'imaginent qu'on doit faire quelque attention à eux. Mais je ne songe pas que ma maÃtresse m'attend. Rosimond. - Tu t'en vas, Marton? Tu es bien pressée. A propos de ta maÃtresse, tu ne m'en parles pas; j'avais dit à Frontin de demander si on pouvait la voir. Frontin. - Je l'ai vue aussi, Monsieur, Marton était présente, et j'allais vous rendre réponse. Marton. - Et moi je vais la rejoindre. Rosimond. - Attends, Marton, j'aime à te voir; tu es la fille du monde la plus amusante. Marton. - Je vous trouve trÚs curieux à voir aussi, Monsieur, mais je n'ai pas le temps de rester. Rosimond. - TrÚs curieux! Comment donc! mais elle a des expressions ta maÃtresse a-t-elle autant d'esprit que toi, Marton? De quelle humeur est-elle? Marton. - Oh! d'une humeur peu piquante, assez insipide, elle n'est que raisonnable. Rosimond. - Insipide et raisonnable, il est parbleu plaisant tu n'es pas faite pour la province. Quand la verrai-je, Frontin? Frontin. - Monsieur, comme je demandais si vous pouviez la voir dans une heure, elle m'a dit qu'elle n'en savait rien. Rosimond. - Le butor! Frontin. - Point du tout, je vous rends fidÚlement la réponse. Rosimond. - Tu rÃÂȘves! il n'y a pas de sens à cela. Marton, tu y étais, il ne sait ce qu'il dit qu'a-t-elle répondu? Marton. - Précisément ce qu'il vous rapporte, Monsieur, qu'elle n'en savait rien. Rosimond. - Ma foi, ni moi non plus. Marton. - Je n'en suis pas mieux instruite que vous. Adieu, Monsieur. Rosimond. - Un moment, Marton, j'avais quelque chose à te dire et je m'en ressouviendrai; Frontin, m'est-il venu des lettres? Frontin. - A propos de lettres, oui, Monsieur, en voilà une qui est arrivée de quatre lieues d'ici par un exprÚs. Rosimond ouvre, et rit à part en lisant. - Donne... Ha, ha, ha... C'est de ma folle de comtesse... Hum... Hum... Marton. - Monsieur, ne vous trompez-vous pas? Auriez-vous quelque chose à me dire? Voyez, car il faut que je m'en aille. Rosimond, toujours lisant. - Hum!... hum!... Je suis à toi, Marton, laisse-moi achever. Marton, à part à Frontin. - C'est apparemment là une lettre de commerce. Frontin. - Oui, quelque missive de passage. Rosimond, aprÚs avoir lu. - Vous ÃÂȘtes une étourdie, comtesse. Que dites-vous là , vous autres? Marton. - Nous disons, Monsieur, que c'est quelque jolie femme qui vous écrit par amourette. Rosimond. - Doucement, Marton, il ne faut pas dire cela en ce pays-ci, tout serait perdu. Marton. - Adieu, Monsieur, je crois que ma maÃtresse m'appelle. Rosimond. - Ah! c'est d'elle dont je voulais te parler. Marton. - Oui, mais la mémoire vous revient quand je pars. Tout ce que je puis pour votre service, c'est de régaler Hortense de l'honneur que vous lui faites de vous ressouvenir d'elle. Rosimond. - Adieu donc, Marton. Elle a de la gaieté, du badinage dans l'esprit. ScÚne VII Rosimond, Frontin Frontin. - Oh, que non, Monsieur, malpeste vous ne la connaissez pas; c'est qu'elle se moque. Rosimond. - De qui? Frontin. - De qui? Mais ce n'est pas à moi qu'elle parlait. Rosimond. - Hem? Frontin. - Monsieur, je ne dis pas que je l'approuve; elle a tort; mais c'est une maligne soubrette; elle m'a décoché un trait aussi bien entendu. Rosimond. - Eh, dis-moi, ne t'a-t-on pas déjà interrogé sur mon compte? Frontin. - Oui, Monsieur; Marton, dans la conversation, m'a par hasard fait quelques questions sur votre chapitre. Rosimond. - Je les avais prévues Eh bien, ces questions de hasard, quelles sont-elles? Frontin. - Elle m'a demandé si vous aviez des maÃtresses. Et moi qui ai voulu faire votre cour... Rosimond. - Ma cour à moi! ma cour! Frontin. - Oui, Monsieur, et j'ai dit que non, que vous étiez un garçon sage, réglé. Rosimond. - Le sot avec sa rÚgle et sa sagesse; le plaisant éloge! vous ne peignez pas en beau, à ce que je vois? Heureusement qu'on ne me connaÃtra pas à vos portraits. Frontin. - Consolez-vous, je vous ai peint à votre goût, c'est-à -dire, en laid. Rosimond. - Comment! Frontin. - Oui, en petit aimable; j'ai mis une troupe de folles qui courent aprÚs vos bonnes grùces; je vous en ai donné une demi-douzaine qui partageaient votre coeur. Rosimond. - Fort bien. Frontin. - Combien en voulez-vous donc? Rosimond. - Qui partageaient mon coeur! Mon coeur avait bien à faire là passe pour dire qu'on me trouve aimable, ce n'est pas ma faute; mais me donner de l'amour, à moi! c'est un article qu'il fallait épargner à la petite personne qu'on me destine; la demi-douzaine de maÃtresses est mÃÂȘme un peu trop; on pouvait en supprimer quelques-unes; il y a des occasions oÃÂč il ne faut pas dire la vérité. Frontin. - Bon! si je n'avais dit que la vérité, il aurait peut-ÃÂȘtre fallu les supprimer toutes. Rosimond. - Non, vous ne vous trompiez point, ce n'est pas de quoi je me plains; mais c'est que ce n'est pas par hasard qu'on vous a fait ces questions-là . C'est Hortense qui vous les a fait faire, et il aurait été plus prudent de la tranquilliser sur pareille matiÚre, et de songer que c'est une fille de province que je vais épouser, et qui en conclut que je ne dois aimer qu'elle, parce qu'apparemment elle en use de mÃÂȘme. Frontin. - Eh! peut-ÃÂȘtre qu'elle ne vous aime pas. Rosimond. - Oh peut-ÃÂȘtre? il fallait le soupçonner, c'était le plus sûr; mais passons est-ce là tout ce qu'elle vous a dit? Frontin. - Elle m'a encore demandé si vous aimiez Hortense. Rosimond. - C'est bien des affaires. Frontin. - Et j'ai cru poliment devoir répondre qu'oui. Rosimond. - Poliment répondre qu'oui? Frontin. - Oui, Monsieur. Rosimond. - Eh! de quoi te mÃÂȘles-tu? De quoi t'avises-tu de m'honorer d'une figure de soupirant? Quelle platitude! Frontin. - Eh parbleu! c'est qu'il m'a semblé que vous l'aimiez. Rosimond. - Paix, de la discrétion! Il est vrai, entre nous, que je lui trouve quelques grùces naïves; elle a des traits; elle ne déplaÃt pas. Frontin. - Ah! que vous aurez grand besoin d'une leçon de Marton! Mais ne parlons pas si haut, je vois Hortense qui s'avance. Rosimond. - Vient-elle? Je me retire. Frontin. - Ah! Monsieur, je crois qu'elle vous voit. Rosimond. - N'importe; comme elle a dit qu'elle ne savait pas quand elle pourrait me voir, ce n'est pas à moi à juger qu'elle le peut à présent, et je me retire par respect en attendant qu'elle en décide. C'est ce que tu lui diras si elle te parle. Frontin. - Ma foi, Monsieur, si vous me consultez, ce respect-là ne vaut pas le diable. Rosimond, en s'en allant. - Ce qu'il y a de commode à vos conseils, c'est qu'il est permis de s'en moquer. ScÚne VIII Hortense, Marton, Frontin Hortense. - Il me semble avoir vu ton maÃtre ici? Frontin. - Oui, Madame, il vient de sortir par respect pour vos volontés. Hortense. - Comment!... Marton. - C'est sans doute à cause de votre réponse de tantÎt; vous ne saviez pas quand vous pourriez le voir. Frontin. - Et il ne veut pas prendre sur lui de décider la chose. Hortense. - Eh bien, je la décide, moi, va lui dire que je le prie de revenir, que j'ai à lui parler. Frontin. - J'y cours, Madame, et je lui ferai grand plaisir, car il vous aime de tout son coeur. Il ne vous en dira peut-ÃÂȘtre rien, à cause de sa dignité de joli homme. Il y a des rÚgles là -dessus; c'est une faiblesse excusez-la, Madame, je sais son secret, je vous le confie pour son bien; et dÚs qu'il vous l'aura dit lui-mÃÂȘme, oh! ce sera bien le plus aimable homme du monde. Pardon, Madame, de la liberté que je prends; mais Marton, avec qui je voudrais bien faire une fin, sera aussi mon excuse. Marton, prends nos intérÃÂȘts en main; empÃÂȘche Madame de nos haïr, car, dans le fond, ce serait dommage, à une bagatelle prÚs, en vérité nous méritons son estime. Hortense, en riant. - Frontin aime son maÃtre, et cela est louable. Marton. - C'est de moi qu'il tient tout le bon sens qu'il vous montre. ScÚne IX Hortense, Marton Hortense. - Il t'a donc paru que ma réponse a piqué Rosimond? Marton. - Je l'en ai vu déconcerté, quoiqu'il ait feint d'en badiner, et vous voyez bien que c'est de pur dépit qu'il se retire. Hortense. - Je le renvoie chercher, et cette démarche-là le flattera peut-ÃÂȘtre; mais elle ne le flattera pas longtemps. Ce que j'ai à lui dire rabattra de sa présomption. Cependant, Marton, il y a des moments oÃÂč je suis toute prÃÂȘte de laisser là Rosimond avec ses ridiculités, et d'abandonner le projet de le corriger. Je sens que je m'y intéresse trop; que le coeur s'en mÃÂȘle, et y prend trop de part je ne le corrigerai peut-ÃÂȘtre pas, et j'ai peur d'en ÃÂȘtre fùchée. Marton. - Eh! courage, Madame, vous réussirez, vous dis-je; voilà déjà d'assez bons petits mouvements qui lui prennent; je crois qu'il est bien embarrassé. J'ai mis le valet à la raison, je l'ai réduit vous réduirez le maÃtre. Il fera un peu plus de façon; il disputera le terrain; il faudra le pousser à bout. Mais c'est à vos genoux que je l'attends; je l'y vois d'avance; il faudra qu'il y vienne. Continuez; ce n'est pas avec des yeux comme les vÎtres qu'on manque son coup; vous le verrez. Hortense. - Je le souhaite. Mais tu as parlé au valet, Rosimond n'a-t-il point quelque inclination à Paris? Marton. - Nulle; il n'y a encore été amoureux que de la réputation d'ÃÂȘtre aimable. Hortense. - Et moi, Marton, dois-je en croire Frontin? Serait-il vrai que son maÃtre eût de la disposition à m'aimer? Marton. - Nous le tenons, Madame, et mes observations sont justes. Hortense. - Cependant, Marton, il ne vient point. Marton. - Oh! mais prétendez-vous qu'il soit tout d'un coup comme un autre? Le bel air ne veut pas qu'il accoure il vient, mais négligemment, et à son aise. Hortense. - Il serait bien impertinent qu'il y manquùt! Marton. - Voilà toujours votre pÚre à sa place; il a peut-ÃÂȘtre à vous parler, et je vous laisse. Hortense. - S'il va me demander ce que je pense de Rosimond, il m'embarrassera beaucoup, car je ne veux pas lui dire qu'il me déplaÃt, et je n'ai jamais eu tant d'envie de le dire. ScÚne X Hortense, Chrisante Chrisante. - Ma fille, je désespÚre de voir ici mon frÚre, je n'en reçois point de nouvelles, et s'il n'en vient point aujourd'hui ou demain au plus tard, je suis d'avis de terminer votre mariage. Hortense. - Pourquoi, mon pÚre, il n'y a pas de nécessité d'aller si vite. Vous savez combien il m'aime, et les égards qu'on lui doit; laissons-le achever les affaires qui le retiennent; différons de quelques jours pour lui en donner le temps. Chrisante. - C'est que la Marquise me presse, et ce mariage-ci me paraÃt si avantageux, que je voudrais qu'il fût déjà conclu. Hortense. - Née ce que je suis, et avec la fortune que j'ai, il serait difficile que j'en fisse un mauvais; vous pouvez choisir. Chrisante. - Eh! comment choisir mieux! Biens, naissance, rang, crédit à la cour vous trouvez tout ici avec une figure aimable, assurément. Hortense. - J'en conviens, mais avec bien de la jeunesse dans l'esprit. Chrisante. - Et à quel ùge voulez-vous qu'on l'ait jeune? Hortense. - Le voici. ScÚne XI Chrisante, Hortense, Rosimond Chrisante. - Marquis, je disais à Hortense que mon frÚre tarde beaucoup, et que nous nous impatienterons à la fin, qu'en dites-vous? Rosimond. - Sans doute, je serai toujours du parti de l'impatience. Chrisante. - Et moi aussi. Adieu, je vais rejoindre la Marquise. ScÚne XII Rosimond, Hortense Rosimond. - Je me rends à vos ordres, Madame; on m'a dit que vous me demandiez. Hortense. - Moi! Monsieur... Ah! vous avez raison, oui, j'ai chargé Frontin de vous prier, de ma part, de revenir ici; mais comme vous n'ÃÂȘtes pas revenu sur-le-champ, parce qu'apparemment on ne vous a pas trouvé, je ne m'en ressouvenais plus. Rosimond, riant. - Voilà une distraction dont j'aurais envie de me plaindre. Mais à propos de distraction, pouvez-vous me voir à présent, Madame? Y ÃÂȘtes-vous bien déterminée? Hortense. - D'oÃÂč vient donc ce discours, Monsieur? Rosimond. - TantÎt vous ne saviez pas si vous le pouviez, m'a-t-on dit; et peut-ÃÂȘtre est-ce encore de mÃÂȘme? Hortense. - Vous ne demandiez à me voir qu'une heure aprÚs, et c'est une espÚce d'avenir dont je ne répondais pas. Rosimond. - Ah! cela est vrai; il n'y a rien de si exact. Je me rappelle ma commission, c'est moi qui ai tort, et je vous en demande pardon. Si vous saviez combien le séjour de Paris et de la cour nous gùtent sur les formalités, en vérité, Madame, vous m'excuseriez; c'est une certaine habitude de vivre avec trop de liberté, une aisance de façons que je condamne, puisqu'elle vous déplaÃt, mais à laquelle on s'accoutume, et qui vous jette ailleurs dans les impolitesses que vous voyez. Hortense. - Je n'ai pas remarqué qu'il y en ait dans ce que vous avez fait, Monsieur, et sans avoir vu Paris ni la cour, personne au monde n'aime plus les façons unies que moi parlons de ce que je voulais vous dire. Rosimond. - Quoi! vous, Madame, quoi! de la beauté, des grùces, avec ce caractÚre d'esprit-là , et cela dans l'ùge oÃÂč vous ÃÂȘtes? vous me surprenez; avouez-moi la vérité, combien ai-je de rivaux? Tout ce qui vous voit, tout ce qui vous approche, soupire ah! je m'en doute bien, et je n'en serai pas quitte à moins. La province me le pardonnera-t-elle? Je viens vous enlever convenons qu'elle y fait une perte irréparable. Hortense. - Il peut y avoir ici quelques personnes qui ont de l'amitié pour moi, et qui pourraient m'y regretter; mais ce n'est pas de quoi il s'agit. Rosimond. - Eh! quel secret ceux qui vous voyent ont-ils, pour n'ÃÂȘtre que vos amis, avec ces yeux-là ? Hortense. - Si parmi ces amis il en est qui soient autre chose, du moins sont-ils discrets, et je ne les connais pas. Ne m'interrompez plus, je vous prie. Rosimond. - Vraiment, je m'imagine bien qu'ils soupirent tout bas, et que le respect les fait taire. Mais à propos de respect, n'y manquerais-je pas un peu, moi qui ai pensé dire que je vous aime? Il y a bien quelque petite chose à redire à mes discours, n'est-ce pas, mais ce n'est pas ma faute. Il veut lui prendre une main. Hortense. - Doucement, Monsieur, je renonce à vous parler. Rosimond. - C'est que sérieusement vous ÃÂȘtes belle avec excÚs; vous l'ÃÂȘtes trop, le regard le plus vif, le plus beau teint; ah! remerciez-moi, vous ÃÂȘtes charmante, et je n'en dis presque rien; la parure la mieux entendue; vous avez là de la dentelle d'un goût exquis, ce me semble. Passez-moi l'éloge de la dentelle; quand nous marie-t-on? Hortense. - A laquelle des deux questions voulez-vous que je réponde d'abord? A la dentelle, ou au mariage? Rosimond. - Comme il vous plaira. Que faisons-nous cet aprÚs-midi? Hortense. - Attendez, la dentelle est passable; de cet aprÚs-midi le hasard en décidera; de notre mariage, je ne puis rien en dire, et c'est de quoi j'ai à vous entretenir, si vous voulez bien me laisser parler. Voilà tout ce que vous me demandez, je pense? Venons au mariage. Rosimond. - Il devrait ÃÂȘtre fait; les parents ne finissent point! Hortense. - Je voulais vous dire au contraire qu'il serait bon de le différer, Monsieur. Rosimond. - Ah! le différer, Madame? Hortense. - Oui, Monsieur, qu'en pensez-vous? Rosimond. - Moi, ma foi, Madame, je ne pense point, je vous épouse. Ces choses-là surtout, quand elles sont aimables, veulent ÃÂȘtre expédiées, on y pense aprÚs. Hortense. - Je crois que je n'irai pas si vite il faut s'aimer un peu quand on s'épouse. Rosimond. - Mais je l'entends bien de mÃÂȘme. Hortense. - Et nous ne nous aimons point. Rosimond. - Ah! c'est une autre affaire; la difficulté ne me regarderait point il est vrai que j'espérais, Madame, j'espérais, je vous l'avoue. Serait-ce quelque partie de coeur déjà liée? Hortense. - Non, Monsieur, je ne suis, jusqu'ici, prévenue pour personne. Rosimond. - En tout cas, je vous demande la préférence. Quant au retardement de notre mariage, dont je ne vois pas les raisons, je ne m'en mÃÂȘlerai point, je n'aurais garde, on me mÚne, et je suivrai. Hortense. - Quelqu'un vient; faites réflexion à ce que je vous dit, Monsieur. ScÚne XIII Dorante, DorimÚne, Hortense, Rosimond Rosimond, allant à DorimÚne. - Eh! vous voilà , Comtesse. Comment! avec Dorante? La Comtesse, embrassant Hortense. - Eh! bonjour, ma chÚre enfant! Comment se porte-t-on ici? Nous sommes alliés, au moins, Marquis. Rosimond. - Je le sais. La Comtesse. - Mais nous nous voyons peu. Il y a trois ans que je ne suis venue ici. Hortense. - On ne quitte pas volontiers Paris pour la province. DorimÚne. - On y a tant d'affaires, de dissipations! les moments s'y passent avec tant de rapidité! Rosimond. - Eh! oÃÂč avez-vous pris ce garçon-là , Comtesse? DorimÚne, à Hortense. - Nous nous sommes rencontrés. Vous voulez bien que je vous le présente? Rosimond. - Qu'en dis-tu, Dorante? ai-je à me louer du choix qu'on a fait pour moi? Dorante. - Tu es trop heureux. Rosimond, à Hortense. - Tel que vous le voyez, je vous le donne pour une espÚce de sage qui fait peu de cas de l'amour de l'air dont il vous regarde pourtant, je ne le crois pas trop en sûreté ici. Dorante. - Je n'ai vu nulle part de plus grand danger, j'en conviens. DorimÚne, riant. - Sur ce pied-là , sauvez-vous, Dorante, sauvez-vous. Hortense. - TrÃÂȘve de plaisanterie, Messieurs. Rosimond. - Non, sérieusement, je ne plaisante point; je vous dis qu'il est frappé, je vois cela dans ses yeux; remarquez-vous comme il rougit? Parbleu, je voudrais bien qu'il soupirùt, et je vous le recommande. DorimÚne. - Ah! doucement, il m'appartient; c'est une espÚce d'infidélité qu'il me ferait; car je l'ai amené, à moins que vous ne teniez sa place, Marquis. Rosimond. - Assurément j'en trouve l'idée tout à fait plaisante, et c'est de quoi nous amuser ici. A Hortense. N'est-ce pas, Madame? Allons, Dorante, rendez vos premiers hommages à votre vainqueur. Dorante. - Je n'en suis plus aux premiers. ScÚne XIV Dorante, DorimÚne, Hortense, Rosimond, Marton Marton. - Madame, Monsieur le Comte m'envoie savoir qui vient d'arriver. DorimÚne. - Nous allons l'en instruire nous-mÃÂȘmes. Venez, Marquis, donnez-moi la main, vous ÃÂȘtes mon chevalier. A Hortense. Et vous, Madame, voilà le vÎtre. Dorante présente la main à Hortense. Marton fait signe à Hortense. Hortense. - Je vous suis, Messieurs. Je n'ai qu'un mot à dire. ScÚne XV Marton, Hortense Hortense. - Que me veux-tu, Marton? Je n'ai pas le temps de rester, comme tu vois. Marton. - C'est une lettre que je viens de trouver, lettre d'amour écrite à Rosimond, mais d'un amour qui me paraÃt sans conséquence. La dame qui vient d'arriver pourrait bien l'avoir écrite; le billet est d'un style qui ressemble à son air. Hortense. - Y a-t-il bien des tendresses? Marton. - Non, vous dis-je, point d'amour et beaucoup de folies; mais puisque vous ÃÂȘtes pressée, nous en parlerons tantÎt. Rosimond devient-il un peu plus supportable? Hortense. - Toujours aussi impertinent qu'il est aimable. Je te quitte. Marton. - Monsieur l'impertinent, vous avez beau faire, vous deviendrez charmant sur ma parole, je l'ai entrepris. Acte II ScÚne premiÚre La Marquise, Dorante La Marquise. - Avançons encore quelques pas, Monsieur, pour ÃÂȘtre plus à l'écart, j'aurais un mot à vous dire; vous ÃÂȘtes l'ami de mon fils, et autant que j'en puis juger, il ne saurait avoir fait un meilleur choix. Dorante. - Madame, son amitié me fait honneur. La Marquise. - Il n'est pas aussi raisonnable que vous me paraissez l'ÃÂȘtre, et je voudrais bien que vous m'aidassiez à le rendre plus sensé dans les circonstances oÃÂč il se trouve; vous savez qu'il doit épouser Hortense; nous n'attendons que l'instant pour terminer ce mariage; d'oÃÂč vient, Monsieur, le peu d'attention qu'il a pour elle? Dorante. - Je l'ignore, et n'y ai pris garde, Madame. La Marquise. - Je viens de le voir avec DorimÚne, il ne la quitte point depuis qu'elle est ici; et vous, Monsieur, vous ne quittez point Hortense. Dorante. - Je lui fais ma cour, parce que je suis chez elle. La Marquise. - Sans doute, et je ne vous désapprouve pas; mais ce n'est pas à DorimÚne à qui il faut que mon fils fasse aujourd'hui la sienne; et personne ici ne doit montrer plus d'empressement que lui pour Hortense. Dorante. - Il est vrai, Madame. La Marquise. - Sa conduite est ridicule, elle peut choquer Hortense, et je vous conjure, Monsieur, de l'avertir qu'il en change; les avis d'un ami comme vous lui feront peut-ÃÂȘtre plus d'impression que les miens; vous ÃÂȘtes venu avec DorimÚne, je la connais fort peu; vous ÃÂȘtes de ses amis, et je souhaiterais qu'elle ne souffrÃt pas que mon fils fût toujours auprÚs d'elle; en vérité, la bienséance en souffre un peu; elle est alliée de la maison oÃÂč nous sommes, mais elle est venue ici sans qu'on l'y appelùt; y reste-t-elle? Part-elle aujourd'hui? Dorante. - Elle ne m'a pas instruit de ses desseins. La Marquise. - Si elle partait, je n'en serais pas fùchée, et je lui en aurais obligation; pourriez-vous le lui faire entendre? Dorante. - Je n'ai pas beaucoup de pouvoir sur elle; mais je verrai, Madame, et tùcherai de répondre à l'honneur de votre confiance. La Marquise. - Je vous le demande en grùce, Monsieur, et je vous recommande les intérÃÂȘts de mon fils et de votre ami. Dorante, pendant qu'elle s'en va. - Elle a ma foi beau dire, puisque son fils néglige Hortense, il ne tiendra pas à moi que je n'en profite auprÚs d'elle. ScÚne II Dorante, DorimÚne DorimÚne. - OÃÂč est allé le Marquis, Dorante? Je me sauve de cette cohue de province ah! les ennuyants personnages! Je me meurs de l'extravagance des compliments qu'on m'a fait, et que j'ai rendus. Il y a deux heures que je n'ai pas le sens commun, Dorante, pas le sens commun; deux heures que je m'entretiens avec une Marquise qui se tient d'un droit, qui a des gravités, qui prend des mines d'une dignité; avec une petite Baronne si folichonne, si remuante, si méthodiquement étourdie; avec une Comtesse si franche, qui m'estime tant, qui m'estime tant, qui est de si bonne amitié; avec une autre qui est si mignonne, qui a de si jolis tours de tÃÂȘte, qui accompagne ce qu'elle dit avec des mains si pleines de grùces; une autre qui glapit si spirituellement, qui traÃne si bien les mots, qui dit si souvent, mais Madame, cependant Madame, il me paraÃt pourtant; et puis un bel esprit si diffus, si éloquent, une jalouse si difficile en mérite, si peu touchée du mien, si intriguée de ce qu'on m'en trouvait. Enfin, un agréable qui m'a fait des phrases, mais des phrases! d'une perfection! qui m'a déclaré des sentiments qu'il n'osait me dire; mais des sentiments d'une délicatesse assaisonnée d'un respect que j'ai trouvé d'une fadeur! d'une fadeur! Dorante. - Oh! on respecte beaucoup ici, c'est le ton de la province. Mais vous cherchez Rosimond, Madame? DorimÚne. - Oui, c'est un étourdi à qui j'ai à parler tÃÂȘte à tÃÂȘte; et grùce à tous ces originaux qui m'ont obsédée, je n'en ai pas encore eu le temps il nous a quitté. OÃÂč est-il? Dorante. - Je pense qu'il écrit à Paris, et je sors d'un entretien avec sa mÚre. DorimÚne. - Tant pis, cela n'est pas amusant, il vous en reste encore un air froid et raisonnable, qui me gagnerait si nous restions ensemble; je vais faire un tour sur la terrasse allez, Dorante, allez dire à Rosimond que je l'y attends. Dorante. - Un moment, Madame, je suis chargé d'une petite commission pour vous; c'est que je vous avertis que la Marquise ne trouve pas bon que vous entreteniez le Marquis. DorimÚne. - Elle ne le trouve pas bon! Eh bien, vous verrez que je l'en trouverai meilleur. Dorante. - Je n'en ai pas douté mais ce n'est pas là tout; je suis encore prié de vous inspirer l'envie de partir. DorimÚne. - Je n'ai jamais eu tant d'envie de rester. Dorante. - Je n'en suis pas surpris; cela doit faire cet effet-là . DorimÚne. - Je commençais à m'ennuyer ici, je ne m'y ennuie plus; je m'y plais, je l'avoue; sans ce discours de la Marquise, j'aurais pu me contenter de défendre à Rosimond de se marier, comme je l'avais résolu en venant ici mais on ne veut pas que je le voie? on souhaite que je parte? il m'épousera. Dorante. - Cela serait trÚs plaisant. DorimÚne. - Oh! il m'épousera. Je pense qu'il n'y perdra pas et vous, je veux aussi que vous nous aidiez à le débarrasser de cette petite fille; je me propose un plaisir infini de ce qui va arriver; j'aime à déranger les projets, c'est ma folie; surtout, quand je les dérange d'une maniÚre avantageuse. Adieu; je prétends que vous épousiez Hortense, vous. Voilà ce que j'imagine; réglez-vous là -dessus, entendez-vous? Je vais trouver le Marquis. Dorante, pendant qu'elle part. - Puisse la folle me dire vrai! ScÚne III Rosimond, Dorante, Frontin Rosimond, à Frontin en entrant. - Cherche, vois partout; et sans dire qu'elle est à moi, demande-la à tout le monde; c'est à peu prÚs dans ces endroits-ci que je l'ai perdue. Frontin. - Je ferai ce que je pourrai, Monsieur. Rosimond, à Dorante. - Ah! c'est toi, Dorante; dis-moi, par hasard, n'aurais-tu point trouvé une lettre à terre? Dorante. - Non. Rosimond. - Cela m'inquiÚte. Dorante. - Eh! de qui est-elle? Rosimond. - De DorimÚne; et malheureusement elle est d'un style un peu familier sur Hortense; elle l'y traite de petite provinciale qu'elle ne veut pas que j'épouse, et ces bonnes gens-ci seraient un peu scandalisés de l'épithÚte. Dorante. - Peut-ÃÂȘtre personne ne l'aura-t-il encore ramassé et d'ailleurs, cela te chagrine-t-il tant? Rosimond. - Ah! trÚs doucement; je ne m'en désespÚre pas. Dorante. - Ce qui en doit arriver doit ÃÂȘtre fort indifférent à un homme comme toi. Rosimond. - Aussi me l'est-il. Parlons de DorimÚne; c'est elle qui m'embarrasse. Je t'avouerai confidemment que je ne sais qu'en faire. T'a-t-elle dit qu'elle n'est venue ici que pour m'empÃÂȘcher d'épouser? Elle a quelque alliance avec ces gens-ci. DÚs qu'elle a su que ma mÚre m'avait brusquement amené de Paris chez eux pour me marier, qu'a-t-elle fait? Elle a une terre à quelques lieues de la leur, elle y est venue, et à peine arrivée, m'a écrit, par un exprÚs, qu'elle venait ici, et que je la verrais une heure aprÚs sa lettre, qui est celle que j'ai perdue. Dorante. - Oui, j'étais chez elle alors, et j'ai vu partir l'exprÚs qui nous a précédé mais enfin c'est une trÚs aimable femme, et qui t'aime beaucoup. Rosimond. - J'en conviens. Il faut pourtant que tu m'aides à lui faire entendre raison. Dorante. - Pourquoi donc? Tu l'aimes aussi, apparemment, et cela n'est pas étonnant. Rosimond. - J'ai encore quelque goût pour elle, elle est vive, emportée, étourdie, bruyante. Nous avons lié une petite affaire de coeur ensemble; et il y a deux mois que cela dure deux mois, le terme est honnÃÂȘte; cependant aujourd'hui, elle s'avise de se piquer d'une belle passion pour moi. Ce mariage-ci lui déplaÃt, elle ne veut pas que je l'achÚve, et de vingt galanteries qu'elle a eues en sa vie, il faut que la nÎtre soit la seule qu'elle honore de cette opiniùtreté d'amour il n'y a que moi à qui cela arrive. Dorante. - Te voilà donc bien agité? Quoi! tu crains les conséquences de l'amour d'une jolie femme, parce que tu te maries! Tu as de ces sentiments bourgeois, toi Marquis? Je ne te reconnais pas! Je te croyais plus dégagé que cela; j'osais quelquefois entretenir Hortense mais je vois bien qu'il faut que je parte, et je n'y manquerai pas. Adieu. Rosimond. - Venez, venez ici. Qu'est-ce que c'est que cette fantaisie-là ? Dorante. - Elle est sage. Il me semble que la Marquise ne me voit pas volontiers ici, et qu'elle n'aime pas à me trouver en conversation avec Hortense; et je te demande pardon de ce que je vais te dire, mais il m'a passé dans l'esprit que tu avais pu l'indisposer contre moi, et te servir de sa méchante humeur pour m'insinuer de m'en aller. Rosimond. - Mais, oui-da, je suis peut-ÃÂȘtre jaloux. Ma façon de vivre, jusqu'ici, m'a rendu fort suspect de cette petitesse. Débitez-la, Monsieur, débitez-la dans le monde. En vérité vous me faites pitié! Avec cette opinion-là sur mon compte, valez-vous la peine qu'on vous désabuse? Dorante. - Je puis en avoir mal jugé; mais ne se trompe-t-on jamais? Rosimond. - Moi qui vous parle, suis-je plus à l'abri de la méchante humeur de ma mÚre? Ne devrais-je pas, si je l'en crois, ÃÂȘtre aux genoux d'Hortense, et lui débiter mes langueurs? J'ai tort de n'aller pas, une houlette à la main, l'entretenir de ma passion pastorale elle vient de me quereller tout à l'heure, me reprocher mon indifférence; elle m'a dit des injures, Monsieur, des injures m'a traité de fat, d'impertinent, rien que cela, et puis je m'entends avec elle! Dorante. - Ah! voilà qui est fini, Marquis, je désavoue mon idée, et je t'en fais réparation. Rosimond. - Dites-vous vrai? Etes-vous bien sûr au moins que je pense comme il faut? Dorante. - Si sûr à présent, que si tu allais te prendre d'amour pour cette petite Hortense dont on veut faire ta femme, tu me le dirais, que je n'en croirais rien. Rosimond. - Que sait-on? Il y a à craindre, à cause que je l'épouse, que mon coeur ne s'enflamme et ne prenne la chose à la lettre! Dorante. - Je suis persuadé que tu n'es point fùché que je lui en conte. Rosimond. - Ah! si fait; trÚs fùché. J'en boude, et si vous continuez, j'en serai au désespoir. Dorante. - Tu te moques de moi, et je le mérite. Rosimond, riant. - Ha, ha, ha. Comment es-tu avec elle? Dorante. - Ni bien ni mal. Comment la trouves-tu toi? Rosimond. - Moi, ma foi, je n'en sais rien, je ne l'ai pas encore trop vue; cependant, il m'a paru qu'elle était assez gentille, l'air naïf, droit et guindé mais jolie, comme je te dis. Ce visage-là pourrait devenir quelque chose s'il appartenait à une femme du monde, et notre provinciale n'en fait rien; mais cela est bon pour une femme, on la prend comme elle vient. Dorante. - Elle ne te convient guÚre. De bonne foi, l'épouseras-tu? Rosimond. - Il faudra bien, puisqu'on le veut nous l'épouserons ma mÚre et moi, si vous ne nous l'enlevez pas. Dorante. - Je pense que tu ne t'en soucierais guÚre, et que tu me le pardonnerais. Rosimond. - Oh! là -dessus, toutes les permissions du monde au suppliant, si elles pouvaient lui ÃÂȘtre bonnes à quelque chose. T'amuse-t-elle? Dorante. - Je ne la hais pas. Rosimond. - Tout de bon? Dorante. - Oui comme elle ne m'est pas destinée, je l'aime assez. Rosimond. - Assez? Je vous le conseille! De la passion, Monsieur, des mouvements pour me divertir, s'il vous plaÃt. En sens-tu déjà un peu? Dorante. - Quelquefois. Je n'ai pas ton expérience en galanterie; je ne suis là -dessus qu'un écolier qui n'a rien vu. Rosimond, riant. - Ah! vous l'aimez, Monsieur l'écolier ceci est sérieux, je vous défends de lui plaire. Dorante. - Je n'oublie cependant rien pour cela, ainsi laisse-moi partir; la peur de te fùcher me reprend. Rosimond, riant. - Ah! ah! ah! que tu es réjouissant! ScÚne IV Marton, Dorante, Rosimond Dorante, riant aussi. - Ah! ah! ah! OÃÂč est votre maÃtresse, Marton? Marton. - Dans la grande allée, oÃÂč elle se promÚne, Monsieur, elle vous demandait tout à l'heure. Rosimond. - Rien que lui, Marton? Marton. - Non, que je sache. Dorante. - Je te laisse, Marquis, je vais la rejoindre. Rosimond. - Attends, nous irons ensemble. Marton. - Monsieur, j'aurais un mot à vous dire. Rosimond. - A moi, Marton? Marton. - Oui, Monsieur. Dorante. - Je vais donc toujours devant. Rosimond, à part. - Rien que lui? C'est qu'elle est piquée. ScÚne V Marton, Rosimond Rosimond. - De quoi s'agit-il, Marton? Marton. - D'une lettre que j'ai trouvée, Monsieur, et qui est apparemment celle que vous avez tantÎt reçue de Frontin. Rosimond. - Donne, j'en étais inquiet. Marton. - La voilà . Rosimond. - Tu ne l'as montrée à personne, apparemment? Marton. - Il n'y a qu'Hortense et son pÚre qui l'ont vue, et je ne la leur ai montrée que pour savoir à qui elle appartenait. Rosimond. - Eh! ne pouviez-vous pas le voir vous-mÃÂȘme? Marton. - Non, Monsieur, je ne sais pas lire, et d'ailleurs, vous en aviez gardé l'enveloppe. Rosimond. - Et ce sont eux qui vous ont dit que la lettre m'appartenait? Ils l'ont donc lue? Marton. - Vraiment oui, Monsieur, ils n'ont pu juger qu'elle était à vous que sur la lecture qu'ils en ont fait. Rosimond. - Hortense présente? Marton. - Sans doute. Est-ce que cette lettre est de quelque conséquence? Y a-t-il quelque chose qui les concerne? Rosimond. - Il vaudrait mieux qu'ils ne l'eussent point vue. Marton. - J'en suis fùchée. Rosimond. - Cela est désagréable. Et qu'en a dit Hortense? Marton. - Rien, Monsieur, elle n'a pas paru y faire attention mais comme on m'a chargé de vous la rendre, voulez-vous que je dise que vous ne l'avez pas reconnue? Rosimond. - L'offre est obligeante et je l'accepte; j'allais vous en prier. Marton. - Oh! de tout mon coeur, je vous le promets, quoique ce soit une précaution assez inutile, comme je vous dis, car ma maÃtresse ne vous en parlera seulement pas. Rosimond. - Tant mieux, tant mieux, je ne m'attendais pas à tant de modération; serait-ce que notre mariage lui déplaÃt? Marton. - Non, cela ne va pas jusque-là ; mais elle ne s'y intéresse pas extrÃÂȘmement non plus. Rosimond. - Vous l'a-t-elle dit, Marton? Marton. - Oh! plus de dix fois, Monsieur, et vous le savez bien, elle vous l'a dit à vous-mÃÂȘme. Rosimond. - Point du tout, elle a, ce me semble, parlé de différer et non pas de rompre mais que ne s'est-elle expliquée? je ne me serais pas avisé de soupçonner son éloignement pour moi, il faut ÃÂȘtre fait à se douter de pareille chose! Marton. - Il est vrai qu'on est presque sûr d'ÃÂȘtre aimé quand on vous ressemble, aussi ma maÃtresse vous aurait-elle épousé d'abord assez volontiers mais je ne sais, il y a eu du malheur, vos façons l'ont choquée. Rosimond. - Je ne les ai pas prises en province, à la vérité. Marton. - Eh! Monsieur, à qui le dites-vous? Je suis persuadée qu'elles sont toutes des meilleures mais, tenez, malgré cela je vous avoue moi-mÃÂȘme que je ne pourrais pas m'empÃÂȘcher d'en rire si je ne me retenais pas, tant elles nous paraissent plaisantes à nous autres provinciales; c'est que nous sommes des ignorantes. Adieu, Monsieur, je vous salue. Rosimond. - Doucement, confiez-moi ce que votre maÃtresse y trouve à redire. Marton. - Eh! Monsieur, ne prenez pas garde à ce que nous en pensons je vous dis que tout nous y paraÃt comique. Vous savez bien que vous avez peur de faire l'amoureux de ma maÃtresse, parce qu'apparemment cela ne serait pas de bonne grùce dans un joli homme comme vous; mais comme Hortense est aimable et qu'il s'agit de l'épouser, nous trouvons cette peur-là si burlesque! si bouffonne! qu'il n'y a point de comédie qui nous divertisse tant; car il est sûr que vous auriez plu à Hortense si vous ne l'aviez pas fait rire mais ce qui fait rire n'attendrit plus, et je vous dis cela pour vous divertir vous-mÃÂȘme. Rosimond. - C'est aussi tout l'usage que j'en fais. Marton. - Vous avez raison, Monsieur, je suis votre servante. Elle revient. Seriez-vous encore curieux d'une de nos folies? DÚs que Dorante et DorimÚne sont arrivés ici, vous avez dit qu'il fallait que Dorante aimùt ma maÃtresse, pendant que vous feriez l'amour à DorimÚne, et cela à la veille d'épouser Hortense; Monsieur, nous en avons pensé mourir de rire, ma maÃtresse et moi! Je lui ai pourtant dit qu'il fallait bien que vos airs fussent dans les rÚgles du bon savoir-vivre. Rien ne l'a persuadée; les gens de ce pays-ci ne sentent point le mérite de ces maniÚres-là ; c'est autant de perdu. Mais je m'amuse trop. Ne dites mot, je vous prie. Rosimond. - Eh bien, Marton, il faudra se corriger j'ai vu quelques benÃÂȘts de la province, et je les copierai. Marton. - Oh! Monsieur, n'en prenez pas la peine; ce ne serait pas en contrefaisant le benÃÂȘt que vous feriez revenir les bonnes dispositions oÃÂč ma maÃtresse était pour vous; ce que je vous dis sous le secret, au moins; mais vous ne réussiriez, ni comme benÃÂȘt ni comme comique. Adieu, Monsieur. ScÚne VI Rosimond, DorimÚne Rosimond, un moment seul. - Eh bien, cela me guérit d'Hortense; cette fille qui m'aime et qui se résout à me perdre, parce que je ne donne pas dans la fadeur de languir pour elle! Voilà une sotte enfant! Allons pourtant la trouver. DorimÚne. - Que devenez-vous donc, Marquis? on ne sait oÃÂč vous prendre? Est-ce votre future qui vous occupe? Rosimond. - Oui, je m'occupais des reproches qu'on me faisait de mon indifférence pour elle, et je vais tùcher d'y mettre ordre; elle est là -bas avec Dorante, y venez-vous? DorimÚne. - ArrÃÂȘtez, arrÃÂȘtez; il s'agit de mettre ordre à quelque chose de plus important. Quand est-ce donc que cette indifférence qu'on vous reproche pour elle lui fera prendre son parti? Il me semble que cela demeure bien longtemps à se déterminer. A qui est-ce la faute? Rosimond. - Ah! vous me querellez aussi! Dites-moi, que voulez-vous qu'on fasse? Ne sont-ce pas nos parents qui décident de cela? DorimÚne. - Qu'est-ce que c'est que des parents, Monsieur? C'est l'amour que vous avez pour moi, c'est le vÎtre, c'est le mien qui en décideront, s'il vous plaÃt. Vous ne mettrez pas des volontés de parents en parallÚle avec des raisons de cette force-là , sans doute, et je veux demain que tout cela finisse. Rosimond. - Le terme est court, on aurait de la peine à faire ce que vous dites là ; je désespÚre d'en venir à bout, moi, et vous en parlez bien à votre aise. DorimÚne. - Ah! je vous trouve admirable! Nous sommes à Paris, je vous perds deux jours de vue; et dans cet intervalle, j'apprends que vous ÃÂȘtes parti avec votre mÚre pour aller vous marier, pendant que vous m'aimez, pendant qu'on vous aime, et qu'on vient tout récemment, comme vous le savez, de congédier là -bas le Chevalier, pour n'avoir de liaison de coeur qu'avec vous? Non, Monsieur, vous ne vous marierez point n'y songez pas, car il n'en sera rien, cela est décidé; votre mariage me déplaÃt. Je le passerais à un autre; mais avec vous! Je ne suis pas de cette humeur-là , je ne saurais; vous ÃÂȘtes un étourdi, pourquoi vous jetez-vous dans cet inconvénient? Rosimond. - Faites-moi donc la grùce d'observer que je suis la victime des arrangements de ma mÚre. DorimÚne. - La victime! Vous m'édifiez beaucoup, vous ÃÂȘtes un petit garçon bien obéissant. Rosimond. - Je n'aime pas à la fùcher, j'ai cette faiblesse-là , par exemple. DorimÚne. - Le poltron! Eh bien, gardez votre faiblesse j'y suppléerai, je parlerai à votre prétendue. Rosimond. - Ah! que je vous reconnais bien à ces tendres inconsidérations-là ! Je les adore. Ayons pourtant un peu plus de flegme ici; car que lui direz-vous? que vous m'aimez? DorimÚne. - Que nous nous aimons. Rosimond. - Voilà qui va fort bien; mais vous ressouvenez-vous que vous ÃÂȘtes en province, oÃÂč il y a des rÚgles, des maximes de décence qu'il ne faut point choquer? DorimÚne. - Plaisantes maximes! Est-il défendu de s'aimer, quand on est aimable? Ah! il y a des puérilités qui ne doivent pas arrÃÂȘter. Je vous épouserai, Monsieur, j'ai du bien, de la naissance, qu'on nous marie; c'est peut-ÃÂȘtre le vrai moyen de me guérir d'un amour que vous ne méritez pas que je conserve. Rosimond. - Nous marier! Des gens qui s'aiment! Y songez-vous? Que vous a fait l'amour pour le pousser à bout? Allons trouver la compagnie. DorimÚne. - Nous verrons. Surtout, point de mariage ici, commençons par là . Mais que vous veut Frontin? ScÚne VII Rosimond, DorimÚne, Frontin Frontin, tout essoufflé. - Monsieur, j'ai un mot à vous dire. Rosimond. - Parle. Frontin. - Il faut que nous soyons seuls, Monsieur. DorimÚne. - Et moi je reste parce que je suis curieuse. Frontin. - Monsieur, Madame est de trop; la moitié de ce que j'ai à vous dire est contre elle. DorimÚne. - Marquis, faites parler ce faquin-là . Rosimond. - Parleras-tu, maraud? Frontin. - J'enrage; mais n'importe. Eh bien, Monsieur, ce que j'ai à vous dire, c'est que Madame ici nous portera malheur à tous deux. DorimÚne. - Le sot! Rosimond. - Comment? Frontin. - Oui, Monsieur, si vous ne changez pas de façon, nous ne tenons plus rien. Pendant que Madame vous amuse, Dorante nous égorge. Rosimond. - Que fait-il donc? Frontin. - L'amour, Monsieur, l'amour, à votre belle Hortense! DorimÚne. - Votre belle voilà une épithÚte bien placée! Frontin. - Je défie qu'on la place mieux; si vous entendiez là -bas comme il se démÚne, comme les déclarations vont dru, comme il entasse les soupirs, j'en ai déjà compté plus de trente de la derniÚre conséquence, sans parler des génuflexions, des exclamations Madame, par-ci, Madame, par-là ! Ah, les beaux yeux! ah! les belles mains! Et ces mains-là , Monsieur, il ne les marchande pas, il en attrape toujours quelqu'une, qu'on retire... couci, couci, et qu'il baise avec un appétit qui me désespÚre; je l'ai laissé comme il en retenait une sur qui il s'était déjà jeté plus de dix fois, malgré qu'on en eût, ou qu'on n'en eût pas, et j'ai peur qu'à la fin elle ne lui reste. Rosimond et DorimÚne, riant. - Hé, hé, hé... Rosimond. - Cela est pourtant vif! Frontin. - Vous riez? Rosimond, riant, parlant de DorimÚne. - Oui, cette main-ci voudra peut-ÃÂȘtre bien me dédommager du tort qu'on me fait sur l'autre. DorimÚne, lui donnant la main. - Il y a de l'équité. Rosimond, lui baisant la main. - Qu'en dis-tu, Frontin, suis-je si à plaindre? Frontin. - Monsieur, on sait bien que Madame a des mains; mais je vous trouve toujours en arriÚre. DorimÚne. - Renvoyez cet homme-là , Monsieur; j'admire votre sang-froid. Rosimond. - Va-t'en. C'est Marton qui lui a tourné la cervelle! Frontin. - Non, Monsieur, elle m'a corrigé, j'étais petit-maÃtre aussi bien qu'un autre; je ne voulais pas aimer Marton que je dois épouser, parce que je croyais qu'il était malhonnÃÂȘte d'aimer sa future; mais cela n'est pas vrai, Monsieur, fiez-vous à ce que je dis, je n'étais qu'un sot, je l'ai bien compris. Faites comme moi, j'aime à présent de tout mon coeur, et je le dis tant qu'on veut suivez mon exemple; Hortense vous plaÃt, je l'ai remarqué, ce n'est que pour ÃÂȘtre joli homme, que vous la laissez là , et vous ne serez point joli, Monsieur. DorimÚne. - Marquis, que veut-il donc dire avec son Hortense, qui vous plaÃt? Qu'est-ce que cela signifie? Quel travers vous donne-t-il là ? Rosimond. - Qu'en sais-je? Que voulez-vous qu'il ait vu? On veut que je l'épouse, et je l'épouserai; d'empressement, on ne m'en a pas vu beaucoup jusqu'ici, je ne pourrai pourtant me dispenser d'en avoir, et j'en aurai parce qu'il le faut voilà tout ce que j'y sache; vous allez bien vite. A Frontin. Retire-toi. Frontin. - Quel dommage de négliger un coeur tout neuf! cela est si rare! DorimÚne. - Partira-t-il? Rosimond. - Va-t'en donc! Faut-il que je te chasse? Frontin. - Je n'ai pas tout dit, la lettre est retrouvée, Hortense et Monsieur le Comte l'ont lue d'un bout à l'autre, mettez-y ordre; ce maudit papier est encore de Madame. DorimÚne. - Quoi! parle-t-il du billet que je vous ai envoyé ici de chez moi? Rosimond. - C'est du mÃÂȘme que j'avais perdu. DorimÚne. - Eh bien, le hasard est heureux, cela les met au fait. Rosimond. - Oh, j'ai pris mon parti là -dessus, je m'en démÃÂȘlerai bien Frontin nous tirera d'affaire. Frontin. - Moi, Monsieur? Rosimond. - Oui, toi-mÃÂȘme. DorimÚne. - On n'a pas besoin de lui là -dedans, il n'y a qu'à laisser aller les choses. Rosimond. - Ne vous embarrassez pas, voici Hortense et Dorante qui s'avancent, et qui paraissent s'entretenir avec assez de vivacité. Frontin. - Eh bien! Monsieur, si vous ne m'en croyez pas, cachez-vous un moment derriÚre cette petite palissade, pour entendre ce qu'ils disent, vous aurez l
Pourlutter face au perfectionnisme qui cache souvent des peurs ( j'en parle ici !) et qui te bloque face Ă  l'action. Et mĂȘme si tu arrives Ă  surmonter ces blocages, certains jours, tu n'y arrives pas. Tu peux te sentir coincĂ©.e pour envoyer un mail important, poster un message sur tes rĂ©seaux sociaux, lancer ton projet, Ă©crire Ă  tes MĂȘme c'est pas vrai, Ă  ĂȘtre honnĂȘte sur ma vie les gens perdent Apprend Ă  cacher tes amours, tes ennuies, tes emmerdes Apprend Ă  Ă©couter la journĂ©e, Ă  comprendre tes nuits Retiens comme ton nom le plan du chemin par lequel tu t’enfuis Et on en fait des pas d'gĂ©ant, on touche et ça couche Ne les Ă©coute pas j'te raconterai tout ce qu'on peut faire avec la bouche Apprenez a aimer la paix, sans les feintes, sans dĂ©partement A apprĂ©cier les humbles, les gens simple, la vie simplement Fuyez les drĂŽles d'odeur, ça frĂŽle l'horreur On y croise des humains sourire et rire camoufler la tristesse d'un saule pleureur Aissa tu vas prendre froid parce que t'as pas mis d'bonnet Sortez moi tout ces mythos d'ma cellule capitonnĂ© Tout Ă©tait faux, plus qu'a partir, sache que si t'as du lourd a dire La vĂ©ritĂ© appartient Ă  qui a les mots pour la dire Autrement qu'est c't'en sais J'aurais vĂ©cu a l'Ă©poque de MoliĂšre ces connard apprendraient mes textes en cour de français Ne les Ă©coute pas, mentir sur moi, apprend mes dĂ©faut, les gens sont Les plus charismatiques ont moins de charisme qu'une de mes chansons Tu verra comme tout le monde s'en fout de tes regrets tes blessures folles Mais nous les traĂźtres et les ennemis on les oublie, on les survolent Tous coupables, tous Ă©changeraient la vie ou l'sommeil Cherche a palper la lumiĂšre, on les encaisse tes coups d'soleil Personne me tire l'oreille comme certains, le dĂ©clin Ils sont perdus, tous en chien, ils sont plein, je les plains Apprend que l'honneur ça va plus loin qu'une belle femme ou qu'une somme Hagra ça paye pas ça peut coĂ»ter cher comme la parole d'un homme La vie on s’accroche on y croit Les mots d'un pĂšre pĂšsent largement plus lourd que tout ce qui peut sortir de la bouche d'un roi Mes regrets pour seul sinistre, mon Ă©ducation comme gouvernement Mon cerveau, mon cƓur comme ministre Soit t'es victime soit t'es l'auteur, t'es client t'es vendeur Apprends toutes tes vĂ©ritĂ©s avant d'critiquer les menteur Et chacun joue son rĂŽle Ă  fond chacun sait battre Le fer quand il est chaud petit c'est qu'un film, une piĂšce de théùtre Dis leurs qu'ils rĂ©flĂ©chissent entre la blanche et la marron Que le pĂšre noĂ«l existe qu'il ressemble a s'y mĂ©prendre a ton daron J'ai pesĂ© le poids de la douleur, le silence du vacarme Vu la sĂ©cheresse d'un ocĂ©an face Ă  la richesse de tes larmes Laisse les douter de nous, laisse les croire te croire Ă  sec Si j'pouvais m'arracher les yeux pour que tu puisse te voir avec Prend soin de toi hayati affronte les sans peur Tu m’enterrera j'veux pas que ta mort me rentre une Ă©pĂ©e dans l'coeur Si pour certain tu sera cher, un p'tit frĂšre, un grand pĂšre Un jour tu sera un pĂšre entraĂźne toi quand tu seras grand frĂšre On est seul quand on est un homme, une armĂ©e de nĂ©ant On s'cache dans un trou de souris on pleure des larmes de gĂ©ant Apprend la victoire dans tes dĂ©faites mĂȘme sans thunes on gagne On peut s'enterrer comme un gouffre avant de s’élever comme une montagne D’oĂč tu viens on boit, on fume pour anesthĂ©sier la bĂȘte On se met la tĂȘte dans les nuages avec un nuage dans la tĂȘte La dĂ©fonce c'est pour les faibles si par le remord t'es habitĂ© Apprend a construire la tienne au lieu d'fuir la rĂ©alitĂ© Nul part se trouve le temps perdus alors qu'partout est l'oseille J'te raconterais comme ton sourire a rendu jaloux mon soleil Et mĂȘme si la lumiĂšre est sombre, jour de nuit bref on s'entend On se perd a tromper sa femme trahir la mĂšre de son enfant Ma vie, ma vie, ma vie ce dessin sans couleur ni papier Canson Je jette un magnum Ă  la mer, je suis mort dans mes chansons Fais ton choix dans mes vertus, dans mes addictions Si peux d’éclat et tant de fausse note dans mes partitions Moi j'en tuerais pour ton amour, plus rien ne me touche moi c'est trop tard Tu ma rĂ©appris l'innocence toi seul sait noyer mon regard J'ai aimĂ© faire ta connaissance, j'ai poussĂ© ce mĂ©decin RentrĂ© dans le ventre de ta mĂšre, je t'en ai sorti de mes mains Ne laisse pas le malheur t’atteindre avant que ton honneur le frappe Il est fourbe comme la pĂ©nombre menteur comme un chanteur de rap Et je t'en souhaite une comme ta mĂšre, plus belle que leur sainte trinitĂ© Et d'aimer une femme de sa trempe, au tiers de sa dignitĂ© Par delĂ  son intimitĂ© mesure ton courage Ă  tes actes Toutes les promesse et tout les pactes sont crĂ©e pour ĂȘtre rompu J'ai que mes mots la haine ici mĂȘme la plus folle on la forge On m'aurais fais chanter ce texte avec un laguiole dans la gorge Que le hallam c'est comme le bien, lui aussi a ses apĂŽtre Que c'est moche que de tout son cƓur on peut souhaitĂ© la mort d'un homme Sache qu'on est tous un peu froussard aussi longtemps que dure la tempĂȘte Que j'aurais pu Ă©crire tout ça avec un canon sur la tempe mec Apprend a aimer ton seigneur, mĂȘme grosse kaira d'un gros secteur Si tu connais la rue te trompe pas choisis bien ton protecteur Souris moi j'oublierais tout ce que nous avions subi Ton regard peut faire place nette dans un camion d'rubis Je suis nĂ©e pour sentir ton pouls pour tout t'offrir le jour ou j'expire J't'Ă©coute mes deux mains te tienne, mes deux poumons te respire Mes jnouns finirons par se taire par se calmer si je les crame Ton pĂšre plus que de la musique rĂ©cite la poĂ©sie des drame Hier j'en ai poussĂ© des cris, payĂ© le prix pour m'abreuver Aujourd'hui le plus heureux laisse moi le vivre Ă  en crever J'te prĂ©senterais Alger, au chocolat, Ă  la vanille Et la mĂ©moire de cette terre qui t'auras coĂ»tĂ© ta famille Tu me demandera si c'est possible, j'te dirais cache demain Et cet Ă©trange pouvoir que j'ai de verser mon sang sur des parchemins Et pour que tu n’ai jamais faim j'ferais tout ce que j'ai Ă  faire Hors de question que tu mange la hass Ă  cause des vieux rĂȘvĂ© de ton pĂšre Meurt pour ta sƓur, ta mĂšre, ta femme protĂšge ta fille c'est ton cadeaux Quitte Ă  risquer l'habs, l'enfer, c'est ton devoir, c'est ton fardeau LiĂ© par le sang au tiens a perpet' ou rien Soit fier de ressembler Ă  ton pĂšre, j'me bat pour ressembler au mien On s'enferme vite dans un mensonge, quand les vĂ©ritĂ©s ne sont pas dites Soit fier de ton seigneur, son messager, de ses hadiths Soit fort comme le fils de Maryam vivre seul contre tous c'est long J'ai tellement aimĂ© son histoire que je t'ai donner son prĂ©nom J'Ă©tais parfait a l'imparfait, toutes mes pensĂ©es noir, mes manƓuvres Elle est a toi cette chanson, elle est comme toi c'est un chef d’Ɠuvre De l'incendie Ă  la mousson si tu est la mĂȘme sans thĂšme j’adhĂšre Aissa, Mohammed fils de Sofiane, fils d' Abdelkader DĂ©dicace Ă  mon sang Sabrina, Mohammed, Amine, Kenza Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la SociĂ©tĂ© des Editeurs et Auteurs de Musique SEAM
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AprĂšss'ĂȘtre plongĂ©e dans ses journaux intimes d'adolescente, cette madmoiZelle de 25 ans a eu envie de s'Ă©crire Ă  elle-mĂȘme, la elle-mĂȘme d'il y a 10 ans.
Conjugaison Conjugaison Apprendre Conjugaison du verbe apprendre Ă  la forme nĂ©gative Indicatif je n'apprends pas tu n'apprends pas il n'apprend pas nous n'apprenons pas vous n'apprenez pas ils n'apprennent pas je n'ai pas appris tu n'as pas appris il n'a pas appris nous n'avons pas appris vous n'avez pas appris ils n'ont pas appris je n'apprenais pas tu n'apprenais pas il n'apprenait pas nous n'apprenions pas vous n'appreniez pas ils n'apprenaient pas je n'avais pas appris tu n'avais pas appris il n'avait pas appris nous n'avions pas appris vous n'aviez pas appris ils n'avaient pas appris je n'appris pas tu n'appris pas il n'apprit pas nous n'apprĂźmes pas vous n'apprĂźtes pas ils n'apprirent pas je n'eus pas appris tu n'eus pas appris il n'eut pas appris nous n'eĂ»mes pas appris vous n'eĂ»tes pas appris ils n'eurent pas appris je n'apprendrai pas tu n'apprendras pas il n'apprendra pas nous n'apprendrons pas vous n'apprendrez pas ils n'apprendront pas je n'aurai pas appris tu n'auras pas appris il n'aura pas appris nous n'aurons pas appris vous n'aurez pas appris ils n'auront pas appris Subjonctif que je n'apprenne pas que tu n'apprennes pas qu'il n'apprenne pas que nous n'apprenions pas que vous n'appreniez pas qu'ils n'apprennent pas que je n'aie pas appris que tu n'aies pas appris qu'il n'ait pas appris que nous n'ayons pas appris que vous n'ayez pas appris qu'ils n'aient pas appris que je n'apprisse pas que tu n'apprisses pas qu'il n'apprĂźt pas que nous n'apprissions pas que vous n'apprissiez pas qu'ils n'apprissent pas que je n'eusse pas appris que tu n'eusses pas appris qu'il n'eĂ»t pas appris que nous n'eussions pas appris que vous n'eussiez pas appris qu'ils n'eussent pas appris Conditionnel je n'apprendrais pas tu n'apprendrais pas il n'apprendrait pas nous n'apprendrions pas vous n'apprendriez pas ils n'apprendraient pas je n'aurais pas appris tu n'aurais pas appris il n'aurait pas appris nous n'aurions pas appris vous n'auriez pas appris ils n'auraient pas appris ImpĂ©ratif n'apprends pas n'apprenons pas n'apprenez pas n'aie pas appris n'ayons pas appris n'ayez pas appris Infinitif PassĂ© ne pas avoir appris Participe PassĂ© appris n'ayant pas appris GĂ©rondif PrĂ©sent en n'apprenant pas PassĂ© en n'ayant pas appris Options du moteur de conjugaison Forme pronominale Choix de la voix Choix de l'auxiliaire Choix du genre Forme nĂ©gative Forme interrogative Couleurs RĂšgles de conjugaison Le verbe apprendre est du troisiĂšme groupe. Ce verbe est donc un verbe irrĂ©gulier qui ne suit pas les conjugaisons rĂ©guliĂšres du premier ou du second groupe. Le verbe apprendre est conjuguĂ© Ă  la forme nĂ©gative. Le placement de l'adverbe de nĂ©gation dĂ©pend des cas - L'adverbe ne » se place aprĂšs le pronom et avant le verbe. - Aux temps simples les mots de la nĂ©gation ne ...pas », ne...plus », ne...jamais », etc... entourent le verbe apprendre. - Aux temps composĂ©s ou Ă  la voix passive les mots de la nĂ©gation entourent l'auxiliaire. Verbe apprendre Le verbe apprendre est un verbe du 3Ăšme groupe. Il est trĂšs frĂ©quemment employĂ© en conjugaison. Le verbe apprendre possĂšde la conjugaison des verbes en -endre Le verbe apprendre se conjugue avec l'auxiliaire avoir. Le verbe apprendre est de type transitif direct. Le verbe apprendre peut se conjuguer Ă  la forme pronominale S'apprendre La voix passive peut ĂȘtre utilisĂ©e pour le verbe apprendre car celui-ci est de type transitif direct. Sommaire Conjugaison d'apprendre RĂšgles de conjugaison d'apprendre Conjugaison d'apprendre Ă  l'indicatif Conjugaison d'apprendre au subjonctif Conjugaison d'apprendre au conditionnel Conjugaison d'apprendre Ă  l'impĂ©ratif Synonymes d'apprendre DĂ©finition d'apprendre Apprendre Ă  toutes les formes Apprendre Ă  tous les temps Verbes de conjugaison similaire Verbes frĂ©quents en conjugaison Partagez cette conjugaison Synonymes du verbe apprendre Voici la liste des synonymes du verbe apprendre DĂ©finition du verbe apprendre APPRENDRE v. tr. AcquĂ©rir une connaissance. Apprendre une langue. Apprendre les mathĂ©matiques, la gĂ©ographie, la jurisprudence, etc. Apprendre Ă  lire, Ă  Ă©crire. Apprendre Ă  danser. J'ai appris par une longue expĂ©rience que... C'est un homme avec qui il y a toujours quelque chose Ă  apprendre. Il apprit l'art de la guerre sous ce grand capitaine. Apprendre les usages de la bonne sociĂ©tĂ©. Une science ne s'apprend point sans peine. Les usages de la sociĂ©tĂ© s'apprennent en frĂ©quentant le monde. Il signifie aussi Contracter une disposition, une habitude. Il apprit Ă  rĂ©gler ses passions. J'ai appris de vous Ă  modĂ©rer mes dĂ©sirs. N'apprendrez-vous jamais Ă  vous taire? J'ai appris Ă  mes dĂ©pens Ă  me dĂ©fier de signifie Ă©galement ConnaĂźtre par une information. Qu'est-ce que j'apprends? Quelle nouvelle avez-vous apprise? J'apprends que vous devez partir ce soir. Ils s'apprirent rĂ©ciproquement tout ce qu'ils avaient fait depuis leur sĂ©paration. Un malheur s'apprend plus vite qu'une bonne signifie encore Retenir dans sa mĂ©moire. Apprendre quelque chose par cƓur. Apprendre des vers, une leçon, un rĂŽle. Les vers s'apprennent plus facilement que la prose. Absolument, Il apprend bien; il refuse d' signifie aussi Enseigner, donner quelque connaissance Ă  une personne, faire savoir. C'est lui qui m'a appris ce que je sais. Le maĂźtre qui lui a appris le dessin. Il nous a appris de grandes nouvelles. On m'apprend qu'il se marie. Il y a des choses que l'usage seul apprend. La tradition nous apprend que... Cette mĂ©saventure lui apprendra Ă  ĂȘtre circonspect, Ă  se conduire avec prudence. Par menace, Je lui apprendrai bien Ă  vivre, je lui apprendrai bien son devoir, Je le rangerai Ă  son devoir. Je lui apprendrai Ă  parler, Je le forcerai de parler avec plus de convenance, de respect. Je vous apprendrai Ă  mentir, Je vous apprendrai ce qu'il en coĂ»te de C'est un homme mal appris, C'est un homme qui paraĂźt n'avoir point reçu d'Ă©ducation. Voyez MALAPPRIS. Tout ou partie de cette dĂ©finition est extrait du Dictionnaire de l'AcadĂ©mie française, huitiĂšme Ă©dition, 1932-1935 Verbes de conjugaison similaire Voici la liste complĂšte des verbes possĂ©dant une conjugaison identique au verbe apprendre Verbes frĂ©quents en conjugaison Voici la liste des verbes frĂ©quemment employĂ©s en conjugaison. Ces verbes sont gĂ©nĂ©ralement employĂ©s comme modĂšles de conjugaison Auxiliaires Verbes modĂšles du premier groupe Verbes modĂšles du deuxiĂšme groupe Verbes modĂšles du troisiĂšme groupe

Lessolutions pour la dĂ©finition APPREND À ÉCRIRE. pour des mots croisĂ©s ou mots flĂ©chĂ©s, ainsi que des synonymes existants. Accueil ‱Ajouter une dĂ©finition ‱Dictionnaire ‱CODYCROSS ‱Contact ‱Anagramme apprend Ă  Ă©crire. — Solutions pour Mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s. Recherche - Solution. Recherche - DĂ©finition. Rechercher Il y a 1 les rĂ©sultats correspondant Ă  votre

Atelier dirigĂ© autour d’un projet Atelier Ă©chelonnĂ© autour d’un projet Atelier d’exploration Atelier semi-dirigĂ© autour d’un bricolage Atelier Ă©chelonnĂ© dĂ©crochĂ© Atelier dirigĂ© crĂ©atif Atelier autour d’un projet numĂ©rique collectif Des caractĂ©ristiques croisĂ©es Bilan en carte heuristique 1. Atelier dirigĂ© autour d’un projet Atelier ? Un groupe d’enfants travaille Ă  une mĂȘme table ou dans le mĂȘme espace, gĂ©nĂ©ralement sur une activitĂ© similaire. DirigĂ© ? L’adulte encadre l’atelier soit parce qu’il souhaite conduire l’apprentissage, soit parce que les enfants ne peuvent gĂ©rer seuls les diffĂ©rentes Ă©tapes de l’activitĂ©. Projet ? La classe s’engage dans un projet de rĂ©alisation ou d’évĂ©nement dont l’atelier n’est gĂ©nĂ©ralement qu’une Ă©tape. Dans le meilleur des mondes pĂ©dagogiques, le projet est Ă  l’initiative des enfants. Dans la pratique, il est souvent initiĂ© par l’enseignant. C’est tout du moins ce qui se passe dans ma classe. Avec un projet, nous essayons de donner plus de sens aux apprentissages, plus d’engagement mais cela n’intĂ©resse pas forcĂ©ment tous les Ă©lĂšves, d’associer diffĂ©rents champs disciplinaires, d’amener progressivement les enfants Ă  identifier et programmer les diffĂ©rentes Ă©tapes nĂ©cessaires Ă  sa rĂ©alisation un volet dĂ©licat Ă  mener. Le projet permet de passer du faire » au concevoir » et d’aller vers plus d’émancipation. Exemple Le petit livre La famille clown » Un travail prĂ©paratoire a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© menĂ© en graphisme et en Ă©criture voir chapitre 2 et 3 . Nous sommes ici Ă  la derniĂšre Ă©tape du projet la rĂ©alisation des pages, qui prendra plusieurs sĂ©ances. L’enfant doit dessiner les cheveux du clown des boucles et Ă©crire le texte en capitale d’imprimerie ou en cursive, en fonction de ses compĂ©tences. Ceux qui ne sont pas encore prĂȘts Ă  Ă©crire la totalitĂ© d’un mot peuvent simplement coller des Ă©tiquettes dans l’ordre. L’enseignant Il encadre cet atelier parce que les diffĂ©rentes activitĂ©s d’illustration et d’écriture menĂ©es conjointement demandent une grande autonomie que beaucoup d’élĂšves ne possĂšdent pas encore. Les Ă©lĂšves Six enfants maximum sont accueillis Ă  cet atelier. Dans notre classe, ils s’inscrivent toutes sections confondues. GrĂące au groupe, au mĂ©lange des sections, ils partagent leurs trouvailles plastiques, Ă©changent, s’entraident et affinent leur expertise. Toutes les productions trouvent ici une place et chaque enfant part avec un petit livre singulier oĂč chaque clown a son propre style capillaire ! 2. Atelier Ă©chelonnĂ© autour d’un projet ÉchelonnĂ© ? DiffĂ©rents niveaux de difficultĂ©s sont proposĂ©s d’emblĂ©e aux Ă©lĂšves. Les enfants ne les explorent pas en fonction de leur section mais en fonction de leurs compĂ©tences. Comme ils s’inscrivent plusieurs fois Ă  un atelier inscription multiple, ils peuvent changer d’échelon si besoin pour ĂȘtre plus en accord avec leur compĂ©tence ou apprendre Ă  Ă©crire d’autres lettres, d’autres mots. Ce tĂątonnement pour trouver son bon niveau n’est pas une perte de temps. L’enfant en apprend beaucoup sur lui-mĂȘme et l’apprentissage. L’enseignant ne peut pas prĂ©-supposer le niveau d’un Ă©lĂšve Ă  l’avance vue la diversitĂ© des enfants, mĂȘme au sein d’une seule section. Exemple L’ atelier Ă©chelonnĂ© d’écriture Cet atelier s’inscrit dans le projet de production d’un petit livre A4 La famille clown ». On apprend Ă  Ă©crire des mots pour le lĂ©gender. DiffĂ©rents Ă©chelons sont proposĂ©s Niveau 1 Savoir Ă©crire quelques lettres en capitales d’imprimerie, celles des mots PAPA, MAMAN
 Niveau 2 Savoir Ă©crire les mots en capitales, en respectant l’horizontalitĂ© et l’orientation de gauche Ă  droite Niveau 3 Savoir Ă©crire des lettres cursives en respectant le sens des tracĂ©s, les points de dĂ©parts Niveau 4 Savoir Ă©crire des mots en cursive en respectant les liaisons. Au fur et Ă  mesure de sa progression, l’enfant note ses rĂ©ussites sur le brevet et visualise l’étape suivante. L’enseignant Il accompagne les enfants en fonction de leur niveau. Il est trĂšs prĂ©sent avec les plus jeunes pour l’apprentissage des tracĂ©s des lettres dans la farine puis sur la fiche d’AbĂ©cĂ©criture. Les plus experts travaillent en autonomie Ă  partir du brevet. Le mĂ©lange des sections permet d’ĂȘtre plus disponible pour ceux qui en ont le plus besoin, gĂ©nĂ©ralement les PS. Les enfants Six enfants maximum s’inscrivent Ă  cet atelier, toutes sections confondues. S’il y a beaucoup de PS, je rĂ©duis le nombre de places. Le systĂšme d’inscription souple le permet. GrĂące aux diffĂ©rents Ă©chelons, Ă  l’inscription multiple, tous les enfants trouvent matiĂšre Ă  progresser quel que soit leur niveau. 3. Atelier d’exploration Exploration ? Au sein de l’atelier, l’enfant explore le dispositif Ă  sa façon. Un large Ă©ventail de rĂ©ponses est possible. L’élĂšve essaie, observe, recommence, commente, analyse, Ă©change, collabore, innove et progresse en empruntant un chemin qui lui est propre. On se rapproche du tĂątonnement expĂ©rimental. Exemple L’atelier de graphisme Il s’agit de tracer des boucles sur les moutons. Une boucle ici, une autre lĂ , une suite de boucles, vers le haut, vers le bas, alignĂ©es, en Ă©toiles, petites, trĂšs grandes, rĂ©guliĂšres, alternĂ©es, parallĂšles, en changeant de couleur
 Un large Ă©ventail de graphismes est possible ! Il y a pour cette phase d’exploration de grandes surfaces de tableaux disponibles dans la classe, Ă  la verticale sur les murs ou Ă  l’horizontale sur une table. L’enseignant Il observe les enfants, aide ceux qui s’approprient plus difficilement le tracĂ©, encourage les initiatives et les dĂ©fis, relance avec des propositions d’exemples issus de la classe Ă  partir des nombreuses photographies prises dans la classe. Il organise si besoin les rotations sur les diffĂ©rents supports. Dans notre classe, ce n’est pas l’enseignant qui gĂšre cet atelier mais Nelly, notre fabuleuse ATSEM ! Les enfants Six enfants maximum s’inscrivent Ă  cet atelier, toutes sections confondues. Ils travaillent seuls ou collaborent avec une personne de leur choix. Ils peuvent s’inscrire plusieurs fois et ne s’en privent pas, pour amĂ©liorer leur performance, s’approprier les pistes d’un copain ou tout simplement pour le plaisir de bien faire. 4. Atelier semi-dirigĂ© autour d’un bricolage Bricolage ? L’école maternelle, dans l’imaginaire collectif, c’est LA fabrique Ă  objets ! Parents, enfants, enseignants, tout le monde se rĂ©jouit de ces bricoles rapportĂ©es Ă  la maison. À nous d’en faire, autant que possible, un temps d’apprentissages qui dĂ©passent la simple motricitĂ© fine. Semi-dirigĂ© ? L’enseignant n’intervient qu’à une Ă©tape de l’atelier, ici Ă  l’ouverture. Puis les enfants travaillent en autonomie ou avec l’ATSEM. Exemple Les pommes de pin de NoĂ«l Il s’agit pour les enfants de coller 4 boules blanches, 4 vertes et 4 rouges sur une pomme de pin. L’enseignant Il intervient Ă  l’ouverture de l’atelier. Comment rĂ©unir quatre boules de chaque couleur ? Nous faisons un inventaire des procĂ©dures connues du groupe comptage, organisation spatiale du 4, association avec 4 doigts
. Comment ĂȘtre sĂ»r qu’il y en a bien 4, mĂȘme si on ne sait pas compter ? Collection temoin, correspondance terme Ă  terme avec un dessin, un duplo de 4 picots
 Un dĂ©fi calcul pour les les GS et MS volontaires Ils reçoivent une barquette contenant 1 rouge, 2 verts, 3 blancs et doivent commander ce qui leur manque le complĂ©ment Ă  4 en le reprĂ©sentant dessin ou Ă©criture de la quantitĂ©. Les enfants Six enfants maximum s’inscrivent Ă  cet atelier, toutes sections confondues. Ils prĂ©parent leur matĂ©riel, vĂ©rifient la collection puis collent les boules avec du vernis colle pendant que l’enseignant quitte la table pour ouvrir un autre atelier un des avantages de l’ouverture progressive des ateliers. 5. Atelier Ă©chelonnĂ© dĂ©crochĂ© DĂ©crochĂ© ? Cet atelier ne s’inscrit dans aucun projet, il n’a aucun lien avec la vie de la classe. Mais il s’insĂšre dans une progression d’apprentissages qui Ă©volue au fil des mois, en fonction des besoins observĂ©s, des aventures de la classe, avec toujours les compĂ©tences de fin de cycle en ligne de mire. Exemple Atelier de tri et tableau Ă  double entrĂ©e Les enfants ont dĂ©jĂ  appris Ă  trier des formes gĂ©omĂ©triques simples au cours d’un atelier prĂ©alable. Il s’agit maintenant d’exercer un tri plus fin plus de formes et de nuances de couleurs pour remplir diffĂ©rents tableaux Niveau 1 un seul critĂšre de tri, forme ou couleur, pour renseigner un tableau Ă  colonnes ou rangĂ©es Niveau 2 deux critĂšres de tri, forme et couleur, pour renseigner un tableau Ă  double entrĂ©e. Niveau 3 Introduction de la nĂ©gation pas rouge/ pas rond pour complexifier la logique du tri S’il n’est pas vert, il peut ĂȘtre
 L’enseignant Il prĂ©sente les diffĂ©rents tableaux, accompagne les enfants dans leur recherche. Les enfants Six enfants maximum s’inscrivent Ă  cet atelier, toutes sections confondues. Ils notent leurs rĂ©ussites sur un brevet qui leur permet aussi de rĂ©guler leur travail qu’est-ce que je peux encore faire ? Est-ce que je peux tenter un niveau supĂ©rieur ? Comme ils s’inscrivent plusieurs fois, beaucoup Ă©voluent par rapport Ă  leur premiĂšre participation, trouvent le niveau qui leur permet de progresser en s’inspirant bien souvent des autres. 6. Atelier dirigĂ© crĂ©atif CrĂ©atif ? Au fil d’une progression ou au dĂ©tour d’une dĂ©couverte fortuite, les Ă©lĂšves sont amenĂ©s Ă  crĂ©er leur propre production. Aucune ne sera identique en dehors des copies » volontaires des incorrigibles copains-copines. C’est l’imagination, l’inspiration, les appropriations, les possibles plastiques et expressifs qui constituent le fil rouge de cet atelier. Cela ne signifie pas que l’enseignant n’intervient pas. Exemple Un bonhomme avec des chatons de bouleaux Un matin en rentrant de vacances, nous avons trouvĂ© plein de chatons de bouleaux dans la cour. Nous les avons ramassĂ©s ainsi que des brindilles. Toutes les semaines, nous rĂ©alisons un bonhomme en utilisant des techniques variĂ©es, pour reprĂ©senter diffĂ©rentes postures. La cueillette des chatons va s’insĂ©rer dans notre parcours nous allons rĂ©aliser une composition plastique personnelle pour reprĂ©senter un personnage. L’enseignant Il fixe d’abord le cadre. Avec ces chatons, chacun va essayer de fabriquer un bonhomme. Nous le photographierons. Si vous avez besoin d’aide ou d’autre matĂ©riel, demandez-moi ! » J’observe les enfants, je propose des enrichissements Ă  partir d’autres crĂ©ations, de matĂ©riel disponible lentilles, bĂątons, crayons
 et quand le sujet s’y prĂȘte, je prĂ©sente des oeuvres d’artistes. Je soutiens des enfants qui ont des difficultĂ©s motrices par exemple, je leur transmets des astuces, trouvailles en cas de dĂ©couragement. Il s’agit de les accompagner dans le processus de crĂ©ation en les laissant autant que possible en rester les acteurs. Une posture dĂ©licate Ă  tenir. Les enfants Cet atelier a Ă©tĂ© menĂ© en demi-classe avec des MS/GS. Les enfants ont pu profiter de l’ingĂ©niositĂ© des autres. Le fait de ne pas coller leur a permis de faire Ă©voluer leur bonhomme, de tester diffĂ©rents effets visuels. Cela a produit un bel engagement de chacun pour construire, modifier, enrichir, recommencer sa crĂ©ation et la publier sur notre compte Twitter ! 7. Atelier autour d’un projet numĂ©rique collectif Projet numĂ©rique ? Les tablettes rendent les productions multimĂ©dias accessibles l’oral trouve enfin sa feuille de papier. L’enfant s’y enregistre, s’écoute, amĂ©liore sa production orale avec l’aide de l’enseignant. Chaque enfant peut alors produire sa part d’un projet de classe. Collectif ? Dans les exemples prĂ©cĂ©dents, chaque enfant produit pour lui un objet, un livre
 Le projet peut aussi devenir collectif, ĂȘtre celui de toute la classe chaque enfant rĂ©alise des pages d’un livre commun, une partie d’un spectacle, arrose les plantations de tous
 Chaque Ă©lĂšve y trouve une place, quelles que soient ses compĂ©tences. Et l’autre n’est plus seulement celui qui arrache le camion rouge des mains, il peut ĂȘtre celui pour qui on arrose les radis, celui qui Ă©crit le texte d’une affiche quand on ne sait pas encore le faire
 Un exemple L’imagier des couleurs Retrouvez toutes les Ă©tapes de ce projet numĂ©rique sur cet article du blog. L’enseignant Il encadre cet atelier pour proposer, si besoin, des formulations orales enrichies, d’un niveau juste supĂ©rieur Ă  celle de l’enfant. Il invite chaque enfant Ă  participer et Ă  contrĂŽler sa parole. Il faut parler au moment voulu et se taire quand ce n’est pas son tour. Tout un apprentissage ! Les enfants En fonction de leur niveau de maitrise, ils s’enregistrent et s’écoutent en autonomie, s’approprient les propositions de l’enseignant pour un deuxiĂšme jet et se font discrets quand c’est le tour d’un autre. Ils valident leurs rĂ©ussites sur le brevet en fin d’atelier. 8. Des caractĂ©ristiques croisĂ©es Les catĂ©gories prĂ©sentĂ©es plus haut s’entrecroisent bien souvent. Un atelier revĂȘt beaucoup de ces caractĂ©ristiques. Exemple les radis On retrouve la dynamique du projet autour du jardinage, Ă  la fois collectif quand il s’agit d’entretenir le potager et individuel quand il s’agit de cueillir SON radis ! Le dessin d’observation, aussi riche soit-il, est presque dĂ©crochĂ© il nous permet de garder une trace de la cueillette, mais en a-t-on besoin pour enfin les dĂ©guster ? Il est semi-dirigĂ© les enfants poursuivent seuls la phase de dessin. Il y a une part d’exploration quand on cherche comment dessiner ce que l’on voit. Certains essaient au tableau d’abord, s’inspirent des autres. Il n’est pas Ă©chelonnĂ© parce qu’il n’y pas de diffĂ©renciation en amont. Le mĂȘme dĂ©fi est relevĂ© par tous dessiner un radis au plus prĂšs de ce que l’on voit. Mais chacun pourra apporter sa rĂ©ponse. Toutes les productions, aussi diffĂ©rentes les unes des autres, sont intĂ©grĂ©es, collĂ©es prĂ©cieusement dans le cahier d’élĂšve. Aucune n’est jugĂ©e. Point commun L’intĂ©gration de tous, dans l’esprit des cycles d’apprentissages, est au coeur de ces ateliers. Tous les ateliers prĂ©sentĂ©s ici, partagent ce point commun. À chaque fois, en arriĂšre plan se pose cette question Comment accueillir tous les parcours des enfants et leur permettre de progresser, quels que soient leurs pas, leur orientation, leur bagage, leur section. Une question dĂ©licate Ă  laquelle je ne trouve pas toujours de rĂ©ponse. 9. Bilan en carte heuristique Article mis Ă  jour le 1er octobre 2018 Effectivementavant mĂȘme de savoir parler lorsqu’on est enfant on apprend Ă  dĂ©velopper sa capacitĂ© d’écoute. GrĂące Ă  cet apprentissage nous dĂ©veloppons nos relations interpersonnelles et notre habiletĂ© sociale. Cela veut dire qu’avant mĂȘme d’ĂȘtre une qualitĂ© pour les autres (une capacitĂ© altruiste), cela nous sert Ă  nous mĂȘme. Ecouter c’est aussi important pour les Pourquoi apprendre Ă  Ă©crire alors que nous avons des claviers d’ordinateurs ou de tablettes avec correction orthographique ? De plus, l’écriture est souvent plus lente Ă  acquĂ©rir que la lecture ou le calcul. C’est long, il faut beaucoup pratiquer pour avoir une belle Ă©criture, et puis il y a l’orthographe, la grammaire
 Pourquoi s’embĂȘter avec tout cela ? A quoi ça sert, d’apprendre Ă  Ă©crire ? Ecrire, c’est quand mĂȘme mieux Ă  la main ! Eh bien non, je ne vous dirai pas que cela ne sert Ă  rien. Bien sĂ»r, on apprend la maĂźtrise de notre langue maternelle Ă  l’oral d’abord, mais l’écrit permet de peaufiner certains dĂ©tails qui peuvent nous Ă©chapper d’un premier abord. L’écrit permet de communiquer de diffĂ©rentes façons juste avec soi-mĂȘme, pour vider son esprit de ce que l’on ne doit pas oublier. L’exemple type est la liste de courses, qui une fois notĂ©e nous permet de bien penser Ă  Ă  distance que ce soit par lettre ou courriel, cela permet Ă  des personnes Ă  l’autre bout du monde de recevoir nos messages, sans souci du dĂ©calage horaire ou de dĂ©ranger, puisqu’elles liront leur lettre au moment oĂč elles sont le temps l’écrit permet d’avoir un temps plus long pour rĂ©flĂ©chir Ă  ce que l’on va dire et aux mots que l’on va utiliser pour le dire, des Ă©lĂ©ments essentiels qui font que le message sera diffĂ©rent de celui dĂ©livrĂ© Ă  l’ exhaustif on ne pourrait pas expliquer Ă  l’oral, dans une confĂ©rence par exemple, le contenu de tout un livre ! L’oral dure un certain temps, mais l’écrit reste, peut se relire, se complĂ©ter
 jusqu’à arriver Ă  une encyclopĂ©die. L’écrit transmet donc des savoirs, des histoires, qui peuvent ĂȘtre trĂšs longs et que l’on va lire en plusieurs fois, et qui peuvent aussi ĂȘtre trĂšs complets. Et puis, l’écrit permet aussi de composer des poĂšmes, des chansons, et d’accĂ©der Ă  la comprĂ©hension de blagues, jeux de mots, contrepĂšteries
 Se faire plaisir est l’un des Ă©lĂ©ments fondamentaux pour dĂ©velopper les apprentissages ! Comment alors apprendre Ă  Ă©crire avec plaisir ? Dessiner, Ă©crire
 tout peut se faire avec plaisir ! Pour avoir envie d’apprendre Ă  Ă©crire, on peut commencer par lire. Lire, lire et relire
 de tout. Que ce soit l’enfant qui lise seul, ou le parent qui fasse la lecture » plus l’enfant entend ce qui est Ă©crit, plus il fera la diffĂ©rence entre l’oral et l’écrit. Et plus il pourra avoir envie d’écrire
 De la notice de l’appareil photo aux poĂšmes de MallarmĂ©, en passant par Victor Hugo ou les romans de Chair de Poule, tout est bon Ă  lire, tant qu’on se fait plaisir ! Lire permet de se prĂ©parer Ă  l’écriture en lisant, nous mĂ©morisons inconsciemment l' »image » des mots, leur orthographe, et Ă©galement les tournures de phrases, du vocabulaire nouveau, l’organisation des idĂ©es dans un texte
 C’est une excellente prĂ©paration aux rĂ©dactions, et une grande aide pour comprendre la grammaire Ă©galement. Apprendre Ă  Ă©crire demande de maĂźtriser le geste d’écriture Bien sĂ»r, il faut tenir un crayon ! En dessinant, on entraĂźne sa main Ă  tenir un stylo, Ă  diriger ses gestes, Ă  acquĂ©rir de l’endurance. Écrire, c’est du sport ! On peut aussi s’entraĂźner Ă  partir de pĂąte Ă  modeler, d’argile, ou avec diverses activitĂ©s de motricitĂ© fine
 ll est souvent proposĂ© Ă  l’école maternelle de faire du graphisme, c’est Ă  dire des sĂ©ries de points, de cercles et autres formes gĂ©omĂ©triques, des rayures dans un sens ou dans l’autre, pour prĂ©parer sa main Ă  Ă©crire, et Ă  tracer dans le sens de l’écriture. C’est une bonne chose si l’enfant s’y intĂ©resse. Pour ceux qui n’y trouvent pas d’intĂ©rĂȘt, on peut aussi proposer des activitĂ©s comme nettoyer une table ou de la vaisselle, en formant des ronds avec l’éponge dans le sens de l’écriture des O. Ou bien aligner des objets en les rangeant de gauche Ă  droite, ou de haut en bas
 le sens de l’écriture peut s’acquĂ©rir aussi sans papier ni crayon ! Astuce anti-dĂ©couragement ! Pour avoir envie d’écrire, il faut avoir des choses Ă  raconter. Et au lieu de buter sur chaque phrase, on peut choisir de les dicter Ă  un adulte ! L’adulte peut noter l’histoire, puis la reprendre avec l’enfant, revoir avec lui certaines rĂ©pĂ©titions ou tournures de phrases, jusqu’à ce que le rĂ©sultat soit satisfaisant pour les deux. L’enfant se sent valorisĂ©, car mĂȘme s’il n’a pas tout Ă©crit de sa main, il s’agit de sa propre production tout de mĂȘme ! Il peut, s’il est motivĂ©, recopier ce que l’adulte a Ă©crit. Une belle façon d’apprendre Ă  Ă©crire, aussi bien le fond que la forme ! D’autres enfants vont spontanĂ©ment Ă©crire des histoires, mĂȘme sans orthographe. Ils sont satisfaits si l’adulte arrive Ă  les lire, et petit Ă  petit vont acquĂ©rir des notions de grammaire et d’orthographe qu’ils intĂ©greront dans leurs prochaines productions. Tout cela est possible bien sĂ»r s’ils ne se sentent pas jugĂ©s ou Ă©valuĂ©s on ne raconte pas la mĂȘme chose lorsqu’on est libre ou lorsqu’on nous impose un sujet qui sera source de jugement ! En rĂ©sumé  L’ecriture a quelque chose de trĂšs personnel. Pour apprendre Ă  Ă©crire, il faut que cela se fasse le plus naturellement possible. L’écriture dans ses dĂ©buts est une production personnelle, comme un dessin. A travers ses mots, ses phrases, l’enfant raconte ce qu’il a au fond de lui, ce qui lui tient Ă  cƓur, ce qu’il a envie d’exprimer, et il est satisfait de le faire. Bien sĂ»r, ses lettres ne sont pas bien formĂ©es ». Bien sĂ»r, il y a des fautes. Bien sĂ»r, cela pourrait ĂȘtre mieux dit. Mais est-ce lĂ  l’important ? Si on arrive Ă  conserver chez l’enfant ce dĂ©sir de raconter, ce dĂ©sir de laisser une trace, alors l’orthographe et la grammaire ne seront que des petites marches pour atteindre tranquillement un niveau d’écriture correct
 voire meilleur que la moyenne, car la curiositĂ© et le dĂ©sir d’apprendre auront Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s ! DĂ©couvrez ici Les secrets d’une bonne Ă©criture », ma sĂ©rie de 4 vidĂ©os pour aider votre enfant Ă  Ă©crire 
 sans papier ni stylo ! Racontez-moi, comment vous, vous avez appris Ă  Ă©crire ? Etpourtant il est essentiel de dire non Ă  un client qui fait appel Ă  tes services si tu sais, tu sens que sa demande ne te met pas en joie. Parce que tu vas faire le job c'est sĂ»r. Et comme c'est dans ton champs de compĂ©tences techniques et que tu veux que ton client soit satisfait, il sera tellement content qu'il te ramĂšnera d'autres clients qui ont le mĂȘme profil :)
1AprĂšs avoir acceptĂ© la proposition qui m’était faite d’intervenir sur les troubles du langage chez l’enfant, j’ai Ă©prouvĂ© un sentiment Ă©trange et assez ambivalent Ă  penser que j’allais parler d’un sujet qui se trouve plutĂŽt hors champ » quant Ă  ma pratique et mon approche cliniques. Je n’étais mĂȘme pas sĂ»re de pouvoir donner une dĂ©finition prĂ©cise concernant, par exemple, la dyslexie, et la mesure de mon ignorance dans ce domaine m’a quelque peu, mais momentanĂ©ment, troublĂ©e. 2TraversĂ©e moi aussi par l’air du temps, je me suis saisie de ce signifiant Ă  portĂ©e de main, celui de dyslexie, autour duquel j’ai articulĂ© ma rĂ©flexion. Ce diagnostic est un motif frĂ©quent de consultation dans le cmp Centre mĂ©dico-psychologique dans lequel je travaille et si je m’exclus d’un savoir spĂ©cifique sur ce trouble particulier du langage, en revanche la plainte et la souffrance psychique de l’enfant et/ou des parents, et la demande d’aide qu’ils formulent, sont pleinement mon affaire de psychologue clinicienne. 3Ces derniĂšres annĂ©es, nous avons pu faire plusieurs constats nous avons eu la vague des enfants qualifiĂ©s d’hyperactifs. De nombreuses demandes de consultation concernaient des enfants dont l’agitation motrice, associĂ©e Ă  un manque d’attention, venait troubler le cours des apprentissages scolaires. Puis, plus rĂ©cemment, la dĂ©ferlante des dys », dyscalculie, dysorthographie, et bien sĂ»r en tĂȘte, la dyslexie. L’ Ă©pidĂ©mie » de dyslexie recouvre des rĂ©alitĂ©s pourtant bien diffĂ©rentes. Mais la dyslexie en tant que symptĂŽme prĂȘt-Ă -porter » est talonnĂ©e de prĂšs par les enfants intellectuellement prĂ©coces. PrĂ©cocitĂ© d’ailleurs Ă©levĂ©e Ă©galement, et paradoxalement, au rang de symptĂŽme, en ce qu’elle barre l’accĂšs aux apprentissages scolaires pour cause d’ennui et de dĂ©motivation. 4On peut repĂ©rer, me semble-t-il, des points communs Ă  ces symptĂŽmes un peu vite attrapĂ©s. 5Tout d’abord, que la demande de consultation provienne de l’école ou des parents, elle est en lien direct avec les apprentissages scolaires. En second lieu, bien souvent, le diagnostic prĂ©cĂšde la consultation, qu’il ait Ă©tĂ© spĂ©cifiquement posĂ© par un orthophoniste ou un neurologue en libĂ©ral, ou encore, plus abusivement, par un enseignant, ou que ce signifiant ait Ă©tĂ© saisi au vol par les parents comme pouvant peut-ĂȘtre expliquer les difficultĂ©s de leur s’agit donc pour nous de considĂ©rer qu’il s’agit d’un symptĂŽme au sens psychanalytique du terme, c’est-Ă -dire porteur de sens, de lui faire une place en tant qu’il est pris dans l’histoire du sujet. C’est une question de perspective oĂč nous tentons de dĂ©placer la plainte liĂ©e au scolaire et de l’articuler Ă  la problĂ©matique du sujet. 7Le symptĂŽme, c’est du particulier, il est Ă  considĂ©rer comme l’expression de l’inconscient, d’un conflit psychique inconscient. Par opposition au prĂȘt-Ă -porter » que j’évoquais tout Ă  l’heure, c’est plutĂŽt de la haute couture, c’est unique et au plus prĂšs de ce qu’est le sujet et qui Ă©chappe Ă  sa connaissance – le sens lui reste Ă©tranger. 8Le symptĂŽme est une formation de compromis et, selon une formule que j’affectionne, il est invalidant mais confortable » ; autrement dit, il entraĂźne avec lui des bĂ©nĂ©fices secondaires, rĂ©sistance supplĂ©mentaire Ă  sa modification, son dĂ©placement ou sa trois annĂ©es de rééducation orthophonique pour une dyslexie diagnostiquĂ©e au cp – travail qui s’est rĂ©vĂ©lĂ© peu fructueux et a peu Ă  peu Ă©puisĂ© la motivation de Yan –, ses parents demandent une consultation au cmp sur l’insistance de la psychologue scolaire. Des bilans ont rĂ©vĂ©lĂ© des difficultĂ©s Ă  organiser l’espace et le temps, et un problĂšme de mĂ©moire. 10Je n’ai pas participĂ© Ă  cette consultation, qui a dĂ©bouchĂ© dans un premier temps sur une proposition de prise en charge dans un groupe animĂ© par l’éducateur et l’orthophoniste de l’équipe, travaillant des sĂ©quences rythmĂ©es avec des percussions. C’est seulement l’annĂ©e suivante que je rencontre Yan et que nous proposons Ă  la famille de dĂ©buter un travail psychothĂ©rapique avec leur fils, en complĂ©ment de l’atelier thĂ©rapeutique. 11Yan a 9 ans quand je le rencontre, il s’exprime avec une certaine aisance et me dit qu’il a du mal Ă  lire et Ă  mĂ©moriser, relayant ainsi la plainte des parents et les inquiĂ©tudes de la psychologue scolaire. Il se dĂ©finit plutĂŽt par la nĂ©gative, en avançant son manque de curiositĂ© en gĂ©nĂ©ral et, en particulier, en ce qui concerne les affaires des autres, dont il n’aime pas se mĂȘler. II se dit assez sage, trop sage peut-ĂȘtre, car il ne sait pas se dĂ©tendre. Ce qui frappe d’emblĂ©e chez ce garçon, c’est sa prĂ©sentation irrĂ©prochable, coiffĂ©, peignĂ©, brossĂ©, il est nickel » ! Cela ne variera pas au cours des deux annĂ©es de notre travail. 12Yan veut ĂȘtre remarquĂ© », c’est-Ă -dire sĂ©lectionnĂ© d’ores et dĂ©jĂ  par un entraĂźneur pour intĂ©grer un centre de formation qui fera de lui le prochain grand footballeur français, et selon son expression la star des projecteurs ». 13Yan est captĂ©, captivĂ© par sa propre image. Les individus et lui-mĂȘme se dĂ©finissent par l’image un jour, il me parle de ces nuls d’intellectuels auxquels il ne veut pas ressembler et quand je lui demande ce qu’est pour lui un intellectuel, il me rĂ©pond C’est un mec avec des lunettes, des bretelles et un pantalon qui lui arrive sous les bras
 ». 14Yan ne manque de rien
 Le dĂ©sir est constamment comblĂ© par des objets, objets qui viennent rĂ©compenser son travail scolaire, la Wifi, le tĂ©lĂ©phone portable et autres mp3 ou 4, une chevaliĂšre et une gourmette en argent. Le dernier trimestre ayant Ă©tĂ© acceptable, son pĂšre lui a achetĂ© un iPhone. Yan me dit Ça me plaĂźt, bien sĂ»r, mais je ne le voulais pas Ă  la minute
 » 15Yan a du mal Ă  associer et sa pensĂ©e reste pauvre. La polysĂ©mie du langage ne semble pas pouvoir produire d’autres images mentales, d’autres reprĂ©sentations, et souvent le mot fait dĂ©faut, il ne vient pas. Cela se produit frĂ©quemment pour des noms propres, des noms de joueurs de foot par exemple, qu’il connaĂźt pourtant trĂšs bien
 ils lui Ă©chappent. Quand la pensĂ©e se dĂ©robe, Yan a recours Ă  l’action, au geste. Alors il se lĂšve et me mime des reprises de volĂ©e ou des coups de pied retournĂ©s et les buts magnifiques qu’il a marquĂ©s
 16Yan est lisse, trĂšs lisse, propre comme un sou neuf, conforme, d’humeur toujours Ă©gale et plutĂŽt content de lui. Devant la difficultĂ© d’intĂ©grer les motions pulsionnelles agressives et ainsi d’accĂ©der Ă  une certaine ambivalence, Yan a plutĂŽt recours Ă  des mĂ©canismes dĂ©fensifs du type clivage. Son monde est rĂ©parti en gentils d’un cĂŽtĂ© et mĂ©chants de l’autre, beaux et laids, forts et faibles, lui mĂȘme est alternativement complĂštement nul ou la star des projecteurs ». 17Au cours du travail thĂ©rapeutique, une temporalitĂ© s’installe peu Ă  peu, l’immuable de l’image vacille et dans cette faille se glissent le doute et l’incertitude. Yan fait l’expĂ©rience en pensĂ©e qu’il peut venir Ă  manquer ne pas ĂȘtre ce grand footballeur qu’il Ă©tait si certain de devenir et si cela suscite de l’angoisse absente depuis le dĂ©but de notre travail, l’ébauche d’une demande pour lui-mĂȘme crĂ©e du dĂ©sir, et notamment le dĂ©sir de neurobiologique18L’approche neurobiologique des troubles du langage qualifie le symptĂŽme en termes de dĂ©ficit. Il s’agit, comme nous le dit Stanislas Dehaene, d’un dĂ©faut de manipulation mentale » d’une anomalie », le lobe temporal est dĂ©sorganisĂ©, sa connectivitĂ© est altĂ©rĂ©e ». 19Cette approche prend appui sur un courant cognitivo-fonctionnaliste en trĂšs grande progression en France, qui conçoit la vie mentale comme un ensemble de fonctions dont le langage fait partie, fonctions pouvant alors se dĂ©sorganiser et s’altĂ©rer. On parlera donc de dysfonctionnement. La dimension gĂ©nĂ©tique est, de plus, souvent prĂ©sente quand les dysfonctionnements trouvent leur cause dans une anomalie gĂ©nĂ©tique qui affecte la mise en place des neurones du cortex temporal au cours de la grossesse » idem. 20Un symptĂŽme qui touche Ă  ce qu’il y a de plus humain chez l’Homme, Ă  savoir le langage, ne peut, nous semble-t-il, rester hors sens, au-delĂ  mĂȘme des polĂ©miques sur son Ă©ventuelle cause organique. 21Le langage est dans un rapport Ă©troit avec l’apprentissage on apprend Ă  parler, on apprend Ă  lire, Ă  Ă©crire, et pour apprendre, on est bien obligĂ© d’en passer par l’autre. Le fait d’apprendre met donc l’enfant face Ă  une double dialectique il le place dans son rapport au monde et aux autres, et Ă©galement dans son rapport au savoir, savoir qui, dans un premier temps, est celui de l’autre parents, enseignants
. 22ConsidĂ©rer les troubles du langage comme un symptĂŽme organique a pour effet de faire taire l’enfant sur ce qui le prĂ©occupe et cela permet de faire l’économie de questionner le a 7 ans, il est en ce1, qu’il redouble, et devant le peu de progrĂšs effectuĂ©s grĂące Ă  ce maintien et la mise en place, Ă  l’initiative des parents, d’une rééducation en orthophonie et en psychomotricitĂ©, la famille vient consulter au cmp. La demande est motivĂ©e essentiellement par l’idĂ©e de trouver ici un guichet unique », nous dit le pĂšre de Pierre, car les quatre sĂ©ances de rééducation en des lieux diffĂ©rents pĂšsent beaucoup sur la vie de famille. 24Les trois premiĂšres annĂ©es de sa vie, Pierre les passe en Guyane, oĂč son pĂšre a Ă©tĂ© mutĂ© tout de suite aprĂšs la naissance de son fils. Ce sont des annĂ©es trĂšs heureuses pour les parents, qui y mĂšnent une vie trĂšs active, avec beaucoup d’amis et de loisirs. Pierre s’y Ă©panouit, il apprend Ă  nager et surtout y dĂ©bute une scolaritĂ© petite section. De retour en France, il intĂšgre une moyenne section et, d’emblĂ©e, des relations conflictuelles s’instaurent entre les parents et l’école sur fond de dĂ©sintĂ©rĂȘt portĂ© par les enseignants Ă  l’égard de leur fils pas d’évaluation mise en place, pas d’aide apportĂ©e, etc. Le manque de rĂ©activitĂ© de l’école devant des difficultĂ©s qui pourraient devenir des troubles pousse les parents Ă  prendre les choses en main et Ă  organiser la prise en charge dont leur fils a besoin. Les bilans orthophoniques confirment leurs inquiĂ©tudes en diagnostiquant une dyslexie. 25La mĂšre de Pierre est trĂšs affectĂ©e, elle est identifiĂ©e Ă  son fils – prĂ©sentant elle-mĂȘme une dyslexie dont elle a beaucoup souffert du fait de l’absence de soutien et de prise en compte de son problĂšme – et se trouve Ă  la fois prise dans un mouvement agressif envers lui, tant il gĂ©nĂšre une tension dans la famille en raison de son inertie il plombe l’ambiance », il a le regard Ă©teint, ça nous casse ». 26La maĂźtresse dĂ©crit un enfant passif, le plus souvent absent, il est ailleurs, dans ses pensĂ©es, baille, s’étire. Pierre ne manifeste aucune anxiĂ©tĂ© Ă  l’école, il est content, ce qui a pour consĂ©quence d’exaspĂ©rer ses parents. La passivitĂ© de leur fils est insupportable pour eux, et plus il est passif, plus eux s’agitent. Le pĂšre dit Quand on s’adresse Ă  lui, il se tĂ©tanise. » 27Au cours du premier entretien, le pĂšre de Pierre est omniprĂ©sent, il rĂ©pond Ă  toutes les questions, mĂȘme Ă  celles qui ne lui sont pas adressĂ©es, et quand nous parlons Ă  Pierre, qui effectivement reste un peu figĂ© et tarde Ă  nous rĂ©pondre, son pĂšre intervient immĂ©diatement pour l’aider Ă  trouver ce qui serait une bonne rĂ©ponse » 28 Mais si, tu te souviens
 on est allĂ©s Ă  la ?, Ă  la ?
, Ă  la p
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 29– À la plage ! rĂ©pond Pierre. 30– Mais non, Ă  la piscine. » 31Le temps de latence est visiblement trop long, l’attente est impossible, ce qui se prĂ©sente comme un trou, une place vide, un manque, est immĂ©diatement comblĂ©. La demande est trop pressante pour Pierre, qui se tĂ©tanise » pour reprendre les mots de son pĂšre. 32Nous proposons de poursuivre la consultation et d’étaler nos rendez-vous dans le temps pour prĂ©server les prises en charge orthophonique et en psychomotricitĂ©, engagĂ©es en libĂ©ral. Cette attention portĂ©e au travail dĂ©jĂ  en cours nous a conduits Ă  ne pas rĂ©pondre trop vite Ă  leur demande de guichet unique ». Notre temps de latence est lui aussi trop long et c’est finalement sur Internet qu’ils trouveront une rĂ©ponse qui semble jusqu’à aujourd’hui leur convenir. Ils consulteront Ă  Paris, dans un tout nouveau centre qui vient d’ouvrir ses portes il s’appelle Prodys et je cite la prĂ©sentation du centre sur son site Internet propose une dĂ©marche innovante. Dans un mĂȘme lieu, les compĂ©tences sont rĂ©unies pour permettre un dĂ©pistage, un diagnostic et une prise en charge du sdp Syndrome de dĂ©ficience posturale cause de nombreux cas de dyslexie ». 33Nous gardons contact avec Pierre et ses parents, et leur demandons de revenir nous voir aprĂšs la consultation parisienne, ce qu’il font. 34Pierre porte dĂ©sormais des lunettes Ă  prisme, des semelles proprioceptives, il ne se sĂ©pare plus de son pupitre Ă  l’école comme Ă  la maison, et doit effectuer tous les jours des exercices de reprogrammation posturale sous la forme d’exercices respiratoires. Les parents sont manifestement trĂšs satisfaits de l’accueil qu’ils ont eu Ă  Prodys, dont l’approche de la dyslexie semble apporter les rĂ©ponses qu’ils attendent depuis si longtemps. 35Le pĂšre de Pierre ne parle plus Ă  la place de son fils, maintenant il dit on » on » nous a mis des lunettes Ă  prisme, on » va faire des progrĂšs, c’est sĂ»r
 L’indiffĂ©-renciation est encore plus grande et le chemin vers la subjectivation peut-ĂȘtre encore un peu plus compromis. 36II me semble que nous avons pu entendre la souffrance des parents et respecter leur choix, mais nous n’avons pas pu entendre Pierre, qui, malgrĂ© nos efforts, est restĂ© silencieux sur ce qui l’affecte. C’est un regret
Conclusion37Je ne voudrais pas laisser croire, Ă  travers ces exemples cliniques, que l’approche psychanalytique nie le corps ou qu’elle le maintient clivĂ© de l’esprit. Il me semble, au contraire, que l’un ne va pas sans l’autre, qu’au-delĂ  de tout dĂ©terminisme gĂ©nĂ©tique, on ne peut faire l’impasse sur la psychĂ©. Il est vrai pourtant que la tentation est forte, qu’il est difficile de renoncer au vieux rĂȘve d’un homme prĂ©visible, mallĂ©able, repĂ©rable et mĂȘme rĂ©parable, dĂ©douanĂ© de toute prise de position subjective, qui dirait Ce n’est pas de ma faute, ce sont mes gĂšnes ou ma programmation neuronale. » 38Je finirai en citant GĂ©rard Pommier, psychanalyste d’orientation lacanienne qui s’est beaucoup intĂ©ressĂ© au lien entre les neurosciences et la psychanalyse Le bagage gĂ©nĂ©tique de l’ĂȘtre humain ne rĂ©alise ses potentialitĂ©s qu’à la condition de la subjectivation par le langage. Le langage est la clĂ© de la subjectivation, qui est elle-mĂȘme la condition de tous les autres apprentissages. » Notes [1] Ce texte reprend pour partie une intervention effectuĂ©e sur le thĂšme Les troubles du langage chez l’enfant du point de vue de la pĂ©dopsychiatrie », lors d’une journĂ©e organisĂ©e par l’Association dĂ©partementale pour la prĂ©vention en orthophonie adpo, en mars 2008.
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Ce que vous allez apprendre dans cet article Quelles sont les rĂ©pé­ti­tions malvenuesPourquoi vou­loir les chasser5 outils logiciels Les rĂ©pé­ti­tions sont une des bĂȘtes noires de l’é­cri­vain. Voici quelques outils logi­ciels pour vous aider Ă  les chas­ser lors de vos sĂ©ances de cor­rec­tion de texte. On vous l’a dit, rĂ©itĂ©rĂ© et redit, et pour­tant vous en met­tez encore dans tous vos manus­crits des rĂ©pé­ti­tions. La rĂ©pé­ti­tion, incon­grue comme un pet au beau milieu du Lac des Cygnes, est sou­vent invo­lon­taire et dĂ©sa­grĂ©able. Elle a le don de dis­si­per illico toute illu­sion roma­nesque. Ne lais­sez pas Ă  votre Ă©ven­tuel Ă©di­teur le tra­vail de toi­let­tage du livre !Typologie, et petite revue de l’arsenal rĂ©pressif. RĂ©pĂ©tez, rĂ©pĂ©tez, il en restera toujours quelque chose, quelque chose
 les rĂ©pé­ti­tions de pre­mier jet » vous en ferez sĂ»re­ment. Le phé­no­mĂšne se pro­duit lorsque vous Ă©cri­vez, que ça vient bien », et que vous n’avez pas le temps de vous attar­der Ă  des brou­tilles comme le choix d’un mot. Il se ren­contre sou­vent dans la dĂ©si­gna­tion d’un per­son­nage on ne peut pas tous les appe­ler tout le temps par leur pré­nom, n’est-ce pas ? Mais l’homme » ou la jeune femme » finissent eux aussi, Ă  la longue, par s’ tour­nures favo­rites on peut les rap­pro­cher des dar­lings », tels que thĂ©o­ri­sĂ©s par cette chĂšre Syven. Il s’agit de tour­nures qu’on adore et qu’on met Ă  toutes les sauces. Par exemple, tiens, chez moi
 Eh bien trou­vez-les ! RepĂ©rez les tour­nures que moi-mĂȘme, je vous res­sers sans arrĂȘt ! Combien de fois je te l’ai dit, Jean-Edern ? » la pau­vretĂ© de lan­gage lĂ , il s’agit sou­vent d’une pos­ture. Vous recher­chez le style dĂ©pouillĂ©, simple. Mais le dĂ©pouille­ment n’est pas la pau­vretĂ©. On peut ĂȘtre simple sans indi­gence. N’excusez jamais une rĂ©pé­ti­tion sous pré­texte d’idĂ©ologie lit­té­raire. Le lec­teur lambda, lui, ne vous excu­sera asso­nances Pas de pitiĂ© ! ! ! La langue fran­çaise offre des sono­ri­tĂ©s extrĂȘ­me­ment variĂ©es. Un de ceux qui l’ont le mieux com­pris, d’aprĂšs moi, est Charles Baudelaire BientĂŽt nous plon­ge­rons dans les froides tĂ©nĂšbres ;Adieu, vive clartĂ© de nos Ă©tĂ©s trop courts !J’entends dĂ©jĂ  tom­ber avec des chocs funĂšbresLe bois reten­tis­sant sur le pavĂ© des cours. Cet art de la varia­tion des sono­ri­tĂ©s est abso­lu­ment magistral. HĂ©las, la langue a aussi ses fai­blesses. Il est, notam­ment, trĂšs facile de mul­ti­plier les asso­nances en Ă© ». Le jeune auteur qui vient de finir un texte et, le reli­sant, relĂšve des lita­nies de â€œĂ©â€, se sent gon­flĂ© de fiertĂ© il a fait de la poé­sie sans le savoir. Sauf qu’il ne s’agit pas en l’occurrence de poé­sie, mais d’incontinence, et que l’on ne fait jamais de poé­sie sans le savoir. [1] D’autres rĂ©pé­ti­tions lin­guis­tiques » sont Ă  ban­nir en fran­çais, et entre autres les com­po­sĂ©s de faire », pas­ser », dire »  ; les adverbes en ‑ment » ; les sub­stan­tifs en ‑tion » ; les com­po­sĂ©s de jour » etc
 Mais com­ment faire la chasse, dans son pro­jet de livre, Ă  ces mau­dites redondances ? Word ou autre trai­te­ment de texte il s’agit de l’outil le plus immé­diat. Vous ĂȘtes sous Word. Vous Ă©cri­vez en rythme de croi­siĂšre, ou vous reli­sez, pĂ©pĂšre, un texte bien mĂ»r, qui date d’une semaine ou deux. Et lĂ , hor­reur et putré­fac­tion ! VoilĂ  une tour­nure qui vous a un air de dĂ©jĂ -vu ! La rĂ©ac­tion est simple sĂ©lec­tion­nez le texte incri­minĂ©, CTRL C copier, CTRL F ouvrir l’outil de recherche, CTRL V col­ler dans le champ de recherche, et en avant ! Word saura vous trou­ver la redite oĂč qu’elle se cache ; atten­tion, soyez pré­cis si vous recher­chez un verbe rĂ©pĂ©tĂ©, n’entrez que les carac­tĂšres dont vous ĂȘtes sĂ»r racine verbale.Repetition Detector ce logi­ciel de dĂ©tec­tion trĂšs sympa et free­ware exa­mine votre texte et place en sur­brillance les jeux de rĂ©pé­ti­tions. Vous pou­vez confi­gu­rer sa “sen­si­bi­litĂ©â€. Il repĂšre aussi les dĂ©cli­nai­sons d’un mĂȘme mot. Attention, nour­ris­sez-le avec du fichier txt. Lorsque je l’ai testĂ©, sa mĂ©moire Ă©tait limi­tĂ©e, il fal­lait donc sau­cis­son­ner les textes les plus gros. Il paraĂźt que ce dĂ©faut a Ă©tĂ© article Ă  la mou­li­nette hor­mis les pré­sents rĂ©sul­tats ! les mots les plus cou­rants sont “texte” 6, “langue” 6, “rĂ©pé­ti­tions” 5, “peut” 5, “tour­nures” 4, “mots” 4, “page” 3. Pour cer­tains, la fré­quence s’explique par le thĂšme de l’article. Pour d’autres, comme la rĂ©cur­rence du verbe “pou­voir”, elle est plus gĂȘnante. Un indice de tic d’écriture, peut-ĂȘtre ?le RĂ©pĂ©toscope Un outil en ligne pour une vĂ©ri­fi­ca­tion limi­tĂ©e Ă  20 000 carac­tĂšres. La page du rĂ©pé­to­scope sur une trĂšs bonne ini­tia­tive, qui vous donne tout un tas de sta­tis­tiques sur votre texte, en plus des mots les plus fré­quents. DestinĂ© aux web­mas­ters, il pourra vous rendre des ser­vices Ă  vous aussi, Ă©cri­vain. Petit doute, est-il aussi effi­cace avec la langue fran­çaise qu’avec la langue anglaise ? Trouver article Ă  la mou­li­nette hor­mis les pré­sents rĂ©sul­tats ! 336 mots dif­fé­rents sur 416, soit un fac­teur de com­plexitĂ© de 80,8 % ? ; indice de lisi­bi­litĂ© 5,9 Ă©chelle 6 facile, 20 dif­fi­cile Waouh ! ; autre indice de lisi­bi­litĂ© 60,5 100 facile, 20 dif­fi­cile, opti­mal 60–70 Youpi ! ! ; mots les plus fré­quents “langue” 6, “texte” 6, “rĂ©pé­ti­tions” 5, “tour­nures” 4, “agit” 4, “mots” 4, “poé­sie” 3 on constate que le tiercĂ© n’est pas le mĂȘme que plus haut, ce que je trouve assez gĂȘnant ; la solu­tion est donc dans la com­bi­nai­son des outilsla mĂ©thode du doc­teur Logue. Évidemment, elle nĂ©ces­site une grande piĂšce dĂ©pour­vue de meubles. Mais si vous la sui­vez avec sĂ©rieux, elle vous conduira aux plus hautes destinĂ©es Le phé­no­mĂšne de la rĂ©pé­ti­tion nous en apprend beau­coup sur nous-mĂȘmes et sur notre langue. Cette langue, qui peut ĂȘtre somp­tueu­se­ment employĂ©e par les Ă©cri­vains, ne saura que vous conduire Ă  la pla­ti­tude si vous ne la contrέlez pas. Et quant Ă  vos tour­nures favo­rites, Ă  vos mots-fĂ©tiches, ceux que vous res­ser­vez Ă  votre lec­teur en toute occa­sion, tra­quez-les, flan­quez-les Ă  la cor­beille, mais regar­dez-les en face, aussi ces mots, ce sont de petites obses­sions. Pourquoi eux ? Pourquoi vous ? L’écriture nous en apprend avant tout sur nous-mĂȘmes. Ne refu­sez pas ces miettes de connaissance. Et toi, obs­tinĂ© inter­naute, oĂč en es-tu avec les rĂ©pĂ©titions ? [1] Dans la piĂšce de MoliĂšre que tout le monde prend tou­jours Ă  tĂ©moin, cette for­mule, vous faites ceci cela sans le savoir » est, on l’oublie un peu, de la pure flatterie.

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  • apprend a ecrire ou apprend a te taire